Cœur de Glace [Revient très b...

By NyxMiller_

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~ L'appel de la Lune ~ Avoir le cul entre deux chaises, c'est quelque chose de peu agréable. Pourtant, c'est... More

[Avant-Propos]
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| Lexique & Explications |
| Chapitre 1 |
| Chapitre 2 |
| Chapitre 3 |
| Chapitre 4 |
| Chapitre 6 |
| Chapitre 7 |
| Chapitre 8 |
| Chapitre 9 |
| Chapitre 10 |
| Mot de fin de l'autrice |
| Serveur Discord + Bonus |

| Chapitre 5 |

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By NyxMiller_

La douleur explose en moi comme un million de pop-corn au micro-onde peu après que ma tête ait rencontré un joli tronc d'arbre où j'ai pu voir une centaine d'étoiles multicolores. Un liquide chaud s'écoule lentement de ma tempe, à l'endroit même où cette saleté de lieutenant m'a cogné. Je me laisse retomber sur le dos dans une grimace peu séduisante et apporte des doigts tremblants à ma blessure. Celle-ci accentue inévitablement ma migraine et réveille méchamment mon mal-être, pourtant calme et sage depuis quelques heures. Mon dos, mécontent, me brûle par la roulade d'amateur réalisée par mes propres soins - et mon agresseur.

Décidément, le métier d'acrobate n'est pas fait pour moi.

Le souffle saccadé aussi bien causé par la course effrénée que je viens de vivre que par le violent coup porté à mon encontre, je peine à rendre ma respiration stable ainsi que les battements affolés de mon cœur par cette brusque intervention. Merde, j'étais à deux doigts de réussir ! Et ça me fout la haine, surtout envers moi-même. Pourrais-je savoir où est passé ma putain de bonne étoile quand j'ai besoin d'elle, hm ? Ah oui, pardon, c'est vrai : je n'en ai pas. J'oublie ce minuscule petit détail un peu trop souvent à mon goût.

Je tourne mon visage vers la voiture et, impuissant, je la regarde partir en trombe pour fuir la bête noire. Sans moi à l'intérieur, évidemment. Crispé et les muscles paralysés d'épuisement, je ne peux qu'observer la panthère venir à moi, le pas lent et félin. Ses iris émeraude me toisent d'un air mauvais et ses babines se retroussent sur des crocs saillants dans un grognement sourd à peine ai-je le malheur de bouger un petit doigt.

Je déglutis avec peine et n'esquisse plus un geste de peur de finir en viande hachée sous les griffes acérées de l'animal. Afin de m'empêcher de fuir, comme si je pouvais le faire, il dépose sa patte contre mon torse sur lequel il s'appuie. Sa tête velue s'approche alors de la mienne que je détourne aussitôt à son opposé, les yeux clos et le visage crispé. Plus que jamais, mon corps a conscience du danger et ne me laisse plus la possibilité de fuir cette réalité. C'est tout bonnement impossible, pas avec la peur que je sens prendre de plus en plus de place. Je ne suis pas encore assez fou pour conserver un air détendu.

Voyons le bon côté des choses : je ne suis pas mort chez les ours, je ne vais pas non plus mourir comme convenu chez les tarés de la forêt et je ne servirais pas d'apprenti espion à mon géniteur. Non, au final, mon destin tragique aura jeté son dévolu sur une bête noire terrifiante. Il faut croire que je ne pourrais même pas savourer ma bière fraîche à la Nouvelle-Orléans, plongé au beau milieu du bayou, en compagnie de Carl. En toute sécurité, pour la toute première fois de ma vie. Tout comme je n'ai pas pu goûter au plaisir de la chair une dernière fois. Un au revoir de qualité pour un long, très long voyage.

Je n'ai plus qu'à espérer qu'au paradis, ce sera open bar.

Et que ce n'est pas trop péché de s'envoyer en l'air.

Même si mon billet d'entrée est plutôt prévu pour l'enfer.

