Matriochkas - [Advent Calenda...

By Lhazareen

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Advent Calendar 2019 Projet collaboratif (BTS) 24 jours, 24 conteurs, 24 citations, 24 OS --- Depuis quand... More

Préface
Présentations
Sommaire
1h - L'Éphémère
2h - En eau froide
3h - Freedom
4h - A Shade of Blue Grey
5h - Songes cachés
6h - La Montagne dans le ciel
7h - Chimera
8h - Back in Time
9h - La pluie nous portera
10h - Le Piano
11h - Celui qui reste
12h - Birds
13h - Eden
14h - Perséides cachées
15h - Around the Corner
16h - We Don't Talk Together
17h - À voix haute
18h - Taehyung ou la quête de la lumière
19h - Garde du cœur
20h - Le suivant dans cinq minutes
21h - Ribbon
23h - Décalcomanie
00h - Les Oiseaux migrateurs

22h - Carmin

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By Lhazareen

« Ah, il n'y avait aucun espoir depuis le début. »

- Silver Spoon

The Most Beautiful Moment in Life Pt.2

———

Le parquet craquait discrètement sous mes pieds nus, lorsque mon corps ne me menait pas vers le tapis étalé au milieu de la pièce. J'entendais à peine la télé, la tête remplie de la douce mélodie émanant du vieux lecteur CD. Ce que j'aimais cette musique. Notre musique.

Quelques notes s'emballèrent, et la main posée sur ma hanche renforça sa poigne pour me faire tourner plus vite. Mes pieds tentaient de suivre son rythme, alors que je ne pouvais pas quitter son visage du regard.

Du bout des doigts, je jouais avec les quelques mèches blondes qui n'étaient plus retenues en arrière par son élastique, une main sur son épaule, tandis que l'autre était glissée dans le creux de son dos. Il avait son sourire doux et hypnotisant, celui qui faisait briller ses yeux dès qu'il commençait à danser. Dieu qu'il était beau ainsi.

La musique continuait de nous enlacer dans le salon, nous faisant oublier l'heure et le lieu. Il n'y avait plus que nous, dansant et tournoyant là où nous guidait l'autre.

Je le sentis passer sa main contre ma nuque et me rapprocher un peu plus de lui. Je pouvais respirer l'odeur de vanille et d'orange qui le suivait dès qu'il sortait de la douche.

Ses yeux se plissèrent un peu plus alors que son sourire s'agrandissait, et il vint déposer sa tête au creux de mon cou. Son souffle s'éparpilla au bord de mon visage, me faisant agréablement frissonner.

Jusqu'à ce que la musique cesse, nous restâmes ainsi, enlacés et nous déplaçant lentement au rythme des instruments.

Je n'avais pas besoin de beaucoup réfléchir pour assurer que c'était mon moment préféré de la journée. Ou plutôt mon moment préféré tout court.

Les dernières notes disparurent autour de nous, et nos corps cessèrent leur ballet. Mais nous restâmes encore de longues secondes silencieuses collés l'un à l'autre.

Une nouvelle mélodie débarqua, plus puissante et imposante que la précédente, finissant de nous sortir de notre moment.

Jimin se détacha lentement de moi, ses bras entourant maintenant mon cou. Je voulus l'embrasser, enfin retrouver ces lèvres qui me narguaient depuis le début de notre danse. Mais il ne m'en laissa pas le temps, m'embrassant plutôt sur le nez avant de s'enfuir en direction de la cuisine, accompagné par un petit rire.

- Je finis le repas, tu peux terminer de te sécher les cheveux, je l'entendis me dire.

- Ils sont secs, je répondis en passant une main dans mes mèches noires.

- Non, ils sont encore humides, tu vas attraper froid si tu restes comme ça.

- Bien, bien, j'y vais.

Je capitulai rapidement, trouvant une petite serviette sèche dans les placards de la salle de bain pour la poser sur ma tête.
S'il n'avait pas allumé le lecteur CD lorsque j'étais à peine sorti de la douche, je n'aurais pas eu ce soucis.

Avec Jimin c'était toujours comme ça. Lorsqu'il voulait quelque chose, c'était tout de suite, il se débrouillait toujours pour me faire craquer. Ce qui n'était jamais très compliqué.

Une fois la table mise, et un Jimin satisfait de l'état de mes cheveux, nous purent commencer à manger. La télé jouant toujours son rôle de bruit de fond, nous discutions tranquillement.

- Tu sais que les résultats du concours sont demain ? Je finis par lâcher.

