[TAEKOOK] Let me heal you 🌙

By WhiteSwan1307

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TOME 1 Jeon Jungkook et Kim Taehyung sont victimes d'une terrible malédiction : l'un ne peut pas aimer... More

Préambule / Note d'auteur (important)
Prologue
Chapitre 1 : Dans l'oeil d'une morte
Chapitre 2 : Dépendance
Chapitre 3 : Bangtan
Chapitre 4 : Le Prince déchu
Chapitre 5 : La naissance d'un monstre
Chapitre 6 : La mission
Chapitre 7 : Un ange sans ailes
Chapitre 8 : Liens prophétiques
Chapitre 9 : La Capitale
Chapitre 10 : Le Serviteur du prince
Chapitre 11 : La chasse est ouverte
Chapitre 12 : Ce que cache un tapis de roses
Chapitre 13 : La main secourable
Chapitre 14 : Conflits d'intérêt
Chapitre 15 : La Confrérie
Chapitre 16 : Dilema
Chapitre 17 : L'Héritier mis à nu
Chapitre 18 : La parade
Chapitre 19 : Que mon fardeau soit votre salut
Chapitre 20 : Force et faiblesse
Chapitre 21 : Famille
Chapitre 22 : Incompréhension
Chapitre 23 : Nuit étoilée
Chapitre 24 : Toile
Chapitre 26 : Le bar de Mme Nocha
Chapitre 27 : Intervention
Chapitre 28 : Le monstre est un cœur solitaire *
Chapitre 29 : Alliée ou ennemie ?
Chapitre 30 : Exclusion
Chapitre 31 : Détention
Chapitre 32 : La Cité des anges
Chapitre 33 : Le Plan de la Confrérie
Chapitre 34 : Savoir, c'est pouvoir ?
Chapitre 35 : De quoi as-tu peur ?
Chapitre 36 : Désir
Chapitre 37 : Clair de lune
Chapitre 38 : Je suis ami avec le monstre
Chapitre 39 : Spectacle de rue
Chapitre 40 : Vivre ou mourir
Chapitre 41 : Marionnette
Chapitre 42 : Entre les murs de la Cité
Chapitre 43 : Dame de la cour
Chapitre 44 : Dîner
Chapitre 45 : Frustration
Chapitre 46 : Obstination
Chapitre 47 : Fusion
Chapitre 48 : Prise de décision
Chapitre 49 : Le bourreau libérateur
Chapitre 50 : Sauvetage
Chapitre 51 : Le meilleur des deux mondes
Chapitre 52 : Le Palais Royal
Chapitre 53 : Vive le roi
Chapitre 54 : Fatigue
Chapitre 55 : L'amour est une fumée formée des vapeurs de soupirs*
Chapitre 56 : La liberté est bleu ciel
Chapitre 57 : Injustices
Chapitre 58 : Amie ?
Chapitre 59 : Polarisation
Chapitre 60 : Le Serviteur affranchi
Chapitre 61 : Le Retour du Roi
Chapitre 62 : Le Bal d'automne
Chapitre 63 : Entre deux mondes
Chapitre 64 : Promesses
Chapitre 65 : Hors de la bulle
Chapitre 66 : (PART 1)Les secrets de la Colombe
Chapitre 67 : (PART 2) Les secrets de la Colombe
Chapitre 68 : 21 grammes dans l'atmosphère
Annonce tome 2

Chapitre 25 : Le prix des larmes

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By WhiteSwan1307

*-*-*-*-*-*

Fin du chapitre précédent : 

 « Ce n'était pas tout : sur une autre page, figurait le même individu que celui qui accompagnait Jimin sur la première. Son visage était cette fois-ci dissimulé par un capuchon, mais identifiable grâce aux mèches qui s'en échappaient ainsi qu'à la rondeur de son nez. Jungkook reconnut immédiatement cette tenue, et surtout, la colombe brodée sur celle-ci . 

— Amenez-moi Jimin, immédiatement  »

*-*-*-*-*-*

Trahison.

Le mot, affreux, agrippa Jungkook de ses serres puissantes, empêcha son esprit de s'en détourner, accapara jalousement toute son attention. Le prince se leva de son bureau, repoussa le rideau gris pour regarder à travers la vitre, juste pour s'occuper. Il aperçut des gardes aux quatre coins d'une cour rectangulaire, immobiles et droits dans la pénombre, tenant en laisse leurs cerbères, parfaits dans leur rôle. Il ouvrit la fenêtre, la referma, soupira, la poitrine sens dessus-dessous.