Le cœur suspendu au bord du vide, j'attends, fébrile, la faucheuse. Au lieu de ça, ce n'est pas elle que j'entends approcher mais le son, si particulier, d'un os qui se déforme et se brise. Et si pendant une minute j'ai cru que la panthère s'était amusée à me briser un orteil pour faire durer le plaisir, c'est loin d'être le cas. Aucune douleur ne se fait sentir en moi – outre toutes celles dont je suis déjà piégé. Les griffes changent de forme et sont remplacées par une main bien moins effrayante au fur et à mesure que le métamorphe reprend une apparence humaine parmi des bruits loin d'être enchanteurs et rassurants.

Immobile, je ne bouge pas pour autant et n'ose pas ouvrir les yeux de peur de voir à qui j'ai affaire. À quoi bon ? Je n'ai pas suffisamment de courage pour affronter la mort droit dans les yeux. De plus, il y a de grandes chances que je ne connaisse pas l'homme au-dessus de moi puisqu'il ne fait en aucun cas partie de la meute.

— Alors comme ça, on cherche à s'enfuir ? entame une voix rauque et familière, non loin de mon oreille. Je ne te pensais pas si idiot, vois-tu.

Non, connard, je partais faire un pique-nique.

Mes sourcils se froncent alors que j'entrouvre les paupières, un frisson parcourant mon échine à cette proximité. Avec hésitation et réticence, je laisse mon vis-à-vis saisir ma mâchoire pour m'obliger à le regarder. J'ouvre de grands yeux et me décompose à vue d'œil tandis que, parallèlement, ma libido s'enflamme à la vue de Bagheera. La peur et le désir se confondent, si bien que toute rationalité disparaît. Rectification : je suis fou, complètement fou pour réagir de pareille façon.

Tu ne vois pas que ce n'est pas le moment ?

Stupide corps en manque !

Je me racle quelque peu la gorge, tentant au mieux de chasser ce trouble mal venu dont je suis envahi. Celle-ci m'offre justement un gentil rappel de ce que j'ai subi et me fait instantanément regretter mon geste. Je promets de ne plus recommencer si je sors de cette situation en vie. Juré, craché !

Silencieux, j'espère de tout cœur qu'il ne sente ni ne remarque la réaction purement naturelle de mon corps déconnecté de la réalité. À sa question, je tente de secouer la tête pour lui donner un mensonge tout cuit dans le bec et garder ainsi bonne figure. Mais sa prise autour de ma mâchoire m'en empêche, ce qui ne m'aide en rien à paraître le plus naturel et calme possible.

— Non, j'avais... l'intention de revenir.

— Vraiment ? J'ai du mal à le croire avec ce chauffeur qui avait l'air de t'attendre avec suffisamment de nervosité pour que je le sente à des milliers de kilomètres à la ronde. Sans exagération, bien sûr.

— C'était juste Net. Mon copain, balbutié-je en espérant qu'il ne se rend compte de rien. Je lui ai dit que j'allais devoir partir un certain temps donc... il a voulu qu'on se voie une dernière fois pour jouer au docteur.

— Au docteur ?

— C'est ça, au docteur, confirmé-je en sentant le rouge envahir mes pommettes.

— Quel dommage qu'il soit parti dans ce cas, il ne va pas pouvoir te satisfaire, souffle-t-il suavement. Surtout que tu as l'air d'avoir envie de jouer d'après ce qui émane de toi. À moins que ce ne soit à cause de moi...

Grillé.

Mayday, mayday !

On se replie, on est grillé !

Ses prunelles d'un vert hypnotisant se détachent des miennes pour se baisser sur mes lèvres où il passe lentement son pouce, les entrouvrant sur son passage. Brièvement, j'inspire à ce geste que mon trouble se repait. Un sursaut me prend de court à la simple sensation de son genou contre mon entrejambe, provoquant ainsi le froncement de mes sourcils quand il se met à se mouver à la même allure que ce doigt sur ma lèvre inférieure. La surprise passée, je cherche à le sonder, à comprendre ce à quoi il joue. À part à m'allumer, bien sûr. Ce pour quoi, autant mon corps que moi-même, nous ne sommes pas contre. Seulement la situation est, disons, tendue.