- Oui, tu m'avais dit que c'était dans la semaine. T'as pas de raison de t'inquiéter, tu t'es débrouillé comme un chef, me devança le blond avec une voix encourageante.

- Je commence à vraiment stresser, t'as vu le niveau des autres ? La choré de Jungkook c'était un truc de fou.

- T'es dans une école de danse, évidemment qu'il y a de supers niveaux, et toi aussi t'en fais partie.

Je ne sus quoi répondre, peu convaincu.
J'avais beau être en deuxième année dans cette grande école, je me sentais souvent à la ramasse. Je ne comptais plus le nombre de fois où je m'étais senti comme un vrai débutant au milieu des autres.

Jimin avait été ravi que je me lance dans ce concours, il connaissait ma pauvre confiance en moi, et voulait me prouver que je méritais ma place dans l'école. Sauf que je sentais la déception arriver.

- Arrête d'y penser pour ce soir, ça ne t'avancera à rien de toute façon, dit-il en passant une main dans mes cheveux pour m'obliger à me concentrer sur lui.

J'aurais vraiment donné n'importe quoi pour avoir son aplomb. Il était toujours si confiant, ou simplement optimiste, des choses que j'avais du mal à utiliser, particulièrement lorsque j'étais concerné.

Lui, il voyait une hypothétique victoire, ou au moins une super expérience pour améliorer ce qui n'allait pas et faire mieux la prochaine fois.

Moi, tout ce que je voyais, c'était une vaine tentative. Une énième preuve que je n'étais pas fait pour la danse, et que je ne le serais probablement jamais.
Retour à zéro, je n'étais pas fait pour vivre de ma passion, et j'allais devoir trouver une autre voie.

Rien que cette idée me fit rapidement paniquer, et mes yeux se mirent à désagréablement piquer. Comme je haïssais cette partie de moi qui réagissait trop brusquement à de simples hypothèses.

Ce n'était même pas la peine de le cacher. Jimin avait déjà remarqué mon silence, comment je fixais le plafond pour adoucir cette sensation de chaleur autour de mes yeux. Alors je me contentai de cacher mon visage au creux de mes mains, honteux.

Une chaise fut tirée en arrière, et une douce chaleur m'enveloppa. Jimin me caressa gentiment les cheveux et y déposa un rapide baiser.

- Ne te dénigre pas comme ça, s'il te plaît. Tu es un bon danseur. Je le sais, tes amis et tes professeurs le savent, sinon ils ne t'auraient pas laissé faire cette deuxième année. Tu mérites de gagner ce concours mon ange, ne te vois pas déjà perdant.

Il me fit doucement relever la tête, posant ses mains contre mes joues pour essuyer du bout des pouces les larmes menaçant de tomber.

Je savais qu'il détestait me voir pleurer, particulièrement lorsque c'était pour une chose aussi stupide, alors je me repris plus ou moins rapidement.

- Aller, n'en parlons plus, je l'entendis me dire. On va regarder tranquillement la suite de notre série sur le canapé et ne penser à rien d'autre d'accord ?

Tandis que je le suivais jusqu'au le sofa, je hochai la tête. Dès l'instant où il s'installa entre les coussins, je me collai à lui, la tête posée sur son épaule.

Il alluma la télévision et une fois l'épisode choisi, se calla contre le dossier, une main se glissant dans la mienne.

