Lauren
J'ai l'impression d'être K.-O.
Alors que je n'ai combattu personne aujourd'hui.
Personne d'autre que moi-même...
Partir sans un mot, sans me retourner. Laisser Camz au milieu de ses angoisses. Jamais je ne me suis sentie aussi mal. Son visage plein de désarroi et de tristesse me hante. Je sais que je l'ai blessé. Et ça me tue.
Elle doit me détester à présent.
Et c'est peut-être mieux...
Même si je suis à la torture.
Me séparer d'elle, c'est la pire chose que je puisse envisager. Mais je n'ai pas le droit d'entraver son avenir. Et la seule façon de la pousser à suivre ce cursus en Ecosse, c'est de me séparer d'elle.
Quand nous avons pris la décision de partir de chez Alejandro et Clara, nous savions toutes les deux que ça allait être difficile. Je m'en suis voulu de la voir repousser ses études. Seulement cette fois, c'est autre chose : l'opportunité est unique. Je n'ai pas le droit de me mettre en travers de son chemin ! Je dois la laisser partir, quitte à en mourir de douleur.
Ce matin quand je suis arrivée au gymnase, tout le monde s'est tenu prudemment à distance. Je dois avoir l'air d'un fauve blessé. De toute façon, je ne veux parler à personne. J'ai juste envie de me défouler dans ce sac de frappe. Oublier que je dois rompre avec Camz, pour la laisser libre de partir.
Essayer d'oublier.
Et tenter de ne pas devenir dingue.
Je dois rompre avec Camz !
Voilà ce que je me répète tandis que je frappe dans le sac de sable. Et c'est bien la première fois que la boxe ne m'aide pas à aller mieux ni à y voir plus clair.
- Heu... Lauren, tout va bien ? Tes élèves t'attendent, là, sur le ring...
Je sursaute. Neil, le propriétaire de la salle, se tient devant moi et me regarde, perplexe.
- Ça fait combien de temps que tu frappes dans ce sac ? demande-t-il.
Je hausse les épaules. Aucune idée. La matinée est passée comme un mauvais rêve, mais à présent, c'est pire. Je dois donner mon premier cours à 14 heures, et je me sens comme un automate.
- Tu es sûre que ça va ? Tu veux que je te remplace ? reprend-il.
Je refuse d'un geste et monte sur le ring pour rejoindre mes élèves.
De toute façon, il va falloir que je m'habitue à cet état de tristesse et de manque.
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A la fin de la journée, je suis incapable de dire à qui j'ai donné cours, ni ce que j'ai enseigné exactement. Camila a occupé toutes mes pensées. Vingt fois j'ai imaginé sauter à bas du ring et l'appeler. Mais pour lui dire quoi ? Que je l'aime ? Impossible, elle refuserait de quitter New York. Pour lui dire que je la quitte ? Impossible. Hors de question.
Il faudra pourtant que j'y parvienne !
Je reste plantée devant ma moto quelques instants, sans savoir que faire. Il est largement l'heure de rentrer, mais je n'ai pas le cœur de retourner chez nous, surtout si c'est pour rompre avec Camz.
Chez nous !
Je me suis réjouie tant de fois à l'idée de retrouver Camz ! J'avais bien conscience de vivre des moments merveilleux.
J'ai eu la naïveté de penser que cela durerait.
Rompre avec elle.
Les mots tournent douloureusement dans mon esprit. C'est la seule façon de faire en sorte qu'elle ne saccage pas son avenir. Je n'ai pas le choix. Mais je ne me sens pas prête. Pas encore. Elle aura le cœur brisé. Mais elle partira en Ecosse sans se retourner. Et son avenir sera assuré. Il a falloir que je me blinde. Ne pas craquer. Ne pas lui ouvrir mon cœur. Il va falloir que je me fasse violence.
Camz, je te quitte.
Et mon cœur se brise.