Son regard remonte vers l'obscurité de mes iris pendant que la proximité entre nos lèvres diminue à petit feu. Trop lentement, à mon goût. Mon pouls s'affole et j'en reste tout simplement... scié. Et puis merde ! Je cède le premier et redresse le menton pour venir les effleurer, obtenant un grognement bas en réponse. Cependant, il ne se laisse pas avoir pour autant et recule même son visage pour garder les idées claires. Chose qu'il faudrait impérativement éviter à l'heure actuelle.

— Tu penses que je vais gober ça ? Tu aurais dû trouver un bien meilleur mensonge, Isaac. Mais je dois dire que, en dépit de ça, j'ai été surpris de te voir évoluer et esquiver chaque sentinelle sur ta route aussi aisément. Malheureusement, tu n'as pas été assez futé pour surveiller tes arrières.

— Tu étais là depuis le début ? échappé-je dans un hoquet de surprise.

— Je t'ai vu entrer dans la forêt d'une manière un peu trop hâtive. À partir de ce moment, j'ai su que tu t'apprêtais à déserter.

— Mais tu t'es trompé. Je m'apprêtais simplement à rejoindre mon homme. Comme je te l'ai dit.

Mon visage part sur le côté dans l'intention évidente de lorgner le corps nu du bel homme au-dessus de moi, d'autant que les mouvements de son genou n'ont pas cessé et continuent de me faire réagir lentement mais sûrement. Autant profiter de cette dernière vision alléchante avant de potentiellement trépasser, ici, à l'orée de la forêt. Il faut croire que le ciel a exaucé mon vœu et ce serait dommage de ne pas en profiter. Et si cela peut m'aider à m'en sortir...

Kaeden me retient néanmoins de le faire, conservant ma mâchoire bien en main. Un petit rire résonne en retour à mon mensonge, sans surprise. Mes paupières papillonnent sous les va-et-vient plus appuyés et me laissent sans voix, à la fois de plaisir et de tension. Ma réaction semble le distraire et l'écarter de notre situation alors je ne me gêne pas pour en rajouter, allant jusqu'à gémir. Ma survie est plus importante que tout.

Lui faire oublier le pourquoi du comment nous nous trouvons tous les deux ici ? Je le coche ! Ça ne me dérange pas le moins du monde, j'aurais entre guillemets ce que je voulais depuis le début. Et heureusement, Netflix est loin d'être mon copain. Rien ne m'empêche de succomber au plaisir de la chair. Je n'aurais plus qu'à attendre qu'il s'endorme d'épuisement si je m'offre assez. Même avec un mal de rein, je courrai et partirai d'ici. Point.

La bouche de Bagheera se perd dans le creux de mon cou dans une lente caresse. Seulement, je lui fais comprendre par un râle de douleur de s'abstenir. Il obéit d'emblée et à la seconde où il redresse la tête, ses lèvres fondent sur les miennes. Sans prévenir, sans aucune délicatesse, pour un baiser chargé de désir. Dans un même élan, si bien que je peux à peine réagir, il déboutonne mon pantalon et glisse une main à l'intérieur. Sous son toucher aussi exquis que ferme autour de ma queue, mon corps se cambre. Face à la fraîcheur de l'environnement, sa paume me paraît brûlante et elle ne m'électrise que davantage.

Mes hanches se mettent à onduler pour accentuer son contact autour de moi, aussi bien que les frottements exercés. Je gémis contre ses lèvres paradoxalement froides et je savoure chaque seconde du plaisir offert comme si c'était le dernier. Et ce plaisir chasse la douleur dont je raffole, dont j'attends chaque simulation avec impatience. À mesure que ses allers-retours s'accélèrent et amplifient mon bien-être, je me retrouve à en demander encore plus. Néanmoins, un râle rauque de frustration se répand douloureusement dans ma gorge à l'instant même où cette maudite panthère arrête son traitement et me laisse sur ma faim. L'appréhension qu'il comprenne ce que j'essaie de faire me guette alors.