Jimin n'avait pas besoin de faire plus pour me réconforter et me calmer. Dans ces moments fugaces, je me sentais un peu plus confiant, j'arrivais presque à m'imaginer mériter ce que j'avais. Et j'osais même me dire que je le méritais lui.

~~~

Les résultats étaient tombés comme prévu durant l'après-midi. Tout le monde s'était jeté sur son téléphone direction le site officiel pour découvrir le classement. Seuls les dix premiers étaient qualifiés.

Durant la journée, j'avais su garder un petit espoir pour être dans les trois derniers. Une fois devant mon écran, j'avais senti la panique monter, puis s'effacer une fois avoir découvert les résultats.

Maintenant, allongé sur le canapé devant un programme stupide, j'attendais que Jimin rentre. En travaillant dans un petit restaurant où il s'occupait de certaines livraisons du soir, il rentrait souvent plus tard que moi.

Enfin, la poignée se tourna, et sa silhouette entra dans l'appartement. Il quitta ses chaussures, déposa son sac dans un coin, et se dirigea automatiquement vers moi.

Il déposa un rapide baiser sur mes lèvres, et attendit son habituel "bonsoir mon ange". Mais cette fois, rien ne vint, je restais muet comme une tombe.

Jimin se redressa et m'observa d'un regard interrogateur. Je le regardais à peine, concentré sur l'écran de la télé.

- T'as passé une bonne journée ? Je demandai.

Mon ton sec lui fit comprendre que je n'étais pas de très bonne humeur. Et il en comprit sans problème la raison.

- Tae, j'aurais dû t'en parler, mais-

- Mais quoi ? Je le coupai. Tu comptais me dire que tu t'étais inscrit au concours ou t'attendais que je le devine en lisant ton nom sur la liste ?

Lorsque j'avais découvert les résultats, je n'avais pas été très étonné de ne pas me voir dans les dix premiers. Par contre, je ne m'étais pas attendu à trouver un Park Jimin à la huitième place.
Je ne savais pas ce qui m'avait le plus blessé, entre trouver son nom dans les qualifiés et ne pas m'y voir.

- Je comptais t'en parler, mais je ne m'attendais pas à finir dans les qualifiés et que tu le vois par toi-même.

Parce qu'en plus ça l'étonnait de réussir ? Il se fichait de moi ?
Il voulait me faire croire qu'il ne pensait pas gagner, lui qui était doué dans tout ce qu'il faisait ?

Je sentis une pointe d'amertume monter, et me faire perdre patience rapidement. Je reposai mon attention sur la télé, sachant que si j'ajoutais quelque chose j'allais le regretter ensuite.

Jimin, toujours debout devant moi, laissa échapper un faible éclat de rire qui n'avait rien de joyeux et se recula d'un pas.

- Et c'est tout ? Tu ne peux pas juste être content pour moi, me féliciter ou me demander comment ça s'est passé ? Ça va te paraître dingue mais moi aussi j'ai besoin de me sentir soutenu.

Sa voix était devenue sèche elle aussi, mais pas assez pour être colérique. Je connaissais ce ton, Jimin n'était pas fâché, il était juste blessé.
Et pour changer, c'était de ma faute.

- Voilà pourquoi je ne t'ai rien dit, je savais que tu allais réagir comme ça. Il continua en croisant les bras.

Moi, je continuais de regarder silencieusement la télévision. Je ne voulais pas de cette discussion. Je savais déjà que ça allait mal finir, alors autant essayer de l'esquiver.
Mais Jimin était visiblement décidé à suivre une idée toute différente.

- Ne m'ignore pas Tae, tu sais que je déteste ça.

Un rapide coup d'oeil dans sa direction fut tout ce à quoi il eut droit. Et cela l'énerva un peu plus.

Voyant qu'il ne comptais pas bouger, c'est moi qui quittai la pièce, ne prenant même pas la peine d'éteindre la télévision.
Je l'entendis marmonner dans mon dos, sûrement excédé par mon comportement.

Tant pis, ce soir je n'avais pas envie de me lancer dans une dispute.

Plutôt que de tourner en rond dans notre chambre pour l'éviter, je décidai de sortir faire les courses au petit magasin au coin de la rue. Le froid et le fait de marcher m'aida à me calmer un peu, et je me sentis vite coupable.

Oui, ce concours était important, mais même sans sa participation, je n'aurais pas été pris, alors me mettre dans cet état contre lui était injuste. Il avait aussi le droit de tenter sa chance, il n'avait pas à s'en priver pour moi.
Alors pourquoi est-ce que j'en étais si affecté ?

Je me mis immédiatement en-tête de m'excuser dès rentré à l'appartement. Durant le reste des courses, je me repassais la scène, me sentant chaque fois un peu plus honteux.
La colère en profita pour revenir, un peu moins forte, mais complètement contre moi.
Je me détestais vraiment lorsque je réagissais de manière aussi immature avec lui.

J'étais stupide, et inutilement compliqué. Il n'avait pas à subir ma mauvaise humeur parce que je n'avais pas atteint mes objectifs. Je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même.
Même si ce n'était pas chose facile, quand ma mauvaise humeur débarquait, elle était toujours débordante, et difficilement évitable. Alors je la subissais, et Jimin en payait aussi les frais.

Dans ces moments là, je regrettais un peu ma solitude. C'était facile de crier et de râler sur tout et n'importe quoi, je n'avais pas à réfléchir si je dérangeais ou non. Et puis parfois, le blond n'arrivait pas à améliorer mon humeur, il pouvait même l'empirer malgré lui.