Le temps qu'il fallut à Dong-min pour partir à la recherche de Jimin lui parut durer une éternité ; une éternité durant laquelle il sentait déjà la colère obscurcir ses sens et annihiler sa raison. Un frisson glacé lui parcourut les membres. Oh, comme c'est terrible, lorsqu'on reste vaguement conscient du précipice dans lequel on s'apprête à se jeter, mais que nos jambes refusent d'arrêter leur course. Quand on sent la chaleur sur le point de jaillir hors de soi sous forme de paroles assassines ou de gestes impardonnables, et qu'essayer de la contenir nous déchire si voracement les entrailles qu'il ne restera bientôt rien de nous.

Il ne voulait même pas réfléchir aux raisons qui avaient pu conduire Jimin à rencontrer ce magicien. Trahison. Traître au royaume... était-ce vraiment le pire ? Pas pour lui, oh ça non. Nombreux étaient les traîtres à la couronne, et Jungkook n'avait jamais hésité à les éliminer, leur faute représentant le crime ultime dans la hiérarchie des Jeon.

Seulement, le traître, cette fois, c'était Jimin.

Jimin, qui lui avait toujours été loyal, même après avoir aperçu le monstre, qui l'avait maintes fois vu se réveiller en sueur et tremblant après un énième cauchemar, mais ne l'avait jamais laissé tomber.

Et surtout, le trahi, c'était lui.

Lui qui avait tenu le jeune homme à sa merci pendant si longtemps, négligeant ses sentiments au profit des siens, rejetant sa confession de la pire des manières qui soit.

Était-ce si étonnant, finalement ?

Sa confiance venait d'être brisée, au moment même où il réalisait la lui avoir accordée toutes ces années. Quelle ironie. Comment avait-il pu laisser les choses lui échapper de la sorte ? Comment n'avait-il pas anticipé la trahison de Jimin ? Il aurait dû. 

Parce qu'à la fin, on finit toujours déçu, pas vrai ?

Le monstre gémissait mais Jungkook savait que bientôt, il allait se mettre à gronder, à bondir. Il ne le voulait pas ; pas maintenant, pas après avoir passé des heures sur ce contrat, après avoir enfin lâché prise avec Taehyung. Foutue malédiction. Foutu Kim, qui en était responsable !

Il s'assit, se releva, contourna son bureau pour s'asseoir à nouveau, les ongles enfoncés dans le bois, les pieds solidement plantés dans le sol. C'était douloureux, partout. Son corps bouillant menaçait d'exploser telle une bombe à retardement dont on aurait égaré le compte à rebours.

Il attendait Jimin, mais n'avait aucune envie de se retrouver nez à nez avec lui, pas alors que la colère menaçait de l'engloutir, que racontait-il ? Elle l'avait déjà avalé tout entier, invitée impolie qui ne s'embarrasse pas d'annoncer sa venue. C'est une émotion impatiente, la colère. La créature au creux de son ventre s'en nourrissait déjà pour le pousser à s'élancer et à détruire, détruire, détruire.

Jimin complotait derrière son dos, avec un magicien.

Jimin complotait derrière son dos, avec un magicien de la Confrérie.

Jimin complotait dans son dos, avec un magicien de la Confrérie qui était l'ami de Taehyung.

Un cri. Du verre brisé. Des papiers réduits en cendres.

Pendant un moment, il oublia la Confrérie, oublia Jimin, et il ne resta plus que Taehyung et la pensée vicieuse que lui aussi était un traître. Il avait besoin de savoir. C'était ridicule, pourquoi cette perspective le laissait-elle déjà apercevoir la destruction à laquelle il était voué ?

Parce que.

Parce que Taehyung. L'idée qu'il puisse être impliqué dans cette histoire l'emmerdait profondément, voilà. Depuis quand était-il devenu important dans sa vie, un putain d'arc-en-ciel dans les abysses de son monde à lui ? Jungkook ne voulait pas le perdre, cet éclat, mais l'Angoisse, impitoyable, lui murmurait à l'oreille qu'il ne l'avait jamais possédé.

Les portes s'ouvrirent enfin et amenèrent Jimin avec elles. Le monstre acheva de se réveiller. Il se déploya tout entier et précipita sur sa proie, celle-ci occupant le moins d'espace possible dans la pièce, ayant déjà senti la tempête à venir. Il posa sa main sur son épaule, mais au moment où il croisa ses prunelles brunes et immenses, ses émotions se décuplèrent avec tant de force qu'il se retrouva à court de mots pendant quelques secondes, avant de laisser échapper d'une voix qu'il ne reconnut pas :

Est-ce qu'il est au courant ? Taehyung... Il sait ?

