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By AlwineLaForet

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Emeric Laboret, lanceur d'alertes condamné à mort injustement pour être réduit au silence, voit sa peine remp... More

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Le juge frappa la table de son marteau, confirmant la sentence. Emeric n'en croyait pas ses oreilles. Lui, condamné à mort alors qu'il n'avait fait que son travail ? Son incarcération dans le couloir de la mort d'une prison américaine lui donna tout le temps nécessaire pour réfléchir à sa situation catastrophique.

*********

Emeric Laboret, scientifique de profession spécialisé en toxicologie, avait emménagé une quinzaine d'années plus tôt avec sa femme Amira sur le territoire américain. La paie était bien meilleure et il se sentait plus en sécurité là-bas qu'en France, où le Front National était au pouvoir depuis plusieurs années et menaçait de les expulser parce qu'ils n'étaient pas naturalisés français.

Il avait rapidement trouvé un emploi au sein de la FDA et passait ses journées à étudier des études scientifiques pour autoriser de nouveaux produits chimiques à être commercialisés sur le marché des consommateurs. Enthousiaste au départ, le scientifique s'était vite rendu compte que la majorité de ses confrères étaient grassement payés par l'industrie afin de favoriser la mise à disposition des produits chimiques discutables sur le marché. Tout d'abord indigné par ces pratiques qui lui semblaient injustifiables au vu des conséquences sanitaires, Emeric du faire une croix sur ses principes s'il souhaitait conserver son emploi et ne pas être inscrit sur la liste noire des personnes à ne pas embaucher. Le scientifique poursuivit son travail en approuvant avec répugnance des produits chimiques dont les études montraient un laxisme important dans les conclusions.

Cependant, lorsqu'il découvrit le cas inquiétant du dicloroléhyde, il lui sembla essentiel d'avertir les hautes sphères de l'autorité dans laquelle il travaillait ainsi que la presse.

Il n'aurait pas dû.

Depuis lors, Emeric avait été licencié, poursuivi pour diffamation et, l'industrie craignant qu'il ne dévoile trop sur leurs produits empoisonnés, s'était débrouillée pour le faire accuser de motifs si graves qu'il avait été condamné à mort. Cependant, le scientifique eut de la chance : alors qu'il était dans le couloir de la mort pour deux longues années, car le nombre de condamnés à mort avait explosé, un retournement de situation lui fit espérer de s'en sortir.

Les élections présidentielles s'étaient déroulées dans un chaos sans nom suite à plusieurs attentats et c'était une Afro Américaine, Dorothy Hershfield, qui avait été élue à la grande surprise de tous. Fervente militante pour la paix, elle avait aussitôt prit des décisions pour limiter les dégâts. Hershfield rétablit d'une main de fer les différents points politiques boiteux au sein des États Unis et fit abolir la peine de mort pour le remplacer par un aller simple pour Mars, comme beaucoup de personnes le réclamaient.

Une vingtaine d'années plus tôt, la découverte d'une théorie permettant de construire des vaisseaux spatiaux plus rapides avait permis une expansion sans précédent de l'homme dans l'espace. La Lune était devenue un endroit huppé où les plus riches et chanceux pouvaient bénéficier d'une magnifique vue sur la planète Terre tout en dépensant sans compter leur argent dans des boutiques de luxe et des jeux d'argent. Mars, planète mystérieuse qui intriguait les humains depuis des siècles, avait été étudiée de fond en comble avant d'être délaissée par la civilisation : il était trop difficile de créer un monde suffisamment frais pour que les riches y dépensent leur fortune et certains eurent l'idée d'y créer une prison. En effet, celles sur Terre étaient trop petites pour contenir tous les criminels, qui échafaudaient des plans de plus en plus tordus pour s'échapper et vivre à l'extérieur (en poursuivant leurs méfaits pour certains). Il avait donc été jugé préférable de les envoyer sur une autre planète sans moyen de retour et de les laisser s'auto-réguler avec des moyens technologiques dépassés.

Emeric avait appris un beau jour en bavardant avec d'autres condamnés que le contact avait été perdu depuis longtemps avec le pénitencier là-bas et que l'on ignorait ce qu'étaient devenus les détenus sur Mars. Cela n'avait pourtant pas rebuté les autorités qui, voyant que le nombre de condamnés à mort continuer d'augmenter et qu'ils n'arrivaient pas à accélérer les exécutions, décida d'affréter une vieille navette pour Mars afin de se débarrasser d'eux. Emeric faisait parti du lot. La veille du départ, il dut faire des adieux larmoyants à sa femme et sa petite fille qu'il laissait seules derrière lui.

