Photograph - Ed Sheeran
Chapitre 33 - église et shopping
LAURA
Au lever du jour, nous levâmes le camp. La nuit avait été tranquille. Quelques rôdeurs s'étaient un peu approchés à cause du feu mais ceux qui étaient de garde n'avaient eu aucune difficulté pour s'en débarrasser.
Malgré les bornes que nous accumulions, la bonne humeur de la veille ne nous avait pas quittés. Nous étions tous très heureux d'être enfin au complet.
Par chance, nous n'avions pas croisé Gareth et sa bande. Le Terminus était loin maintenant. Ça ne risquait plus de se produire.
L'air autour de nous était humide. S'enfoncer dans la forêt revenait à faire le parcours du combattant.
Je me pris les pieds dans une racine et m'écroulai au sol, m'étalant de tout mon long. J'entendis Glenn s'esclaffer dans mon dos et me retournai pour le foudroyer du regard. Je me relevai, puisant dans le peu de force qu'il restait à mon corps toujours ankylosé et lui jetai une pomme de pin en souriant.
Il l'a rattrapa en vol et me la relança avec force. Je l'esquivai en me tortillant telle une contorsionniste qui aurait pu jouer dans Matrix et me retournai pour voir avec stupeur qu'elle alla taper dans le dos du chasseur, à une vingtaine de mètres de nous.
Glenn perdit son sourire et se tassa sur lui-même alors que Daryl se tournait vers nous, les sourcils froncés. Sans ressentir une once de culpabilité, je pointai fièrement l'asiatique du doigt en me pinçant les lèvres. Le chasseur grogna en le fusillant du regard.
- Balance ! cingla Glenn en me jetant un autre projectile qui rebondit dans mon épaule cette fois.
- Vous êtes vraiment des gamins, commenta Michonne, qui ne tarda pas à recevoir une pomme de pin à son tour.
Elle la ramassa en ricanant et tendit son bras en l'air.
- AU SECOURS !!!
Nous nous figeâmes en entendant des appels à l'aide venant des profondeurs de la forêt. Abraham bomba fièrement le torse et suivit l'archer entre les arbres. Rick s'approcha silencieusement de moi et me tendit Judith qui dormait paisiblement. J'attrapai le bambin en veillant à ne pas le réveiller et il s'éloigna à la suite des deux hommes.
Nous les suivirent en restant un peu en retrait, au cas où il s'agirait d'un piège ou d'une armée de rôdeurs. Le groupe s'immobilisa pour contempler avec un air hébété la situation qui se déroulait un peu plus loin.
Trois macchabées remuaient faiblement contre un gros rocher en grognant. Les bras en l'air, ils tentaient vainement d'attraper un homme qui se trémoussait pour leur échapper. Je tiquai en me rendant compte qu'il s'agissait.. D'un prêtre.
- AIDEZ-MOI ! Hurla-t-il en nous apercevant. PAR PITIÉ !
Sérieusement ? Alors, il existait bien quelqu'un de plus trouillard que la montagne à la coupe mulet, songeai-je, un brin moqueuse.
En soupirant, le shérif se dirigea vers lui. Daryl ne prit pas la peine de se déplacer et flanqua un carreau dans l'un des geeks qui s'écroula sur lui-même. Abraham se chargea du second pendant que Rick récupérait sa lame dans la tête du troisième ainsi que le carreau du chasseur. L'homme de foi descendit maladroitement de son perchoir et se dirigea vers ses sauveurs.
- Merci ! Merci infiniment ! s'exclama l'afro-prêtre en attrapant la main du shérif pour la serrer avec énergie. Que Dieu vous garde, mes enfants !
Je retins un rire en le voyant trembler de tous ses membres. Je vis son regard s'éclairer quand il s'aperçut du nombre que nous étions.
- Rick, se présenta simplement le shérif. T'as une arme sur toi ? demanda-t-il d'un ton méfiant.
- Père Gabriel, sourit-il. Non, seule la parole du seigneur suffit à me protéger.
Abraham leva les yeux au ciel.
- C'est clair que c'était efficace, avant qu'on arrive, grommela Daryl avec sarcasme.
Le père Gabriel sursauta presque en entendant sa voix rauque. Rick entreprit de le fouiller tout en lui posant ses trois questions. Il le regardait comme s'il allait sortir une arme quelconque de son habit de prêtre. Rick était méfiant. Après le Terminus, nous l'étions tous.