Heureusement, après un dernier regard vibrant de désir, il se saisit de mon épaule et me retourne sans plus de cérémonie. Il est bien décidé à passer à l'étape supérieure et d'en finir avec les préliminaires. Des préliminaires presque inexistants, pour le coup. Mes sourcils se rejoignent néanmoins, je me contente de le laisser faire. Un soupçon d'hésitation me survole et se joint à la partie, peu sûr d'apprécier la position dans laquelle je me retrouve. Mon pantalon quitte ma taille et chute sur le bas de mes cuisses, suivi de mon sous-vêtement. L'air frais flatte ma peau surchauffée d'une façon purement agréable.

Cependant, je déchante rapidement dès qu'il lève mes hanches et appuie entre mes omoplates afin que seul mon torse soit couché sur l'herbe de la forêt. Ni plus ni moins, il me fait adopter la position de soumission typique chez les métamorphes. Une position bien trop soumise, celle d'une importante bien trop élevée pour un inconnu tel que lui. C'est lui remettre autant ma confiance que mon corps entre les mains, c'est lui offrir une place spéciale qu'il ne mérite en aucun cas. Cette position est comparable à une marque d'appartenance laissée sur la peau, comparable à une acceptation de lui auprès de moi au-delà du sexe. C'est tout simplement... précieux.

Je ne peux pas l'accepter. Pas uniquement parce qu'il est un parfait inconnu mais parce qu'il en va de ma fierté. Latent ou non, je suis sûr que mon animal ne serait pas d'accord avec le fait de ne rien faire. D'autant plus que cette soumission, cette posture, est réservée à l'être le plus cher et le plus précieux pour notre espèce. Certes, je ne connais pas mon âme sœur et les chances que je la rencontre un jour sont minimes. Seulement, je ne peux pas. Et je ne le souhaite pas.

Sans attendre plus longtemps, je porte une main contre l'abdomen de Kaeden et je le repousse au moment même où je sens son membre prendre place entre mes fesses écartées par ses soins. Sitôt, je perçois la résistance qu'il met contre mon action.

L'air de rien, il flatte la cambrure de mon dos et presse dessus quand je tente de me relever. Là aussi, ça ne lui fait strictement rien.

— Doucement, fait-il dans le silence de la nuit. Pourquoi tentes-tu de te redresser ? Tu es très bien comme ça, je t'assure.

Tandis qu'un sentiment de malaise m'envahit, il expire d'appréciation. Son haleine chaude flatte le bas de mes reins.

— J'ai terriblement envie de te prendre dans cette position. Je n'ai pas cessé de t'imaginer comme ça durant notre petite discussion.

Mon corps se raidit. Ma propre respiration se fait entendre à mes oreilles alors que je reste sans voix.

La pulpe de ses doigts caresse l'arrière de l'une de mes cuisses.

— Kaeden, je ne crois pas que...

— Laisse-moi te prendre, tu ne le regretteras en rien. Ton père ne sera pas au courant de ta désertion et toi et moi nous ne nous serons jamais croisés. N'est-ce pas ce que tu veux ?

Je ferme les yeux.

— Tu en as autant envie que moi. Je le sais et je le sens, Isaac.

Ce sentiment de malaise se mêle à cette désagréable appréhension que la raideur de mon corps accompagne. Derrière ces mots, je ne peux qu'entendre le choix qu'il m'impose. Encore une fois, le choix n'est pas mien.

Pourtant, malgré tout, la surprise éclot en moi.

— Tu n'es pas sérieux, rassure-moi.

— Allons Isaac, ai-je tort de penser que ton père sera mauvais envers toi s'il venait à le découvrir ? S'il venait à apprendre que tu comptais t'enfouir ? susurre-t-il à mon oreille. S'il te plait, ne m'oblige pas à te ramener à lui.

— Tu n'es vraiment qu'un...

— Quel est le problème avec le fait de succomber à l'appel de la chair, dis-moi ? Tu émets des réserves alors même que tu es excité.

Je sens mon souffle disparaître de ma poitrine devant ce putain de chantage. La colère gronde et grimpe en moi. Jusqu'au bout, l'univers souhaite se retourner contre moi. Soit j'accepte d'adopter cette position soit retour à la case départ, hein. Ça, il est clair que je ne l'avais pas vu venir. Le prix de la liberté est bien trop cher.

