Cœur de Glace [Revient très b...

By NyxMiller_

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~ L'appel de la Lune ~ Avoir le cul entre deux chaises, c'est quelque chose de peu agréable. Pourtant, c'est... More

[Avant-Propos]
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| Lexique & Explications |
| Chapitre 1 |
| Chapitre 2 |
| Chapitre 4 |
| Chapitre 5 |
| Chapitre 6 |
| Chapitre 7 |
| Chapitre 8 |
| Chapitre 9 |
| Chapitre 10 |
| Mot de fin de l'autrice |
| Serveur Discord + Bonus |

| Chapitre 3 |

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By NyxMiller_

Un éclat de rire s'extirpe avec force de mes cordes vocales tant et si bien que la douleur me passe au-dessus. Ni plus ni moins, la surprise m'explose en plein visage. Pourtant, je m'y étais préparé : je l'avais senti venir. Seulement, ça ne change rien au choc causé.

La folie prend place entre nous. L'inverse ne peut être possible. Ils ne peuvent pas être saint d'esprit, pas avec un tel projet.

Il s'agit de la meute Red Moon, et non celle sympatoche du coin !

— Vous vous foutez de moi, j'espère ?! m'exclamé-je.

Ma voix s'envole, seule maîtresse d'elle-même. La peur n'est pas suffisamment forte face à cette situation pour me rendre muet.

— Allez, balancez le pot aux roses. C'est quoi, hm ? Une sorte de bizutage après mon retour de cet enfer ?! continué-je sur le même ton. Ok, je sais, ça n'en donne pas l'air mais j'aime la vie ! J'ai envie de vivre jusqu'à mes cinquante ans au moins. Et je suis loin, très loin même, de les avoir ! Regardez-moi, je suis à la fleur de l'âge ! Beau comme un dieu. Bon... un dieu défiguré mais c'est passager !

La panique délie toutes les langues. Et la mienne, elle n'attendait que ça. Elle en était même impatiente. Toutefois, je grimace malgré tout devant l'élancement sec que me procure le fait basique d'exprimer le fond de ma pensée. Mais comment aurais-je pu faire autrement ? Ce n'était tout simplement pas possible. Seul un fou resterait indifférent à ça.

Je n'y suis peut-être pas si loin que cela mais je ne suis pas encore fou. Pas encore.

Je les fusille tour à tour du regard tout en portant une main à ma gorge. Celle d'Angèle se pose sur mon épaule.

— Isaac, doucement. Pense à ta gorge, s'il te plaît.

— Comment veux-tu que je reste calme ? Comment ?!

— J'ai dit : doucement.

Elle me donne une petite tape sur le sommet de la tête, assez faible toutefois pour que je ne la sente pas réellement. Or, ça ne m'empêche pas de jouer la comédie et d'exagérer la moue que je revête. Comme un enfant pourri gâté - je l'avoue -, je croise les bras sur mon torse nu et me mets pratiquement à bouder. Pas totalement bien sûr, j'ai encore besoin de me faire entendre. Mais c'est assez pour me permettre de rendre cette situation, disons, plus légère. Ce qu'elle n'est aucunement.

Les deux alphas se contentent de m'observer en silence, les lèvres closes et l'air d'avoir affaire à un gamin au sale caractère. Qui plus est, ils osent m'ignorer ? Aucun des deux ne renchérit sur leur folie évidente. Honnêtement, ils ont de la chance que je sois cloué au lit et que je n'ai pas de briquet et de bidons d'essence à portée de main, auquel cas je les aurais noyés dedans avant de leur foutre le feu.

J'aurais savouré leurs hurlements de douleur...

Jusqu'aux derniers.

Ça, c'est de la tarée attitude.

Sérieusement, ils me sauvent des ours, soi-disant polaires, pour m'envoyer à peine quelques heures plus tard dans la gueule du loup. Littéralement. C'est tout simplement le monde à l'envers. Ou je suis encore profondément plongé dans la léthargie du sommeil, au choix.

— Isaac, intervient mon père.

— Non, juste non. Vous m'envoyez vers une mort assurée pure et dure.

— Tu ne penses pas que tu exagères un petit peu ?

— À peine !

