11h - Celui qui reste

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« Toi qui as été habitué à être puni à ma place, habitué à être si fragile. »

- Stigma 

Wings

———

_ Tu ne peux plus faire ça, TaeHyung.

J'évite de le regarder. J'enfile ma veste, comme un automatisme. L'instant est terminé et tout ça, tout ce qui vient de se produire et tout ce que je suis en train d'effectuer là, tout de suite, c'est comme un rituel. Le début, le milieu, la fin, c'est comme un film qu'on a déjà tourné mille fois et je me demande pourquoi Hoseok se sent obligé d'en changer l'une des répliques.

_ Faire quoi ?

_ Venir ici comme si...Merde, j'suis pas un jouet.

Je fronce les sourcils, arrache une cigarette de son paquet et la bloque entre mes dents. Sans rien répondre, je fais semblant de chercher mon briquet en tâtonnant mes poches, même si ce briquet, je sais très bien où il se trouve. Meubler l'espace, faire semblant d'avoir l'esprit occupé. C'est naturel, presque de l'instinct de survie.

_TaeHyung, nom de Dieu...

_ Quoi ?

J'allume ma clope. J'essaye de ne rien laisser paraître, debout là, devant son lit. Mais Hoseok ne lâche rien, il m'observe à travers ses mèches noires, le corps à moitié couvert de son drap blanc. Y a quelque chose de nouveau, dans son regard, mais j'ai du mal à discerner quoi exactement. Je sais ce qu'il essaye de me dire. Ça arrive de temps en temps et je reconnais bien cette espèce de détermination dont il essaye de faire preuve. Il y a des mots qu'il aimerait dire mais qui ne sortent pourtant jamais de sa bouche. Il me regarde seulement et ses yeux me crient que je suis la cause de ses tourments. Parfois, quand je n'arrive pas à me détacher de cette image là d'Hoseok, ça me rend triste et j'aimerais être capable de tout arrêter. Je devrais être celui qui prend cette foutue décision.

Mais tout comme lui, j'en suis incapable.

_ Je ne viendrai plus, alors.

_ Ce n'est pas ce que je voulais dire...

Ça tourne en rond. Et ç'a toujours été le cas, depuis le début. Je pense sincèrement avoir fait le tour un million de fois déjà. Je ne me sens pas prêt à lui donner ce qu'il attend de moi et peut-être bien que je ne le serai jamais. Pourtant, j'ai besoin de lui. Il fait partie de mon monde et de temps en temps, je lui en veux de prendre autant de place. Sans le vouloir, je lui fais payer tant de choses à la fois.

_ Tu peux venir quand tu veux. Tu le sais.

Alors quoi ? J'ai envie de demander, mais je m'abstiens. Sa détermination semble s'être envolée. C'était intense, mais si rapide. Comme si elle n'avait finalement jamais existé. Et je m'en veux de le trouver si faible, parce qu'au fond je le suis tout autant.

_ D'accord. Alors tout va bien, pas vrai ?

Il force un sourire.

_ Je suppose que oui.

J'écrase ma cigarette et enfile mes chaussures.

La conversation est close, même s'il reste encore tant de choses à dire.

Ce soir pourtant, un simple baiser sur les lèvres clôturera ces courtes retrouvailles.

[...]

Je crois que j'arrive enfin à l'imaginer. À quel point c'est difficile. Surtout à quel point ça l'a toujours été. Être là, à attendre quelque chose qui va forcément arriver trop tôt. Simplement le regarder est devenu un véritable calvaire et je me demande ce que je fais là, exactement. Il rit, me raconte un tas de conneries sans queue ni tête, à propos de sa voisine de chambre, de l'aide-soignante et du médecin trop petit et moi je me demande à quoi il pense réellement, de quoi est composé le reste de ses pensées, tout ce qu'il n'arrive pas à dire. Ni à moi, ni à personne. Peut-être même pas à lui-même.

Matriochkas - [Advent Calendar]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant