Nantis

By FlorieC

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La jeunesse dorée, tel est le surnom qu'on leur donne. Il existe une rumeur qui sous-entend qu'on ne naît pas... More

[SAGA 1] L'arrogance des gens meilleurs
Chapitre 1 : If it makes you happy
Présentation : Noah Khan
Chapitre 2 : Take me as I am
Présentation : Ellie Lefevre
Chapitre 3 : Don't stop the party
Chapitre 4 : Too late
Chapitre 5 : Losing your memory
Présentation : Ethan Franck
Chapitre 6 : She drives me crazy
Chapitre 7 : Secrets
Chapitre 8 : Highway to hell
Chapitre 9 : How I needed you
Chapitre 10 : Miss misery
Chapitre 11 : Me and the devil
Présentation : Anna Joly
Chapitre 12 : Know your enemy
Chapitre 13 : Little talks
Chapitre 14 : You're not alone
Chapitre 15 : Love the way you lie
Chapitre 16 : Bad romance
Chapitre 17 : Teenage dream
Chapitre 18 : Don't wake me up
Chapitre 19 : My medicine
Chapitre 20 : Shut up and let me go
Chapitre 21 : Wicked Game
Présentation : Gabrielle Gallien
Chapitre 22 : Last Christmas
Chapitre 23 : Winter
Chapitre 24 : Let it be
Chapitre 25 : Happy New Year
[SAGA 2] L'éternité à tes pieds
Chapitre 1 : Bad day
Présentation : Jared Greggs
Chapitre 2 : The last to know
Chapitre 3 : When she believes
Chapitre 4 : Losing my religion
Présentation : Lucas Gallien
Chapitre 5 : Take control
Chapitre 6 : If you leave me know
Chapitre 7 : Stay
Chapitre 8 : Only if you run
Chapitre 9 : Just tonight
Chapitre 10 : Never let me go
Chapitre 11 : Fix you
Chapitre 12 : Damn you
Chapitre 13 : This is war
Présentation : Ruben Greggs
Chapitre 14 : Apologize
Chapitre 15 : Gives you hell
Chapitre 16 : Never say never
Chapitre 17 : Skinny love
Chapitre 18 : Alone
Présentation : Christelle Wertheimer
Chapitre 19 : Don't be a stranger
Chapitre 20 : We are young
Chapitre 21 : One Day
Chapitre 22 : Dark on fire
Présentation : Borja Escobar
Chapitre 23 : Like a virgin
Chapitre 24 : Better Together
Chapitre 25 : Happy Birthday
[SAGA 3] Dans la cour des grands
Chapitre 1 : The funeral
Chapitre 2 : Pursuit of Happiness
Chapitre 3 : Dark Paradise
Chapitre 4 : I want to break free
Chapitre 5 : A drop in the ocean
Chapitre 6 : Enjoy the silence
Chapitre 7 : Help
Chapitre 8 : I don't want to be
Chapitre 9 : Eye of the tiger
Chapitre 10 : Come back home
Chapitre 11 : Mirror
Chapitre 12 : Heartless
Chapitre 13 : Someone like you
Chapitre 14 : If I needed you
Chapitre 15 : You're not sorry
Chapitre 16 : Burn it down
Chapitre 17 : How you remind me
Chapitre 18 : Wrecking ball
Chapitre 19 : Just give me a reason
Chapitre 20 : Can you feel the love tonight
Présentation : Gautier Lantez
Chapitre 21 : People help the people
Présentation : Yanis Perrin
Chapitre 22 : Yesterday
Chapitre 23 : Hot and cold
Chapitre 24 : Kiss me
Chapitre 25 : Only wanna be with you
[SAGA 4] La réponse des faibles
Chapitre 1 : Collide
Chapitre 2 : The lonely
Chapitre 3 : Another love
Chapitre 4 : Protect me from what I want
Présentation : Ophélie Joly
Chapitre 5 : Big big world
Chapitre 6 : Don't lie
Chapitre 7 : Undisclosed desires
Chapitre 8 : You and I
Chapitre 9 : Another day in paradise
Chapitre 10 : Just can't get enough
Chapitre 11 : Sirens call
Chapitre 12 : Too close
Chapitre 13 : Love me again
Chapitre 14 : Demons
Chapitre 15 : You are the one that I want
Chapitre 16 : Sober
Chapitre 17 : What doesn't kill you
Chapitre 18 : Too many friends
Chapitre 19 : Monster
Chapitre 20 : Broken crown
Chapitre 21 : He is my son
Chapitre 22 : Talk to me
NANTIS EN LIVRES PAPIER !
Chapitre 24 : Everybody's Got To Learn Sometime
Chapitre 25 : Wonderful life
NANTIS en livres ♥

Chapitre 23 : Try

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By FlorieC


— Bougez-vous, bande de chiffes molles !

Anna sursauta et se retourna brusquement vers l'homme en parka qui venait de lui hurler dans les oreilles.

Elle reconnut de suite l'entraineur de rugby. Pour cause, elle assistait au tournoi annuel du club de Noah et son équipe.

— Bonjour, marqua-t-elle sa présence.

Eric Chaigneau bifurqua son regard vers elle, mettant plusieurs secondes avant de se remémorer le moment où il avait déjà vu son visage.

— La copine de Noah ?

— Anna, rectifia la jeune fille.

— Vous n'êtes plus ensemble ? Comprit-il.

— Même si on l'était, je m'appellerais toujours Anna, releva-t-elle.

Eric esquissa un sourire sans commenter, avant de se retourner vers son équipe qui faisait son échauffement pour les matchs de la journée.

— Il faut que j'aille réveiller tout ça, excuse-moi, reprit-il à son attention avant de rejoindre ses joueurs.

Anna s'affala sur la rambarde qui entourait le terrain de rugby. Noah lui avait assez parlé de l'importance de ce tournoi pour ne pas qu'elle soit présente aujourd'hui. Paul, Chloé, Jonas et toute la bande de Saint-Richard y était, Ethan et Yanis faisant également partie de l'équipe.

Il faisait beau, presque trop, constata Anna en plissant des yeux à cause des rayons du soleil. Il ne restait plus que quelques jours avant le BAC, mais sa mère lui avait accordé une journée de répit dans ses révisions. Enfin, elle se l'était plutôt octroyée toute seule, Cécile lui accordait une confiance aveugle pour ce qui concernait ses études.

Anna croisa le regard de Noah qui lui fit un signe de la main, avant de se faire gueuler dessus par son entraineur.

— Khan, concentre-toi !

Noah bifurqua immédiatement son regard et continua ses exercices, ce qui extirpa un rire à Anna.

La jeune fille ne savait pas trop où elle en était avec Noah. Depuis la révélation de sa maladie, il y a deux semaines de cela, ils avaient continué de se fréquenter, sans jamais oser reparler de leur relation. Peut-être que c'était mieux ainsi.

Anna sentit du mouvement à côté d'elle. Elle observa Paul s'installer à côté d'elle, son regard rivé vers son fils.

— Je suis content que son entraineur l'ait autorisé à jouer pendant ce tournoi, il aurait été vraiment déçu de ne pas pouvoir participer.

— Je sais, il m'en avait parlé.

— Il va mieux, continua Paul, Ça se voit.

Anna suivit son regard, observant le garçon courir avec un large sourire aux lèvres, les rayons du soleil venant dorer sa peau déjà bien bronzée. Noah passa une main dans ses cheveux collés de sueur et Anna se retint de ne pas songer à quel point cela était sexy, étant donné qu'elle était en présence de son père.

— Merci, reprit-il.

— Pour ? S'étonna la jeune fille en se retournant brusquement vers lui.

— Tout ce que tu as fait. Etre restée auprès de lui, l'avoir aidé à réviser son BAC. Tu es quelqu'un de bien.

— C'est normal, réfuta-t-elle, Je suis son amie.

— Ellie l'était, aux dernières nouvelles, rétorqua Paul avec ironie.

