— Juuuuuune !!!!
— Je sais, j'ai entendu.
Je grogne pour moi-même en finissant le trait de crayon sous l'œil, puis jette un dernier regard au miroir, tournoie pour vérifier toutes les coutures. Oui, c'est pas trop mal... Je prends une profonde inspiration et essuie mes mains moites : c'est idiot d'être stressée. Je suis idiote. Tout va bien se passer. Même si tout s'est toujours mal passé lors de mes soirées malencontreuses en sa présence.
Je sors de ma grotte et Ashley me rejoint la bouche pleine.
— Fausse alerte, c'était ma pizza !
Je lâche un petit rire en avisant l'heure affichée sur l'horloge. Pas si ponctuel que ça finalement.
— Je croyais que tu rentrais chez toi ?
Ashley a consenti à me rendre mon indépendance la semaine dernière, mais bizarrement, elle est tout le temps à la maison.
— Tu n'as pas envie de me raconter les détails croustillants de ta soirée en revenant ? Oh ! Mais attends ! Tu comptes rentrer avec lui c'est ça ?
Mes lèvres se retroussent, entre grimace et envie de rire.
— Définitivement non. Mais je suis déjà crevée, et je n'ai pas besoin d'une baby-sitter.
Elle soupire et acquiesce à contre cœur.
Quinze minutes plus tard, Brody se pointe enfin. Pantalon noir plutôt classe, chemise blanche, il dégage un charme auquel je ne suis pas insensible, j'avoue, il est plutôt beau gosse. Insupportable, mais beau gosse. Il s'arrête un instant sur le pas de la porte et me dévisage intensément. Trop intensément. Son regard parcourt mon corps, s'attardant sur les courbes mises en valeur par la robe. Mes joues s'échauffent, sans que ma gêne ne saute aux yeux de tous. Puis, sans crier gare, il cligne des paupières et se passe nerveusement la main dans ses cheveux ondulés.
— Salut le sauveur, lancé-je pour détendre l'atmosphère qui commence à crépiter.
Il sourit, de ce sourire empreint d'ironie dont j'ai l'habitude maintenant.
— Salut la princesse !
Un partout...
— Tu es en retard, noté-je en m'effaçant pour le laisser entrer.
S'il savait que je suis à peine prête...
— Tant d'impatience me fait chaud au cœur !
La silhouette d'Ashley s'impose devant moi, et elle minaude comme elle sait si bien le faire. Elle accapare Brody quelques minutes, le temps pour moi d'enfiler mes bottes et de chercher ma veste.
— Je ne voudrais pas paraître impoli, mais on va être en retard au resto !
— Dixit celui qui a vingt minutes de retard..., soupiré-je. C'est bon ! On y va !
Sur le point de sortir, nous sommes rattrapés par Ashley :
— Une petite photo pour les réseaux sociaux ? clame-t-elle en agitant son téléphone.
— Plutôt crever Ash ! Bonne soirée !
Tel un preux chevalier, Brody le sauveur m'aide à descendre de la voiture. Il observe le restaurant, l'air nerveux. Il faut dire que Hank ne s'est pas foutu de nous ! Il a réservé dans le resto le plus huppé de New York, là où il est certain que Brody et moi seront vus. Tout est clinquant, tout n'est que paraître, et j'exècre ce monde d'apparences et de faux semblants. Pourtant, jouer la comédie est un art que je pratique chaque jour durant, alors je ravale mes réticences et me force à sourire.
— Prête pour le show ? demande Brody, qui a repris tout son aplomb.
Un pingouin au costume strict s'approche, raide comme un piquet, puis nous accompagne jusqu'à notre table, où, une fois installés, je n'ose relever les yeux vers lui, mal à l'aise. Le silence s'étire, embarrassant, je triture la serviette devant moi, sentant peser le regard perçant de Brody. Soudain, je redresse la tête et l'affronte enfin.
— Tu penses que tu peux tenir une soirée entière sans chercher à me sauver ? lancé-je d'un ton badin.
Un petit sourire ironique prend naissance au coin de ses lèvres.
— Ça ne tient qu'à toi...