Le monde entier aurait pu s'écrouler qu'il l'aurait regarder faire avec indifférence, pourvu qu'il eût obtenu la réponse à sa question. Heureusement, Jimin comprit immédiatement, lui qui le connaissait si bien, et s'empressa de secouer la tête de droite à gauche.

Non.

Jungkook ramena sa deuxième main sur l'épaule du garçon, faisant peser tout son poids sur lui, et baissa la tête en expirant lourdement. L'air était revenu d'un seul coup dans ses poumons ; ce simple mot était parvenu à repousser momentanément les voix dans sa tête. Mais le monstre veillait toujours.

Jungkook, reprit Jimin. Ce n'est pas ce que tu crois, je te le jure.

Il releva la tête, plongeant directement ses yeux dans les siens, brillants mais secs. À l'intérieur, toujours cet effroi. Jimin avait peur de lui. Cela lui fit l'effet d'une douche froide. Brusquement, il se redressa, le lâcha, tâchant de reprendre le contrôle de son corps qui n'était plus qu'un amas de feu et chairs douloureuses.

Les paroles de Taehyung tournaient en boucle dans son esprit : « Tu n'es pas un monstre, Jungkook... le feu détruit si tu le laisses faire... ». Le monstre, pourtant, n'était pas satisfait ; ces mots vides, sans la présence de celui qui les avait prononcés, composaient un engrais insuffisant. Il réclamait autre chose, de bien plus attrayant.

Dis-moi ce que je crois, Jimin, dit-il froidement.

Le masque l'impassibilité avait repris sa place sur son visage. Allez Jungkook, s'encouragea-t-il, tu es doué pour ça, juste encore un peu.

Tu penses que je t'ai trahi, pas vrai ? Tu penses que je complote derrière ton dos avec un magicien, un membre de la Confrérie, en plus de ça.

Ce n'est pas la vérité ?

À peine eut-il posé la question qu'il réalisa n'avoir plus aucune envie d'en connaître la réponse. L'urgence précédemment ressentie s'était volatilisée, remplacée par une lassitude extrême ainsi qu'une envie pressante de rester seul et de se murer dans un silence éternel. Seulement, ce loisir était un luxe qu'il ne pouvait se permettre, parce que Jimin, en s'étant fait prendre, avait déclenché quelque chose qu'il ne pouvait pas ignorer. Une question, néanmoins, restait en suspens dans son esprit, sa réponse suffirait à l'apaiser, pas vrai ? Oui, juste une dernière :

Dis-moi simplement si tu as œuvré pour me faire du mal.

Il avait dit « me faire du mal », et non pas « faire du mal au royaume », parce qu'il s'en fichait royalement. Tout ce qui lui importait était d'entendre de la bouche de Jimin que celui-ci n'avait pas voulu le blesser. Non pas qu'il ne l'aurait pas mérité, après tout, il avait toutes les raisons de vouloir le détruire ; seulement, cela voudrait dire que sa confession était une vaste blague, qu'il ne l'aimait pas réellement, et quelque part au fond de lui, Jungkook possédait le désir secret que quelqu'un l'aime. Il ne voulait pas spécialement que Jimin l'aime, mais que quelqu'un l'aime, même s'il tâchait de se persuader du contraire.

Je ne pourrais jamais faire ça, Jungkook, répondit Jimin sans même l'ombre d'une hésitation, et il sut qu'il disait la vérité.

Néanmoins, cela n'ôtait rien à la gravité de la situation, aux responsabilités qui retombaient - une fois encore - sur ses épaules.

Jimin, dit-il, est-ce que tu te rends compte de ce que tu viens de faire ? Est-ce que tu sais ce qui arrivera si mon oncle prend connaissance de ces photos ? Est-ce que tu sais ce que tu risques ?

Ils y étaient. Le fond du problème. Qu'importait le fait qu'il ait désobéi, qu'il fût coupable de trahison en fréquentant un magicien. Après tout, Jungkook lui-même avait passé la soirée avec l'un d'eux, pas plus tard que la veille. Cela n'avait plus d'importance. 

Ce n'était pas non plus le fait que ce magicien en question fasse partie de la Confrérie, une organisation puissante, l'ennemi premier, que le royaume combattait avec acharnement. Non, cela aurait de l'importance plus tard, peut-être, mais pas maintenant.