- Qu'est-ce que tu faisais là ? Demanda Woody en regardant les alentours.
- J'étais sorti, à la recherche de nourriture quand ces créatures de Satan me sont tombées dessus, répondit Gabriel en jetant un air horrifié aux zombies étendus près de lui.
- Sorti ? Releva Abraham. Donc vous avez une piaule sûre ?
- Je pense qu'une église est bien plus qu'une piaule, se renfrogna Gabriel en lissant son costume.
- Génial, intervint Daryl sans aucun optimisme. On vous suit, mon père.
Celui-ci sembla surpris de la décision sans gêne du junkie. Rick continuais de toiser le prêtre avec froideur, qui abdiqua.
- La maison de Dieu est ouverte à toutes les âmes en quête de quiétude, déclara solennellement le prêtre en nous invitant à le suivre.
- Je croyais que les voix du Seigneur étaient impénétrables ? Railla discrètement Glenn en se mettant en route.
Maggie lui balança un coup de coude dans les côtes en le dépassant. Je pouffai en voyant une grimace de douleur apparaître sur son visage.
***
Je retins une exclamation de surprise en passant les lourdes portes de l'église. L'édifice était impressionnant. Il ne s'agissait que d'une petite chapelle mais les hauts plafonds me donnèrent le vertige. Le sol était impeccable, c'était à croire que le père Gabriel passait son temps à astiquer cet endroit.
Le militaire ne put retenir un sifflement admiratif en découvrant les lieux.
Judith remua faiblement dans mes bras. Ses couinements résonnèrent contre les parois de marbre alors j'entrepris de la bercer et de fredonner un air d'Ed Sheeran pour la calmer.
- Bienvenue dans la maison de Dieu, dit le père Gabriel en écartant les bras d'une manière qui me rappela le christ sur sa croix.
J'entendis les autres s'extasier un peu plus loin. Ils devaient sûrement être soulagés d'enfin pouvoir dormir en sécurité. Je l'étais aussi. Mais pas le chasseur, qui affichait une mine dégoûtée tout en s'assurant que les lieux n'abritaient aucun danger.
Je reportai mon attention sur la petite ass kicker qui avait attrapé une mèche de mes cheveux pour jouer avec. Je continuais de la bercer tout en arpentant lentement notre nouveau refuge.
Elle avait les yeux de Lori. J'eus un pincement au cœur en repensant à sa défunte mère. Autour de nous, les autres s'organisaient avec le prêtre pour que nous puissions nous installer. Dans un coin de l'église, ils poussèrent les bancs en bois pour aménager un espace où nous pourrions dormir.
Je soupirai de soulagement en me laissant tomber sur l'un des bancs. Toutes nos mésaventures étaient derrière nous maintenant. Nous avions enfin un endroit sûre. Ce n'était qu'une solution temporaire mais c'était déjà très bien. Nous allions enfin tous pouvoir nous reposer un peu.
Après quelques minutes, Daryl vint s'écrouler à mes côtés. Il posa ses pieds sur le banc d'en face et s'étala en soupirant. Je pouvais sentir qu'il était tendu sans même le regarder. Je tournai la tête vers lui sans quitter la petite des yeux. Elle regardait tout autour d'elle en gazouillant joyeusement.
- J'aime pas c't'endroit, grommela finalement Daryl. Tous les trucs religieux, ça m'fout la gerbe.
- Détends-toi Grincheux, lui répondis-je en souriant à Judith qui me regardait à présent. Dis-toi que c'est juste quatre murs et un toit faits de pierre, de verre et de bois.
Je posai mon regard sur lui et vis qu'il me toisait en affichant une mine septique.
- Quoi, tu préfères Simplet ? Demandai-je d'un ton moqueur.
Il resta muet et se mit à ronger l'ongle de son pouce en nous regardant, Judith et moi. J'attrapai la petite sous les aisselles et la redressai.
- Et pourquoi pas... Atchoum ? Demandai-je en m'adressant à la petite alors qu'elle émettait des bruits que je pris pour des protestations.
Je tenais Judith debout devant moi et elle ne tarda pas à sautiller joyeusement sur ses petites jambes. Notre discussion semblait lui plaire.