J'attrape un de mes oreillers et le balance vigoureusement contre son corps. Hélas, je me suis surestimé. À cette action, je laisse filer un râle de souffrance et accueille la raideur douloureuse de mon muscle. Tout ça pour qu'au bout du compte, l'objet moelleux retombe lâchement par terre, pas foutu d'atteindre sa cible. Angèle grogne en réponse et m'attribue une deuxième tape sur le haut du crâne, légèrement plus forte que la précédente.

J'aspire une courte bouffée d'air et me repose contre le dossier de mon lit, un bras autour de la taille. Celui-là même qui irradie de douleur à cause de ma connerie et de ma propre impulsivité - bien que mon géniteur ne soit pas totalement innocent dans cette histoire. Sans surprise.

— Vous savez très bien ce que l'on dit sur la meute Red Moon, et surtout sur leur alpha. Vous voulez quoi, au juste ? Que je me fasse bouffer à l'instant même où j'aurais posé un pied sur son territoire ? Parce que c'est ce qui va arriver. Puis je suis loin d'être discret en plus de ça !

— Le choix t'appartient, fils. Tu devrais déjà t'estimer heureux et comblé d'en avoir deux, et non un seul.

Je le fixe comme si j'avais affaire à un abruti.

— C'est vrai que l'idée de m'unir à une femme pour le restant de mes jours me rend très heureux et comblé. Non sans mentionner votre idée suicidaire de me faire jouer les James Bond chez les tarés de la forêt. Vraiment, je n'ai jamais été aussi heureux de touuuuuuuuuuute ma vie.

— Dans ce cas, prends la seconde option : elle est là pour cette raison précise. Peu importe ce que tu choisis, tu mets redevable. Et n'oublie pas que tu fais partie de la meute. Comme tout bon soldat, tu as ta part du marché à accomplir.

J'émets un rire à cela. Je fais partie de la meute quand cela lui semble bon...

— C'est vrai, ouais. Je devrais être reconnaissant du fait que tu ne m'apportes que des emmerdes, lâché-je, acerbe. Je ne suis que de la chair à canon et ne dis pas le contraire. Je suis loin d'être aussi stupide que tu ne le penses.

Geralt se raidit, je ne peux que le voir. Un grondement envahit la pièce, étalant une fois de plus son aura de dominance au point où, cette fois, cela en devient étouffant et oppressant. Je me crispe et incapable de lutter plus longtemps, je tourne la tête sur le côté et mets en évidence mon cou. Putain de métamorphe dominant et phéromones à gerber...

Il comble la distance et présente ses crocs à ma gorge en piteux état, la satisfaction imprimée sur le visage. En revanche, Dieu merci, il évite d'appuyer et se contente de ce simple geste déjà rempli de signification. L'air revient naturellement dans mes poumons une fois que l'aura s'estompe, une fois que je ne suis plus en contact avec lui.

— Tu m'es redevable. C'est un fait.

— En réalité, tout ce que tu souhaites, c'est que je prenne la seconde option. Il n'a jamais été question de la première. Alors ne me fais pas croire que le choix m'appartient, craché-je tout de même.

— Je ne vais pas le nier. Ton union avec Violette n'est pas indispensable. Après tout, elle n'est que la fille adoptive de Kaeden et ne nous apporterait rien de comparable au territoire de Red Moon.

— Évidemment... Sinon pour une union, tu aurais demandé à Clayton ou à Simon. Pas à moi.

— Tes frères sont tous deux célibataires, dit-il simplement sans chercher à se défendre. Ils auraient su plaire à cette jeune panthère.

Pour toute réponse, j'émets un raclement de gorge dédaigneux. La douleur m'aide, paradoxalement. Elle m'aide à me raccrocher à la réalité, à voir que je ne suis pas en train de cauchemarder. Tout ceci est bel et bien vrai.

— Et tu oses dire depuis le début que j'ai le choix. Tu me fais rire.

Là aussi, Geralt ne cherche pas à nier. Je sais pertinemment que j'ai raison et cette constatation me dégoûte au plus au point, plus que je ne l'aurais pensé. Après m'avoir repoussé tant de fois par le passé et m'avoir fait subir toutes sortes d'atrocités, il me trouve une toute nouvelle utilité. Bordel ce que j'aurais aimé pouvoir l'envoyer se faire foutre, ou bien encore lui mettre le feu. Au moins ça.