Anna ne sut quoi ajouter, c'était un autre sujet sur lequel Noah restait cruellement silencieux. Elle ignorait pourquoi ils ne s'adressaient plus la parole tous les deux. Comme s'ils n'existaient plus du tout l'un pour l'autre.

— Il a beaucoup de chance de t'avoir, enchaîna Paul, son regard rivé sur le terrain devant lui, Depuis qu'il te connait, il s'est ouvert aux autres, il est plus sociable, presque tendre avec nous, protecteur, à l'écoute, énuméra-t-il en souriant, Tu lui as rendu son humanité.

Anna comprit à l'instant qu'il se foutait de sa gueule. Elle connaissait cette technique, il en faisait des tonnes pour cacher son véritable compliment. Lui et Noah étaient des portraits crachés.

Eric Chaigneau siffla pour annoncer le début du tournoi. Les joueurs arrêtèrent aussitôt de s'échauffer. Ils rejoignirent les abords du terrain pour retrouver leurs proches avant le début des hostilités.

Noah arriva en trottinant vers son père et Anna. Une goutte de sueur coula de son front, glissa le long de sa joue puis disparut dans l'encolure de son maillot. Anna tenta de ne pas avoir eu l'air de suivre cette goutte du regard. C'était raté, songea-t-elle à la vue du sourire que Noah venait d'esquisser à son attention. Elle se renfrogna en sentant le rouge lui monter aux joues.

— Prêt pour le grand tournoi fiston ?

Noah se retourna aussitôt vers son père pour lui répondre :

— En pleine forme !

— Ménage-toi un peu quand même.

— Papa, je vais mieux, insista Noah.

— Mais...

— L'entraineur a dit que je pouvais jouer, l'interrompit le garçon.

— L'entraineur n'est pas médecin.

— Toi non plus, releva Noah.

Anna sentit Paul se crisper à ses côtés alors que son fils soutenait son regard. Oui les deux hommes souriaient, oui ils prétendaient que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et oui ils disaient que le pire était derrière eux. Mais, parfois, un fragment de réalité revenait s'immiscer entre eux, leur rappelant que le passé ne disparaissait jamais bien longtemps.

— Je suis sûre que vous allez assurer, participa finalement Anna pour détendre l'atmosphère.

— Ça en fait au moins une, commenta Noah sans lâcher son père du regard.

— Je n'ai jamais dit que tu n'y arriverais pas, gronda Paul, Juste que tu dois faire attention et ne pas y aller trop fort.

Noah voulut rétorquer, mais il entendit la voix de son entraineur leur intimer de le rejoindre immédiatement sur le terrain. Le tournoi allait commencer dans quelques minutes.

— Je dois y aller.

— Amuse-toi bien, tenta de se rattraper Paul avant qu'il ne disparaisse.

Le garçon afficha un sourire discret, qui rassura son père, puis il se retourna vers Anna. Il l'observa une demi seconde et ajouta à son attention :

— Est-ce que tu peux me rendre un service ?

— Tu veux que je te remplace sur le terrain tellement mes plaquages t'ont impressionné ?

— Pas du tout, l'arrêta-t-il.

— C'était une blague, releva la jeune fille, blasée.

— Où était l'humour ?

— Tu veux vraiment que je te rende un service ? Tu es mal parti là.

Noah se mit à sourire avant de glisser sa main autour de son cou. Il retira son médaillon fétiche et le tendit à Anna.

— Tu peux le garder pour moi le temps du match ?

La jeune fille resta un instant décontenancée devant l'objet. Noah ne quittait presque jamais sa chaîne. Il y tenait plus que tout au monde. Elle devait admettre qu'elle était plus touchée par cet élan de confiance qu'elle ne l'aurait dû l'être. Après tout, il était hors de question qu'ils se remettent ensemble. Pas après tout ce qu'ils avaient vécu. L'amitié était le sentiment le plus sûr pour garder leur relation en bon état.

Alors, c'est en toute amitié que la jeune fille ouvrit sa paume pour qu'il dépose le médaillon à l'intérieur.

— Merci, murmura Noah avant de s'éclipser.

Anna l'observa rejoindre son équipe sur le terrain, resserrant sa poigne sur la chaîne en or.

— D'habitude, c'était à moi qu'il la confiait.

La jeune fille se retourna vers Paul qui poursuivit :

— Avant chaque match, il me disait de garder sa médaille.

Anna ne sut quoi répondre. Est-ce qu'il lui en voulait que Noah l'ait choisi elle plutôt que lui ?

— Je ne disais pas ça pour te culpabiliser, ajouta Paul en riant lorsqu'il comprit ce que signifiait son regard gêné, Je trouve ça bien, au contraire.

— Bien ?

— Bien qu'il fasse confiance à d'autres personnes.

— Ce n'est qu'un médaillon, murmura Anna en se demandant pourquoi elle mentait, puisque tout le monde dans cette ville connaissait la valeur de ce bijou pour lui.

— Je vais aller voir les autres parents pour savoir s'ils ont besoin d'aide, reprit Paul sans même relever ce qui venait tout juste d'être dit.

— D'accord. A tout à l'heure.

Paul s'éloigna du terrain et Anna observa les joueurs se préparer pour leur match. La jeune fille profita des rayons du soleil sur son visage. Des enfants courraient tout autour d'elle, les premiers parents commençaient à s'installer près des rambardes pour suivre le tournoi, d'autres discutaient plus loin dans l'herbe.

— Tu es venu ?

Anna sursauta en reconnaissant la voix d'Ethan. Le garçon s'affala sur la rambarde à côté d'elle.

— Tu n'es pas sur le terrain ? Balbutia-t-elle.

Pour cause, elle était encore en état de choc. C'était la première fois depuis bien longtemps qu'Ethan lui adressait la parole.

— Je suis remplaçant.

— Le remplaçant n'est pas censé être sur le banc de touche avec les autres ?

— Je te dérange tant que ça ?

— Non, pas du tout ! S'empourpra la jeune fille, Je suis juste... Surprise que tu viennes me tenir compagnie.

— J'ai grandi Anna.

— Je sais, mais sans nous.

Ethan se retourna vers elle, arquant un sourcil d'un air étonné.

— Je veux dire, reprit-elle, Je pensais que tu ne voulais plus rien avoir à faire avec aucun de nous.

— C'est vrai, lui accorda-t-il, Peut-être que la fin d'année me fait revoir mon jugement.

— Est-ce qu'on irait jusqu'à te manquer ?! S'exclama la jeune fille en portant la main à son cœur pour marquer son étonnement.

— Non, pas jusque là, se mit à rire Ethan.

Anna se joignit à lui alors que le garçon enchaîna en reprenant son sérieux :

— Et toi ? Est-ce que ça va te manquer tout ça ?

— Tout ça ? Répéta-t-elle.

— Le lycée, les soirées au Palace, les trahisons, les déceptions, cette bande que tu as toujours détesté, énuméra-t-il sans trop d'objectivité.

Anna se retourna vers lui pour l'observer. Elle ignorait à l'instant pourquoi elle n'avait jamais cherché à le retenir réellement. Ethan avait toujours été là, il l'avait toujours soutenu face à ses amis qui n'avaient pas été tendre avec elle, il ne l'avait jamais trouvé chiante, sans intérêt, gamine, intello. Il l'avait respectée. Pourtant, elle l'avait laissé partir. Elle l'avait laissé disparaitre de sa vie sans trop de remords. Comme presque tous les autres, en réalité. Anna avait passé toutes ses années de lycée à haïr toutes ces personnes qu'elle s'était tuée à ressembler en quelques mois. Le plus grave, ce fut la réponse qui lui vint alors à l'esprit :

— Oui, je crois que ça va me manquer.

— Qui l'eut cru ? Relança Ethan qui ne fut pourtant pas si étonné par sa réponse.