Ce qui torturait Jungkook, alors qu'il se tenait devant Jimin, ne sachant que faire de ses membres à la fois surstimulés et alourdis, c'était la pensée de ce qui adviendrait du garçon si son oncle venait à être au courant de l'affaire.

Non. Il ne pouvait pas permettre que le roi mette la main sur lui. Jamais. Jimin était toujours l'un de ses hommes, et son oncle n'avait pas le droit de toucher à ce qui lui appartenait. Jamais... Hors de question... Non.

Tu pourrais te faire tuer sous mes yeux sans que je ne puisse rien faire pour empêcher ça, est-ce que tu comprends ? reprit-il en luttant pour ne pas le secouer afin d'ôter cette expression pitoyable qu'il affichait sur son visage.

Le monstre, précédemment déçu, se réjouit du retour de la colère, lui griffa l'intérieur avec plus de vigueur encore, comme s'il s'était réservé pour ce moment.

Et tu crois qu'ils le feront rapidement ? reprit-il. Tu rêves ! Ils te tueront lentement, ils se délecteront de tes cris et t'auras beau supplier, ça ne changera rien. Qu'est-ce que je raconte ? Mon oncle me forcera à le faire moi-même, parce qu'il est taré à ce point, Jimin ! Et je le ferai, bien sûr que je le ferai, parce que je n'aurai pas le choix ; parce qu'il trouve toujours le moyen de me faire faire ce qu'il veut, putain !

Comment Jimin avait-il pu lui faire ça ? Comment pouvait-il être aussi inconscient ?

Il attend la moindre occasion pour me faire du mal, s'écria-il, la voix de plus en plus forte. Ce serait son putain de rêve, de me remettre à ma place en s'attaquant à ce qui est à moi, et toi, tu lui sers cette occasion sur un plateau d'argent ! POURQUOI EST-CE QUE TU NE DIS RIEN ?

Jimin voulut répondre, mais Jungkook ne lui en laissa même pas le temps. Il se fichait complètement de se contredire, les mots n'avaient plus de sens pour lui, ce n'étaient que des suites de sons prononcés les uns à la suite des autres.

Est-ce que tu sais ce que je dois faire maintenant ? demanda-t-il.

Jimin secoua la tête, juste assez pour manifester son ignorance :

Je vais devoir le tuer ! lâcha-t-il, presque désespérément. Dong-min, et tous ceux qui sont au courant de tes petites sorties interdites. Mes hommes sont précieux Jimin, est-ce que tu sais ça ?

Je sais. Je voulais juste...

Ça coûte cher, des hommes, et c'est difficile d'en trouver qui soient loyaux envers moi. Je dois redoubler de vigilance pour m'assurer qu'ils n'aillent pas me vendre à mon oncle à la moindre occasion.

Il se passa une main dans les cheveux, fit les cents pas dans la pièce. Jimin n'osait plus le regarder.

Mais maintenant, continua-t-il, je vais devoir en éliminer, sans aucune raison valable, parce que c'est moi, qui leur ai demandé de suivre ces foutus magiciens. Je ne leur ai pas demandé de te suivre toi, non, parce que même moi, je voulais pas m'abaisser à ça, pas après t'avoir dit que plus rien ne te retenait à moi.

Il s'arrêta un instant avant de reprendre :

— Seulement là, c'est pas en tant que Jungkook que je te parle, mais en tant que prince ! J'ai des responsabilités, putain, des trucs à faire que j'ai pas envie de faire, des choses à penser, et toi tu... je vais devoir réparer tes erreurs !

Je n'ai pas pensé à ça, Jungkook, je te jure ! C'était inconscient de ma part, et stupide. Je suis désolé.

Jimin parut réaliser ce que lui savait depuis toujours : il n'était pas simplement Park Jimin, mais un rouage de ce royaume, un rouage dangereusement proche du prince. Seulement, Jungkook n'avait pas besoin d'excuses, ni d'une prise de conscience. Les excuses consolaient peut-être l'âme, mais elles ne réparaient pas les torts.

Tant que son oncle était en vie...

Pars, dit-il, parce qu'il ne trouvait rien d'autre à dire ou à faire pour l'instant. Juste pars, retourne dans tes appartements et n'en sors pas jusqu'à ce que cette affaire soit réglée. Dis à Dong-Min de me rejoindre en sortant.

Jimin s'exécuta, ne tenta pas d'argumenter et, à peine quelques secondes plus tard, Dong-min entra comme entraient tous ses hommes, le profil bas mais le pas décidé, désireux de dissimuler sa nervosité sans pour autant passer pour un être arrogant. Jungkook s'efforça de maintenir un visage impénétrable, malgré ce goût acide et désagréable au fond de sa gorge.