Seulement, je perdrai la protection de notre meute. Je serai comparable à une brebis égarée dans le royaume des prédateurs. Du moins, plus que je ne le suis déjà. Au final, j'ai sans doute juste le droit de choisir la façon dont je vais quitter ce monde.

Ça m'écœure.

Et je le hais un peu plus encore.

Prudemment, j'inspire avec calme. Le choix est fait.

— Bien. Quel est le plan ? Parce que tu me connais, mon niveau de discrétion est de zéro, voire de moins dix. Sans exagération.

Un rictus calculateur apparaît lentement sur ses lèvres suite à ma décision. Il connaissait mon choix avant même que je ne le dise, avant même d'entrer dans cette pièce et de me confronter. Il est hors de question pour moi de finir avec une femme, quand bien même cette possibilité n'a jamais vraiment exister. Violette est très belle, je ne vais pas dire le contraire, mais mon attirance est aussi forte que mon niveau de discrétion. Puis honnêtement ? Je préfère risquer ma vie que de mettre en péril mon bonheur. Si tant est que j'en ai un, un jour.

Jusque-là parfaitement muet, Bagheera échange un regard complice avec mon père. Enfin, il porte son intérêt sur moi et le plonge dans le mien sans détour, me clouant, les fesses en premier, sur le matelas.

L'air faussement dans mes pensées, j'observe les traits masculins de son visage de manière distraite. Fermes, ciselés au couteau, ils démontrent facilement la puissance derrière et ce dont il est capable. Si ça avait été le père à la place de Violette, il est évident que j'aurais alors pris la première option sans aucune hésitation. Il est tout simplement à se damner et depuis son entrée, je me retiens de laisser mon regard courir sur sa délicieuse personne. Mais juste un coup d'œil, ça ne se verra pas, n'est-ce pas ?

Un tout petit petit coup d'œil...

Tout rapide.

Pour un bon remontant.

— Pour commencer, tu ne te feras pas tuer parce que tu auras mis un pied sur leur territoire en essayant de l'infiltrer. Si ça peut te rassurer.

Je bats des cils et relève rapidement mon attention afin de plonger mes iris dans le vert émeraude comme si de rien n'était. Pour le coup, il détient réellement toute ma concentration.

Il a dit les mots magiques.

— Et je peux savoir comment ?

— Pour la simple et bonne raison que tu ne vas pas entrer sur le territoire par toi-même. C'est eux qui font le faire pour toi. Ni plus ni moins.

Je le fixe comme un poisson-globe sans pouvoir m'en empêcher.

— ... Ok, là, je suis perdu. Vous avez pris tous les deux un coup sur la tête avant de venir, c'est ça ?

— Dans l'état déplorable dans lequel tu es, s'ils te trouvent par hasard sur leur route, non loin de chez eux, ils te prendront peut-être avec eux pour t'apporter des soins.

— Peut-être ? rebondis-je.

Je ris tout bas, les sourcils arqués à son encontre.

Mon paternel prend la relève, une expression des plus sérieuses sur le visage. Est-ce qu'ils savent que Red Mon n'est pas un camp de vacances accueillant ? Parce que je n'en ai pas l'impression. Pas du tout même.

— Peut-être, oui, confirme-t-il. Cela ou ils t'achèveront pour mettre fin à tes souffrances. Seulement, ils ne sont pas connus pour leur miséricorde. De ce fait, avec un peu de chance, ils te laisseront agoniser. Et c'est à ce moment-là qu'on viendra te chercher.

Je passe mon regard de l'un à l'autre, et inversement.

— Wow... Super. Ce plan me rassure beaucoup. Non, non, vraiment, je vous jure.

Angèle remue à mes côtés.

— Je... Il est préférable qu'Isaac se repose et cicatrise au moins un peu. J'ai bien peur que ce ne soit pas très bon pour lui dans le cas contraire.

— Réfléchis un peu, Angèle, répond mon père. Comment veux-tu qu'il fasse pitié à ces sauvages s'il a l'air d'aller bien ? Je t'en prie, dis-le moi.

Devant son silence, il reprend :

— Il ira dans cet état. Et s'il le faut, j'arrangerai moi-même son cas si je juge que ce n'est pas suffisant.

Semblable à un coup de poing, mon cœur vacille.

Je baisse le regard et ricane.