— Ça n'a jamais été idéal, ma dernière année de lycée, remarqua-t-elle, J'ai souvent été blessée, déçue, voire humiliée... Mais j'étais vivante, dans ces moments-là. Il y avait pleins de choses qui vivaient en moi, même des mauvaises. Avant ça, avant que mon père ne parte, avant que je ne vous rencontre, il y avait du vide à l'intérieur. J'essaie juste d'être une fille parfaite pour ma famille, une élève parfaite pour le lycée, avoir une vie parfaite pour... Pour rien, d'ailleurs. Je ne savais même pas pourquoi je faisais tout ça. J'avais juste l'impression que je devais être cette personne.

— Et maintenant ?

— Maintenant, je sais que je suis loin d'être parfaite, rétorqua la jeune fille en glissant ses deux mains sur la rambarde, Mais il y a des erreurs qu'il faut savoir faire pour grandir.

Ethan resta silencieux. Elle avait raison. Lui non plus n'avait pas été parfait. Il avait fait des erreurs et il était content de les avoir faites. Il était content d'avoir été le meilleur ami de Noah Khan pour savoir ce qu'était l'amitié. Il était content d'avoir été le petit ami de Gabrielle pour savoir ce qu'était l'amour. Il était content d'avoir été parler à Anna, ce jour-là, dans la bibliothèque du lycée, parce qu'elle lui avait permis d'avoir un autre regard sur sa vie. Pourtant, leur relation n'avait jamais été parfaite. Anna l'avait blessé quand elle était tombée amoureuse de Noah. Il lui avait fait du mal aussi en prétendant l'aimer lorsque son cœur battait encore pour Gabrielle. Mais c'était une erreur qui valait le coup. Anna avait raison, cela les avait fait grandir. Finalement, songea le garçon, il n'était pas devenu quelqu'un de meilleur parce qu'il s'était éloigné d'eux, mais parce qu'ils les avaient côtoyés. Noah, Ellie, Yanis, Gabrielle, Esther... Peut-être qu'il leur devait plus que ce qu'il croyait.

— Le match va commencer, l'informa Anna.

Ethan sortit brusquement de ses pensées pour bifurquer son regard vers le terrain. Il aperçut les joueurs de son équipe se placer. L'entraineur n'avait pas encore dû remarquer son absence sur le banc de touche, vu qu'il ne l'avait pas encore entendu hurler son prénom.

— C'est bien que Noah soit revenu dans l'équipe, ajouta-t-il en apercevant son ancien meilleur ami sautiller sur place.

Se sentant observé, Noah bifurqua son regard vers Ethan et Anna. Il embrassa le bout de ses doigts pour envoyer un baiser. Ethan se retourna vers Anna qui rougissait déjà, levant les yeux au ciel pour faire croire qu'elle le trouvait stupide. Ethan lança un coup d'œil à Noah. Celui-ci faisait un signe négatif à la jeune fille, montrant Ethan du doigt pour ensuite renvoyer son baiser à l'attention du garçon.

— Qu'il est con, pouffa-t-il.

— Rien ne le changera, approuva Anna.

Un strident coup de sifflet lança le tournoi et ils se concentrèrent tous les deux sur le match. Enfin, surtout Ethan car Anna connaissait à peine les règles du jeu. Elle regardait, se contentant de sursauter lorsqu'elle entendait le bruit des corps des joueurs s'entrechoquer à quelques mètres d'elle.

— Ethan !

Les deux jeunes sursautèrent, se retournant vers Yanis qui appelait le garçon.

— Tu vas jouer, dépêche ! Reprit le garçon.

— J'arrive !

Ethan se baissa pour réajuster ses chaussettes puis il se retournera vers Anna.

— Tout n'est peut-être pas une erreur.

— De quoi tu parles ? Interrogea la jeune fille.

— Tu sais très bien de qui je parle, rectifia-t-il aussitôt.

Anna resta silencieuse alors que Yanis répéta le prénom d'Ethan dans leur dos, lui hurlant avec courtoisie de se bouger le cul.

— Il a changé, reprit Ethan, Et je pense que tu y es pour quelque chose, malgré ce que tu crois.

— Non, réfuta Anna, J'étais comme vous. Je n'ai rien vu. Je ne l'ai pas aidé.

— Alors tu te punis, comprit Ethan, Mais ça ne l'aide pas davantage. Tu l'as fait grandir, tu l'as fait s'accepter lui-même, tu lui as donné le courage d'assumer sa maladie, énuméra-t-il, Ça devrait vous donner le droit d'être heureux tous les deux, le droit d'avancer même si vous avez fait des erreurs chacun de votre côté.

— Ethan !

Cette fois, c'était la voix rauque d'Eric Chaigneau. Le garçon tressaillit presque instantanément.

— Je dois y aller.

— Merci, souffla Anna.

Ethan était déjà trop éloigné pour l'entendre.

***

— Est-ce que ça vous ennuie d'être ici ?

Ellie Lefevre releva son regard vers le vieux psychologue. Monsieur Kerman était assis à sa place habituelle, il portait la même veste en velours côtelé et le même jean délavé que depuis le début d'année. Ses lunettes étaient posées sur le bout de son nez et il se grattait le menton, comme il le faisait à chaque fois. Tout était à sa place. Rien n'avait changé. Et c'était peut-être grâce à cette constatation qu'Elie Lefevre comprit le véritable sens de sa question.

— Vous pensez que c'est pathétique que je sois encore ici ?

— Et vous ?

— Vous n'avez pas répondu.

— Parce que c'est moi qui pose des questions.

Ellie se tut. Cela aussi, c'était habituel, sa manie de toujours vouloir avoir raison.

— Je ne trouve pas ça pathétique.

— Définissez "ça".

— Avoir besoin de parler à quelqu'un.

— Je ne suis pas juste quelqu'un, fit-il remarquer, Je suis psychologue. Vous ne parlez pas à un ami autour d'un café là. C'est une séance médicale.

La jeune fille l'observa sans rien dire. Elle ne voyait pas bien où il voulait en venir.

— Et ? Relança-t-elle.

Monsieur Kerman s'éclaircit la gorge, se relevant légèrement pour enfoncer son dos dans le dossier de son fauteuil.

— J'ai l'impression qu'une partie de vous continue de nier ce que nous faisons ici.

— Qu'est-ce que nous faisons exactement ?

Le psychologue retint un soupir. Il connaissait Ellie et sa façon de détourner la conversation lorsque le sujet ne lui plaisait pas.

— Et bien, reprit-il, Je vais plutôt vous dire ce que nous ne faisons pas ici.

La jeune fille s'adossa à son tour dans son fauteuil et monsieur Kerman poursuivit :

— Nous ne sommes pas là pour occuper votre temps, nous ne sommes pas là pour combler le vide de votre vie, nous ne sommes pas là pour rassurer vos parents, nous ne sommes pas là pour leur faire croire que tout va bien. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?

— Probablement, murmura la jeune fille.

— Pourquoi sommes-nous là, Ellie ?

— Pour me soigner.

— Vous soignez de quoi ? Insista-t-il.

Ellie resta silencieuse, soutenant le regard du psychologue sans lui laisser l'impression qu'elle comptait lui répondre.

-— Vous soignez de quoi ? Répéta-t-il.

Aucun mot ne sortit des lèvres de sa patiente. Mais le docteur ne voulait pas en rester là. Il avait tout essayé avec Ellie, essayé toutes les méthodes, même les moins professionnelles. Il l'avait laissé déversé sa haine lorsqu'elle en avait eu besoin, déversé son mépris, déversé sa méfiance, déversé sa peur. Il avait été sévère, puis laxiste. Il avait tenté d'être son ami, d'entrer en contact avec ses proches. Il avait gagné sa confiance. Mais rien. Rien n'était encore jamais sorti de ces séances. Pas même un fragment de ce secret qu'elle gardait au plus profond d'elle.

Alors il avait réalisé que ce n'était pas à lui qu'elle cachait sa douleur, mais à elle-même. C'était elle qui n'arrivait pas à ouvrir les yeux sur le mal qui la rongeait depuis des mois.

— Vous soignez de quoi ?

Aujourd'hui, il était temps de changer cela.

