Nerveuse à la perspective de son premier jour de rééducation, Clémentine s'était réveillée à l'aube. Elle s'était levée et habillée seule. Les paroles que lui avait crachées André au visage l'avaient d'abord frustrée et franchement agacée, comment pouvait-il se permettre de la juger alors qu'il ne savait pas la souffrance qu'elle endurait.
Mais sa franchise avait été salvatrice, elle le savait. Elle avait eu besoin de ce coup de pied aux fesses pour retrouver le caractère de gagnante qui l'avait toujours aidée à atteindre ses objectifs dans la vie.
Motivée et déterminée, elle n'en était pas moins morte de trouille face à cette journée d'évaluation qui l'attendait. Tous ses espoirs de guérison pouvaient partir en fumée si les tests n'étaient pas encourageants.
Elle avait rangé les quelques affaires qui traînaient ça et là, préparé du café, laissé un message à Garance avant de redéplacer les mêmes affaires et de jeter le café qui surchauffait sur la cafetière depuis 2h. Elle tournait en rond dans ce petit appartement. Si elle n'était pas prisonnière de cette chaise, elle serait sortie courir pour se libérer de son anxiété.
Alors qu'elle venait d'enclencher à nouveau la machine à café, elle vit Maxime appuyé contre l'embrasure de la porte, les bras croisés et un sourire attendri sur le visage.
- Salut Marmotte !
- Salut Toi. Je t'ai entendue te lever tôt, ça va ?
- Oui très bien !
Le stress se lisait sur son visage. Elle baissa la tête.
- Hey ! Il s'accroupit près d'elle et posa une main sur sa cuisse. Ça va bien se passer, tu n'as pas de lésion irréversible, il n'y a aucune raison que les tests d'aujourd'hui révèlent le contraire. Ils veulent seulement évaluer ton état actuel.
- Oui, je sais Maxime.
Il effaça d'un baiser le sourire crispé qui s'était dessiné sur son visage.
- Mmmmh tu sens bon la fleur d'oranger. Dit-il avec un air coquin.
Elle ne put s'empêcher de rigoler lorsqu'il plongea la tête dans son cou pour y déposer de petits baiser, d'un côté puis de l'autre.
- Mmmh, ça sent trop bon... Il descendit dans son décolleté, remonta jusqu'à ses lèvres.
- Arrête ! Dit-elle en rigolant.
- T'es sûre ? Dit-il tout en continuant de l'embrasser tendrement un peu partout sur le visage.
Elle redevint sérieuse et posa sa main sur la joue de Maxime pour l'obliger à la regarder.
- Merci. C'est toi qui me donnes la force d'affronter tout ça.
- Ne me remercie pas, je le fais par intérêt.
- Comment ça ?
- Ben tu oublies le semi-marathon en juin, j'ai besoin d'une coach.
- Pffff. Dit-elle en lui donnant une tape sur l'épaule.
Elle avait totalement oublié ses craintes. Maxime avait ce don-là de l'apaiser.
- Tu penses faire quoi aujourd'hui ?
- Clémentine, t'es sérieuse ? Je viens avec toi.
- Enfin tu sais bien que tu ne pourras pas m'accompagner. Tu ne vas pas passer la journée dans les salles d'attente ! Et tes cours ?
- Laisse-moi gérer mes cours ok ? Je veux être là pour ta première journée.
- Maxiiime...
En réalité, elle était soulagée de ne pas affronter ces tests seule mais ne voulait pas trop lui en demander. Elle ne pouvait s'empêcher de culpabiliser qu'il mette sa vie entre parenthèses pour être avec elle.
Ils arrivèrent au centre à 9h. Une femme les prit en charge et leur fit visiter l'endroit. Clémentine fut très impressionnée par les installations modernes et les différentes machines. Salles de massage, de repos, de rééducation, piscine. Elle eut un pincement au coeur en entrant dans la salle de sport.
- Tout va bien Clémentine ? Demanda l'aide-soignante.
- Oui oui, c'est juste que...hum... je suis...j'étais professeur de sport.
- Oh ! Je comprends. On va tout faire pour que vous puissiez à nouveau enseigner alors !