— Wouah... C'est fou comme je sens ton amour pour moi à travers ces mots emplis de tendresse à mon sujet.

Il ne me considère que d'un bref regard, ignorant mon sarcasme plus qu'évident. Je ferme brièvement les yeux, épuisé, tendu et stressé comme ce n'est pas permis. Je jette finalement un coup d'œil vers la fenêtre et grimace vis-à-vis de la forte luminosité. Elle va sérieusement finir par me taper sur le système et me déclencher un mal de tête, si ce n'est pas déjà le cas.

Angèle le remarque bien évidemment et presse très légèrement mon épaule de sa main délicate avant d'aller tirer les rideaux. Je soupire d'aise à la pénombre apparue dans la chambre, bien qu'elle ne nous plonge pas pour autant dans le noir absolu grâce au soleil filtré à travers le tissu.

— Les métamorphes latents n'atteignent pas l'âge adulte, continué-je après quelques instants de silence bienvenu. Si je suis en vie, à mon plus grand damn, c'est grâce à toi. As-tu au moins pensé à ce qu'il se passerait s'ils venaient à remarquer ce léger détail chez moi ?

— Tu ne t'écoutes pas. Tu l'as dit toi-même : tu es encore en vie et ce, même après toutes les aventures par lesquelles tu es passé. Je te conseille donc de prier la bonne étoile qui veille sur toi. Prie-là et demande-lui de rester à tes côtés et de ne surtout pas te quitter quand ils viendront à toi.

— Ma... bonne étoile ? Sérieusement ? Nos visions de la chance sont très éloignées l'une de l'autre si tu veux mon avis, marmonné-je. Et il me faudra plus qu'une bonne étoile pour affronter les tarés de la forêt.

— Tu as frôlé la mort plusieurs fois et pourtant, tu es toujours là. Tu n'appelles pas cela de la chance ? Si ça ne te suffit pas, contente-toi de survivre comme tu l'as toujours fait. Ce n'est pas un terrain qui t'est inconnu.

Je pince mes lèvres l'une contre l'autre pour me retenir de répondre quoi que ce soit. Au lieu de cela, je détourne les yeux sur le mur de ma chambre situé en face de moi. Ils s'élèvent sur le dessin encadré et accroché au-dessus de ma commode que j'ai moi-même dessiné à une époque. D'une manière saisissante, il représente un loup au pelage d'un noir ensorcelant, semblable à une nuit sans Lune, pris dans une posture typiquement dominante. J'ai longtemps espéré être aussi beau que lui sous ma forme animale mais cet esprit s'est fané il y a bien longtemps maintenant. J'ai cessé de croire que je serais un jour complet et cela a laissé un goût amer derrière lui, créant le fossé que je ne ressens que trop bien aujourd'hui.

À la seule pensée de ce dessin, mes doigts se mettent à me démanger pendant que l'envie irrépressible de faire courir un crayon de papier sur une feuille vierge se fait sentir. Un besoin urgent que je peine à repousser et à garder à distance pour ne pas perdre le fil de la conversation touchant à sa fin.

Un besoin urgent de me couper du monde, de préserver mon mental en me plongeant dans ma bulle. Comme je l'ai toujours fait.

— Tu as une journée, entière et complète, pour te reposer et faire ce qu'il te plaît. Après ça, nous t'enverrons là-bas. Profites-en.

— Oh comme c'est gentil de ta part, répliqué-je avec ironie. Je suis touché que tu m'accordes une journée, tu n'as pas idée.

Encore une fois, Geralt ne prend pas la peine de me reprendre. Il tourne simplement les talons et quitte les lieux sans perdre plus de temps que nécessaire. Toutefois, Bagheera et sa clique ne semblent pas disposés à partir maintenant. À la place, la panthère s'avance et pose sa main sur la mienne, sagement abandonnée sur ma cuisse.

Mon regard va de notre contact à son visage. Face à la chaleur de sa peau, mon corps frissonne et je ne peux retenir le saut que fait mon cœur en réponse. Avant même que je ne relève les yeux vers ceux d'un beau vert profond de cet homme bien trop séduisant pour mon bien, je sais que ma réaction n'est pas passée inaperçue. Et ça ne le laisse pas indifférent non plus, je le sens. Je le sais.