— Ellie, vous soignez de quoi ?

— Je ne sais pas, répondit-elle enfin, De ma folie, je suppose.

— Pourquoi seriez-vous folle ?

— Les gens le disent.

— Est-ce que vous pensez l'être ?

— Je crois.

— Pourquoi ?

Ellie se tassa dans son siège. Elle n'aimait pas la conversation qui se profilait, elle n'aimait pas l'assurance qu'elle entendait dans la voix de monsieur Kerman, elle n'aimait pas son ton qui lui disait qu'il ne démordrait pas tant qu'il n'aurait pas de réponse, pas cette fois du moins.

— J'ai essayé de me tuer, lâcha-t-elle.

— Pourquoi ?

— Est-ce que c'est une nouvelle méthode ? Explosa la jeune femme en se relevant légèrement de son fauteuil, Est-ce que vous l'avez emprunté aux théoriciens de la torture ? Est-ce que vous voulez me foutre de la lumière dans les yeux, de la musique dans les oreilles, un rat sur le ventre pour me faire parler ?

— Je vous pose simplement une question, se défendit le psychologue, Les mots sont-ils de la torture pour vous ?

— Ils peuvent l'être.

— Quand est-ce qu'ils le sont ?

Ellie ne répondit pas et le docteur suggéra :

— Quand on ne veut pas les entendre ?

— Quand on ne veut pas les dire, rectifia-t-elle.

— Qu'est-ce qu'il y a de si dur avec ces mots-là ?

Le psychologie vit la jeune fille se mordre les lèvres. Il n'aimait pas la mettre dans cet état, mais tout ça avait assez duré. Il devait savoir ce qu'il s'était passé cet été là.

— A quel point ces mots peuvent vous blesser ? A quel point ils peuvent encore vous effrayer, malgré les années ? Vous empêcher de dormir ? Vous empêcher d'être heureuse ? Demanda-t-il.

Ellie enfonça son dos dans le dossier. Son cœur lui faisait mal.

— Les mots n'existent pas que pour une seule personne, murmura-t-elle, Ils se répètent. Et, une fois répétés, ils appartiennent à tout le monde. Alors le mal est partagé, il se propage. Plus personne ne peut le protéger.

— Vous protégez le mal ?

— Oui.

— Pourquoi protéger le mal ?

— Parce que c'est le mien, murmura-t-elle, C'est moi qui ai fait le mal.

Monsieur Kerman resta silencieux, observant la jeune fille. Ses yeux étaient brouillés de larmes, ses mains tremblantes et son regard, complètement perdu dans ses pensées.

— De quel mal parlez-vous, Ellie ?

— Vous savez, un beau jour, il vous arrive une merde. Et ce jour condamne tous les autres à essayer d'être un peu moins misérables que celui qui a tout fait basculer.

— Vous y parvenez ?

— Non, cracha-t-elle.

Un silence s'installa dans le bureau avant que la jeune fille n'ajoute à demi-mot :

— Sinon, je ne serai pas ici.

Le psychologue esquissa un bref sourire avant de reposer sa question :

— Pourquoi vous soignez vous ?

— Parce que j'ai peur de ce que j'ai fait.

— Vous ne pouvez pas passer le reste de votre vie à avoir peur.

— Et si je le méritais ? Interrogea-t-elle en relevant son regard vers lui, Et si c'était bien fait pour moi ?

— Chaque être humain a le droit au pardon.

— Je ne suis pas croyante, l'arrêta-t-elle.

— Je ne parle pas au nom de Dieu. Je dis juste que personne n'est parfait. On a tous le droit de faire des erreurs.

Ellie baissa son regard vers ses chaussures alors que le médecin continua :

— Mais pour pardonner une erreur, il faut l'accepter. L'accepter pour apprendre à la corriger, pour apprendre à vivre avec.

— Je ne veux pas vivre avec.

— Mais vous le faites. Vous le faites depuis des années et vous n'irez jamais mieux si vous continuez ainsi. Si vous ne vous en libérez pas, et peu importe les conséquences de cette libération. Vous devez sortir ce qui se passe à l'intérieur. Vous le devez.

Ellie releva ses yeux vers le vieil homme qui se tenait devant elle. Elle savait qu'il avait raison. Mais à la seconde où elle parlerait, elle s'écroulerait. Ellie n'était pas encore prête à chuter. Elle avait vécu sa vie si près du précipice, mais elle n'avait jamais sauté dedans. C'était bien plus facile de jouer avec les limites. Tomber, c'était perdre le jeu pour de bon.

Ellie était une mauvaise perdante.

***

— Tu m'expliques ce qu'on vient faire ici ?

Gautier se retourna vers son petit ami. Ruben râlait, les mains dans les poches de son slim et une moue boudeuse sur le visage.

— Passer du temps avec nos amis, répondit le garçon en venant chercher sa main pour qu'il le rejoigne.

— Il fait trop chaud, nous détestons le rugby et... Noah.

— Nous ne détestons pas Noah, lui rappela Gautier en scellant sa main à celle de son petit ami.

— Nous pensons de la même façon désormais ? Se moqua Ruben, Plus d'opinion personnelle ?

Gautier s'arrêta de marcher pour se mettre face à lui, observant le garçon derrière ses lunettes de soleil trop grande pour son visage.

— Noah essaie de changer, releva Gautier.

— Il ne me supporte toujours pas, rétorqua Ruben, Je n'ai pas envie de faire d'efforts non plus.

— Bien, alors disons que nous sommes là pour Anna.

— Pour la voir le dévorer des yeux toute la journée, ironisa le garçon, Non merci.

— Anna a dit qu'ils étaient amis.

Ruben pouffa de rire. Gautier était l'innocence incarnée, prêt à croire n'importe quelle connerie. Lui n'était pas dupe.

— Quand bien même, reprit son petit ami, Qu'est-ce que ça pourrait te faire qu'ils se remettent ensemble ?

— Je pense juste que c'est une mauvaise idée, après tout ce qu'ils ont traversé, ils feraient mieux d'avancer chacun de leur côté et de tirer un trait sur toute leur relation.

— Ils étaient amoureux, ce n'est pas aussi facile que tu le dis et tu le sais très bien.

Ruben prétendit ne pas comprendre l'insinuation de Gautier, mais il savait, bien évidemment, que le garçon faisait référence à son histoire avec Borja.

— Noah n'a jamais été amoureux d'elle, rétorqua-t-il comme dernier argument.

— Tu ne le connais même pas, soupira Gautier.

— Pourquoi ça t'énerve ? S'intrigua le garçon, On n'a le droit de ne pas apprécier les mêmes personnes.

Gautier se tut, réfléchissant à sa question. Il ignorait, en réalité, pourquoi il tenait autant à ce que son petit ami et Noah s'entendent bien. Peut-être parce qu'ils étaient devenus tous les deux des personnes importantes dans sa vie et qu'il aurait aimé pouvoir profiter de chacun sans culpabiliser. Mais il était hors de question de dire cela à Ruben. Il serait malade de savoir que Noah avait une place si importante dans la vie de son petit ami. Déjà parce qu'il le détestait viscéralement, mais aussi parce qu'il était la personne la plus possessive et jalouse qu'il n'ait jamais rencontrée.

— Vous êtes venus ! C'est super !

Les deux garçons se retournèrent vers Anna. La jeune fille les accola brièvement, ajoutant à l'attention de son meilleur ami :

— Je croyais que tu ne pouvais pas venir à cause du spectacle de danse ?

— Le spectacle de danse ? Répéta Gautier en se retournant vers lui.

Il y eut un soupir à peine perceptible de la part de Ruben, mais Anna connaissait assez son meilleur ami pour comprendre qu'elle avait merdé. Elle voulut s'excuser, mais songea que cela ne ferait qu'empirer la situation.

— Quel spectacle de danse ? Insista Gautier.

— Le spectacle de danse de Belen, l'informa Ruben.

— Tu voulais y aller ? Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ?

