Traversées

By BoneyKingOfNowhere

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Alors qu'un premier hiver post-apocalyptique est à leur porte, quelques êtres humains que tout semble séparer... More

Prologue: Prémices hivernales
Première partie: Vers le cœur de l'hiver 1
Vers le cœur de l'hiver 2
Vers le cœur de l'hiver 3
Vers le cœur de l'hiver 4
Vers le cœur de l'hiver 5
Vers le cœur de l'hiver 6
Vers le cœur de l'hiver 7
Vers le cœur de l'hiver 8
Vers le cœur de l'hiver 9
Vers le cœur de l'hiver 10
Vers le cœur de l'hiver 11
Vers le cœur de l'hiver 12
Vers le cœur de l'hiver 13
Vers le cœur de l'hiver 14
Vers le cœur de l'hiver 15
Deuxième partie: Ascension printanière 1
Ascension printanière 2
Ascension printanière 3
Ascension printanière 4
Ascension printanière 5
Ascension printanière 6
Ascension printanière 7
Ascension printanière 8
Ascension printanière 9
Ascension printanière 10
Ascension printanière 11
Ascension printanière 12
Ascension printanière 14
Ascension printanière 15
Troisième partie: Au-delà de l'équinoxe du printemps 1
Au delà de l'équinoxe du printemps 2
Au-delà de l'équinoxe du printemps 3
Au-delà de l'équinoxe du printemps 4
Au-delà de l'équinoxe du printemps 5
Au-delà de l'équinoxe du printemps 6
Au-delà de l'équinoxe du printemps 7
Au-delà de l'équinoxe du printemps 8

Ascension printanière 13

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By BoneyKingOfNowhere

Chapitre 13

Le Colonel était un héros de guerre. Il s'était particulièrement illustré en Afghanistan. Il avait d'ailleurs été décoré à plusieurs reprises. Et, lors de cérémonies officielles, ses médailles ne manquaient pas de rutiler sur sa poitrine crânement bombée. Il n'était pas peu fier de ses exploits guerriers et du statut qu'il avait fini par acquérir à l'issue de ses nombreuses années de service. Il était parti de rien, simple soldat dans le corps des Marines, il avait progressivement gravi les échelons de la hiérarchie à coups d'actes de bravoure et surtout d'ingéniosité; le courage fait les bons soldats, l'intelligence, les bons officiers.

Au sortir de l'hiver précédent, le chef d'état-major l'avait convoqué. Un coup de fil à l'heure de table. Réunion extraordinaire une demi-heure plus tard au Pentagone. Un état de crise allait être déclaré quelques minutes à peine plus tard. Une loi martiale allait probablement être instaurée dans la foulée. Le Colonel allait être en charge du contingent posté à la capitale. Une charge à la hauteur de son statut et de sa réputation. Un honneur. Il en allait de la sécurité du pays. Il avait toujours œuvré pour le bien de son pays à l'étranger. Cette fois, il allait se battre sur le territoire américain. La mission n'en était que plus capitale. Et plus délicate aussi. Les ennemis seraient ses propres compatriotes. On l'avait brièvement briefé sur la situation. L'histoire demeurait cryptique. Un virus. Extrêmement dangereux. Mortel même. Les infectés étaient agressifs, une véritable menace, et devaient être contenus à tout prix. A tout prix. Les informations complémentaires arriveraient plus tard. Mais l'expression « à tout prix » était très claire dans l'esprit du militaire. On lui avait assigné un vaste régiment. Il avait plus ou moins eu le choix des soldats gradés à qui il délèguerait le commandement.

Contenir une épidémie. Mettre le paquet sur la sécurité du Centre de Contrôle des Maladies. La mission semblait simple sur papier. Surtout si on comparait ça à aller débusquer des éleveurs de chèvres fanatiques armés de kalachnikovs dans des grottes afghanes qui n'existaient sur aucune carte. Mais les cols blancs lui avaient bien fait comprendre qu'il n'en serait rien, que la situation était spéciale. Il avait donc minutieusement choisi ses hommes. Dans la mesure du possible et avec le court laps de temps imparti. Il connaissait la plupart, personnellement ou de réputation. Des gars bien, de confiance. Dévoués à leur patrie. Malgré l'alarme des mecs en trois pièces, le Colonel avait conservé le flegme de celui qui en a vu d'autres. Et ce n'était pas qu'une apparence. Il n'avait véritablement pas été inquiet. Jusqu'au second coup de téléphone de cette journée-là.