Mon Prince.

Comme lui, il était jeune, Dong-Min. La rudesse dans ses yeux indiquait qu'il avait définitivement quitté l'âge de l'innocence, mais ses traits fins, sa peau encore lisse et l'implantation de ses cheveux laissaient deviner qu'il n'avait pas dépassé la vingtaine, ou de très peu. C'était un homme obéissant et loyal, de ceux qui prennent leur métier si à cœur qu'on oublierait presque qu'ils sont payés pour l'exercer. 

Vraiment, Jungkook pouvait même affirmer qu'il était son préféré.

Mais tout cela n'avait plus d'importance désormais. Il savait, et c'était déjà trop.

Qui d'autre est au courant de l'existence de ces photos ? lui demanda Jungkook en pointant du doigt les morceaux de papier, malmenés durant son accès de colère. Ou bien de cette entrevue, entre Park Jimin et le magicien ?

Personne, mon Prince, répondit l'autre avec assurance, avec fierté, même. Je suis le seul.

Il ne s'attendait pas à ce qui allait suivre, comment le pourrait-il ? La certitude du devoir accompli lui avait fait relâcher son attention, tout comme celle d'avoir été irréprochable. Oh, il avait peur de lui, n'importe quel homme sensé craignait Jungkook, mais il savait aussi que celui-ci n'éliminait pas ses employés à la légère. Ils étaient trop rares pour qu'il puisse se permettre ce luxe. Jungkook avait deviné tout cela simplement en le regardant, comme si ses pensées s'écrivaient sur son visage à mesure qu'elles défilaient dans son esprit.

Il était le véritable fautif. Certainement pas Jimin, et surtout pas Dong-Min. Lui. Une minuscule erreur, qu'il attribuait au manque de temps, mais pouvait s'expliquer plus simplement encore, par un oubli, ou une paresse, l'avait conduit à cette situation. 

En effet, Taehyung lui avait fait promettre d'ordonner à ses hommes d'arrêter de le suivre, lui et ses amis. Jungkook avait promis, mais l'ordre n'avait jamais été donné. S'il l'avait fait, alors il n'aurait rien su de toute cette affaire, ce qui aurait sans doute été préférable.

Cet exemplaire est-il le seul ?

Il devait en être certain. Lorsqu'il vit Dong-Min approuver, Jungkook se sentit soulagé, pour d'autres raisons que l'économie d'argent et de temps que lui faisait gagner cette réponse. Cette constatation le dérangea : il n'avait, depuis ce fameux jour où tout avait commencé, jamais eu peur de se salir les mains. Il était habitué à devoir tuer pour son oncle, à tuer pour lui-même aussi, parfois, à tuer tout court. L'idée d'avoir ôté une vie le laissait indifférent, parce qu'il était incapable de mesurer sa valeur, de ressentir sa perte. Le monstre en retirait même du plaisir, une certaine euphorie qu'il ne pouvait s'empêcher de rechercher encore et encore.

« Tu n'es pas un monstre, Jungkook »

Il sursauta presque, pendant un instant, il crut que Taehyung s'était matérialisé près de lui tant sa voix apparaissait avec netteté dans sa tête. Je n'ai pas le choix, eut-il envie de hurler, mais le magicien n'était pas là, seul Dong-Min était présent. Dong-Min, qui commençait déjà à s'interroger sur le silence soudain de son prince, qui se triturait les doigts de la main en attendant, visiblement mal à l'aise.

Je n'ai pas le choix, se répéta-t-il encore, et franchement, il ne comprenait pas pourquoi cela avait la moindre importance alors que cela n'en avait jamais eu, pourquoi il eut envie de le lui dire, à Dong-Min, qu'il était obligé de l'éliminer, parce qu'il lui fallait protéger Jimin et empêcher son oncle d'utiliser cette histoire contre lui. Dong-Min pouvait peut-être garder le secret, mais il n'y avait aucun moyen d'en être sûr, et Jungkook ne pouvait laisser subsister le moindre doute.

Tu m'as servi fidèlement, Dong-Min, dit-il.

Des centaines de fois déjà, il avait aperçu la lueur particulière dans les yeux de ses victimes au moment où elles comprenaient qu'elles allaient mourir. Il y avait différentes manières d'interpréter cette lueur, mais pour les types comme Dong-Min, il s'agissait d'une sorte d'urgence, une révélation brutale. On aurait dit qu'ils voyaient défiler dans leur esprit toutes les choses de la vie qu'ils ne pourraient jamais faire, et si ces activités ne les avaient jamais préoccupés auparavant, leur perte devenait soudain insupportable.

