Cœur de Glace [Revient très b...

By NyxMiller_

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~ L'appel de la Lune ~ Avoir le cul entre deux chaises, c'est quelque chose de peu agréable. Pourtant, c'est... More

[Avant-Propos]
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| Lexique & Explications |
| Chapitre 1 |
| Chapitre 2 |
| Chapitre 3 |
| Chapitre 5 |
| Chapitre 6 |
| Chapitre 7 |
| Chapitre 8 |
| Chapitre 9 |
| Chapitre 10 |
| Mot de fin de l'autrice |
| Serveur Discord + Bonus |

| Chapitre 4 |

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By NyxMiller_

Debout devant ma fenêtre, j'observe silencieusement le ciel devenir de plus en plus sombre à mesure que les heures s'écoulent et s'enchaînent lentement. Peut-être trop, pour ma santé mentale. Un puissant soupir s'évade, affaissant mon torse de découragement. Les battements irréguliers de mon cœur résonnant dans ma poitrine ne me laissent pas une seule seconde en paix. Je ressasse sans cesse la discussion avec ma mère ainsi que la façon dont son regard empli de détresse et de tristesse m'a transpercé. Je ne peux pas me résoudre à la laisser... Pourtant, je le dois.

Elle m'en voudrait sans aucun doute de faire tomber son plan à l'eau, même si intérieurement je sais que je n'ai pas le choix. Pas plus que je n'en ai eu face à mon géniteur, à vrai dire. Si je veux survivre plus longtemps que prévu, je dois partir à la Nouvelle-Orléans afin de rejoindre ce fameux Carl et me terrer un temps avec lui. En tout cas, suffisamment longtemps pour qu'on m'oublie. De plus, si ma bonne étoile daigne apparaître, elle finira peut-être par nous rejoindre dans le bayou au bout du compte. Qui sait ? Je l'espère de tout cœur.

J'appréhende déjà ma fuite et pense inlassablement au moment où je vais me faire bêtement attraper par la première sentinelle venue. C'est plus fort que moi, d'autant plus que je connais ma discrétion légendaire. Et inexistante, surtout. Si je me fais prendre en pleine fuite, je ne donne pas cher de ma peau ni de celle de ma mère si jamais mon père apprend que c'est elle qui est derrière tout ça. C'est bien connu, un homme violent le reste toute sa vie.

Je serai incapable de la défendre.

Et pas seulement à cause de mon état.

Il est cependant temps que je saisisse ma chance et que j'arrête de l'attendre vainement comme un abruti fini. Je ne veux pas seulement survivre, je veux vivre. Je veux savoir ce que ça fait sans avoir besoin de constamment regarder par-dessus mon épaule afin d'éviter qu'un mauvais coup sorti de nulle part ne me tombe dessus. C'est stupide, je sais, puisque, même en faisant ça, j'arrive toujours à me retrouver dans des situations pas possibles. Je ne suis franchement pas très doué mais on fait avec.

Je baisse mon regard sur mes mains tremblantes. Cela dit, ça n'a rien à voir avec ce qui va se passer ce soir. Non, mes doigts me démangent désagréablement au point où ça commence sérieusement à me faire mal. Mais je n'ai aucune envie de dessiner. Je n'ai clairement pas la tête à ça, même pour me déconnecter du monde extérieur. Or, ce fait n'a pas l'air de grandement préoccuper mon corps parcouru de cette envie irrépressible.

— Oh, intéressant. Du Ray Charles ?

Je sursaute et me tourne dans la direction de ma belle infirmière. Sous le faible sentiment de peur et de surprise qu'elle a provoqué en moi, le duvet de ma nuque se hérisse. Je déteste, par-dessus tout, me faire surprendre lorsque je suis dans mes pensées. Et ce, même quand je ne le suis pas. Toutefois, il faut croire que ma vie est faite de surprises. Pas souvent appréciées par ailleurs, si je puis me permettre.

— Merde, Angèle ! On t'a jamais appris à frapper ?

— J'aime beaucoup cette musique malgré le fait qu'elle semble un peu vieillotte, poursuit-elle sans prendre en compte mes états d'âme. C'est America the beautiful, si je ne me trompe pas ?

— Oui, c'est ça, marmonné-je.

Je jette une œillade à la radio où est diffusé ce son avant de reporter mes prunelles sombres sur la jeune louve dont les mains aventureuses sont venues faire joujou avec ma gorge. Bien sûr, mon haut n'est plus là non plus pour camoufler ma musculature de rêve. Je sais néanmoins que c'est seulement pour détourner mon attention de mon cou qu'elle examine avec prudence. Comparé à ce matin, je me sens plus ou moins en meilleure forme. Dieu merci.

