La Tour d'Ivoire - Tome 1

By mmancassola

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Il y a plus de deux mille ans, un petit nombre d'hommes et de femmes parmi les plus intelligents, riches et p... More

La Tour d'Ivoire
Le bal des seigneurs, partie 1
Le bal des seigneurs, partie 2
Le feu et la glace
Une braise dans le coeur
Dangereuse attirance
La rose de sang
Le prix de la liberté
La force comme seule reine
La reine des dieux
Les trésors du passé
Trahison
Jeu dangeureux
La jeune fille aux yeux de braise
La fille du passé
Le parfum de l'espoir
Pacte avec le diable
Le palais des promesses perdues, partie 1
Le palais des promesses perdues, partie 2
L'art du faux
Rivale
La fille aux yeux de vérité
Le sceau du prisonnier
Nuit étoilée
Les noces blanches
À la gloire des Créateurs
Sacrifice
Fuite
Le ciel de la liberté
Vert Emeraude
La vérité sous l'ivoire
La Nation d'Émeraude
Mensonges
Le monde perdu
Les yeux de feu
Déchéance
La colère d'un prince
Les guerriers de feu
Passé sanglant
✏️ Fan Art - Era ✏️
Les ennemis éternels
Echos du passé
Frères de sang
Éclat de glace
Conseil de guerre
Le roi sans couronne
La flèche du ciel
La plus grande des Eléazar
Narda
Le Prince déchu, partie 1
Le Prince déchu, partie 2
La Souffleuse de Rêve
✏️ Fan Art 2 - Era ✏️
Douce désillusion
Les retombés d'ivoire
Le Palais d'Emeraude, partie 1
Le Palais d'Emeraude, partie 2
La Tour d'Ivoire - Tome 2
Questions - réponses La Tour d'Ivoire
L'aventure continue !

Lévana Sildek

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By mmancassola




"You can love a monster, it can even love you back. but that doesn't change its nature." Eliza Crewe

Je courrais. Courrais comme si ma vie en dépendait, mais je m'interdisais de pleurer, pas avant d'avoir gagné ma chambre, pas avant d'être sûre que personne ne me voit.

La domestique ouvrit la porte de mon ancienne maison, mais gentille comme elle était, ne posa aucune question et s'effaça dans l'ombre pour me laisser entrer. Je parcourus les derniers mètres qui me séparaient de ma chambre, en titubant, ma vision se brouilla de larmes. Lorsque j'y arrivais enfin, et que la porte se fut refermée sur moi, je m'effondrai.

Je tombai lourdement sur le sol, et ne me relevai pas, laissant un torrent de larmes s'écouler de mes yeux. Gémissant en silence, piégée par ma douleur, assiégée par les souvenirs de nos baisers, de ses caresses, de ce que j'avais accepté de faire.

Je détestais mon corps, je voulais arracher ma peau, couper mes cheveux où il avait passé la main, je me haïssais, comment avais-je pu faire cela, comment...

Ton corps est ton temple, me répétait toujours ma grand-mère, et que venais-je de faire ? De le souiller, j'avais laissé un assassin me toucher et entrer dans ma chair. Ce n'était pas une question de sentiment, non, Iris couchait avec des hommes dont elle était juste attirée, c'était plus compliqué que ça, c'était sa personne, lui, le fait qu'il soit un tueur, un tyran.

Une petite main se posa sur mon épaule, je la repoussai rageusement, plus personne ne devait me toucher, personne.

-Era ? Era ? Oh, Era, que t'est-il arrivé ? Ayaan t'a-t-il fait du mal ? Réponds-moi, je t'en supplie...

Anna pleurait aussi. Sa voix laissait transparaitre son impuissance et son désespoir.

-Non, non, hoquetai-je, tout va bien...

-Non ça ne va pas, Era !

Elle me tira par le bras et m'amena dans la salle de bain, sa force me surprit encore une fois.