— Je ne sais pas, soupira Ruben en haussant les épaules, Ce n'est pas si important. Et tu avais l'air de tenir au fait de voir ce foutu tournoi de rugby.

— On n'est pas obligés de tout faire ensemble, releva Gautier, vexé par l'insinuation, Si tu voulais aller au spectacle de ton élève, je ne t'en aurais pas empêché.

— Arrête, lâcha Ruben avec un petit rire ironique.

— C'était quoi ça ? S'exclama aussitôt le garçon.

Anna jeta un regard autour d'elle, cherchant avec désespoir une porte de sortie. Les deux garçons étaient des drama queen en puissance, il était donc dans son intérêt de s'échapper le plus vite possible de leur dispute avant qu'ils ne décident de la prendre à partie. Malheureusement, elle n'apercevait aucun visage familier à l'horizon et elle se voyait mal disparaître maintenant alors qu'elle avait - involontairement - déclenché ce conflit.

— Alors quoi ? Reprit Gautier, C'était quoi ce rire ?

— Tu vas vraiment prétendre que tu ne le sais pas ? Ne me prends pas pour une bille.

— Quoi ?

Ruben retint de nouveau un soupir. Il aimait Gautier plus que tout au monde, mais il détestait quand il agissait comme ça, quand il mentait sur ses véritables pensées.

— Il y aura Borja au spectacle, cracha-t-il enfin, Tu sais très bien que tu m'en aurais voulu si j'y avais été.

— C'est faux.

— Gautier ! Tu passes ton temps à faire des insinuations sur ce mec !

— Tu délires.

— Il n'y a même pas deux minutes ! Explosa le garçon, Quand je te disais qu'Anna ferait mieux de laisser tomber Noah et de passer à autre chose.

Anna raccrocha à la conversation à l'entente de son nom, mais Ruben poursuivit avant qu'elle n'ait le temps d'ouvrir la bouche :

— Tu as dit que ce n'était pas si facile et que j'étais bien placé pour le savoir !

— Je ne parlais pas forcément de ce cas en particulier, mais d'une manière générale...

— Arrête, je t'en prie !

— Tu penses que je ne devrais pas me remettre avec Noah ? Demanda Anna qui profita du silence pour participer.

Les deux garçons se retournèrent vers elle, se rappelant sa présence par la même occasion.

— Moi, je pense que vous seriez bien ensemble, répondit Gautier ce qui valut un froncement de sourcils à Ruben.

— Tant que tu peux lécher les bottes de Noah, toi, grogna-t-il ensuite.

Un commentaire que ne voulut même pas relever son petit ami.

— Pourquoi est-ce que tu penses que je ne devrais pas me remettre avec lui ? Interrogea Anna à son meilleur ami.

— C'est un connard.

— Tu peux développer.

— Inutile de développer le fait qu'il est un connard, Anna. Sauf si tu souhaites que je te rappelle toutes les crasses qu'il t'a faites ces derniers mois.

Anna soupira, sans savoir quoi répondre. Après la discussion qu'elle avait eue avec Ethan plus tôt dans la journée et l'avis de Ruben, elle était de nouveau confuse sur ses sentiments.

— Gautier !

Le garçon se retourna vers Noah qui accourait vers lui. Il était recouvert de terre et d'herbe séchée. Un léger bleu se devinait au niveau de sa tempe et il avait la lèvre inférieure coupée, probablement à cause d'un coup.

— Alors ? Vous gagnez ?

— Un de gagné et un de perdu, marmonna-t-il, Le coach va nous tuer si on ne remporte pas ce tournoi.

— Ça va le faire, l'encouragea Gautier, J'ai hâte de voir un match.

— On va jouer le prochain dans une vingtaine de minutes. Tu veux faire un tour à la buvette ?

Gautier se retourna vers Ruben, mal à l'aise. Noah ne l'avait même pas salué en arrivant.

— Vous pouvez venir aussi, ajouta Noah à l'attention d'Anna et son meilleur ami, comme s'il venait de remarquer à l'instant qu'il n'était pas seul avec Gautier.

— Trop aimable, ironisa Ruben.

— Qu'est-ce qu'il a encore ? Grinça Noah.

— Il y a que ça me casse les couilles d'être ici, rétorqua Ruben, Il crève de chaud, il y a du pollen partout, je n'ai pas pris mes médocs et je n'en ai rien à foutre du rugby.

Tout en disant cela, il releva ses lunettes de soleil sur son crâne, dévoilant ses yeux rouges et larmoyants.

— Genre t'es allergique au pollen, releva Noah, Tu les cumules vraiment en fait ?

— Ta gueule.

Ruben quitta leur groupe, sans trop savoir où il allait, ni pourquoi il partait ainsi.

— Merde, soupira Gautier, Je devrais le rattraper.

Il entendit Noah râler dans son dos, mais n'y prêta pas attention, rejoignant rapidement Ruben.

— T'es tellement dramatique, sérieux, soupira-t-il en arrivant à sa hauteur.

— Tu ne vois pas qu'il passe son temps à m'ignorer ? S'énerva le garçon, Et je devrais faire des efforts peut-être ? J'en ai marre de toujours fermer ma gueule.

— Je t'accorde qu'il n'a pas été cool avec toi, je suis désolé, je le remettrai à sa place la prochaine fois.

— Ce n'est pas que ça, soupira Ruben, Je n'en reviens pas que tu ne me fasses toujours pas confiance vis à vis de Borja. Je t'ai pardonné pour Jérémy. Je continue même de traîner avec lui !

— Je sais tout ça.

— Alors pourquoi ?

— C'est irrationnel, Ruben. Borja est juste... Tellement plus cool que moi, lâcha-t-il, Je ne peux pas m'empêcher de nous comparer.

Ruben écarquilla les yeux de stupeur, pas certain d'avoir bien compris.

— Est-ce que je dois te rappeler qu'il m'a regardé me faire tabasser sans rien dire ?

Gautier ne répondit pas et son petit ami s'exclama :

— Tu es mille fois mieux que lui ! T'es malade ?

— Tu l'as quand même aimé...

— Je n'étais pas amoureux de Borja, l'arrêta Ruben, Je croyais l'être, mais maintenant que je t'ai rencontré, je sais que ce n'était pas de l'amour. Avec toi, tout est différent. Tout est mieux. Je ne me suis jamais senti rabaissé.

— Oui, si tu veux.

— Non, ce n'est pas si je veux, l'interrompit le garçon, C'est comme ça. Point barre. Donc tu l'enregistres une bonne fois pour toute et tu arrêtes de te prendre la tête avec Borja !

Son ton avait monté d'un cran et Gautier l'observa, se sentant à moitié stupide de lui avoir parlé de son insécurité et à moitié heureux que Ruben l'ait rassuré quand même. Alors il se contenta d'esquisser un sourire et de sceller ses lèvres aux siennes.

***

Anna leva les yeux vers le ciel, appréciant les rayons qui réchauffaient sa peau. On était en fin d'après-midi. L'équipe de Noah était en finale, mais le match n'avait lieu que dans une heure.

La jeune fille s'allongea dans l'herbe, profitant de ce moment de tranquillité. Les joueurs étaient repartis aux vestiaires pour se reposer, Paul était occupé avec le barbecue, quant à Ruben et Gautier, ils avaient tout simplement disparus. Peu importe. Anna aimait retrouver parfois sa solitude.

Elle ferma les yeux, écoutant distraitement ce qu'il se passait autour d'elle. Elle reconnut la voix stridente d'Esther Perrin. Anna supposa que la jeune fille devait être accompagnée de ses traditionnels acolytes, c'est à dire, Gabrielle et Yanis. Bien entendu, elle ne songea pas une seule seconde qu'Ellie les avait accompagnés. Anna avait l'impression de ne pas l'avoir vue depuis une décennie. La brunette ne venait plus au lycée, ce qui était inquiétant vu qu'il s'agissait des derniers jours de cours avant le BAC, mais pas surprenant de sa part, si bien que personne n'avait réellement relevé son absence.