Ses doigts viennent par la suite courir sur ma tempe, là où cette maudite panthère m'a cogné pour m'assommer. Autant dire qu'il n'y a pas été de main morte pour que ma guérisseuse prenne la peine de vérifier. Ce n'est pas non plus très grave puisque la blessure ne m'occasionne aucun mal de tête insurmontable. Heureusement, soit-dit en passant.

— C'est un très bon choix. Je ne dis pas ça uniquement parce que j'aime cette chanson mais parce qu'un des lieutenants de la meute passe souvent dans le coin depuis que ta mère est sortie de ta chambre, ajoute-t-elle à voix basse.

Presque imperceptiblement, je me tends.

— Tu crois que mon père a flairé quelque chose ?

— Je l'ignore mais il va falloir qu'on soit plus prudent. Il faut absolument éviter qu'on nous entende parler de ton... super voyage en perspective. La musique est suffisamment forte pour ça.

— Je n'aime pas ça.

— Moi non plus. Et à ce sujet, je pense qu'il va falloir que tu sortes par la fenêtre de ta chambre.

— Je ne suis pas au rez-de-chaussée, mon ange, ça risque d'être compliqué dans mon état, lui fais-je remarquer, railleur.

— Je sais, moi aussi j'aurais aimé que tu évites ce genre de sortie, soupire-t-elle. Tu es déjà à peine en forme pour partir d'ici. Tu as certes repris du poil de la bête suite à ton repos... Cependant, je ne suis pas sûre que ce soit suffisant.

— Il le faudra. Je n'ai pas le choix.

Elle pose son regard ébène dans le mien et m'adresse un sourire qui ressemble plus à une grimace qu'à autre chose. Néanmoins, je ne lui fais aucun commentaire. Elle a l'air aussi tendue que moi et cette constatation ne m'aide pas des masses à prendre sur moi.

— La plupart des bleus sur ton visage sont partis, c'est bien. Tu es plus agréable à regarder maintenant. Et... tu ne me donnes plus envie de faire des cauchemars ou encore de m'arracher les cheveux, lance-t-elle pour détendre l'atmosphère pesante.

— Hé ! m'exclamé-je, faussement vexé.

Je pousse doucement son épaule.

— Je suis toujours beau, quoi qu'il arrive.

— Tu vas beaucoup me manquer, tête de nœud.

— Tu veux un câlin, c'est ça ?

Elle lève simplement les yeux au ciel dans une expression condescendante aussi fausse que mon précédent air outré. En revanche, elle ne résiste pas plus lorsque j'ouvre en grand les bras et les referme sur elle dans une étreinte affectueuse. Comme à une bouée de sauvetage, elle se colle à moi et me serre aussi fort que possible.

Au bout d'une bonne minute et commençant sensiblement à étouffer, je finis par lui tapoter le dos et articule difficilement :

Sacrée louve.

— Ce n'est pas le moment de me casser une côte, tu vas finir par m'achever.

— Ne dis pas n'importe quoi, ricane-t-elle en me relâchant avant de taper dans ses mains et de reprendre. Bon, fini de rigoler : il est temps de passer aux choses sérieuses.

J'acquiesce et remets tranquillement mon pull pour me couvrir, attendant la marche à suivre avec une certaine appréhension. Je frotte mes mains entre elles dans l'espoir de faire disparaître la sensation de picotement qui ne m'a pas quitté.

— Je n'ai pas pris le risque de mettre sur papier tout ce que j'ai pu apprendre. Il est préférable de ne laisser aucune preuve.

— Tu as eu raison.

— Ouvre grand tes oreilles, mets en marche ta mémoire parce que tu vas devoir te souvenir de chaque détail pour réussir, même les plus minimes. Prêt ?

— Non, avoué-je, les épaules basses.

— Isaac, sérieusement. Prêt ?

— Oui, ok, je suis prêt, expiré-je dans une singerie.

Durant plusieurs minutes interminables, Angèle me donne toutes les informations qu'elle a pu saisir à droite et à gauche. Du nombre de sentinelles de sorties ce soir aux rondes de chacun, et de leur emplacement exact sur le territoire à combien de deltas sont rentrés aujourd'hui suite à une mission. Tout y passe, rien n'est laissé au hasard, pendant qu'un mal de tête m'envahit peu à peu. Cependant, je ne lui en fais pas part et reste concentré. Je ne dois rien louper, il en va de ma survie et de mon bonheur.

Je suis malgré tout impressionné qu'elle ait pu dénicher tous ces détails en quelques heures seulement. C'est à croire que ça a été un jeu d'enfants pour elle toutefois, je sais que c'est loin d'être le cas. Elle a dû veiller à ne pas se faire trop insistante, trop étrange et trop curieuse. Néanmoins, qu'elle ait réussi, montre une sacrée coquille dans le fonctionnement dans la meute et vis-à-vis des ordres ayant été distribués en ce qui me concerne. Après tout, ils sont sur le qui-vive. Ce n'est pas rien et savoir cela confirme l'hypothèse que mon géniteur sait peut-être quelque chose.

Le fait que les membres de la meute sachent ce genre de choses n'est pas le problème. C'est surtout le fait qu'Angèle a pu obtenir tout ce qu'elle désirait. De toute la meute, elle est l'une de mes plus proches amies, si ce n'est la seule ici. Par conséquent, ils auraient dû se méfier de son joli minois. Alors qu'ils ont tout offert sur un plateau d'argent ? Je n'aime pas ça, ça me paraît bien trop... simple. À moins que mon père soit suffisamment arrogant pour penser que jamais un membre de sa meute n'envisagerait de le trahir dans le but de me venir en aide, moi, le loup latent et honteux de la famille. Et le connaissant, c'est plus que plausible. Mais il n'empêche que je n'aime pas ça, peu importe la raison derrière.

Une fois qu'elle eut fini, la louve attrape ma main et la presse contre ses lèvres. Je peux aisément sentir son inquiétude et sa peur de me voir échouer. Inévitablement, ses émotions font écho aux miennes. Elle et moi, nous savons que si je me fais avoir, ça finira mal. Je survivrai sûrement mais dans quel état ? Pour quelle condition de vie ? Sans doute enfermé, attaché et traité comme un moins que rien. Plus que ce n'est déjà le cas.

Une seconde fois, je viens la prendre dans mes bras et je suis celui à m'accrocher à elle dans un besoin urgent de réconfort. C'est idiot, je le sais, mais même en sachant que je suis celui à les abandonner, ma mère et elle, j'ai l'impression que c'est l'inverse.

— Fais attention et prends soin de toi... sinon je promets de venir te raser le crâne dans ton sommeil, finit-elle par dire après un faible silence. Et on sait tous les deux que tu ne ressembles à rien en tant que chauve.

— Je ferai attention, déclaré-je dans un soupir amusé. Merci, merci pour tout. Je t'en dois plus d'une.

— Contentes-toi de survivre. Ta dette sera payée de cette manière.

Elle se détache en douceur avant de se mettre à reculer de quelques pas, prête à partir et à me laisser m'en aller dès que le moment sera venu pour moi. Une image de déjà-vu me traverse, m'obligeant à revivre le départ de ma mère.

Fuir, encore et toujours. Voici la grande histoire d'Isaac Campbell. Rien de plus trépidant que ça.

— Tu vas me manquer, Angèle.

— Il y a plutôt intérêt.

Nous échangeons un dernier sourire complice. Et la porte se referme sur un "Au revoir" et non sur un "Adieu".

Je m'en fais la promesse.

~

Inlassablement, je tourne en rond sous le coup de la nervosité et de l'appréhension qui me gagnent. La nuit avance plus rapidement que je ne l'aurais souhaité au bout du compte. Les secondes, les minutes et les heures coulent à une vitesse que je ne suis pas sûr de grandement apprécier alors que le moment de mon départ approche à grands pas sous l'œil vigilant de la Lune. De là où elle se trouve, je pourrais presque la sentir se foutre de moi tant je suis stressé.

Pour la millième fois depuis le départ d'Angèle, je frotte mes mains entre elles et tortille mes doigts dans tous les sens dans le vain espoir de faire disparaître les picotements détestables et douloureux. Ils m'assaillent sans aucune pitié. Bravo, Isaac, vraiment bravo : je me demande à quel point tu es barré là-haut pour avoir envie de dessiner dans un moment pareil. C'est sûr qu'il faut être un minimum fou pour vivre aventure sur aventure pratiquement comme si de rien n'était. Néanmoins, celle-ci, je l'espère, sera la dernière. Enfin. Et j'ai hâte de me prélasser dans le bayou avec une bonne bière fraîche pour en finir avec tout ça.