Incapable de savoir quoi faire, quoi choisir, mes joues se mettent à cuire de honte face à son geste. L'extrémité de son sexe effleure ici et là mon intimité, dévoilée et visible de part la séparation faite une fois de plus. Son attitude démontre clairement qu'il a gagné, qu'il sait que je vais céder pour pouvoir m'en sortir et poursuivre cette fuite. Et en un sens, il a raison.

Mon ventre se crispe sous la puissance de mon mal-être, pire sous la puissance de mon dégoût. Je le suis, autant de lui que de moi-même. Il semble que je serais prêt à vendre mon âme au diable pour cette liberté. J'abandonne ma main sur le sol après l'avoir laissé glisser.

Il prend ce geste comme un assentiment, à juste raison. Je me soumets, peu importe à quel point je n'en ai pas envie. Peu importe à quel point ça me fait mal de tout perdre pour un rêve qui me paraît encore illusoire, irréel. Je veux partir d'ici et il veut mon corps, ça s'arrête là.

Ce n'est qu'une position. Ça n'a pas d'importance et ça ne devrait pas en avoir.

Je ne veux plus que ça en ait.

Kaeden ne me laisse pas davantage de temps de répit. Lentement, il introduit un doigt entre mes chairs et initie une fouille habile. Il me prépare à le prendre, si bien qu'il plonge déjà son majeur, peu attentif aux contractions naturelles de mes muscles intimes. J'accueille à bras ouverts les coups de fouet acide qu'il m'envoie par les actions qu'il fait. Mon corps, lui, n'est pas en accord avec ma décision et il n'hésite pas à me le montrer. Malheureusement, je ne peux pas écouter les signaux qu'il m'envoie. Je ne peux que l'ignorer et pourtant, lui comme moi, nous ne pouvons pas lutter contre les réactions naissantes que provoquent ce traitement.

Quelques balancements suffisent alors à m'assouplir, assez pour qu'un troisième doigt soit permis d'entrer. Assez pour me rendre tremblant. Assez pour que des étincelles de plaisir prennent place au creux de mon être. Cette envie illégitime, malsaine, je la déteste. Et paradoxalement, je m'accroche à elle. C'est mon seul moyen de fuir la douleur.

Je geins de plaisir sans pouvoir faire autrement, passant au-delà de l'inconfort et de la précipitation. Mais aussi de la situation. Plus vite ce sera terminé, plus vite ce sera mieux. L'excitation remonte comme le plus doux des poisons devant ce que j'éprouve. Bientôt, j'en oublie ma position. J'en oublie tout et c'est tout ce que je désire. Seulement, à force, ça ne me suffit plus. Ma patience a atteint ses limites.

Je veux avoir mal. Je veux me sentir bien. Je veux tout à la fois. Je ne veux plus être capable de penser. Et par-dessus tout, je veux en finir au plus vite.

Ma survie est bien plus importante que le reste et ce, même de ma fierté.

Quitte à vendre mon âme au diable.

— Plus. Donne moi plus, ordonné-je.

Un grognement d'appréciation tonne derrière moi.

Je me cambre de plus belle quand je le sens se présenter à moi. Centimètre par centimètre, à une allure soutenue, il me pénètre. Mes muscles se détendent devant ce sentiment de béatitude qui m'enveloppe et me fait me sentir bien. Je ne trouve pas la douleur que je recherche autant que je la fuis mais qu'importe, ça aussi, ça n'a plus d'importance.

Mes ongles se plantent dans la terre et ma seconde main se glisse vers mon entrejambe. Je la saisis entre mes doigts pour m'offrir d'autant plus de plaisir, électrisé et envoyé au-delà de toute réalité. L'échappatoire n'est qu'une illusion néanmoins, je plonge la tête la première dedans.

Mes gémissements retentissent dans le mutisme de la forêt sous les coups de reins fermes de l'alpha, suivis des claquements de nos peaux entre elles. J'en redemande encore et encore tant le plaisir qui me traverse est addictif, tant je me retrouve à espérer ne jamais sortir de ce bonheur factice. Cependant la jouissance gonfle trop vite, trop tôt, sous cet échange charnel et les gémissements de Kaeden que mon excitation, déjà en feu, réclame. Mon esprit, lui, ne s'attarde sur aucun autre détail de notre instant.