- Certainement pas Joyeux, songeai-je à haute voix. De toute façon, il est déjà pris par le petit rouleau de printemps...
La voix Glenn s'éleva un peu plus loin dans l'église.
- Je t'ai entendu..
Je pouffai, amusée par son intervention mais également par les gesticulations du bambin dans mes bras. Il n'y avait rien à faire, j'étais complètement gaga de cette petite.
- Timide, décrétai-je après un court silence. Ça t'irait plutôt bien, ajoutai-je en me tournant vers le chasseur, le sourire béa toujours aux lèvres.
Le concerné continuait de ronger l'ongle de son pouce. Son regard ne cessait de faire la navette entre moi et ass kicker.
Celle-ci tourna la tête vers lui, sembla approuver mes propos et leva les bras vers lui. Il tendit un des siens dans sa direction et je le vis esquisser un petit sourire lorsque Judith attrapa l'un de ses doigts pour essayer de le secouer dans tous les sens.
Un frisson me parcourut lorsque sa main frôla la mienne. Il dut le remarquer car il tourna la tête vers moi. J'évitai son regard et me concentrai sur la petite, ne voulant pas qu'il remarque mon trouble. Mais qu'est-ce qui m'arrivait ?
Rick choisit ce moment pour venir vers nous. Parfait timing.
- Il nous faut des vivres, le prêtre n'a plus rien, commença-t-il.
Il semblait toujours méfiant et sur ses gardes. Et il avait raison. On ne savait rien sur ce prêtre.
- Il y a une petite ville pas loin d'après lui. Glenn, Maggie et Tara vont y faire un tour. Le pasteur nous a indiqué une banque alimentaire dans le coin. Il va nous y amener, Michonne, Sasha, Bob et moi.
Il consulta Daryl du regard.
- Y'a un ruisseau pas loin, J'vais nous ramener de l'eau avec Carol.
Il récupéra délicatement son doigt, me frôlant une nouvelle fois au passage. Le shérif acquiesça de la tête puis se tourna vers moi.
Son regard me transperça alors qu'il me demandait silencieusement dans qu'elle équipe je voulais aller. J'eus l'étrange sensation d'être prise au piège dans un étau, avec les deux gugusses qui me contemplaient en silence.
- Euh.. Je vais avec Joyeux ! Bafouillai-je en me levant précipitamment.
Je tendis Judith à son père et m'éloignai rapidement vers la sortie. Il me fallait de l'air.
***
L'après-midi était bien entamé quand nous arrivâmes dans une rue où se trouvaient quelques boutiques. Il n'y avait aucun rôdeur dans les environs. Ils avaient apparemment décidé de nous foutre la paix.
Je parcourais les rayons d'une boutique de prêt à porter avec Maggie.
- Hallelujah ! M'exclamai-je en brandissant un jean qui semblait être à ma taille.
J'entendis Maggie rire de l'autre côté du rayon alors que je m'empressais d'enlever mes chaussures pour enfiler ma trouvaille. J'allais enfin pouvoir me débarrasser du tissu plein de trous qui me servait de pantalon.
- J'aurai jamais cru que faire du shopping me manquerait tant, s'écria Maggie en passant au portant suivant.
Elle gloussa en me voyant sautiller sur place pour remonter mon nouveau Jean Lewis flambant neuf.
- Le bon côté, c'est qu'on aura pas besoin de payer tous ces trucs !
Je désignai le tas de vêtements qu'elle avait dans les bras. Même si nous ne connaissions pas les tailles de tout le monde, cette expédition allait profiter à tous.
Je repris mon chemin au milieu des rayonnages. Apparemment, les boutiques de vêtements ne faisaient pas fureur en ces temps apocalyptiques. Les étalages étaient pleins.
Je troquai mon vieux t-shirt sale et délavé contre un débardeur noir un peu échancré, avant de me diriger vers un étalage de sous-vêtements. Je retins un cri triomphal devant toute la gamme de sous vêtements qui s'étalait devant mes yeux. Les sous-vêtements propres était un confort de plus.
Maggie s'approcha de moi en sautillant. Elle aussi semblait ravie.
- J'en connais un à qui ça ferait plaisir, chantonna-t-elle en s'arrêtant également sur le portant.