Anna sentit son portable vibrer dans la poche de son jean. Elle sortit le mobile et lut rapidement le texto que venait de lui envoyer Noah.

"T'es où ? :)"

Elle répondit, d'un air amusé.

"Dans ton cœur."

Anna reposa son téléphone sur son ventre, se demandant pourquoi elle venait de faire cette blague. Ça semblait inapproprié tout d'un coup. Probablement parce qu'ils avaient rompu il y a un mois. Elle s'inquiéta de la réponse, hésitant à renvoyer autre chose lorsqu'elle sentit son portable vibrer de nouveau.

"Oui, je sais, mais physiquement ?"

Elle se mit à sourire. Niaisement, il fallait le reconnaitre.

Elle se releva de sa position allongée pour lui répondre.

"Près du terrain. Et toi ?"

"Vestiaires. Tu me rejoins ?"

"Qu'est-ce que je viendrai faire avec vous ?"

"Je suis tout seul :)"

Anna fronça des sourcils, relisant le message. Pourquoi vouloir la voir dans les vestiaires alors qu'il pouvait la rejoindre, à l'extérieur ?

Son regard se releva vers le bâtiment en question et elle sentit son cœur se compresser dans sa poitrine. Les vestiaires du club de rugby. Le lieu où ils s'étaient embrassés pour la deuxième fois, dans les douches. Etait-ce la raison pour laquelle il voulait la faire venir jusque là-bas ?

Son portable vibra dans sa main.

"Alors ? Tu viens ?"

Et merde, songea la jeune fille en tapant rapidement sur son clavier.

"J'arrive."

Anna rangea son portable dans sa poche et avança vers le bâtiment. Elle aperçut plusieurs joueurs de l'équipe en train de discuter sur l'herbe ou à la buvette. Elle espéra qu'ils ne l'aperçoivent pas entrer dans les vestiaires. Elle jeta un bref coup d'œil derrière elle puis pénétra à l'intérieur du bâtiment. Elle rejoignit le même endroit que la dernière fois, espérant que Noah y soit toujours et qu'elle ne tombe pas sur une autre équipe en train de se doucher. Songeant à cette éventualité, elle frappa d'abord timidement sur le battant.

— Entre, entendit-elle.

C'était bien la voix de Noah. Anna entra dans la pièce et referma la porte derrière elle. Le garçon était assis sur un banc, regardant son portable. Il portait sa tenue de rugby, mais celle-ci était nettement moins propre que ce matin. Le tissu était couvert de terre, d'herbes séchées et de sang.

— Pourquoi tu restes enfermé ici ? Demanda Anna en venant s'asseoir à côté de lui.

— Je ne sais pas, haussa-t-il des épaules, Il fait frais ici, ça fait du bien.

— Et pourquoi tu m'as demandé de te rejoindre ?

— Gautier m'a dit qu'il était parti avec Ruben, j'ai suggéré que tu étais toute seule du coup.

Ça l'énervait qu'il ait raison. Parce que, de nouveau, elle passait pour la fille sans ami dont il fallait s'occuper. Mais, plus profondément encore, ça l'énervait d'avoir cru que Noah lui avait demandé de venir ici par rapport à leur baiser échangé.

Anna se sentit stupide. En fait, elle réalisait l'être dès que Noah était dans les parages. Peut-être que son meilleur ami avait raison finalement.

— A quoi tu penses ? Interrogea Noah.

— Rien de particulier, mentit-elle en se retournant vers lui.

— Tu as l'air contrarié.

— Tu viens de suggérer que je n'avais aucun ami à part Ruben et Gautier, releva-t-elle.

— Et je te l'apprends ?

Anna le frappa à l'épaule et Noah se recula en riant, massant la zone endolorie.

— Doucement, enchaina-t-il, Je faisais juste une constatation.

— Tu es seul aussi, remarqua la jeune fille, Pourquoi tu ne restes pas avec le reste de ton équipe ?

— Je ne côtoie pas la médiocrité.

Anna l'observa, blasée. Ce mec avait un sérieux problème.

— Je plaisante, se sentit-il obligé de préciser.

Elle ne releva pas la conversation et un silence s'installa dans la pièce.

— Tu parles toujours à Jared ? Enchaina-t-il après un temps.

La jeune fille se retourna vers lui, surprise qu'il aborde ce sujet de conversation.

— Pas vraiment, pourquoi ?

— Tu disais que c'était ton ami.

Cette fois, il n'y avait pas de jugement dans sa voix, ni d'ironie, comme s'il souhaitait réellement parler de Jared. C'était bien la première fois que cela arrivait.

— Ce soir où il m'a appelée, reprit Anna, Quand il m'a parlé de ta maladie, il m'a aussi dit de ne pas l'attendre. Il a dit qu'il n'était pas assez bien pour moi et qu'on devait arrêter de se voir.

— Et tu l'as cru ?

Anna se retourna vers Noah. Le garçon jouait avec ses doigts, le regard perdu sur le carrelage des vestiaires. C'est vrai que dit ainsi, ça faisait lâche de sa part.

Elle soupira longuement, ce qui attira l'attention de Noah. Il releva ses yeux vers elle et observa son visage fermé.

— Je crois que je suis fatiguée de me battre pour rester dans la vie des gens, avoua la jeune fille, Dans la vie de mon père, de ma sœur, de ma mère, de Jared, dans la tienne aussi.

— La mienne ?

— Noah, je t'ai couru après littéralement toute l'année.

Le garçon se releva légèrement pour s'adosser contre le mur des vestiaires. Il ne savait pas quoi ajouter. Anna avait raison. Il avait joué avec elle depuis leur rencontre, soufflant le chaud et le froid selon ses humeurs. Pourtant, elle était encore là. Après tout ce qu'il lui avait fait vivre, c'était elle qui était venue le voir après l'annonce de sa maladie, pas les autres.

— Maintenant, ce serait plutôt à moi de me battre pour rester dans ta vie, murmura Noah.

— Tu n'as pas beaucoup à te battre, je suis assise à côté de toi, releva la jeune fille.

Le garçon pouffa de rire avant de se retourner vers elle. Il ajouta en prenant un air plus sérieux :

— Je voulais dire... Etre vraiment dans ta vie.

— Tu penses encore ne pas l'être ? L'interrogea-t-elle, surprise.

Noah esquissa un sourire sans trop de conviction. Il savait que cela ne sonnait pas comme un compliment. Ce n'était pas un aveu d'amour, plutôt un reproche qu'elle se faisait à elle-même. Noah avait pris trop de place dans sa vie et il comprenait, désormais, que cette place se méritait et que ce n'était pas son cas.

— Je suis désolé, Anna.

— Pour ?

— Tout, lâcha-t-il en un soupir, Pour t'avoir fait espérer une relation avec moi alors que je savais ne pas en être capable à l'époque, pour t'avoir délaissée quand on était ensemble, pour t'avoir blessée tant de fois, pour cette gifle, énuméra-t-il les yeux dans le vague.

— Je t'ai trompé, nuança Anna, Tu n'es pas le seul fautif.

— Tu ne l'aurais pas fait si j'avais été un meilleur petit ami, rétorqua-t-il, Je le sais maintenant.

Un silence les enveloppa pendant un temps, jusqu'à ce que Noah ajoute à demi-mot :

— J'ai fait de nombreuses conneries dans ma vie, j'ai abandonné ma meilleure amie à chaque fois que je n'avais pas le courage de l'aider, j'ai couché avec la copine de mon meilleur ami et gâcher une des seules relations saines que j'avais, j'ai empêché mon père de se marier avec Chloé par pur égoïsme, j'ai caché ma maladie pendant des années... Mais, toi... Toi, t'es la connerie que je regrette le plus.

Anna arqua un sourcil, ne s'attendant pas à cette fin.

— Je veux dire, reprit Noah, confus, La façon dont j'ai gâché notre relation, c'est ça, ma plus grosse connerie.

Le garçon releva son regard vers elle, s'accrochant à ses prunelles pour se donner plus d'assurance.