Au moment même où je me sens venir, chose à peine ressentie, je le sens se retirer pour venir à son tour. Il se répand dans l'herbe, la cage thoracique vibrant d'un long grognement. Soulagé, je soupire, satisfait qu'il n'ait ni joui en moi ni sur moi et qu'il n'ait pas non plus eu l'envie d'asseoir davantage sa victoire en me marquant de ses crocs, si ce n'est pas de ses griffes. La position passe difficilement mais ça ? Ce n'est même pas la peine d'y penser. Ma survie passe avant tout mais pas ça. Il faut bien des limites, bien qu'elles aient été suffisamment dépassées ce soir.

Je n'attends pas. Dès que j'ai la possibilité de me relever, je le fais et j'en profite pour remettre convenablement mes vêtements. Mon regard s'élève à son tour puis vivement, il se fige net à la vue des panthères et des loups présents non loin de nous. Certains sont sous leurs formes animales et d'autres non, et pas un seul n'a le regard détourné. Parmi eux, le dos droit et un air de profond dégoût sur le visage, se trouve mon père.

Un sentiment d'humiliation intense me possède et me rend mal au point que je n'ai plus qu'une envie : vomir. Plus que ça ne l'était déjà.

Incrédule, je me tourne vivement vers Bagheera à la recherche d'une réponse. Un sourire en coin, il se met debout, faisant fi de sa nudité. La fureur est à deux doigts de me faire vriller, de commettre l'erreur de me jeter sur lui et de lui trancher la gorge.

Fils de pute.

— Hm, je ne te l'avais pas dit ? Lorsque je t'ai vu partir, j'étais avec ton père.

— Le fait que tu aies des relations... sexuelles avec des hommes me restent toujours en travers de la gorge, débute Geralt. Alors que tu sois celui à la prendre ? Tu me remplis de dégoût. Et tu donnes ton corps si facilement comme moyen de paiement... Oh Isaac, n'as-tu pas honte ?

Lentement, il secoue la tête.

— Une telle posture pour un inconnu, qui plus est. Je vais avoir du mal à affronter mon propre reflet dans la glace. Difficile de faire face à ce que j'ai laissé grandir.

Un mouvement de main et un claquement de doigts suffisent. Deux loups m'attrapent et me plaquent avec violence contre un des arbres contre lequel ils me maintiennent. Ça ne sent pas bon, mais vraiment pas bon pour moi. J'ai beau me débattre contre leur prise, je ne peux m'y soustraire. L'urgence me gagne. Je sens au plus profond de mon être que je dois partir, fuir le plus vite possible, avant l'inévitable. Et le fait d'être bloqué va sérieusement me rendre fou devant ce besoin presque irréel tant il est puissant. Instinctif. Saisissant. Et primitif.

La musique de Ray Charles, America the beautiful, se met à chanter en moi comme une triste blague pendant que la peur explose à la vision de tous ces métamorphes qui se rapprochent. Tous, sans exception, arborent un sourire et montrent explicitement leur envie de se défouler. Et si c'est Isaac, le loup latent, l'erreur de la nature, la honte de la meute : qu'y a-t-il de meilleur ?

— Si tu es aussi en forme pour tenter de fuir et de te faire prendre par le premier venu, il est certain que tu ne feras aucunement pitié à ces sauvages. N'ai-je pas raison ? ajoute-t-il à la petite assemblée plus que d'accord avec lui. Ne t'en fais pas, mon cœur, nous allons arranger tout ça et te rendre un peu plus... présentable.

Je lève les yeux en direction de la Lune haute dans le ciel et la supplie intérieurement de me venir en aide. Seulement, je n'ai pas de réponse et je n'en aurai jamais : un loup latent le reste toute sa misérable et courte vie.