J'arrivais toujours à me trouver d'autres défauts ou raisons de me détester lorsqu'il tentait de me réconforter.
C'était facile de me dire que j'étais invivable avec ces humeurs noires, que je le blessais quand je ne voulais même pas lui adresser la parole pour aller me réfugier dans le bureau, que je n'avais pas à l'obliger à me supporter.

Certaines fois, j'arrivais à me contenir, et je trouvais un autre moyen de ruminer cette mauvaise humeur. Je devenais juste silencieux, m'isolant et ignorant ce qui me dérangeait jusqu'à ce que les choses s'améliorent. Ce n'était qu'une question d'heures, et d'autres fois, de jours.
Je ne voulais plus déranger Jimin avec mes colères idiotes, alors je me taisais, et je le gardais pour moi. Et elles s'estompaient avec le temps.

Une fois à la caisse, un coup d'oeil à ma montre me confirma que je devais me dépêcher si je voulais m'occuper du repas avant que Jimin ne s'en charge. Juste avant de payer, je pensai à prendre en supplément une boite de ses bonbons préférés, et je remontai vite les escaliers de notre immeuble.

En me déchaussant, j'entendis le son caractéristique d'une poêle sur une plaque brûlante, me faisant pousser un soupir de frustration. Quel idiot, j'aurais dû accélérer le pas en sortant du supermarché.

Sans dire un mot, je déposai mon sac rempli dans un coin de la cuisine pour ranger son contenu, et mettre la table. Le blond ne dit rien de plus, m'informant seulement qu'il n'y avait plus de lait de soja. Et évidemment je n'en avais pas ramené. Penaud, je déposai juste le sachet de bonbons sur le bar, attirant le regard de Jimin. J'eus droit à un léger sourire, et cela calma d'un cran la boule qui me tordait l'estomac.

À table, le silence perdura un moment avant que nous ne réussissions à le malmener. Jimin me parla d'un film qu'il voulait aller voir au cinéma, je lui racontai mes prochains projets de cours. L'ambiance arrivait petit à petit à se détendre, ce qui me rassurait doucement.

Alors que j'avais presque réussi à lui arracher un sourire, il poussa un soupir et se redressa sur sa chaise. Au moins trois ou quatre secondes passèrent avant qu'il ne se décide à parler.

- Alors on fait comme ça ? Il me dit sérieusement sans me quitter des yeux.

- Comme quoi ?

- Fais pas l'idiot, tu sais très bien ce que je veux dire.

Je n'ajoutai rien, me contentant de baisser les yeux vers mon plat de nouilles. Cette fois, c'est moi qui poussai un soupir, conscient que je n'allais pas pouvoir me défiler.

- C'est n'importe quoi, on peut pas rester comme ça Tae, à faire semblant que tout va bien parce qu'on est allé prendre l'air chacun de notre côté.

Je me risquai à jeter un coup d'oeil dans sa direction, croisant son regard sérieux qui ne me quittait pas. J'étais incapable de soutenir ce regard, reposant mon attention sur mon bol à moitié vide. Un simple grognement d'approbation plus ou moins sincère m'échappa pour lui offrir une sorte de réponse.

- On a besoin d'en parler, alors pourquoi tu veux jamais ? Tu trouves ça normal de s'engueuler sur un détail à la con comme ça ? Il fut obligé de continuer puisque je ne m'en occupais pas.

- Tous les couples se disputent, 'y a rien de bizarre, je marmonnai sans plus le regarder.

Sa main tapa sur la table et un petit ricanement lui échappa, comme lorsque je lui racontais une blague idiote, sauf que là, il n'y avait rien de drôle. Et je me sentis un peu plus nerveux.

- Ah d'accord. Je suis obligé de garder pour moi ce qui me tient à cœur parce que je sais que ça va encore partir sur une crise de jalousie, mais c'est normal ? T'es sérieux là ? Il dit en montant de ton. J'en ai marre de me taire sur pleins de trucs juste pour pas te blesser alors que toi tu t'en fiches. Je peux même pas parler du concours parce que monsieur peut pas être content pour moi, pareil quand je réussis une nouvelle chorégraphie.

Je me sentais pris au piège. Si je faisais ne serait-ce qu'un geste pour quitter la table, Jimin allait vraiment se mettre en colère. Et actuellement, il était déjà bien assez irrité pour ne pas en rajouter.
Avec son ton accusateur, je n'osais même pas lever les yeux vers lui, je me sentais simplement minable.

- T'en as pas marre de nous comparer sans cesse ? Arrête de tout ramener à toi avec cette pseudo compétition que t'imagines entre nous c'est n'importe quoi. Et je vais peut-être t'apprendre un truc, mais c'est pas comme ça que ça marche dans un couple.

J'étais toujours incapable de lui offrir une vraie réponse. Tout ce que j'arrivais à penser, c'était que je détestais cette situation.
Et je ne pouvais m'empêcher de détester un peu Jimin pour m'obliger à y participer. Je voulais encore repousser cette conversation, de quelques jours, quelques semaines, ou même quelques années, cela ne me dérangeait pas.
Je m'étais fait à vivre en mettant de côté les choses qui n'allaient pas. Je pouvais presque les ignorer maintenant, lorsque Jimin ne m'obligeait pas à les regarder en face.

