Étreinte (V2)

By Kuroecloclo

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Ce n'est pas facile de gérer sa vie quand on est athlète de haut niveau. C'est encore moins facile quand il f... More

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By Kuroecloclo

Yuzu

Je n'étais pas faible.

C'était ce que je m'étais toujours dit. Après tout j'étais un athlète, un sportif de haut niveau, même si j'étais fin j'avais quand même de la force ! Je n'étais pas stupide au point de penser que personne ne pouvait me battre physiquement (loin de là) mais je pouvais aisément me défendre. Il me semblait aussi que j'étais relativement solide mentalement : le fait d'être athlète jouait sur les nerfs mais le fait que je sois particulièrement admiré dans mon pays, que les médias me suivent partout, les attentes qui pesaient sur mes épaules, tout ça faisait que je m'étais bétonné ! Je savais gérer le stress, m'adapter, réagir vite, j'avais même une expérience de mort imminente à mon actif alors qu'est-ce qui pourrait encore m'ébranler ? Pas grand chose, j'en avais été certain. « Avais été » au passé.

Jamais je ne m'étais laissé impressionner par des adversaires, peu importe s'ils étaient nombreux, plus vieux, plus forts, peu importe les menaces, je n'avais jamais baissé les yeux.
Alors pourquoi quand ça comptait et que ce n'était même pas des menaces réelles, j'étais incapable de bouger ? Le type devant moi n'était même pas un de mes adversaires, juste un gars que j'avais vaguement déjà vu en coulisses, je ne savais même pas s'il était en paire ou en danse... Et il me collait depuis la fin du banquet.
Pendant la soirée il avait insisté pour discuter et par politesse j'avais accepté, mais il était devenu vite lourd (et bourré) et j'avais préféré prendre mes distances. J'avais rejoint des gens que je connaissais mieux, je l'avais oublié : il n'était ni le premier ni le dernier à faire des blagues vaseuses sur mon physique.

Je ne restais jamais jusqu'à la fin des banquets, je faisais juste acte de présence par politesse et je m'éclipsais le plus vite possible une fois le dîner terminé parce que j'étais souvent fatigué. Aujourd'hui n'avait rien de différent et je m'étais donc discrètement faufilé hors de la salle de réception en espérant atteindre mon lit le plus vite possible. Sauf que je n'avais pas été aussi discret que ce que j'avais supposé et que le type dont je ne connaissais toujours pas le nom m'avait suivi et arrêté dans un couloir où il n'y avait évidemment personne à cette heure-ci...

-Vraiment, pour un mec t'es mignon, surtout de dos... Ma chambre est juste à côté tu sais ?

Je ne comprenais pas tout ce qu'il disait mais le peu qui m'était intelligible me suffisait à saisir ma situation. Ça et le fait qu'il m'ait coincé contre un mur.
J'aurais dû lui mettre un coup, le bousculer, faire quelque chose, il y avait vraiment pleins de choses que je pouvais faire, mais je ne sais pas pourquoi je n'y arrivais pas. Il était trop proche, beaucoup trop, il m'étouffait avec sa proximité, ça me paniquait et je n'arrivais pas à réfléchir, juste à me coller encore plus au mur dans une vaine tentative de mettre de la distance entre nous. Quand je le sentis glisser une main sur ma cuisse un cri se bloqua dans ma gorge et je crus que mon asthme allait se déclencher tellement l'impression de ne plus pouvoir respirer était présente mais avant que je ne puisse hyper-ventiler, une main agrippa l'épaule du type et le tira en arrière avec suffisamment de force pour qu'il titube contre le mur d'en face.

-Est-ce que ça va ?!

J'ouvris la bouche en tremblant sans arriver à répondre et faillis tomber dans les bras de Javi de soulagement.

Ne pleure pas.

-Putain, ça devenait juste intéressant, grogna l'autre. Chacun son tour mec, je l'ai vu en premier ce soir, tu peux partager un peu... Un cul comme ça, tout le monde veut en profiter.

Javi se retourna tellement vite que je n'eus pas le temps de cligner des yeux et il lui balança son poing en pleine figure, le faisant réellement tomber cette fois.

-Répète pour voir, pauvre con !

Je ne l'avais jamais vu aussi en colère, ou en colère tout court : agacé pourquoi pas, mais furieux comme maintenant ? Jamais. Et je pense que c'était mieux comme ça...
Le type ne répéta pas d'ailleurs, trop occupé à essayer de presser sa main sur son visage où son nez dégoulinait de sang (peut-être cassé, mais ça n'avait pas d'importance).

-Si tu le touches- Non, si tu t'approche encore de lui, je te jure que ce n'est pas que ton nez qui saignera la prochaine fois, le menaça Javi.

-J-je vais te reporter ! Tu seras exclu des compétitions !

-Essaye, soufflai-je en essayant de retrouver un minimum de contenance. Et je m'arrangerai pour que tu ne puisses plus jamais approcher d'une patinoire.

Quand il s'enfuit en disparaissant dans un autre couloir, même en sachant que je ne risquais plus rien je n'arrivai pas à décrisper mes muscles. Je n'arrivais même pas à complètement comprendre ce qui venait de se passer...

-Yuzu, est-ce ça va aller ?, répéta Javi en me scannant du regard avec inquiétude.

Je vis qu'il gardait une distance entre nous malgré ses bras tendus dans ma direction ; comme s'il voulait me toucher mais n'osait pas vraiment. Je ne répondis pas et attrapai sa manche pour le rapprocher, ce qui lui suffit pour venir m'enlacer. Il ne s'était rien passé, juste un effleurement, mais je me sentais sale, dégoûtant, souillé et rabaissé. Je fermai les yeux en essayant de supprimer mes tremblements et les larmes que je sentais monter, parce que je n'étais ni une victime ni un faible, et que je ne voulais pas qu'on me regarde comme une petite chose fragile incapable de se défendre. J'avais envie de vomir. J'allais vraiment vomir. Il fallait que je parte d'ici.

-Porte plainte pour harcèlement sexuel, sinon il recommencera.

-Non... Je vais dire au JSF, finir ça discrètement, pas de scandale...

-Yuzu...

-Non, répètai-je. Ça va aller, ça ira...

-Je te raccompagne à ta chambre. Sauf si tu veux aller ailleurs ? Voir Brian ?

-Ma chambre, chuchotai-je.

Il me conduisit à travers les couloirs et je me laissai guider. De toute façon je n'étais pas en état pour retrouver ma chambre et encore moins de m'y rendre seul.
Il n'y avait rien au monde que je détestais plus que cette sensation de vulnérabilité, ce sentiment de ne pas pouvoir agir et de devoir supporter des regards condescendants qui ne faisaient qu'en rajouter.

-Javi, s'il te plaît, promets...

-Je ne dirai rien à personne si tu veux que je me taise mais s'il te plaît, promets moi d'en parler au moins à Brian. Ou à Tracy. Je sais que ta fédération gèrera et fera en sorte de tout régler mais... Ce n'est pas quelque chose qui nécessite juste un avocat.

J'acquiesçai silencieusement en fixant l'hideuse moquette du couloir devant ma porte.

-Et si tu veux en parler... Tu sais que je peux te prêter une oreille, conclut-il.

-Merci Javi...

-C'est normal, ne me remercie pas pour ça. Et je te promets que je ne dirais rien aux autres, ça ne les regarde pas.

J'acquiesçai de nouveau et serrai le poing contre ma jambe, là où ce porc m'avait touché. L'envie de vomir revint et je dus me retenir de recommencer à pleurer pathétiquement. Tout ça parce que j'avais été incapable de lui mettre un genou dans le bas ventre...

-Yuzu, tu n'es pas obligé de me dire mais... Il t'a touché ?

-Non, soufflai-je en détournant le regard.

-Ne mens pas, dis moi juste que tu ne veux pas en parler, je l'accepterai.

Il y eut un silence et même sans le voir je savais que Javi me couvait avec des yeux inquiets, comme à chaque fois qu'il se faisait du soucis pour moi : souvent.

-Pas beaucoup, finis-je par avouer.

-Où ?... Je peux repartir à sa recherche et l'achever.

-Non, c'est juste... Il a... juste la cuisse...

Dégoûtant...

-Ne dis pas « juste », et ne dis pas « pas beaucoup » comme si c'était moins grave, s'il te plaît, chuchota-t-il.

J'enroulai mes bras autour de moi pour me reprendre, arrêter de trembler, ne pas montrer à quel point j'étais secoué.

-Yuzu, tu me fais confiance ?

Je relevai la tête vers lui sans comprendre. Je ne saisissais même pas la question...

-Oui, je te fais confiance.

-Merci.

Il m'enlaça et je me laissai aller contre lui. Je ne savais pas comment il faisait mais j'étais toujours mieux comme ça, comme si je pouvais mieux respirer, reprendre de l'énergie. On resta ainsi pendant un long moment, jusqu'à ce que je me sois en peu détendu, et Javi se détacha en restant proche.

-Montre moi.

Je mis quelques secondes à comprendre de quoi il parlait et je baissai les yeux en désignant vaguement mon aine. Rien que de voir l'endroit me révulsait, j'allais jeter ce pantalon... Mais avant je le déchiquetterai en petits morceaux et je le brûlerai.

Javi posa une main sur ma hanche plus haut que d'habitude et s'immobilisa en me fixant.

-Tu sais que je ne ferais jamais quelque chose que tu ne veux pas ? Ou qui te blesserait ?

Je clignai des yeux et hochai la tête. L'idée que Javi puisse ne serait-ce qu'envisager de faire quelque chose de mal paraissait irréelle.
Il souleva légèrement sa paume et la déplaça jusqu'à l'endroit que j'avais désigné en la laissant en suspens. Je compris ce qu'il voulait faire et ma respiration se bloqua en repensant à l'incident. Cependant Javi ne compléta pas le geste, me regardant calmement en attendant mon feu vert, me laissant le choix pour la suite. Je ne suis pas sûr de pourquoi je le lui donnai outre le fait que je lui faisais une confiance aveugle mais je sus tout de suite que c'était un bon choix. Ça n'avait rien à voir avec l'autre, ce n'était pas un effleurement lubrique, il n'y avait pas de sous-entendus dans le geste : Javi posa sa paume bien à plat comme s'il voulait appliquer un pansement, sans bouger.

-S'il s'approche de nouveau, peu importe si on est au milieu du gala avec des milliers de personnes qui regardent : je lui en collerai une, déclara-t-il doucement.

-Tu lui en as déjà mis une, Javi, soufflai-je en fixant sa main. Cassé le nez je crois...

La sensation de souillure s'évanouit peu à peu, remplacée par celle bien plus familière et réconfortante d'un simple contact habituel avec lui.

-Je ne suis pas sûr qu'il était cassé... Je devrais vérifier, je n'aime pas le travail mal fait, marmonna-t-il sombrement.

-Javi perfectionniste ?, souris-je faiblement.

Je n'avais pas pensé pouvoir sourire ce soir, encore moins plaisanter et me sentir calme, mais Javi avait vraiment des pouvoirs magiques.

-Ne te moque pas, tu n'es pas le seul à pouvoir être perfectionniste : tu es juste le seul à être aussi obsédé, bouda-t-il en enlevant sa main pour la remonter à hauteur normale.

-Je pense que tu es déjà parfait.

Je ne pensais par contre pas l'exprimer à voix haute.

-Je veux dire- bien, enfin, tu vois, bon patinage, gentil, tout, voilà...

Bien Yuzuru, excellent, enfonce toi un peu plus...

-De toutes les personnes, tu devrais savoir que je suis loin d'être parfait, remarqua-t-il en haussant un sourcil.

-Je suis bien placé pour savoir que si. Je sais, j'ai longue observation et beaucoup d'expériences : science prouvé, répliquai-je.

-Eh bien... Merci...

Gênant, tellement gênant... Et il ne manquait plus que je rougisse !
Respiration : inspiration, expiration, et on recommence...

-Demain, tu penses aller petit-déjeuner à quelle heure ?, demanda-t-il en jetant un coup d'œil dans le couloir.

Je me rendis compte à ce moment-là qu'on était parfaitement visible et que n'importe qui pouvait arriver à n'importe quel moment. Et nous voir.

-Demain matin ?, répétai-je en essayant de respirer me reprendre. Descendre vers huit heures je pense... Pourquoi ?

-Pour que je m'incruste bien sûr, renifla-t-il. Je m'auto-engage comme garde du corps pour cette compétition et je veux une rémunération en nourriture : en pâtisserie si possible, mais je ne suis pas difficile...

-Javi... Il n'y a pas besoin, soupirai-je.

-Je sais que tu aimes ta nourriture mais ne sois pas radin : c'est non négociable.

-Je vais te virer, proposai-je.

-Tu ne peux pas, je viens de te dire que je suis sous contrat indépendant...

Qu'est-ce que je pouvais dire ? De toute façon je ne voulais pas être seul si je recroisais ce type et je savais que Javi ne me suivrait pas pour dégouliner de pitié sur mon épaule (et en plus il avait une bonne droite, ce qui était un plus non négligeable).

-Merci...

-Tu dis beaucoup merci pour rien aujourd'hui Yuzu, sourit-il. Mais de rien...

Je ne rougissais pas, je ne rougissais définitivement pas, il n'y avait aucune raison de rougir, absolument pas, je respirais.
Et en plus je faisais de la tachycardie. Ce n'était pas du tout mon cœur qui s'emballait, non, c'était de la tachycardie, juste de la tachycardie dûe au stress, ce n'était pas la même chose, enfin si, mais pas vraiment, il n'y avait pas de problème, et je ne rougissais PAS.

J'ouvris ma porte pour dissimuler ma gêne et Javi se tourna pour partir avant de se reprendre.

-Si tu oses partir sans moi demain, j'aurai la peau de Pooh-san, menaça-t-il.

-Comment oses-tu ?! Pooh-san ne t'a rien fait !, me révoltai-je. Tu n'es pas parfait du tout !

-Au moins tu sauras à quoi t'attendre : je viendrai frapper.

Il allait vraiment partir quand je le rattrapai par la manche.

-Javi...

Pour dire quoi ?... Est-ce que je ne pouvais pas juste me taire, arrêter d'agir n'importe comment et aller me coucher sans me ridiculiser encore plus ? Non ? Non.

-Merci encore pour... tout... et je plaisante : tu es parfait même en voulant tuer Pooh-san. Mais je ne te laisserai pas quand même. Et je te donnerai beaucoup de pâtisseries, promis.

-Tu sais qu'en vrai je n'ai pas besoin de gâteaux ?, vérifia-t-il.

-Oui, mais quand même.

-Tu veux m'engraisser pour m'empêcher de sauter des quads ?

-Trop de muscles de toute façon...

Ce n'était vraiment pas mon soir, tout partait en vrille ! Mayday, mayday !

-À demain, enchaînai-je en paniquant. Bonne nuit, désolé, merci !

Je me jetai dans ma chambre et claquai la porte en me maudissant. Il fallait que je me reprenne.
Je faisais de la tachycardie.
J'avais un problème.

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