Le serveur nous interrompt, alors que j'ai à peine jeté un œil au menu. Je commande un mojito, puis des ravioles de langoustes.
— Vous avez finalisé la chanson ? demande le jeune homme.
Retour sur un terrain neutre. C'est bien.
— D'ici un ou deux jours. Hank m'a dit qu'il t'enverrait la maquette.
Brody hoche la tête, inspire profondément et plonge à nouveau ses iris hypnotiques dans mon regard. D'un seul coup, l'air me manque. Il est trop déconcertant. Il a ce petit truc qui me déroute : tout, en lui, inspire le calme et la sécurité. C'est un mec bien, étrangement, je n'en doute pas. Enfin, quand il ouvre la bouche, c'est la douche froide :
— Pourquoi as-tu tenté de te suicider ?
Abasourdie, je scanne la salle du restaurant, même si le jeune homme a eu la présence d'esprit de se pencher par-dessus la table pour poser sa question. Mes joues s'échauffent, mon animosité face à lui ressurgit.
— Te fous pas de moi Brody, tu n'en as rien à faire des états d'âmes d'une princesse. C'est encore ton complexe du sauveur qui parle.
— Arrête avec ça, s'énerve-t-il en claquant la langue contre son palais. On va bosser, passer du temps ensemble. Et crois-moi, la vision de toi affalée sur le carrelage des toilettes hante encore mes nuits. Ce n'est pas de la curiosité mal placée, c'est simplement l'envie de comprendre.
Je détourne le regard, alors qu'il enchaîne d'une voix plus mesurée :
— Tu n'es pas obligée d'actionner tous tes mécanismes de défenses en ma présence.
— Tu n'es pas obligé de te comporter tour à tour comme un sauveur ou un connard..., répliqué-je du tac au tac.
— Ça va être sympa de jouer les amoureux ! plaisante-t-il en soupirant.
Cette fois tous deux inclinés au-dessus de la table, malgré la tension évidente entre nous, nous chuchotons sans rien lâcher.
— Ça tombe bien, c'est pas vraiment ce qu'on nous demande !
— Je ne suis pas ton ennemi.
— Tu n'es pas non plus mon ami, alors restons-en à une relation professionnelle, tu veux ?
— Très bien, j'arrête. On peut passer sur du plus classique. Tu es splendide dans cette robe. Ce changement de style te va à ravir.
Sa réplique me prend au dépourvu. Ash dirait volontiers qu'un mec qui arrive à me clouer le bec, c'est une première. Le regard que Brody porte sur moi à cet instant est sans équivoque. La flamme qui l'anime danse dans ses émeraudes. Je l'attire, c'est une évidence. Elle est là la tension sexuelle dont parlait Ashley. Elle n'a pas tort du reste. Nos regards s'affrontent sans répit, le sien glisse subrepticement vers mes lèvres. Je dévisage cet inconnu qui a pénétré de force dans mon intimité. Sans lui, je ne serais peut-être plus là pour m'agacer. Alors toute la colère contenue s'effondre.
— Merci. Tu as écrit d'autres chansons ?
Le serveur dispose nos plats sur la table tandis que la conversation se fait plus professionnelle. J'aime autant !
Le reste du repas se déroule sans encombre et sans questions personnelles, même si certaines me démangent. Lorsque l'on sort du restaurant, la légère brise me fait frissonner malgré la veste. Brody enlève alors la sienne pour me la déposer sur les épaules. Je lève les yeux au ciel de façon théâtrale :
— Tu ne peux pas t'en empêcher, hein ?
Il rit tout bas.
— Réflexe de grand frère.
Lorsque son souffle balaye ma joue, je gage que la fraternité n'a rien à voir dans cette histoire ! Soudain, son regard s'échappe et se voile.
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Coucou !
Première rencontre un peu électrique entre la princesse et le sauveur 😁
N'hesitez pas à me donner votre avis 💞
Pour infos, pour celles qui vivent près de Lyon : je serai au salon de Pusignan le week end prochain (14 et 15 septembre) sur le stand de Plumes du Web. J'y dedicacerai les 2 tomes d'Étrangers et les 2 tomes de Déviants 😍. N'hesitez pas à passer me voir !
Bisous