- Tae, si tu ne dis pas quelque chose je vais vraiment finir par croire que t'en as rien à faire de ce que je raconte. Et de moi.

Mon cerveau finit enfin par réagir, un peu, face à cette menace. Je levai les yeux vers lui, mes mains jouant anxieusement avec les plis de mon haut.
C'était affreux cette sensation d'avoir tout dans la tête mais rien à dire. Les premières choses qui me vinrent à l'esprit, ce fut des excuses, une montagne d'excuses, de quoi me recouvrir et me faire disparaître.

Sauf que ce n'était pas ce que Jimin attendait de moi. Les excuses ça ne résolvait pas les problèmes, ça les adoucissait et ça les rendait moins désagréables à regarder pendant un certain temps, mais ça n'aidait à rien. Elles ne faisaient que retarder ce genre de discussion. Pas étonnant que j'aie l'excuse si facile.

- Tu sais très bien que c'est pas vrai Jimin, je finis par répondre, sur un ton qui me sembla un peu trop détaché après réflexion. C'est juste que... c'est compliqué. En ce moment c'est pas simple et je m'énerve pour un rien, mais ça n'a rien à voir avec toi.

Magnifique. Avec le peu de mots que je venais de formuler, je n'étais même pas capable d'être totalement sincère. Trouver d'autres raisons pour cacher celles qui étaient dérangeantes, ça aussi c'était un de mes nombreux talents. J'étais vraiment fait pour ce genre de conversation.

- Ça fait des mois et des mois que c'est comme ça, n'en parle pas comme si c'était un petit soucis que l'on vient juste de découvrir. Je veux bien faire des efforts, mais faut que t'en fasses aussi, et commencer à parler sérieusement serait pas mal.

Malgré moi, sa voix agacée et un peu trop sèche commença à m'énerver. Je savais bien qu'il avait le droit de m'en vouloir et de le montrer, mais ce petit air accusateur me dérangeait de plus en plus. J'avais l'impression d'être traité comme un gamin qui ne voulait pas reconnaître ses torts, et je détestais ça.

- Et qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Pour une fois que j'essaye de faire quelque chose de moi-même, il faut que tu me prouves que ça aussi, tu le fais mieux que moi. J'ai compris que je t'arrive pas à la cheville, pas la peine de me le rappeler sans cesse, je commencai à marmonner, un peu plus fort. J'ai passé des mois à m'entraîner et toi tu débarques et tu te qualifies, alors oui, ça me met de mauvaise humeur, c'est pas juste.

Le silence dura quelques secondes après ma prise de parole, alors j'osais lever le regard vers Jimin. Il n'était même plus tourné vers moi, observant un détail par la fenêtre en secouant la tête. Un autre ricanement lui échappa, et un sourire triste étira ses lèvres, comme s'il avait du mal à croire à ce qu'il venait d'entendre.

- Parce que j'ai pas les tunes pour entrer dans une grande école, je mérite pas ma place en tant que pauvre amateur dans ce concours c'est ça ? Merci Tae, c'est exactement le genre de soutien que j'attendais.

Pour m'adresser ces derniers mots, Jimin ne m'avait pas lâché des yeux. Sa voix était devenue ironique pour ne pas être attristée. Il voulut ajouter quelque chose, mais se reprit, et préféra se lever pour se diriger vers la cuisine.

- Jimin... c'est pas ce que je voulais dire, je dis en vitesse, me maudissant intérieurement pour ne pas avoir réfléchi à mes mots avant d'avoir parler.

- Mais tu l'as pensé. C'est pareil.

Je voulus me lever pour le rejoindre, mais le regard qu'il me jeta en revenant avec un simple dessert m'en dissuada.

Une vague de culpabilité me noya un instant, et je voulus partir me réfugier dans la chambre pour stopper cette désagréable sensation.

- Et maintenant tu ne dis plus rien. Parce que tu crois que je ne fais rien pour y arriver ? Reprit Jimin, un peu plus fort face à mon silence. Tu vois, c'est exactement ce que je te reproche. Tout est toujours par rapport à toi. Je te soutiens, je t'aide dès que je le peux, je t'encourage et je t'écoute quand t'as de bonnes nouvelles, par contre, je n'ai droit à rien de tout ça, juste des crises de colères et des réflexions à la con parce que je me bats pour ce que je veux. Arrête de baver sur ce que font les autres et remets-toi en question Tae. C'est facile de se plaindre et de ne jamais rien tenter. C'est pas comme ça que t'avanceras.

Maintenant c'était moi qui devait encaisser ses mots. Et ça ne me mettait que plus en colère. Parce que je savais qu'il avait raison, et que dit comme ça, ça avait l'air simple à changer. Alors que non, rien n'était simple avec moi. Je ne savais rien faire simplement, il fallait toujours que je me mette des bâtons dans les roues.

Même en sachant que Jimin voulait seulement me faire réagir et m'obliger à faire face à ce qui n'allait pas, je me sentais blessé, et mon premier réflexe fut de me mettre sur la défensive.

- Oh merci Jimin, j'y avais jamais pensé, tu viens de m'ouvrir les yeux, je ne pus m'empêcher de répondre avec une voix agaçante.

- Arrête de réagir comme un enfant.