Il continua :

— Il n'y avait pas de place pour une fille comme toi dans ma tête, mais j'en ai fait. Il y a toute la place que je n'ai plus peur de te donner maintenant.

— Qu'est-ce que ça veut dire ? Balbutia Anna.

— Je voudrais qu'on soit ensemble. Je voudrais que tu me redonnes une chance d'être ton petit ami.

La jeune fille resta sans voix. Dans la tête, elle avait sa conversation avec Ethan, les recommandations de Ruben, l'appel de Jared, et tous ses sentiments qui se mélangeaient, s'emmêlaient, se confondaient, sans réussir à avoir du sens. Oui, elle savait qu'elle ressentait encore quelque chose pour lui. Elle le savait parce que son cœur avait lancé un orchestre dans sa poitrine, parce que ses mains étaient moites et qu'elle attendait, au fond d'elle, cette conversation depuis des semaines. Mais elle doutait aussi, par peur d'être blessée, par peur de revenir en arrière alors qu'elle commençait tout juste à tourner la page et par peur également - il fallait le reconnaitre - du regard des autres.

— Dis quelque chose, s'il-te-plait, murmura Noah.

— Pourquoi cette fois-ci serait différente ?

Noah savait qu'il n'aurait pas pu échapper à cette question. Pourtant, même en s'étant préparé à l'entendre, il ne savait pas bien quoi répondre.

— Je suis en train de changer, tenta-t-il, Je sais que tu n'as plus aucune raison de me croire et que je t'ai trop souvent prétendu le contraire, mais... Je sens que cette fois, c'est vraiment différent. Je soigne ma boulimie, Ellie et moi avons arrêté de nous fréquenter parce qu'on se tirait trop vers le bas l'un l'autre, je bosse mon BAC car je veux quitter ce lycée de merde et repartir sur de nouvelles bases. Anna, il... Il ne me manque plus que toi.

C'était impossible de l'ignorer désormais, cette chaleur qui brûlait à l'intérieur d'elle, ce plaisir douloureux et coupable de s'abandonner dans ses bras, cette envie de happer ses lèvres sans se soucier du passé. C'était impossible de ne pas le vouloir.

Anna repensa à sa conversation avec Ethan, aux erreurs qui faisaient grandir. A cet instant, elle songea aux erreurs stupides, à celles qu'on ne devrait pas faire mais dont on emmerde la logique et le dénouement. On veut les faire pour le plaisir de l'instant, pour la magie d'agir sans réfléchir aux conséquences. Juste pour la beauté du geste.

Alors Anna plaqua ses lèvres sur les siennes. Noah agrippa aussitôt ses hanches, la faisant s'asseoir sur ses cuisses. Ce contact avec son corps fit vibrer la jeune fille qui pressa sa bouche un peu plus contre celle de son partenaire, leurs langues se rencontrant.

Les mains du garçon remontèrent le long de son dos, caressant sa peau doucement lorsqu'il arriva à ses épaules et redescendit le long de ses bras.

Anna se sentait bien, là, dans les vestiaires, avec Noah, comme des mois auparavant. Ils s'embrassèrent plus doucement, bercés probablement par l'illusion que tout irait mieux désormais.

De toute façon, c'était juste pour la beauté du geste.

***

Ruben posa son front contre la vitre de la voiture, observant le paysage défiler sous ses yeux. Gautier était silencieux, conduisant le regard perdu dans l'horizon.

— Tu es sûr d'être d'accord avec ça ?

— Ça ? Répéta le garçon sans comprendre.

— Partir avant la finale du tournoi, précisa Ruben, Je pensais que ça te tenait à cœur de voir le match.

— Anna est restée, Noah n'avait pas besoin de moi, répondit-il vaguement.

Ruben ne commenta pas, mais il était sceptique sur l'explication. Il supposa que Gautier s'en voulait par rapport à Borja et que c'était la raison pour laquelle ils avaient quitté le tournoi plus tôt, histoire d'abréger les souffrances de Ruben qui détestait plus que tout ce genre d'événement sportif barbant.

— Euh, tu vas où là ? Interrogea-t-il en réalisant que Gautier quittait la route principale.

— On va voir ce qui te tient à cœur, maintenant.

Ruben l'observa, incrédule.

— Chacun son tour, ajouta Gautier en souriant.

— On loupe la finale du tournoi pour aller au spectacle de danse de Belen ? Comprit le garçon.

— Ça te fait plaisir ? Interrogea son petit ami en se retournant vers lui.

Gautier avait une lueur inquiète dans les yeux, comme s'il craignant d'avoir fait une bêtise.

— Bien sûr que ça me fait plaisir ! S'exclama Ruben, Je veux dire... Je pensais qu'un spectacle de danse ne t'intéresserait pas. C'est pour ça que je n'avais même pas suggéré que tu m'accompagnes mais c'est... Génial !

— Tu n'aimes pas le rugby mais tu es venu avec moi au tournoi, fit remarquer Gautier.

— J'ai râlé pendant tout le trajet et j'ai fait la gueule toute la journée, relativisa-t-il.

— C'est vrai, lui accorda Gautier, Mais, que veux-tu, personne ne peut être aussi parfait que moi.

A cet instant, il ne pouvait que lui donner raison.

— Merci, murmura-t-il, touché.

Ils continuèrent de rouler en silence. Gautier connaissait le chemin, il avait déjà été dans ce quartier quelques mois auparavant. C'était au tout début de sa relation avec Ruben, le garçon l'avait appelé, paniqué, parce qu'il s'était enfermé dans le bureau de la professeur de danse de Belen. Gautier n'avait jamais vraiment demandé plus d'explications sur ce qu'il s'était passé ce jour-là, mais il supposait que cela avait un lien avec Borja et il préférait ne pas en savoir plus.

Arrivés devant la salle du spectacle, Gautier gara la voiture sur le parking avoisinant et ils sortirent tous les deux du véhicule. Il y avait déjà la queue devant le bâtiment. La plupart des personnes du public venait du quartier, cela se voyait dans la façon dont les uns les autres se saluaient. Eux, ils faisaient tâche.

Ruben attrapa la main de Gautier pour attendre devant l'entrée. Il n'avait pas prévenu Belen qu'il venait voir son spectacle. Il supposa qu'il était inutile de la stresser davantage, il aurait bien l'occasion d'aller lui parler à la fin de la représentation.

Gautier serra sa main plus fermement dans celle de son petit ami, ce qui fit réagir aussitôt le garçon. Il se retourna vers lui et aperçut un léger rictus sur ses lèvres.

— Borja, murmura-t-il.

Ruben suivit son regard, apercevant le bel espagnol et son ami, Amine, rejoindre la file d'attente. Les deux hommes ne les avaient pas encore vu. Il en profita donc pour observer Borja. Cela faisait plusieurs semaines qu'il ne l'avait pas croisé. Ruben ne ressentait rien de particulier, si ce n'était une sorte d'attachement pour celui qui avait occupé ses pensées pendant de longs mois. Rien de plus et il en était rassuré.

La file avança et ils prirent leur billet pour le spectacle. Ruben n'avait pas particulièrement envie de faire remarquer sa présence à Borja, il n'était pas venu pour lui, après tout. Il ne voyait pas non plus ce qu'il aurait pu lui dire, ce n'était pas comme s'ils étaient restés en bon termes tous les deux.

Les garçons pénétrèrent dans la salle, repérant deux chaises vides au troisième rang. Ils s'installèrent, leurs mains toujours scellées l'une à l'autre.

— Tu ne voulais pas aller lui parler ? Demanda Gautier.

— Non.

— Tu ne veux pas à cause de moi ?

— Je ne veux pas à cause de lui, rectifia Ruben, Je n'ai rien à lui dire.

Gautier se contenta de cette réponse, hochant la tête. Les deux garçons continuèrent d'observer les gens s'installer dans la salle, sans trop parler, jusqu'à ce qu'une voix résonne à côté d'eux.

— Qu'est-ce que tu fous là ?