Mon regard tombe sur mon pot de crayons puis il accourt sur l'heure affichée sur le réveil posé sur ma table de chevet. Je me mordille la lèvre inférieure, triture à nouveau mes doigts et je finis par grogner d'impuissance avant de littéralement me jeter sur ma chaise de bureau. Je me mets à fouiller dans les tiroirs pour en sortir un tas de feuilles blanches. J'ai toujours adoré dessiner et savoir que cela m'apporte toujours du réconfort pourrait clairement m'aider en cet instant. J'ai besoin de relâcher la pression. J'ai besoin d'avoir l'esprit clair lorsque je devrai partir.

Non, ce n'est pas une excuse.

Pas totalement.

Crayon en main, je laisse la mine courir sur le papier auparavant vierge de toute trace et mon esprit être happé par ce besoin irrésistible que je ressens. Je ne lutte plus, je me laisse aller sans aucune réserve. J'ignore ce que je souhaite dessiner, j'ignore même où mes coups de crayon vont me mener. Je me livre simplement et apprécie le sentiment de satisfaction qui remplace tout le stress emmagasiné. Peu à peu, sous mon regard concentré, un visage masculin aux traits singuliers et envoûtants, à la beauté sauvage et animale, apparaît à moi. Et je souris.

À force de regarder Netflix, j'en ai croisé des beaux mâles. Et visiblement, cela m'a donné matière à créer le péché originel de la luxure. Si cet homme inexistant me demandait de me mettre à genoux - nu de préférence -, autant dire que la seconde suivante, je le serais. Bien que je préférerais voir nos positions inversées pour avoir la satisfaction toute bête de voir ce bel étalon à mes pieds : le dessin, son visage et son regard mystérieux ourlet de longs cils noirs respirent la dominance à plein nez.

Mon sourire se mue en un sourire espiègle tandis que, tournant la feuille, je me mets à dessiner cet homme dans une position plus que compromettante - plus exactement à quatre pattes avec moi, évidemment, derrière en train de le pilonner. Dominant ou non, je suis celui qui te la met poupée. On fait moins le malin, hein, comme ça ? C'est qui le patron ? C'est bibi !

Je pouffe tout seul comme un idiot et tourne la tête de droite à gauche. Je lâche l'arme du crime, savoure la sensation de mes mains dépourvues de tout picotement et dérive naturellement mon regard vers le réveil. Aussitôt, mon visage se décompose. Il est temps et j'ai déjà une putain de minute de retard. Ce n'est pas bon du tout. Ça part déjà mal alors que je ne suis pas encore sorti de ma prison dorée.

— Ok, du calme, me chuchoté-je à moi-même en prenant une profonde inspiration. Ce n'est rien.

Je me lève en pliant le dessin en quatre et le glisse dans la poche de mon jean - interdiction de laisser un tel chef-d'œuvre derrière moi. Aussi silencieusement que possible, j'ouvre ma fenêtre sans prendre la peine d'éteindre la musique et enjambe le rebord avec précaution tout en remerciant le ciel de ne pas avoir le vertige. Doucement, je me hisse et descends lentement mon corps le long du mur extérieur de la maison. Mes bras tremblent et me font mal. Néanmoins, je ne lâche pas le bord de la fenêtre à présent uniquement agrippé de mes dix doigts.

Je prends une seconde inspiration afin de me donner du courage et je me laisse tomber. Mes pieds rencontrent le sol et mes genoux, eux, se plient naturellement pour amortir la chute. Au vu de la douleur reçue, je peux assurer que mon corps n'a pas du tout aimé jouer les acrobates. Encore une carrière ratée. Courbé en deux, je surveille les alentours une bonne minute et me concentre sur les sons aux alentours. Puis une fois certain que la voie est dégagée, je contourne la maison pour esquiver le cœur du village et enfin, je me précipite vers la forêt. Je ne suis pas assez con pour prendre ce chemin.

Continuellement, je me répète les informations données par Angèle pendant que je cours contre le vent afin d'éviter que mon odeur parvienne au premier loup que je pourrais croiser. C'est le meilleur moyen de l'alerter de ma désertion et au vu de l'allure où je vais, s'il m'attrape, je ne pourrais évidemment pas lui sortir que je fais une simple balade nocturne dans le coin. À moins que je tombe sur un idiot de première mais là aussi, les chances sont extrêmement minces, voire inexistantes pour être honnête avec moi-même.