Un type de la CIA, qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Il lui avait donné rendez-vous pour le soir même dans un bar un peu miteux de Washington. L'entretien téléphonique avait été plein de mystères. Et le Colonel avait été réticent en acceptant la rencontre. Il avait d'ailleurs hésité à s'y rendre jusqu'à la dernière minute, mais sa curiosité avait été trop titillée. Et l'agent l'avait sans doute bien trop brossé dans le sens du poil et lui avait fait miroiter une trop belle avancée professionnelle pour que son ambition n'y résiste. Alerter le gouvernement ne lui avait même pas traversé l'esprit, il était trop aguerri aux jeux des politiques pour tomber dans ce panneau-là. Et ça avait donc été avec une anxiété mêlée à un intérêt certain qu'il avait franchi le seuil de l'établissement où allait se tenir l'entretien qui devait changer sa vie, et celle de beaucoup d'autres.

Le Colonel avait eu la surprise de sa vie en constatant que l'Agent en question était une femme; sa voix rocailleuse et profonde l'avait induit en erreur lors de leur brève communication téléphonique. Elle n'avait pas perdu son temps en bavardages inutiles - et il en était reconnaissant - mais elle s'était tout de même octroyé un long préambule sur l'importance de la mission qu'elle s'apprêtait à lui confier. Elle avait sorti la même artillerie lourde que le chef de l'état-major; mission cruciale, sécurité nationale compromise, et cetera, et cetera. Elle semblait déjà tout savoir de ce qui s'était dit lors de la réunion extraordinaire de l'après-midi, alors même qu'elle avait eu lieu à huis clos et dans la plus grande confidentialité. Elle avait ensuite distillé les informations au compte-goutte, sondant à chaque fois son visage et ses expressions. Elle lui avait passé la pommade, comme les autres, et - qu'il en soit maudit - ça avait été efficace. Sa personne avait piqué l'intérêt de l'Agence lorsqu'ils avaient su qu'il serait en charge du district de Washington. Ils ne demandaient pas grand chose de lui. Simplement qu'il soit particulièrement attentif aux activités du Centre de Contrôle des Maladies de la capitale et qu'il leur fasse un rapport quotidien à ce sujet. Ça ne lui demanderait pas beaucoup plus de travail puisqu'il avait déjà la charge d'en assurer la sécurité. Son aide serait inestimable, pour le bien de la patrie. Un héros pour le bien de la patrie. Le Colonel avait accepté.

Les premiers temps avaient été faciles, relativement. Le Colonel se concentrait sur la mission que le gouvernement lui avait confiée. A l'Agent, il reportait que les scientifiques travaillaient comme des fourmis, à quoi? il ne savait pas trop. L'Agent posait quelques questions qui paraissaient triviales et ça s'arrêtait là. Le gouvernement lui mettait la pression, le chef de l'état-major lui hurlait régulièrement des ordres impossibles à suivre, tandis que l'Agent était courtoise et se contentait pratiquement des quelques mots que le Colonel avait à lui dire. Le gouvernement lui avait ordonné de mettre Washington à feu et à sang, pour le bien de la patrie; la CIA lui demandait quels scientifiques avaient déserté et quel était l'état d'esprit de ceux qui restaient, pour le bien de la patrie. Peu à peu les ordres du gouvernement s'étaient faits sporadiques, peu à peu les contacts avec l'Agence s'étaient intensifiés. Leurs questions s'étaient précisées. Jusqu'au moment où les communications avec l'état-major ne se rompent tout à fait, replié dans le bunker avec le Président et le gros de son administration. Et là, la CIA avait véritablement pris la relève dans la chaine de commandement. Son contact du début, la femme au timbre de vieille fumeuse - missing in action, sans doute - avait été remplacé par une voix ferme, stricte et indubitablement masculine qui demandait toujours plus de lui, mais progressivement, insidieusement, sans qu'il ne s'en rende vraiment compte. Le Colonel était devenu un espion sur son propre territoire.