*********

Le jour J, Emeric embarqua à bord d'une navette donc le blindage externe avait été abîmé lors d'une précédente sortie dans l'espace et réparé à l'aide de plaques en plastracier grossièrement vissées. Des mini impacts de météorites constellaient lesdites plaques, faisant frissonner le scientifique alors qu'il montait à bord en compagnie des autres condamnés à mort. Parmi ces derniers, il n'en connaissait que deux : un dénommé Trond, solide norvégien impliqué dans un incendie volontaire de son ancienne entreprise ayant causé la mort de plusieurs personnes, et Yuna, une japonaise d'âge mûr ayant participé à la mise en place d'un coup d'état dans un des états d'Amérique et qui avait été condamnée à mort pour montrer l'exemple. Malgré les crimes dont ils étaient accusés, ils semblaient tout à fait normaux et Emeric avait réussi à construire une fragile amitié avec eux.

Une fois que la navette fut pleine, Emeric et les autres furent priés de s'attacher avant le décollage. Cependant, certains petits malins étaient trop heureux de courir partout plutôt que de prêter attention aux instructions. Ils le regrettèrent lorsque la fusée supportant la navette décolla, les faisant valser dans la salle où ils se trouvaient, et furent tués sur le coup lors de chocs violents contre les murs. Emeric tâcha de regarder devant lui et ignora à la fois les cris de panique derrière lui et son estomac qui lui remontait dans l'œsophage. Une brusque secousse indiqua à tous que la navette s'était détachée de la fusée. Quelques minutes plus tard, un bip sonore indiqua que la gravité artificielle avait été mise en route. Emeric détacha sa ceinture avec soulagement et se leva après que son estomac eut retrouvé sa place.

La navette est clairement vétuste, songea le scientifique en se promenant au hasard des couloirs. Elle n'était pas très grande et certains éclairages cassés n'avaient pas été réparés avant le décollage. Trond et Yuna avaient été envoyés autre part dans la navette et Emeric avait hâte de les rejoindre. Les morts encore présents dans la salle où il se trouvait lui donnait la nausée et, maintenant qu'il avait été arraché de ses proches, il ne lui restait que ces deux là pour se rassurer.

Il les trouva dans une des autres sections de la navette. Très calme, Yuna observait attentivement les environs tandis que Trond blaguait joyeusement avec d'autres détenus. Son anglais était toujours approximatif car il n'avait jamais pris la peine d'étudier la langue, mais il s'améliorait.

- Emeric ! s'exclama-t-il en le voyant approcher. Tu fais bon voyage ?
- Non, avoua le scientifique. L'état de la navette est inquiétant, tout est délabré.
- Ça ira, répondit Trond avant d'éclater de rire suite à une blague lancée par un autre détenu.
- Je suis d'accord avec toi, Emeric, dit Yuna en sortant de sa contemplation. Peut-être pourrons nous faire quelque chose en prévention ?

Cependant, il se révélait difficile de faire quoique ce soit tant il manquait d'outils pour réparer. De la nourriture avait été entassée dans la cantine en quantité suffisante pour les quelques semaines de voyage vers Mars, mais il n'y avait pas l'ombre d'une trace de marteau ou de tournevis.

*********

Quatre jours après leur départ, la navette traversa une pluie de météorites qui détruisit une partie de son blindage. Aussitôt, des alarmes retentirent partout, perçant les tympans des passagers à bord. L'air fut aspiré par les nouvelles aérations et la section où se trouvait Emeric ainsi que quelques autres détenus ne fut sauvée que grâce aux portes blindées, qui se fermèrent automatiquement dans un chuintement aigu pour les isoler de l'avarie.

Yuna était parmi les malchanceux et Emeric ne put faire qu'une prière à son adresse après avoir fait la macabre découverte. Leurs effectifs étaient passés d'une centaine de détenus à moins d'une vingtaine, la majorité étant en train de dormir à ce moment-là dans la section qui avait été touchée. Cependant, ils eurent de la chance car les stocks de nourriture n'avaient pas été touchés.

*********

Une semaine et demie plus tard, un des condamnés à mort restants, Evan, péta littéralement un plomb. Après l'avoir immobilisé et tenté de le soigner, Emeric et les autres en étaient venus à la conclusion qu'il était atteint par un mal de l'espace étrange. Aucun médecin n'était présent parmi eux et ils en furent réduits à faire des suppositions. Chaque jour, il fallait venir le nourrir à la paille en faisant attention qu'il ne la mange pas. Il y eut un mieux à un moment, à tel point qu'Evan fut détaché pendant quelques instants.

Cependant, il n'attendait que cela. Dès qu'ils eurent le dos tourné, Evan se précipita dans un des sas de décompression et enclencha l'ouverture vers l'extérieur de la navette. Personne n'eut le courage de venir nettoyer le sas après avoir vu l'étendue des dégâts.