Mon regard repère du mouvement. Vivement, je me stoppe et je me plaque contre un des arbres à la vue de la deuxième sentinelle présente sur mon chemin, manquant de peu de déraper sur le sentier battu. Je ferme les yeux et régule du mieux que je peux mon essoufflement. Sous la pression de la fuite et sur cette activité sportive à laquelle je ne m'adonne pour ainsi jamais, ma respiration n'a pas mis longtemps à se faire rapide et affolée. J'essaie de faire de même avec les battements puissants de mon cœur, celui-ci tapant frénétiquement contre ma cage thoracique.

Un sourire fleurit finalement un instant sur mon visage : je gère comme un pro, aussi étonnant soit-il. Je glisse une œillade discrète et une fois la voie libre, je sors de ma cachette et m'avance avec prudence, à moitié courbé. Dès lors que je suis suffisamment éloigné, je reprends ma course, ce que mon corps peine à accepter. Je ne lui donne cependant pas le choix et je ne me laisse pas non plus aller.

Mes muscles me tiraillent de plus en plus. Raides et meurtris, ils m'envoient des signaux. Des signaux que je ne peux qu'ignorer tant que je ne suis pas encore à l'intérieur de cette voiture. Mais je prie, je prie de tout cœur pour y arriver le plus vite possible avant que mes jambes ne cèdent sous mon poids. Elles tremblent et sont dépourvues de force, au point où je sais qu'elles ne tiendront pas éternellement. Je ne suis pas entièrement remis de ma soirée chez les ours pas polaires en dépit de ma longue sieste et entreprendre une telle fuite est inconscient, en plus d'être risqué. Plus qu'elle ne l'est déjà. Et c'est sûrement pour cela que je n'avais le droit qu'à un seul lieutenant à la maison de mes parents. Ce n'est pas plus mal en fin de compte et ça me facilite les choses. Mais tout paraît illusoire, notamment la dangerosité de la situation. Ça, ce n'est rien comparé à Red Moon. Rien.

Attention, Carl, j'arrive !

Faisant fi de la douleur dont mon corps supplie d'être libéré, je ne m'arrête pas et esquive sans mal les sentinelles sur ma route. J'ignore depuis combien de temps je cours toutefois, ça n'a aucune réelle importance tant que je peux encore continuer et pousser mes forces dans leurs retranchements. Il faut que je parte d'ici pour survivre, pour vivre. Toute mon âme le désire autant que la liberté promise à la Nouvelle-Orléans. Il est temps pour moi d'arrêter de combattre.

Je me stoppe soudainement au son caractéristique, semblable aux films d'horreur, d'un craquement sec provenant d'une brindille non loin de moi. Figé sur ma lancée, je contrôle à grande peine le rythme puissant de ma respiration et tâche de la rendre la plus silencieuse possible. Mon regard s'élève et se porte devant moi à la seconde où le bruit d'un moteur se met en marche, dévoilant mon moyen de transport. Je pourrais presque la maudire pour son interruption au mauvais moment si je n'avais pas instantanément compris pourquoi elle a pris un tel risque. Ça ne veut dire qu'une seule chose : elle n'a pas vu que moi et elle m'envoie très clairement un signal.

Les battements de mon cœur s'accélèrent, incapable d'en garder le contrôle plus longtemps. Une violente sueur froide me traverse et assèche considérablement mes lèvres. Il va falloir que je cours vite, très vite. Plus aucun bruit ne se fait entendre autour de moi, pas même les sons naturels des animaux. Ce silence est lourd de sens et je sais que je ne suis plus seul, pas seulement grâce à mon chauffeur.

Mes poings se serrent le long de mon corps. Je plie les jambes et envoyant de la terre derrière moi par ma soudaine impulsion, je me mets à courir en y mettant toutes mes forces et mon énergie restante. La portière passagère s'ouvre et n'attend plus que moi, prête à me sauver de toute cette merde. Je pousse alors davantage sur mes jambes, ignorant les tiraillements de mes muscles douloureux. Je peux y arriver !

Mes sourcils se froncent, une goutte de sueur coule de ma tempe : il ne reste plus que quelques pas, tout au plus. Mes doigts effleurent la carrosserie et se saisissent le temps d'un instant de la poignée avant d'en être violemment arrachés. Une masse sombre me tombe dessus et me projette à quelques mètres de là, me faisant rouler sur l'herbe où je sens mon thorax être secoué et compressé sous le coup de l'impact. Le souffle coupé, j'échappe après coup un bruyant râle de douleur pendant que les larmes me montent naturellement aux yeux.

Ça fait mal, espèce de bâtard !

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