Si je dois mourir demain, il faut impérativement que je m'envoie en l'air.

Au moins une dernière fois.

— Je tenais à m'excuser pour le coup que t'a porté mon lieutenant. Le fait que tu sois latent, donc en incapacité de faire sortir ton animal, lui a échappé. Il a également cru que tu avais perdu la tête avec tous les coups que tu as malheureusement subi. J'espère que tu ne lui en tiendras pas rigueur, à lui tout comme à ma meute de te mettre dans une telle impasse. Comprends bien que tu es notre seul espoir.

— Il m'a sorti d'affaire, soufflé-je en prenant une brève inspiration. Je ne peux pas lui en vouloir.

Je suis si faible devant tant de sex-appeal.

Je retire cependant ma main.

— En revanche, j'apprécie moins de jouer au James Bond.

Il dodeline doucement du menton et m'offre un sourire en coin contre lequel mon cœur ne peut lutter - et ma libido en ébullition encore moins. Et c'est pire encore lorsqu'il dépose un faible baiser sur le dos de ladite main comme si de rien n'était pour conclure notre entrevue.

— Je comprends tout à fait. J'aurais aimé qu'il en soit autrement.

Il se détourne par la suite et sort dans le plus grand des silences en compagnie de ses deux panthères.

Angèle siffle une fois la porte close et secoue vivement la main dans tous les sens, l'air d'être en feu.

— Putain, il a un de ces culs ! Tu l'as vu ?

— Oh ouais, acquiescé-je. Et il a des yeux à faire bander le plus saint des moines !

Nous nous regardons et échangeons un regard entendu, hochant la tête de concert pour appuyer nos propos.

~

Épuisé, je me suis endormi comme une masse. Je me suis laissé happer par mon besoin de repos sans avoir la force de faire front dès lors que j'ai été seul dans cette chambre que j'ai longtemps détestée et détesterai sans doute à jamais. Ses murs ont vu plus de choses qu'ils n'auraient dû. Par moments, même blotti dans les bras de Morphée, j'ai l'impression d'entendre mes cris et mes pleurs passés résonner tout autour de moi. Tout comme mes supplications que j'ai adressées à la Lune qui n'a jamais rien voulu entendre.

Tout ce qu'elle a fait pour moi, c'est de m'avoir privé d'un élément plus qu'important pour un métamorphe : sa part animale, mon loup, ce que je suis tout au fond de moi. Et exactement comme cette pièce, je l'ai détestée et la détesterai jusqu'à mon dernier souffle. D'ailleurs, ce moment ne devrait plus tarder à arriver avec la chance que j'ai dans ma vie. Aucune bonne étoile ne m'illumine, c'en est même tout le contraire.

Le pire dans tout ça ? Je passe sans doute ma dernière journée sur terre dans la déprime, en train de dormir comme un ours en hibernation - big up à celui qui a failli me tuer - et sans même avoir la force d'aller trouver un partenaire pour goûter au bonheur qu'est le plaisir de deux corps entrelacés dans une fièvre délicieuse.

Bagheera, où es-tu mon petit ?

Quelques petits coups se font entendre contre la porte de ma chambre mais je ne daigne pas répondre et reste tranquillement allongé sous les couvertures. Les probabilités que ce soit Kaeden sont littéralement inexistantes. Par conséquent, je n'ai pas envie d'être dérangé pour rien.

Les paupières closes, je fais donc semblant de dormir. Néanmoins, cela ne semble pas grandement embêter mon invité surprise qui ouvre malgré tout la porte.

— Tu dors, mon cœur ? demande tout bas ma mère.

Le matelas se creuse légèrement sous son poids lorsqu'elle vient s'installer à mes côtés. Sa main se perd dans mes cheveux blonds ébouriffés dans une douce caresse et m'offre de faibles papouilles. Je pourrais presque ronronner de satisfaction tant c'est divin.

Je secoue finalement la tête, dépourvu d'énergie pour lui faire face.

— Il faut que tu partes, continue-t-elle avec hésitation.

Mes sourcils se froncent en même temps que mes paupières s'ouvrent d'un coup sous le coup de la surprise que me provoquent ses mots. Je puise avec force dans mes réserves pour finalement me tourner vers elle et je rive mon regard perdu dans le sien, non sans grimacer.

— Tu ne peux pas jouer les espions pour ton père, c'est du suicide. Nous le savons toi et moi.

Je soupire.

— Je sais, maman, mais je ne peux pas faire autrement. C'est soit ça, soit je perds la protection de la meute. Et je n'ai pas non plus envie de m'unir à une femme.

— As-tu pensé à fuir ? Isaac, je... je ne peux pas rester là sans rien faire. Pas encore une fois, je ne le supporterais pas.

— Si je pars, murmuré-je douloureusement, aussi affligé par ma propre souffrance que par la détresse que je vois dans ses pupilles, je perds la protection de la meute et ma situation reviendra au même. Les personnes comme moi ne survivent pas. Ça aussi, toi et moi, nous le savons. Je n'ai pas le choix.

— Pas si tu pars du pays et rejoins la Nouvelle Orléans. J'ai un vieil ami là-bas, Carl, il accepte de t'accueillir avec lui dans le bayou. Il vit certes seul mais il sait très bien se défendre et pourra te protéger comme il faut des prédateurs.

Un élan d'espoir fleurit vicieusement en moi et je suis incapable de le contenir. Pourtant, ça ne changera strictement rien à mon futur et je le sais. Tant bien que mal, j'essaie de garder la tête froide et de ne pas trop espérer de mon potentiel avenir. Je sais pertinemment à quoi m'en tenir : je n'ai pas de bonne étoile.

Ma mère me sourit et prend les vêtements qu'elle tenait jusqu'ici sur ses genoux pour les poser sur le lit. De sa main, elle les tapote et ajoute :

— Habille-toi. Il faut que tu partes cette nuit : une voiture t'attendra à l'orée de la forêt et t'emmènera à l'aéroport. Une fois dedans, tu trouveras une valise avec tout ce qu'il faut à l'intérieur. Papiers, passeport, billets, argent et ainsi de suite.

Mon cœur malmené par la froideur de mon géniteur se réchauffe par la bonté et la douceur de ma mère.

— Tu as tout prévu, chuchoté-je, le cœur lourd.

— Je te l'ai dit, mon cœur. Je ne peux pas rester là sans rien faire en sachant que tu risques ta vie simplement pour un foutu territoire et une meute... qui ne te mérite pas.

L'espoir m'envahit et prend possession de moi sans que je ne cherche à le réprimer, cette fois. Les larmes me montent aux yeux. Je me saisis de sa main et je la porte contre mon torse, là où mon palpitant s'est mis à battre la chamade rien que pour elle. Ma mère est peut-être une louve soumise néanmoins, elle est prête à tout pour moi, quitte à subir les foudres de son homme. J'ai longtemps douté de ça et je m'en veux terriblement aujourd'hui.

Elle m'aime.

Et je l'aime en retour.

— Pars avec moi. Restons ensemble.

— J'aimerais, Isaac, vraiment, mais c'est impossible. Il faut que je reste, au cas où.

— Au cas où quoi ? relevé-je aussitôt, les sourcils froncés.

— Angèle va venir te voir une dernière fois afin de s'assurer de ton état, m'ignore-t-elle en se levant du lit.

— Maman, au cas où quoi ?

— Elle te donnera un papier où sont notés les tours de garde des sentinelles pour que tu puisses partir. En revanche, il faudra quand même que tu sois discret. Essaie de l'être au moins un tout petit peu, d'accord ?

Je me relève sur les coudes. Cependant, elle m'arrête en dressant une main entre nous. Une fois sûre de mon silence, ma mère se penche et presse ses lèvres contre mon front.

— Je t'aime, mon cœur. Tu vas beaucoup me manquer...

Elle se redresse et me regarde longuement avec un petit sourire sur les lèvres. Au bout d'une minute seulement, la tête haute et les épaules raides, elle se détourne et se dirige d'un pas rapide vers la porte pour quitter la pièce.

— Ce n'est pas un adieu, rassure-moi ?

— Prends soin de toi, chéri. Et ne drague pas Carl, c'est un loup plutôt grincheux.

Silencieusement, je la regarde refermer la porte derrière elle. Me laissant doucement retomber parmi les oreillers, je porte une main contre mon front et murmure ce que je n'ai jamais osé lui dire avec pour seuls témoins les rayons du soleil :

— Moi aussi, je t'aime...

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