- Alors arrête de m'engueuler comme si j'en étais un. J'ai pas besoin de toi pour piger ce qui va pas, tu crois que tu m'apprends quelque chose ? Je sais que cette jalousie est débile, que la manière dont je te traite parfois est pas saine, mais je fais ce que je peux, ok ? Parce que te voir réussir ça me tape sur les nerfs, ouais. J'en ai marre de galérer dans mon coin et de me sentir à la ramasse comme ça à côté de toi. Tu peux le comprendre ça, ou c'est trop compliqué pour le grand Jimin ?

Je sentis ma colère monter. Un peu contre Jimin, mais surtout contre moi.

Parce que je me rendis compte trop tard de ma voix agressive, de mes mots tous aussi blessants les uns que les autres. Encore, j'avais tout laissé sortir sans concrètement réfléchir à leur impact. Et le visage de Jimin suffit à me faire comprendre que j'étais allé trop loin.

- Vraiment ? Ça te dérange tant que ça de me voir essayer d'être heureux ?

Le ton, devenu hésitant et plus étonné qu'en colère me déstabilisa un instant. Même lui avait du mal à croire à ce qu'il venait d'entendre.

Sans attendre, il se leva de table, ne finissant même pas son yaourt, et alla directement vers l'entrée d'un pas décidé. En quelques secondes je le vis prêt à sortir, et trop désemparé par la situation pour réagir convenablement, je me contentai de le regarder stupidement ouvrir la porte.

- Tu sais quoi, laisse tomber, t'as gagné. Je vais chez Namjoon, il eut la gentillesse de me préciser avant de prendre une ou deux secondes pour me fixer des les yeux, son écharpe lui cachant la moitié du visage.

Ce n'était pas possible, cette conversation ne pouvait pas se terminer ici. Je voulais le retenir, le supplier de rester. Mais ce n'était pas ainsi que les choses marchaient, quelques pleurs n'allaient pas effacer nos soucis.

Je n'avais rien de plus à lui dire, je n'avais que de pauvres excuses à la bouche. A ce stade, ce n'était plus suffisant, rien de ce que j'avais en tête n'était suffisant pour le retenir.

Je ne pus lui offrir qu'un minable silence, et ce détail blessa un peu plus Jimin, j'en fus certain.

- T'es qu'un pauvre abruti Tae.

Et la porte claqua violemment derrière lui. Le mur trembla, et la pauvre horloge accrochée dans l'entrée glissa jusqu'au sol.
Comme un idiot, je ne réagis pas plus, l'esprit totalement embrouillé. Mes yeux se focalisèrent sur le verre fissuré, et les aiguilles derrière qui s'étaient stoppées sur vingt deux heures passées.

J'avais du mal à croire ce qui venait de se passer. Je n'avais jamais vu Jimin dans un tel état. Il avait déjà été irrité par mon comportement, mais jamais à ce point, avec une telle colère dans les yeux.

Avant même de réfléchir à une solution pour arranger les choses, une part de moi voulait déjà se persuader que ce n'était rien, seulement une dispute de plus, qu'avec le temps ça aussi, ça allait passer. Mais cette pensée avait beau être tentante, je ne pouvais pas m'en contenter, pas cette fois, sinon j'allais m'en mordre les doigts.

Des milliers d'idées finirent par assaillir mon esprit, me faisant imaginer je ne sais combien de possibilitées alternatives à cette situation si j'avais réagi différemment. La moindre petite modification me faisait imaginer des fins totalement opposées, avec souvent un meilleur résultat que celui actuel.

C'est vrai que j'aurais dû mieux réagir à ses questions, qu'il voulait seulement éclaircir le problème, que j'aurais sûrement dû l'empêcher de partir et le rattraper, que le mieux aurait été de lui expliquer cette peur de tout plutôt que de trouver des excuses à peine crédibles.

J'aurais pu continuer la nuit entière à imaginer un dénouement différent.

Je me trouvais si stupide. J'aurais dû lui montrer que son bien-être m'importait, que je voulais le voir heureux avec moi. J'aurais dû lui expliquer que rien n'était de sa faute, qu'il ne devait pas prendre mes mots trop durs au sérieux, que je m'étais bêtement emporté.

Comme je voulais m'excuser pour cette dispute. Mais avec le silence qui s'éternisait, mon courage s'effrita.
Mon premier réflexe fut de l'appeler, sauf qu'une fois devant son contact, je n'osai plus confirmer l'action. Je ne me sentais plus capable de lui faire face, je sentais que j'allais encore empirer les choses. Fatigué et dépité, je laissai tomber cette idée. Même un simple message me sembla tout à coup insurmontable.

La seule idée que je me sentais capable de suivre, c'était de me rouler en boule dans le lit en me disant que demain les choses iraient mieux. Je n'avais qu'à l'attendre, il allait bien finir par rentrer. Et là, je pourrais lui montrer que je voulais faire des efforts. Si c'était tout ce qu'il me demandait pour rester, alors j'allais m'y plier.

Sans prendre la peine de faire la vaisselle, je finis par entrer dans la chambre, tout à coup épuisé. Le fait de me coucher sans avoir une seconde présence à côté me fit un drôle d'effet, que je laissai immédiatement de côté.

Je restai un moment allongé sur le lit à fixer le plafond, me répétant en boucles mes paroles, me détestant un peu plus à chaque fois. C'était toujours pareil, je répétais les mêmes erreurs avec Jimin, à croire que je ne m'en lassais pas.

Parfois, je regardais mon téléphone en espérant un message, ou un appel, avec cette stupide boule au ventre qui ne faiblissait pas.

J'avais un peu trop d'espoir.