-Je vais devoir enlever cette foutue robe, Era.

Elle retira mes vêtements, et me fit couler un bain.

J'essayai de me relever, Anna accourut aussitôt.

-Je vais t'aider.

Je plongeai dans la gigantesque baignoire et laissai mes muscles se détendre, et mon esprit divaguer, tandis que je reprenais peu à peu mes esprits.

Anna était perchée sur une commode et regardait ailleurs.

-J'ai couché avec lui, laissai-je échapper d'une voix morne.

Anna tourna brusquement la tête vers moi, mais ne dit rien.

-J'ai fait ça pour gagner sa confiance, pour qu'il me laisse partir. Je n'avais pas le choix.

Un silence pesant s'installa.

-Je me déteste, je ne suis qu'une trainée.

Un bruit sourd m'indiqua qu'Anna devait avoir quitté son perchoir. Elle s'agenouilla devant moi et plongea ses yeux rouge sang dans les miens. Je détournai les yeux, ne pouvait soutenir son regard emplit d'une compassion toute féminine.

-Tu n'as pas à t'en vouloir, Era. Tu as fait ce que tu devais faire pour pouvoir avoir une chance de te libérer de lui, d'eux, de ce monde pourri. Ne regrette pas ce qui s'est passé, va de l'avant, ce qui t'attend dehors c'est ça ton avenir, pas Ayaan, pas la Tour. Dans quelques heures, tu pourras choisir quoi faire de ta vie et qu'importe ce à quoi tu devras faire face En Bas, je suis persuadée que tu y arriveras. Tu es une battante, Era Eléazar, tu n'es pas comme eux. Je t'admire, tu sais, (elle se releva) tu as réussi à voir la vie différemment, à voir la réalité de ces lieux alors que tu es née dedans, que tu vis tout en haut de l'échelle. Tu as réussi, et ça, Era, ce n'est pas commun. Ayaan a vu que tu étais unique, c'est pour ça qu'il t'aime tant, alors ne regrette pas. Peut-être que tu ne l'aimais pas, mais lui t'aime. Il t'a aimé, cette nuit.

-Je me suis donnée à lui, j'ai...

-Je sais, Era, je sais, dit-elle d'une voix douce.

-Et le pire, le pire Anna, c'est que je n'ai pas détesté. Au contraire... j'aurai du être dégoutée mais non... je...

Je levai les yeux vers elle, une tristesse sans nom obstruait ma gorge et ma poitrine.

-Ma pauvre Era, souffla Anna en me prenant dans ses bras.

Anna, se rendant compte que j'étais nue, se dégagea brusquement, le rouge aux joues.

-Désolée, je...

-Ce n'est rien, dis-je avec un sourire timide. Merci Anna, d'avoir été là.

Elle haussa les épaules.

-C'est mon boulot de Souffleurs de Rêves.

Elle me fit un infime sourire.

-Passe-moi une serviette, s'il te plait, Anna, il faut qu'on se dépêche.

Anna me tendit une serviette et se retourna tandis que je me changeais, elle me montra une pile de vêtements.

-Mets ça. Ce sont des vêtements de domestiques.

Je me saisis du tissu noir et blanc et l'enfilai. Une vieille robe rapiécée, avec de vieilles chaussures trop petites pour moi.

Anna fit une grimace et ricana lorsqu'elle me vit.

-Magnifique princesse !

Je grinçai des dents.

-Explique-moi ton plan plutôt, au lieu de faire la maligne.

Elle sourit et me désigna la chaise de la coiffeuse. À peine fus-je assise qu'elle commença à triturer mes cheveux.