*********

Alors que la fin de leur voyage approchait, la navette eut à nouveau un grave problème. Une alarme se mit à retentir dans les couloirs, inquiétant les condamnés à mort qui se mirent à courir dans tous les sens. Ils croyaient que l'alarme indiquait que la coque avait été à nouveau percée, mais aucune porte ne se referma à leur grand soulagement. En arrivant dans la petite salle de contrôle de la navette, Emeric comprit grâce aux instructions de l'écran qu'un des moteurs était en surchauffe et qu'il fallait tout arrêter avant qu'il n'explose. Malheureusement pour eux, le tableau de bord avait été verrouillé, ce qui empêchait d'accéder aux contrôles des moteurs. Seul un gros bouton rouge était accessible pour demander de l'aide à la Terre. Emeric appuya dessus sans hésitation. Il dut recommencer une dizaine de fois jusqu'à ce qu'une voix agacée ne réponde.

- Ouais, ouais, ça va. Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Je suis Emeric Laboret, se présenta le scientifique. Je fais parti de la navette Sänger à destination du pénitentiaire sur Mars. Nous avons une avarie moteur, mais nous n'avons aucun accès aux commandes de la navette.
- Laissez-moi voir cela...

Un grésillement résonna dans le cockpit et Emeric dut attendre avec les autres dans un silence angoissant. Soudain, un énorme bruit d'explosion retentit et la navette trembla, projetant tout le monde à terre. Le vol de la navette était à présent chaotique et Emeric se tint au tableau de bord pour ne pas tomber à nouveau. La voix de l'opérateur se fit à nouveau entendre.

- Concernant le moteur...
- Trop tard, annonça sombrement Emeric. Nous venons de le perdre.

L'opérateur jura avant de se mettre à pianoter sur son ordinateur.

- Je viens d'envoyer le signal d'arrêt à l'autre moteur, dit-il enfin. En revanche, il va falloir que vous sortiez dehors pour équilibrer la puissance du moteur restant sur celui de secours.
- Sortir ?

La voix d'Emeric chevrota. Il était un scientifique, pas un exécutant. Derrière lui, Trond posa une main sur son épaule.

- Je le ferai, dit-il.

Emeric lui jeta un regard étonné et le Norvégien lui sourit. Il était bien plus courageux que ce qu'on pouvait penser.

- Très bien, répondit l'opérateur. Vous devriez trouver des tuyaux et des combinaisons près des sas d'ouverture. Attention, vérifiez bien qu'elles ne soient pas percées.
- Merci, dit Emeric. Nous vous recontacterons lorsque nous aurons réparé cela.
- Bonne chance.

Dès que l'opérateur raccrocha, tout le monde se précipita vers les sas. Celui où Evan s'était suicidé était marbré de traces noirâtres, aussi se tournèrent-ils vers l'autre sas. A coté, ils trouvèrent quelques combinaisons poussiéreuses dans un placard. La plupart d'entre elles paraissait en bon état, mais en les examinant de plus près, Emeric découvrit de minuscules fissures parsemant les casques transparents. Seule une était impeccable, mais elle était bien trop petite pour quelqu'un de la stature de Trond. Il n'y avait que le scientifique qui était assez petit pour rentrer dedans malgré son ventre replet.

- Bonne chance, Emeric, lui dit Trond.

*********

Emeric était en nage. La combinaison spatiale qu'il portait le serrait atrocement au ventre, à tel point qu'il n'osait pas respirer à fond de peur qu'elle de craque. Il était aussi persuadé qu'il y avait des insectes à l'intérieur car les démangeaisons qu'il ressentait étaient à la limite du tolérable. Le scientifique venait de rattacher le moteur principal encore utilisable au petit moteur de secours et il revint vers le sas en tremblant. Plus jamais il ne ferait ça!

Une fois à l'intérieur, Emeric poussa le bouton pour remplir le sas d'air avant de soupirer. Heureusement pour lui, la pression se réajusta juste avant que sa combinaison ne se déchire dans un craquement sonore au niveau de son ventre. Un petit rire étranglé lui échappa et le scientifique sortit du sas en chancelant. Les autres détenus l'acclamèrent avant d'éclater de rire en voyant le trou dans sa combinaison.

- Bravo Emeric! s'exclama Trond en ignorant sa tenue. Je content de ne pas mourir dans espace.

Encore tout tremblant, Emeric écouta à peine les félicitations et hâta de se changer dans les dortoirs improvisés. Lorsqu'il eut bouclé son pantalon, un vrombissement parcourut la navette. Celle-ci avait repris son chemin vers Mars.

*********

Petite nouvelle en 2 parties cette fois-ci, la dernière de mon projet Bradbury ! Je m'essaye au genre de la science-fiction, que j'aime lire, mais beaucoup moins écrire x) N'hésitez pas à me laisser un vote et/ou un commentaire !

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