~~~

La porte claqua un peu trop fort contre le mur lorsque je l'ouvris. Épuisé par cette énième journée d'entraînement, je jetai mes chaussures et mon sac de sport dans un coin de l'entrée, allant directement sous la douche.

J'y restai longtemps, me fichant de me retrouver avec de l'eau froide à la fin. Ce n'était pourtant pas dans mes habitudes. C'était plutôt Jimin qui aimait ça, rester une éternité sous la douche en chantonnant.

Après une bonne demi-heure, je sortis de la salle de bains, dans mon vieux pyjama rêche et parsemé de trous que Jimin détestait tant. Je finis par m'affaler sur le canapé, n'ayant même pas l'énergie de me préparer quoi que ce soit pour le moment. De toute façon, le frigo était vide.

Le téléphone en main, je fixais l'écran, attendant une notification, comme un idiot.

Jimin était parti. Trois semaines qu'il n'avait pas remis les pieds dans l'appartement, ou en tout cas, lorsque j'y étais.

Je n'avais pas osé envoyer un message au début, il m'avait fallu presque une semaine entière pour avoir enfin le courage de l'appeler. Il n'avait pas répondu, et j'avais été trop paniqué pour laisser un message vocal.

Je l'avais rappelé deux autres fois ce soir là, soudainement désespéré de l'entendre, et il avait fini par décrocher.

Mais la conversation n'avait mené à rien.
Je m'étais confondu en excuses, comme à chaque fois que je devenais trop blessant. Je n'avais rien d'autre que ça à la bouche lorsque je faisais les choses de travers. Sauf que ça ne servait à rien les excuses, surtout lorsque c'était pour les resservir dès la prochaine dispute.

Alors Jimin m'avait vite coupé. Il ne voulait pas de mes pardons en pagaille, il n'en voulait plus de mes grands monologues d'apitoiement. Il voulait des actes, des preuves que j'allais changer ce qui n'allait pas, que je voulais ces changements. Il voulait m'entendre dire que j'allais y faire quelque chose, même si c'était long et compliqué.