Il avait essayé de questionner une fois - une seule fois - le bien-fondé des demandes de l'Agence. On lui avait ressorti le laïus sur le bien de la patrie. Il avait insisté. Les menaces ne s'étaient pas fait attendre. Pas à son encontre. Le Colonel ne craignait pas grand chose pour lui-même. Mourir au combat est une gloire, pas une crainte, surtout à son âge. Non, la menace pesait sur ses hommes. Et il aurait fallu voir ses hommes. A cette époque-là, ses soldats gradés, ceux qu'il connaissait, avaient déjà tous disparu. La trentaine d'hommes qui composait son régiment posté au Centre de Contrôle des Maladies était des jeunes types qui n'avaient même pas la vingtaine pour la plupart. Des gamins sous-entrainés qui étaient soit trop enthousiastes soit trop apeurés. Aucun d'eux n'était là par choix, le Colonel en était pratiquement sûr. Pour ces gosses, c'était une carrière par défaut. Des paumés, des laissés pour compte qui n'avaient jamais achevé d'études. Le Colonel s'était toujours senti responsable de ses hommes lorsque c'étaient des militaires de carrière. Le sentiment n'en était qu'accru pour des jeunots tombés dans l'armée par hasard. L'anarchie régnant, il avait d'abord cru que la CIA bluffait. Il avait ignoré leurs appels pendant une journée entière. Les représailles avaient suivi. Un de ses gars avait disjoncté avant de se tuer. On l'avait prévenu. Des puces injectées par intraveineuse.

Alors, pour la première fois de sa vie, le Colonel avait essayé de ménager la chèvre et le chou. Il avait observé les bureaucrates exécuter ce genre d'acrobaties durant une bonne partie de sa vie. Et il ne s'en était pas trop mal sorti. Jusqu'à ce qu'un de ses soldats ne refroidisse la grande scientifique blonde en voulant lui extorquer des réponses. Excès de zèle. Ça l'avait mis en rogne. Il avait de la sympathie pour la madame Curie au grand nez. Ce n'était pas comme ça qu'il avait vu les choses se terminer. Mais que pouvait-il faire à présent? Il avait engueulé le gamin responsable. Un gosse de dix-huit ans, complètement à côté de ses pompes, qui croyait bien faire, qui n'avait pas compris ce qu'il faisait. Le Colonel l'avait engueulé, il l'avait engueulé correct. Que pouvait-il faire de plus? Pas de tribunaux, la loi martiale aux chiottes. Il n'allait quand même pas buter un gamin de dix-huit catapulté dans tout ce bordel, un gamin plein de remords sincères qui croyait bien faire. Et le deuxième scientifique s'était fait la malle.

Et près d'un an après cette journée maudite, cette journée du double coup de téléphone, cette journée de la double rencontre, cette journée où sans véritablement le savoir il était devenu agent double, le Colonel s'interrogeait pour la énième fois sur le bienfondé de sa mission. Mais il ne pouvait décemment pas sacrifier la quinzaine de soldats qu'il lui restait pour la vie d'un seul homme. L'Agence ne le lâcherait pas tant qu'il ne leur donnerait pas la formule - et cette formule existait, c'était une certitude à présent. Il fallait absolument choper le petit Arabe vivant, plus d'excès de zèle. Et il fallait qu'il parle, vite. Le Colonel n'avait aucune envie d'amocher le scientifique. Il voulait simplement la paix, pour lui, pour ses hommes. La formule, pour le bien de la patrie, espérait-il. Mais l'Arabe avec son escapade au supermarché, puis plus tard avec l'aide de ses nouveaux amis, avait descendu quelques-uns de ses soldats. Et les gars qui restaient étaient remontés. D'ailleurs, l'Arabe avait maintenant une barbe d'ayatollah, ça n'aidait pas à donner une bonne image auprès des jeunes militaires. Quand ils mettraient enfin la main sur le scientifique, il faudrait le Colonel ait ses hommes à l'œil pour éviter le carnage. Et maintenant que l'Arabe s'était fait de nouveaux copains, ça allait être encore plus compliqué de l'attraper. Il leur restait une semaine pour y parvenir. Une semaine avant que l'Agence ne mette à nouveau ses menaces à exécution. Une semaine de sursis pour l'un d'eux - qui?

Ainsi le Colonel pesait ses options. Ménager la chèvre et le chou.

Note de l'autrice:

Illustration: Magritte, La mémoire.

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