Jungkook devina cela chez le soldat et décida en une fraction de seconde qu'il n'avait pas envie de voir cette lueur plus longtemps, et que pour une fois, il ne retirait aucune jouissance du pouvoir qu'il exerçait sur la vie d'un autre.

Alors, sans perdre un instant, il dégaina son poignard. Son bras savait exactement où frapper pour une mort rapide. Il visa le cou, d'un geste vif et d'une précision de maître. Aussitôt, le sang vint maculer la lame d'argent et éclabousser ses vêtements ; l'homme eut à peine le temps de pousser un cri étranglé avant de s'effondrer à ses pieds. Jimin était en sécurité, et Jungkook ne ressentit rien d'autre que le soulagement de celui qui vient de s'acquitter d'une tâche pénible.

La sensation fut si nouvelle et inhabituelle que pendant quelques secondes, il ne sut quoi faire, et resta là, son arme en main, à regarder la flaque s'étendre doucement, comme si l'attente allait faire surgir la poussée d'adrénaline familière qui accompagnait généralement chacun de ses meurtres, comme si elle allait jaillir du corps mort.

Rien.

Alors il tendit la main, hésita, puis fit finalement apparaître une flamme orangée. Il la dirigea vers Dong-Min, qui ne fut bientôt qu'un tas de cendres. D'un geste, à l'aide d'une formule basique, il fit disparaître les particules grises, le sang, et il ne resta véritablement plus rien.

Taehyung avait raison, le feu détruit si on le laisse faire, et Jungkook avait laissé faire.

Il prit le chemin de la chambre de Jimin avec détachement. Combien de temps marcha-t-il ? Il n'en savait rien, ses mouvements paraissaient naître de la volonté d'un autre. Lorsqu'il frappa à la porte et que le jeune homme lui ouvrit, il ne ressentit, là encore, plus rien.

C'est fait, dit-il. Ce n'était pas de ta faute. Fais ce que tu veux, retourne voir ce magicien si ça te chante, je m'en moque. Ne te fais pas attraper, c'est tout. Quoique... je n'aurais qu'à tous les tuer, pas vrai ? Oui...

Jungkook...

Jimin avait le visage de celui qui a vu une apparition. Qu'avait-il sous les yeux, pour réagir ainsi ? se demanda vaguement Jungkook. À quoi est-ce que je ressemble ? Il aurait fallu lui poser la question pour le découvrir, mais il n'avait envie d'écouter personne, toujours prisonnier de cette torpeur dans laquelle l'assassinat de Dong-Min l'avait plongé.

Jungkook, répéta Jimin, est-ce que ça va ?

Pourquoi ça n'irait pas ?

Il tourna les talons et pénétra dans ses propres appartements, adjacents à ceux de Jimin. Il se déchaussa, se dirigea vers la salle d'eau, et observa son reflet dans la glace. Elle était là, sa réponse, entièrement nue devant lui. Il était toujours le même, ses cheveux noirs, légèrement ondulés, tombaient toujours sur ses yeux et derrière sa nuque, son visage était toujours cerné, sa boucle d'oreille émeraude pendait toujours sur sa nuque.

Pourtant, il se sentait si différent.

Devant le miroir, il assista à sa chute comme s'il regardait un autre. Il vit le nez en face de lui se froncer en même temps qu'il le sentit, il aperçut avec horreur les traits de son visage se contorsionner. Et puis les yeux. Il remarqua que quelque chose clochait avec eux qu'une fois la silhouette dans la glace devenue floue. Un hoquet lui souleva la poitrine, et tout s'enchaîna. Les larmes dévalèrent ses joues à grande vitesse, à la manière d'une cascade, avant de s'échouer dans le lavabo.

Bêtement, il baissa la tête, ne faisant qu'accélérer le ruissellement, puis y porta ses mains, que le liquide salé humidifia bien vite. Il était si étonné, de constater que comme tout le monde, ses larmes étaient faites d'eau, comme s'il s'était attendu à voir des jets de lave couler de ses yeux. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas pleuré à chaudes larmes, à gros sanglots. Il s'agissait d'un luxe qui lui était interdit, avait-il toujours pensé. Il ne savait même pas en être encore capable. Il sanglota longtemps, toujours debout, toujours devant son miroir, se déchargeant de tant de choses sans savoir précisément lesquelles. Il pensait que ses larmes allaient lui déchirer le corps, que le seul fait d'en verser signifiait qu'il avait perdu, même s'il ignorait quoi.