Clémentine sourit poliment à la jeune fille et regarda Maxime, à la recherche d'un peu de réconfort. Il posa une main rassurante sur son épaule et changea de sujet.
- J'aimerais beaucoup pouvoir la masser moi-même à l'appartement, est-ce que vous pensez que ce serait possible ?
Clémentine resta bouche bée.
- Oh oui bien sûr. Les massages spécifiques doivent être pratiqués par des professionnels mais vous pouvez bien sûr effectuer certains massages de détente, ça ne peut être que bénéfique. Elle regarda la feuille qu'elle tenait dans la main avant d'y griffonner quelque chose puis se tourna vers Clémentine et lui fit un clin d'oeil.
Elle trouvait cette jeune femme rigolote, avec ses cheveux roux et ses yeux noisette. Pétillante et espiègle, elle ressemblait à une petit écureuil.
- Vous avez trouvé une perle rare là.
- Je sais. Dit-elle en regardant amoureusement Maxime.
La journée se déroula sereinement. Maxime était resté aux côtés de Clémentine comme il l'avait annoncé. Séances après séances, il avait attendu patiemment dans les espaces d'attente. Il ne l'avait pas accompagnée jusqu'à Berck pour s'enfermer dans leur appartement et la laisser affronter cette épreuve seule.
Il était 16h30. Ils attendaient dans la partie du bâtiment réservée aux salles de massages. Clémentine avait le sourire, elle ne masqua pas son plaisir de terminer cette journée par un moment de détente.
- Qu'est-ce qui te fait sourire comme ça ?
- Je suis soulagée, tout s'est bien passé. Tout le monde est bienveillant et encourageant. Et puis, j'ai hâte de rencontrer le masseur.
Maxime la dévisagea.
- Comment ça, tu as hâte de rencontrer le masseur ?
- Mmmh, ses mains chaudes sur mon corps...
- Arrête de me provoquer, espèce de petite coquine !
Elle rigola en passant sa main dans les cheveux de Maxime et l'embrassa tendrement.
- Je t'aime.
- Moi aussi je t'aime.
Il se souriait comme des idiots quand la porte de la salle s'ouvrit.
- Madame Doucet ?
Elle disparut derrière la porte et Maxime s'affala sur une chaise. La situation pour lui n'était pas aussi simple qu'il le laissait croire à Clémentine. Il sortit faire quelques pas sur la petite terrasse qui jouxtait l'espace de kinésithérapie, l'air glacé lui brûla les poumons. La lumière perçait à peine à travers le ciel gris. Juste assez pour apercevoir la mer au loin. Il s'appuya contre la rambarde et laissa errer ses pensées.
Il s'était écoulé un certain temps lorsqu'un bruit contre la baie vitrée le sortit de ses pensées, il se retourna en sursaut. Une femme, qui devait avoir l'âge de sa grand-mère, lui fit un signe de la main pour l'inciter à rentrer.
- Bonjour jeune homme, vous devez être Maxime ?
- Oui.
- Rosa, suivez-moi.
Son coeur s'emballa, il regarda son téléphone. Il n'était pas encore l'heure, pourquoi venait-on le chercher ? Il était forcément arrivé quelque chose à Clémentine. Il n'eut pas le temps de chercher un début de réponse sur le visage de cette femme qu'elle s'était déjà retournée, il lui emboîta le pas sans dire un mot et pénétra timidement dans la salle. Une odeur de camphre lui piqua les narines quand il aperçut Clémentine allongée sur le ventre, une serviette recouvrant son corps. La tête posée sur le côté, elle lui sourit et lui tendit la main pour l'encourager à approcher. Il fit les quelques pas qui le séparait d'elle et glissa sa main dans celle de Clémentine.
Il commença à comprendre et son corps se relâcha.
Derrière ses lunettes rondes, la femme l'observait avec un regard maternel. Elle lui dit avec aplomb:
- On m'a informée que vous souhaitiez participer aux massages. Attention, il faut le faire sérieusement mon petit, ce ne sont pas des séances de pelotages !
Maxime eut l'impression de retrouver ses 10 ans lorsque Marianne le sermonnait. Cette Rosa avait l'air d'un drôle d'oiseau mais il l'aima bien, la bienveillance qu'il lut dans son regard le rassura. Il ne se démonta pas.