Sauf que j'avais été incapable de lui faire cette énième promesse. Je savais que je n'allais que la rajouter à toutes celles que j'avais abandonné après quelques jours.
Et je ne voulais pas plus décevoir Jimin. Il ne méritait pas de tourner en rond avec moi.

J'avais trop peur, trop peur de tout, pour dire oui. J'étais effrayé, par ce changement, les difficultés qui allaient avec, la manière dont j'allais le gérer, comment je pouvais encore tout foirer et laisser tomber. Il y avait trop d'inconnus pour ne pas me rendre mort de trouille.

Et à cause de cette frayeur, je me retrouvais seul, misérable et triste. Jimin m'avait bien dit que cette peur de ce qui n'existait pas encore allait me bouffer. Mais évidemment, je ne l'avais pas écouté.

Le voilà le résultat, maintenant il était parti. Il avait craqué, il ne supportait plus cette jalousie idiote, mon soutien inexistant, cette demande constante d'attention lorsque moi je ne lui en montrais jamais.
C'était évident que ça ne pouvait pas durer.

Jimin était un ange, mais sa tolérance avait des limites.

Pourtant, j'attendais toujours. Un appel, un message, n'importe quoi.

Même en sachant que Jimin m'avait bien fait comprendre que c'était trop tard.
Je l'avais poussé à bout, et avec le recul il avait compris que cette relation était trop épuisante pour être saine. Je lui en demandais trop, sans presque rien lui offrir en échange, je l'avais trop blessé.
Il n'en pouvait plus d'essayer, il avait fait des efforts, beaucoup d'efforts. Il avait fait sa part, même plus, alors que moi je ne cherchais même pas à voir ce qui n'allait pas.

J'étais incapable de lui promettre un meilleur avenir ensemble, et ce point avait fini de le convaincre de laisser tomber. Même si cela nous brisait le coeur à tous les deux.

Je finis par me lever, la télé fonctionnant encore comme bruit de fond. Ignorant la cuisine et la faim qui commençait à s'imposer, je me contentai de mettre en marche le lecteur CD.

Immédiatement, les premières mélodies si familières s'installèrent dans le salon. D'un pas souple, déjà entraîné par les notes de plus en plus nombreuses, je me dirigeai vers la fenêtre.

Près d'elle, mes doigts glissèrent le long d'une manche de l'un des vestes accrochées non loin. Elle se détachait violemment des autres habits avec sa couleur vive. Mes mains continuèrent de traîner le long du tissu, atteignant le col. Je l'avais toujours trouvée agréable au toucher, avec ses finitions parfaites. Et cette couleur carmin qui accrochait l'oeil de n'importe qui.

C'était surprenant que Jimin l'ai oubliée, au milieu de tous ces autres manteaux noirs, gris et bruns. J'avais toujours adoré cette veste, elle lui allait affreusement bien.

Tandis que la mélodie commencait à s'affoler, s'approchant du refrain, je ne pus m'empêcher de me glisser dans l'habit écarlate.
Il y avait encore son odeur, et dans les poches, quelques wons et des tickets de métro froissés. C'était comme s'il venait juste de la quitter après une de ses journées de boulot. Le temps s'y prêtait parfaitement, avec ses nuages gris et son vent sec.

Et je continuais de danser, sans réfléchir à rien. Je voulais revivre nos moments, là, au milieu du salon. Quand plus rien ne nous importait en dehors de la musique.
Je voulais me sentir encore aussi léger, avec cette sensation de bonheur simple. Loin de mes frayeurs idiotes et de mes inquiétudes, loin de tout ce à quoi je portais trop d'importance inutile et envahissante.
Il n'y avait que Jimin, Jimin et notre mélodie. Et c'était suffisant.

Mais il était parti. Il n'y avait plus de Jimin, juste cette musique et cette veste carmin parfaitement soignée.

Et pour le moment, c'était tout ce qu'il me restait pour ne pas m'effondrer et laisser ma peur me dévorer.

———

Bonsoir,
Et voilà mon os, merci de l'avoir lu et j'espère qu'il vous aura plu. Je n'ai pas pu m'investir autant que je l'aurais souhaité, mais je suis tout de même contente d'avoir pu ajouter ma petite participation à ce superbe projet !

Encore merci de soutenir ce calendrier et passez de bonnes fêtes ♥️

yongeeva



*Traduction des paroles de BTS par Army France

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