-Bon, c'est très simple, ce soir tu vas prendre la place d'une jeune femme, Lévana Sildek, une domestique qui a été arrêtée avec toute sa famille pour haute trahison. (un éclair de rage traversa ses yeux) Évidemment elle est innocente, comme son frère et sa mère. Son père, lui, est un éminent membre d'un groupe rebelle des Souffleurs de Rêves. Ils l'ont torturé, pour qu'il donne des noms, mais nous sommes malins, on ne se connait pas, nous agissons dans l'ombre et nos cercles de connaissances sont restreints même si nous agissons ensemble. Bon, pour revenir à toi, tu vas prendre sa place, nous avons réussi à la libérer, elle travaillera comme Arianna, cachée.

-Et sa famille ?

Elle continua à me maquiller, sans me regarder.

-On ne peut pas les sauver tous. Tu vas prendre la place de Lévana, je vais te teindre les cheveux en noir et tu vas devoir porter des lentilles rouges. Sa famille comprendra, elle jouera le jeu, tu seras conduit avec une cinquantaine d'autres par des soldats jusqu'à la zone sud, où vous serez jetés hors de la Tour, condamnés à survivre. Là, des membres du dehors t'attendront, ils te sortiront du désert qui entoure la Tour sur des kilomètres.

-Comment faites-vous pour communiquer avec eux ?

-Ce n'est pas la question, je ne sais pas tout, mais tout ce que je sais c'est que certains, dont Arianna, savent ce qui se passe dehors et ont des contacts avec eux. Moi, je n'en sais pas plus, je ne suis qu'un petit rouage dans une vaste machine. Je ne pourrais pas même pas te dire qui est vraiment le chef des Souffleurs de Rêves.

-C'est impossible...

-Tu ne sais pas tout, Era, tu es loin de te douter de tout ce qui t'entoure.

Anna avait répandu un liquide sur mes cheveux et les avait ensuite enroulés dans une serviette.

-J'ai fait en sorte de cacher la perfection de ton visage, et ta blancheur. Il est primordial que personne, les soldats de la Tour ET ceux d'En Bas ne sachent qui tu es, tu comprends ? (elle m'avait pris par les épaules) Tout le monde te connait, tu es une légende dans le monde entier. Personne ne doit voir la couleur de tes cheveux, de tes yeux. Ton visage parfait est déjà difficile à cacher, alors n'hésite pas à ne pas te laver, à te salir, te mettre de la terre sur le visage. (je ris à cette simple idée) Je ne plaisante pas Era, tu pourrais mourir, tu ne te rends pas compte de ta valeur.

Au bout d'une heure et demie, Anna avait fini.

-Voilà, tu peux te regarder, tu feras attention à tes cheveux, la teinture que j'ai trouvée laisse à désirer, j'ai bien peur qu'elle ne tienne pas bien longtemps... il faudra que tu te débrouilles pour en trouver.

Je ne l'entendais plus. Je restai bouche-bée devant la fille qui me regardait, ses yeux rouges grands ouverts, sa peau marquée, des cernes violacés sous les yeux, des sourcils noirs, des lèvres qu'Anna avait amincies avec une gomme étrange, et ses cheveux, ses longs cheveux de jais. Je ne me reconnaissais plus. J'avais un nez plus épaté, des pommettes moins saillantes, un menton plus volontaire et une peau moins parfaite.

J'étais toujours belle, mais je n'avais plus rien à voir avec la princesse d'Ivoire. Avec Era Eléazar, ou Malkam, j'étais une autre, Lévana Sildek. Une inconnue, voilà donc à quoi je devrais ressembler dehors pour survivre, une simple ombre de celle que j'avais été avant. Dehors, je ne pourrais plus être moi. Je quittais une prison pour une autre. Une prison différente, une prison pour mon esprit.

-Comment as-tu fait ça ? Je ne reconnais même pas les traits de mon visage !