- Oui, bien sûr Madame. Je n'ai pas besoin de ce prétexte pour la peloter vous savez.
- Maxiiime !
Clémentine n'en croyait pas ses oreilles. La femme pouffa.
- Vous avez de la chance Clémentine. Je ne rencontre pas beaucoup de conjoints qui font cette démarche. Bon, on attaque ?
Maxime acquiesça, lâcha la main de Clémentine et vint se positionner à côté de Rosa.
- Descendez la serviette jusqu'au bassin, on va commencer par le dos. Maxime s'exécuta et découvrit doucement Clémentine. Sa peau était encore brillante de son précédent massage. A la voir aussi détendue, Rosa devait savoir y faire, pensa-t-il.
Elle fit glisser un filet d'huile sur le dos de Clémentine et Maxime y posa ses mains. Elle se tendit.
- Hey, c'est moi, détends-toi.
- J'avais remarqué, tes mains sont gelées !
Maxime, réalisant, se décolla rapidement.
- Oups pardon ! Je suis sorti un moment en t'attendant. Dit-il tout penaud.
La masseuse branla la tête et reprit son air faussement autoritaire.
- Règle numéro une. On se lave les mains sous l'eau chaude. Du froid sur les muscles, c'est contre-productif.
Il obéit, amusé avant de reprendre sa place initiale. Clémentine aurait rigolé si elle n'était pas aussi émue par la situation.
- Ca va Clémentine ? Vous ne dites rien.
- Mmh mmh !
Rosa devina son trouble et fit un clin d'oeil à Maxime. Il posa à nouveau ses mains sur la peau de Clémentine et celle-ci frissonna, le froid y était totalement étranger cette fois-ci. La masseuse posa à son tour ses mains sur celles de Maxime et le guida dans les mouvements en lui donnant quelques explications. Ils continuèrent ainsi pendant une vingtaine de minutes lorsqu'un «bip» retentit dans la poche de Rosa.
- Oh excusez-moi, je reviens. Continuez Maxime, vous êtes doué !
Une fois la femme sortie, Clémentine redressa la tête et s'appuya sur ses coudes.
- Si tu savais comme je t'aime.
- Ah oui ? Dit-il en passant une main sous la serviette qui couvrait ses fesses.
Clémentine savoura la caresse avant de se reprendre.
- Arrête Maxiiime ! Elle pourrait revenir d'un moment à l'autre !
- C'est pour activer ta circulation sanguine, tu es assise toute la journée. Il passa sur l'autre fesse avec la même délicatesse.
- C'est ça oui....ma circulation sanguine. Elle céda et reposa sa tête. C'était son point faible et Maxime le savait. Avec tendresse, sa main caressait maintenant son dos.
- Comment ça s'est passé avec Rosa ?
- Très bien, elle y est allé doucement pour le premier jour.
- Elle a rien dit pour nous deux ? Clémentine se mit à rire.
- Si tu savais ce qu'elle m'a dit ! Mais ne compte pas sur moi pour te le répéter !
- Je vois. Ca promet avec elle...
Maxime repassa la main sous la serviette et c'est ce moment-là que choisit Rosa pour réapparaître. Par réflexe, il retira sa main d'un geste vif.
- Voilà Clémentine, le rendez-vous est terminé pour aujourd'hui. Je vais vous aider à vous rhabiller et on se retrouve demain. L'aide-infirmière qui vous a fait visiter ce matin vous attend dans la salle d'attente pour régler certains détails.
Lorsque Clémentine sortit, elle aperçut Maxime et la rouquine au regard d'écureuil en plein éclat de rire. Elle se demanda ce qui les mettait de si bonne humeur. Arrivée à quelques mètres d'eux, la jeune femme se tourna vers elle.
- Alors comment s'est passée cette première journée ?
- Super ! Tout le monde est adorable.
- Parfait ! Je vous transmets votre planning pour la semaine ainsi que quelques documents utiles, notamment les numéros d'urgence. Elle lui tendit une fourre plastique. Alors à demain !
- Merci Mademoiselle, à demain !
- Appelez-moi Amanda !