De rage, je me mets à hurler et à les insulter de tous les noms, autant mon père que son nouvel associé alors que les coups se mettent à pleuvoir de tous les côtés. Mon corps se tord de douleur et s'évertue à fuir du mieux qu'il le peut chaque contact. Mais c'est peine perdue. Je ne peux rien faire face à toute cette bande enragée.

Bientôt, je tombe à terre et tâche au mieux de protéger mon visage des pieds volants, suffoqué par la violence et l'éclat pur de la torture. Désormais, ce ne sont plus les traces de mon plaisir qui recouvrent l'herbe fraîche de la forêt. Sans cesse, je hurle ma rage, mon impuissance et ma souffrance au point de finir par appeler à l'aide même si je sais que personne ne viendra à mon secours. Je suis déjà incapable de me sauver moi-même. Et lui, mon loup, ne se montre toujours pas. Faible, incroyablement faible.

Mes cheveux blonds se font saisir. Mon père redresse mon visage et m'accorde un rictus suffisant. Mon regard, envahi par l'obscurité, m'empêche de le voir distinctement. L'inconscience flirte bien trop avec moi pour ça.

— Veux-tu savoir ce qui me fait plaisir dans toute cette histoire ? Ta mère ne saura jamais qu'on t'a attrapé. Elle ne saura jamais que tu as été baisé, battu et envoyé comme prévu sur le territoire de Reyes. Elle sera simplement contente de savoir que son fils adoré soit en sécurité, loin du pays.

Il passe d'un œil à l'autre.

— D'ailleurs, dois-je préciser cela ? Peut-être bien, oui. Je te conseille de faire ce que nous t'avons demandé si tu ne veux pas qu'il lui arrive malheur. Est-ce que nous nous comprenons, Isaac ?

Il ricane. Puis soudainement, son poing rencontre durement ma mâchoire et provoque un bruit de craquement que je sens ricocher jusqu'aux creux de mon être. Et avec lui, les coups reprennent.

Et il ne se montre toujours pas.

Jamais.

~

Je pleure, je ris, je crie et ne cherche plus à lutter contre la souffrance horrible dont mon corps est devenu l'éternel souffre-douleur. Les larmes coulent sur mes joues rougies, ensanglantées et gonflées. Mon cœur me fait mal. Respirer me fait mal. Être encore en vie me fait mal. J'ai mal à ne plus pouvoir être sain d'esprit. Et je sombre de minute en minute, de seconde en seconde dans un monde inconnu.

Je n'ai jamais connu pareille douleur. Et je n'en connaîtrais jamais plus. Je suis intimement convaincu que je ne survivrai pas à cette nuit glaciale et forte en émotions. Au final, ce n'est peut-être pas plus mal : je n'aurai plus besoin de me battre envers et contre tous, je n'aurai plus besoin de me soucier de mon avenir incertain. Non, je n'aurai plus besoin de tout ça. Tout ce que je souhaite en cet instant, c'est de partir rencontrer mon créateur et de me reposer à ses côtés pour l'éternité.

Allongé sur une route abandonnée, la pluie tombe à fine goutte sur mon corps en sang aux vêtements déchirés. Le regard tourné vers la Lune ronde au-dessus de moi, je sens les larmes se mettre à couler de plus belle le long de mes joues pendant que je la maudis sans doute pour la dernière fois. Exactement comme elle l'a fait avec moi le jour de ma naissance.

Je la hais pour la beauté et la bienveillance dont elle semble faire preuve. Mais c'est faux, ce n'est qu'un leurre pour qu'on se mette à la chérir et à l'admirer. Pourtant, moi, je ne demandais que ça : tomber dans son piège.

Mes paupières se ferment doucement alors que les bras de Morphée m'entourent délicatement pour me délivrer et m'offrir la liberté tant voulue. J'abandonne toute résistance et je me laisse emporter. Cependant, un bruit de pas non loin me force à les rouvrir et, envoûté, mes iris plongent dans le plus beau regard qu'il m'ait été donné de voir. Dans des perles d'un bleu glacial, polaire et, oui, envoûtant. C'est si... beau.

Je souris lentement à la Lune. Au moins, elle m'aura offert une magnifique vision avant de me voir partir.

Et je l'en remercie pour ça.

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