Lorsqu'il eût fini, que les tremblements de son corps se firent de moins en moins violents et que les hoquets s'espacèrent, il ouvrit le robinet, régla l'eau à la bonne température et s'éclaboussa le visage.

Il s'essuya soigneusement mais avec empressement, pour effacer toutes traces de sa honte, comme si les dernières minutes n'avaient jamais existé. Il pensait pouvoir s'illusionner en se disant que s'il n'y avait pas de témoins, alors la scène n'avait jamais eu lieu. Seulement, l'homme dans le miroir savait. Jungkook repoussa cette pensée à plus tard, trop las, le corps vidé de toute énergie, et ressentit l'envie soudaine de sortir, de voir autre chose, d'aller là où il pouvait oublier les événements de ces dernières heures.

*

Une fois les portes du Wangheol franchies, la patronne l'accueillit comme à son habitude, avec un sourire éblouissant et des gestes empressés.

La chambre numéro 13 ? demanda-t-elle avec un clin d'œil.

Non, pas ce soir, répondit-il. Je vais simplement m'asseoir au bar.

Elle acquiesça et le regarda passer devant elle, avant de probablement se diriger vers le client suivant, qui venait de faire tinter la petite clochette à l'entrée.

La première fois qu'il était entré ici, cinq ans plus tôt, Jungkook n'avait pas immédiatement deviné qu'elle était magicienne. Contrairement aux autres, il n'avait pas besoin de procéder à des tests pour démasquer un magicien, il le sentait, voilà tout. Pourtant, pas une fois au cours des premiers temps, il ne la soupçonna ; mais un jour, il avait eu une crise après une énième tentative de sevrage, et elle l'avait hissé comme s'il ne pesait rien dans une chambre à l'étage. Il avait compris, et elle avait compris aussi. Peut-être avait-elle toujours su ?

Elle s'appelait Yeonha. Jungkook décida de ne pas la dénoncer lorsqu'il réalisa que son établissement était le seul de la ville dont les Traqueurs ignoraient l'existence. Enfin, ignorer était un grand mot, disons qu'ils ne s'en préoccupaient pas, lui préférant d'autres maisons plus proches du centre et mieux réputées. Il lui avait révélé son identité et avait passé un contrat avec elle, qui, depuis, lui cédait cinquante pourcents de son chiffre d'affaire en échange de son silence. 

Une part énorme, mais elle n'avait pas tenté de négocier.

De plus, elle avait l'interdiction formelle d'ébruiter que le prince fréquentait cet endroit, et le laissait rencontrer ses filles gratuitement, bien qu'il n'usât de ce privilège que rarement ces dernières semaines. La jolie somme d'argent gagnée chaque mois, qu'il dissimulait à son oncle, lui permettait d'assurer ses arrières, d'obtenir une relative indépendance financière. Elle avait servi, par exemple, à renflouer son stock personnel de morphine, ainsi qu'à subvenir aux besoins de Jimin.

Tu veux un verre, je suppose? dit-elle, une fois de retour au comptoir.

Elle laissait tomber les formalités afin de ne pas éveiller les soupçons, ce qui avait déplu à Jungkook au début, mais il s'y était vite habitué. Yeonha lui avait appris la magie des mots, un jour qu'il l'avait vue faire et l'avait questionnée. Lui que sa propre magie avait toujours répugné, avait trouvé un intérêt non négligeable à cette autre forme qui s'apprenait, qui n'avait rien à voir avec le fait d'être magicien. Ainsi, des années durant, elle lui avait enseigné l'art de percer les mystères que recèlent les mots.

Non, je ne veux pas boire, dit-il.

T'as enfin compris que c'est pas recommandé pour toi.

Jungkook ricana :

Vous croyez que c'est deux-trois verres qui vont me faire quelque-chose, avec tout ce que je m'injecte? Ne soyez pas stupide.

T'as pas l'air sous morphine aujourd'hui, remarqua-t-elle avec un haussement de sourcils.

J'aurais peut-être dû l'être, pensa-t-il amèrement. Il y avait pensé, sur le chemin, à la substance transparente, et se la serait probablement injectée en pleine rue s'il l'avait eue sur lui. Mais Jimin continuait de diminuer les doses chaque jour et le sevrage se passait étonnement bien.

Mêlez-vous de vos affaires, répondit-il sèchement. Vous n'avez pas de clients à satisfaire ?