C'est lorsque je croisai son regard espiègle que je compris qu'elle ne parlait pas de Glenn. Je plissai les yeux en soupçonnant Michonne et elle de commérer dans mon dos.
Elle leva les yeux au ciel en voyant que je n'avais pas saisi et mima un lancer de flèche avec un arc invisible. J'aurai dû m'en douter. Elle parlait du chasseur, bien évidemment.
- Tu vas pas t'y mettre aussi ! M'écriai-je en fourrant quelques soutiens gorges en dentelle dans mon sac.
Je m'écartai du montant en soupirant pour m'intéresser à une gamme de shorty et autres sous vêtements féminins. J'entrepris de farfouiller parmi les tissus pour éviter la discussion embarrassante qui allait suivre. En vain.
- Roho aller, ça crève les yeux que vous vous aimez bien ! S'exclama la jeune Greene. Il te dévore des yeux à chaque fois qu'il en a l'occasion, comme hier autour du feu de camps !
- N'importe quoi ! Mentis-je en me remémorant le regard brûlant de Daryl.
Ce n'était pas vraiment un mensonge. Il était vrai que ces derniers temps j'avais senti le regard de l'archer plus souvent sur moi, mais il passait son temps muré dans le silence à observer les autres autour de lui. Alors il n'y avait rien d'anormal à ça.
- Avoue qu'il te plaît ! Répliqua-t-elle avec un sourire malicieux.
- Oui, ça s'pourrait, lui répondis-je rapidement. Mais de toute façon, Daryl n'est pas le genre de mec à se mettre en couple, ajoutai-je en reprenant mes recherches.
Je levai les yeux vers mon amie en voyant qu'elle était restée silencieuse. Elle avait les yeux tellement écarquillés que je crus qu'ils allaient sortir de leur orbite.
- Quoi ? Demandai-je en levant les sourcils.
- Tu y as pensé ! S'écria-t-elle d'un ton triomphal. Tu as déjà envisagé de sortir avec lui !
Je sentis le rouge me monter aux joues alors qu'elle sautait de joie. Je ne savais pas quoi lui répondre.
Je ne l'avais jamais vraiment envisagé. J'avais du mal à imaginer Daryl faisant tout un tas de trucs gnangnan que font les gens en couple. Je le connaissais assez pour savoir que ce n'était pas son genre, et qu'il n'avait pas vraiment eu de relation amoureuse dans sa vie. Alors pourquoi en envisager une avec moi ?
Et puis, même si mes sentiments étaient partagés, nous serions trop gênés pour faire le premier pas.
Mon estomac se noua soudainement.
Je dus affiché un air blasé car Maggie changea d'expression et essaya de me rassurer.
- Ne t'en fais pas, avec Michonne, on va se mettre sur le coup ! Et puis on pourra dire à Carol de parler à Daryl et...
- Hors de question ! Hurlai-je un peu trop fort à mon goût, prise d'une soudaine panique. Ne faites rien, vous êtes les reines des gaffes toutes les deux. Et puis on a plus important à gérer.
Même si je leur étais reconnaissante de vouloir prendre les choses en main, ce n'était pas vraiment le moment de se mettre en couple. On avait déjà tous beaucoup de choses à gérer. Les vivants. Les morts. L'apocalypse. La survie.
Maggie n'insista pas davantage et changea de sujet. Elle semblait résignée et j'espérai intérieurement qu'elle allait lâcher l'affaire. C'était déjà très embarrassant qu'elle et Michonne soient au courant pour mon attirance envers le chasseur !
Après encore quelques minutes de shopping intense, nous décidâmes de sortir rejoindre les autres devant l'armurerie qu'ils étaient sensés fouiller. Après un grand fracas, Glenn sortit de l'établissement avec un air penaud.
- Il y avait des rôdeurs ? Demanda Tara, inquiète, qui était restée dehors pour faire le guet.
L'asiatique se gratta la tête et sembla hésiter à répondre.
- Non, juste un balais et des cartons sur mon passage..
Je pouffai, accompagnée des filles en comprenant qu'il s'était vautré. Il afficha un air vexé avant de nous montrer ce qu'il avait trouvé dans ce qu'il restait de l'armurerie, bien caché dans un frigo : quelques silencieux, deux pistolets ressemblant à celui que j'avais dans le dos et des étuis pour les ranger. Pas grand chose, en somme.
***