-C'est une technique que les Souffleurs de Rêves ont acquise que depuis très récemment. La gomme que je t'ai appliquée sur le visage et sur le tatouage des Malkam provient d'un arbre que l'on trouve En Bas : l'Arsox. Nos ancêtres ont bien évidemment emporté cet arbre sur la Tour. cela fait plus d'une trentaine d'années que nous l'utilisions pour changer nos traits, pour mieux nous camoufler, épaissir un nez, grossir des lèvres, ou cacher une cicatrice par exemple. La pâte possède une élasticité phénoménale, et tout en étant imperméable et résistante à l'eau, elle forme une seconde peau qui ne peut que s'enlever en appliquant dessus la sève de ce même arbre. J'ai simplement ajouté de l'argile, de l'eau chaude et des herbes, ainsi qu'une pigmentation en harmonie avec ta peau... maintenant tu es quelqu'un d'autre, quelqu'un qui ne possède plus la beauté légendaire des hauts dignitaires Ivoiriens. Tu restes belle, mais sans que cela choque trop.

-C'est merveilleux, soufflai-je en me touchant le visage.

Il était lisse et doux.

Elle haussa les épaules.

-Il me reste juste à te couper les cheveux et ce sera bon, nous pourrons partir.

-Non ! criai-je.

Anna me regarda, sourcils levés.

-Pas question, dis-je d'une voix plus calme, débrouille-toi autrement, mais je ne les couperai pas.

Anna soupira et partit chercher quelque chose dans son sac.

-Tu es qu'une enfant gâtée, Era Eléazar.

-Malkam, Era Malkam, répondis-je d'un ton sec.

-Non, tu n'es plus cette fille, tu es Lévana Sildek, une pauvre servante.

Elle attacha mes cheveux avec de nombreuses épingles et les couvrit d'un foulard noir.

-Montre tes cheveux le moins souvent possible si tu veux survivre. Maintenant, lève tes fesses de cette chaise, enlève tous tes bijoux et on se tire.

-Tous mes bijoux ?

-Oui, il ne faudrait surtout pas qu'on puisse te reconnaitre. Dépêches toi.

J'enlevais mes bagues, ma bague de mariage et mes boucles d'oreille. Je regardai longuement le collier des Eléazar posé au creux de ma paume. Je pouvais me passer de tout le reste, mais pas de ça, c'était une partie de moi, de mon héritage, de la personne que j'étais, même si je détestais ma famille, c'était également un lien avec ma grand-mère, avec mon passé. Je resterais toujours une Eléazar, jusqu'à mon dernier souffle.

-Dépêche-toi, il faut qu'on soit parti avant que tes parents reviennent.

Le cœur brisé, l'âme en miette, je le laissai sur ma table de nuit. Tout le monde saurait que je m'étais enfuie, parce qu'ils savaient tous que jamais je ne serais partie sans.

-Deux minutes.

Anna pesta, mais ne dit rien de plus. Je soulevai une latte du plancher et sortis la boite restée secrète depuis des générations. Je sortis le journal intime et le retournai dans tous les sens.

-Tu ne peux pas l'emmener, Era...

-Je sais, soufflai-je.

-Il sera plus en sécurité ici, crois-moi.

Ravalant mes larmes, je reposai le journal. Il mettait difficile de l'abandonner ici, même si je n'avais jamais pu le lire. C'était une partie de moi-même, les âmes de toute une partie des générations de Eléazar qui m'avaient précédée.

-Viens, on va emprunter tous les petits coins cachés de la Tour, à mon avis, vos Créateurs n'étaient pas aussi droits que ça...

-Comment ça ?

Elle eut un sourire diabolique.

-Oh à cause du nombre incalculable de passages secrets, planques, qui composent la Tour. Je ne sais pas qui a fait les plans, mais il avait pensé à tout ça, avait su qu'un jour, des personnes auraient besoin de se cacher et agir dans l'ombre. Ne m'en veux pas, mais je doute que ce soit l'œuvre de ton ancêtre ou même celui d'Ayaan...

Elle avait raison, je ne voyais pas Maximilian Malkam et Alexander Eléazar permettre à des gens de remettre l'autorité de leurs descendants, dirigeants de la Tour d'Ivoire, en question.

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