Elle eut un rire qui secoua ses épaules épaisses.

— Ta langue est bien aiguisée ce soir. Ils semblent tous préférer les filles plus jeunes... Ça doit être vrai finalement... J'ai passé l'âge.

La paume qu'elle porta sur son front, accompagnée d'un soupir exagéré, arracha un sourire à Jungkook.

Mmh.

Même s'il avait lancé le sujet, il ne voulait pas l'imaginer comme ça, en pleine...activité. Il en ignorait la raison mais cette vision avait pour lui quelque chose d'inconvenant.

Finalement, Jungkook opta pour une boisson sans alcool à la jolie teinte bleutée et resta au bar à regarder les clients entrer et sortir, certains satisfaits, d'autres honteux. Ceux-là quittaient le Wangheol le plus vite possible, souhaitant oublier ce qu'ils venaient juste de faire en se persuadant que ce n'était qu'une erreur de passage. En général, on les revoyait quelques jours plus tard, et puis l'erreur cessait d'en être une pour devenir une routine.

Son regard s'arrêta sur une beauté aux longs cheveux noirs qui tombaient en cascade sur sa poitrine rehaussée par un soutien-gorge à perles, rouge et doré. Elle était sublime, discutant avec un homme en costume tout en remplissant son verre à chaque fois qu'il le vidait.

Vous les payez, vos filles, pas vrai ?

Bien sûr que je les paie ! s'exclama Yeonha avec indignation. Tu crois qu'elles travaillent gratuitement ? Tu devrais davantage mettre le nez dans tes affaires, ajouta-t-elle. Après tout, cet endroit est partiellement à toi.

— Vous avez l'air de très bien vous en sortir seule, rétorqua-t-il en levant son verre. Vous leur avez donc fait un contrat ?

Elle approuva à nouveau, une drôle de lueur dans les yeux, et Jungkook se remit à penser à celui de Jimin, qu'il avait réduit en cendres plus tôt, sous la colère. Il allait devoir tout recommencer. La perspective était déprimante.

T'es sûr que tu ne veux pas l'appeler, le garçon de la chambre 13 ?

Jungkook hocha la tête en signe de dénégation, avant de répliquer froidement :

— Pourquoi est-ce que je l'appellerais ?

Elle lui lança un regard qui lui déplut par l'allusion qu'il renfermait.

— T'as l'air de bien l'apprécier, ce p'tit gars, dit-elle finalement.

Jungkook, les coudes sur le comptoir, observa le liquide pastel danser dans son verre.

— Si ma langue est aiguisée ce soir, la vôtre est aventureuse, lâcha-t-il en portant finalement sa boisson à ses lèvres.

Bien trop sucrée, pensa-t-il en grimaçant.

— Et la sienne, de langue, comment est-elle ?

Audacieuse, fut sa première pensée. Formulant toujours des mots qui l'irritaient par leur manie de taper juste, par leur capacité à rendre sa répartie moins adroite. S'il y pensait un peu plus longtemps, nul doute qu'il trouverait moult adjectifs encore pour la qualifier.

— Je ne sais pas, répondit-il à la place, d'une voix où perçait la raillerie. Jamais eu l'occasion d'y goûter.

— Mais peut-être l'envie de le faire ? insista Yeonha après un rire amusé. C'est ça qui te retient de l'appeler ?

Elle commençait à lui hérisser les poils, avec cet air conspirateur, comme si elle était persuadée d'avoir compris les choses avant lui.

Je n'ai pas peur de l'appeler ! se défendit-il. Maintenant, ajouta-t-il en levant son verre, ça vous dérangerait de me foutre la paix en me laissant savourer cette boisson dégueulasse ?

Elle haussa les épaules, s'apprêtant à partir, mais le sourire en coin qu'elle arborait fièrement balaya les restes du peu de sang-froid qu'il possédait. 

— Vous savez quoi ? s'enflamma-t-il en sortant son téléphone. Je vais l'appeler ! Sa compagnie sera toujours plus agréable que celle d'une prostituée à la retraite, pas vrai ?

Il composa le numéro qu'il avait mémorisé, puis se leva, furieux, avant de lancer par-dessus son épaule :

Faites-le monter lorsqu'il sera là.

*-*-*-*-*

Chapitre très joyeux, pas vrai ? *ironie*

Je le trouve assez déterminant pour le développement de Jungkook. 

Trop hâte que vous lisiez les deux prochains chapitres, full Taekook  :3

Merci de voter, merci de commenter, merci de lire, c'est en partie ce qui me motive à avancer <3

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