Inutile d'aller à Borja, puisque Borja viendrait à eux, songea aussitôt Gautier en se retournant vers le bel espagnol.

— Je suis venu voir le spectacle de Belen, lui répondit Ruben, Un problème ?

— Belen est au courant ?

— Je lui avais dit que je passerai peut-être.

— Bien, commenta Borja qui ne savait plus quoi bien ajouter désormais.

— Bon spectacle, clôtura Ruben.

Le garçon ne sut visiblement plus où se mettre. Il lança un regard à Gautier, ignorant en réalité ce qu'il essayait de transmettre avec ses yeux : de la colère, du dédain, ou de la jalousie, peut-être.

— Mec, tu fais quoi ?

Amine se planta devant leur trio, posant une main sur l'épaule de son meilleur ami avant d'apercevoir Ruben et Gautier, assis sur leur chaise.

— Ruben, je ne savais pas que tu venais !

— Moi non plus, en profita pour ajouter Borja.

— Jared est dans le coin ? Enchaîna Amine.

— Tu crois sérieusement qu'il serait venu voir ce genre de spectacle ? L'interrogea Ruben.

— Non, réalisa Amine en se demandant pourquoi il venait de poser la question, Mais il fout quoi ? On ne le voit plus et il répond à peine à mes messages !

Probablement en train de déprimer chez eux, songea Ruben. Malgré ce qu'il prétendait, Jared était affecté par le rapprochement d'Anna et Noah. Il devait digérer, une fois de plus, d'avoir perdu quelqu'un qu'il aimait à cause de ce foutu type.

— Je ne sais pas trop ce qu'il fait en ce moment, répondit Ruben, ce qui n'était pas totalement faux.

— Allez, on va s'installer, rétorqua Borja en attrapant son ami par le bras.

Amine le suivit et les deux garçons s'éclipsèrent. Gautier se retourna vers Ruben, s'apprêta à faire un commentaire sur la façon dont Borja était, bien évidemment, jaloux, mais la lumière s'éteignit pour annoncer le début de la représentation.

Gautier se tassa dans son siège, s'abstenant de lancer une conversation, spécialement sur ce sujet. Le spectacle commença et les danses s'enchainèrent.

Ruben se racla la gorge lorsqu'il aperçut Belen monter sur scène avec son groupe, réveillant Gautier à ses côtés.

Les premières notes de Try, la chanson de Pink, s'élevèrent dans la pièce. Les corps se mouvèrent au rythme des paroles. La danse était saccadée, peut-être pour insister sur la puissance des mots.

Le refrain s'éleva et résonna dans la pièce :

Where there is desire, there is gonna be a flame.

(Là où il y a du désir, il y aura une flamme)

Where there is a flame, someone's bound to get burned.

(Et là où il y a une flamme, quelqu'un est sûr de se brûler)

But just because it burns, doesn't mean you're gonna die.

(Mais parce que ça brûle, ça ne veut pas dire que tu vas mourir)

You gotta get up and try, and try, and try.

(Il faut que tu te relèves et que tu essayes)

Alors, à quelques rangs derrière Ruben et Gautier, Borja sentit son cœur se contracter dans sa poitrine. Essayer. Il avait eu bien trop peur pour cela, trop peur de se brûler, trop peur de ne jamais se relever.

Le regard du bel espagnol bifurqua vers Ruben. Il aperçut le garçon tenir la main de son petit ami.

Il avait eu peur et Ruben était parti avec un autre. Non, pire que ça. Il était tombé amoureux d'un autre. Borja le voyait désormais. Il voyait dans son regard à quel point Ruben était heureux avec Gautier, à quel point il l'aimait et à quel point il se sentait en sécurité. Tous les deux, ils se tenaient la main comme si le monde extérieur n'existait pas, ils se regardaient comme s'ils n'attendaient l'autorisation de personne pour s'aimer et le montrer.

Borja n'aurait jamais trouvé ce courage-là. C'était mieux ainsi. Du moins, c'était ce qu'il tentait de se persuader, même si son regard n'arrivait pas à se détacher de Ruben, de ses boucles brunes qui lui tombaient sur le visage, de son sourire ravageur qui faisait apparaitre ses fossettes, de ses yeux, de ses lèvres.

— Quoi ? C'est si émouvant que ça ?

Borja sursauta brusquement, se retournant vers son meilleur ami d'un air apeuré.

— Quoi ? Balbutia-t-il enfin.

— C'est si émouvant que ça ? Répéta Amine en désignant d'un geste de la tête la scène sur laquelle sa petite-sœur dansait, Pour que tu en chiales ?

Borja porta aussitôt ses deux mains à son visage, frictionnant ses paupières avec tant d'énergie qu'il se fit mal.

Il se retourna vers la scène, tentant de paraître normal, mais ses yeux parcourent involontairement le troisième rang. Il s'arrêta de nouveau sur Ruben qui venait d'embrasser le cou de Gautier. Sa mâchoire se crispa instantanément.

La tension qui émanait de Borja surprit son meilleur ami assis à ses côtés. Amine suivit son regard et s'arrêta à son tour sur Ruben et Gautier. Il resta un instant à les regarder avant de comprendre que c'était eux qui mettaient son ami dans cet état.

Brusquement, Amine se retourna vers Borja.

— Mec, souffla-t-il, hébété, Tu... Avec...

— Ta gueule, le coupa l'espagnol brutalement.

Amine se retourna vers le spectacle, prétendant s'y intéresser alors qu'il comprenait soudainement beaucoup de choses chez son meilleur ami.

Borja, quant à lui, serra son poing contre sa jambe. Il savait qu'Amine avait compris. Il ignorait comment il allait le prendre, mais ne donnait pas cher de leur amitié. Il allait en parler à leurs amis, à sa famille, à tout le quartier. Il sentit une goutte de sueur couler le long de sa tempe. Il ne chercha pas à l'essuyer.

C'était une seconde qui venait de tout foutre en l'air, sa réputation, sa vie remplie de mensonges qu'il avait pourtant fini par croire. C'était une foutue seconde, un foutu regard. Malgré ça, il ne put l'empêcher. Il ne put empêcher son regard de se poser sur Ruben pour le voir encore. Parce que quelque chose lui disait, qu'après ce soir, il ne le reverrait probablement plus jamais.

Amine posa brusquement sa main sur la jambe de Borja. Le bel espagnol réalisa à l'instant qu'elle était en train de trembler.

— Calme-toi, gronda Amine, C'est ta sœur sur scène. Regarde-la. Ils ne vont pas refaire la danse pour toi.

— Mais, je...

— T'es son frère. C'est ça qui est important.

Borja resta un instant incrédule, observant son meilleur ami sans être certain de ce que signifiait cette dernière phrase. Alors Amine se retourna vers lui pour lui confirmer :

— Je me fiche de qui tu aimes, mec, tant que tu restes toi-même. Et le frère de Belen n'aurait jamais manqué son spectacle. Pas même pour le mec le plus sexy de la terre.

Borja observa Amine sans savoir quoi dire. Il était touché, mais il se sentait con d'avoir cru que son ami d'enfance le rejetterait. Il était le seul à s'être rejeté lui-même, Belen ne l'avait pas fait. Amine non plus.

— Regarde la danse, putain.

Le garçon sortit de ses pensées, se retournant vers la scène. Son regard se posa sur sa sœur. Belen était magnifique. Elle était vraie quand elle dansait car elle était heureuse. Borja réalisa qu'il était temps qu'il soit vrai lui aussi. Alors, pour la première fois depuis longtemps, il se sentit apaisé, comme s'il n'avait plus peur de ce qu'il était.

La danse se termina et il frappa dans ses mains avec force. Belen sortit de la scène et il se retourna vers Amine, l'observant pendant quelques secondes.

— Quoi ? Lâcha le garçon.

— Est-ce que tu as sous-entendu que Ruben est le mec le plus sexy de la terre ?

— Oh, marmonna Amine, gêné qu'il est relevé cette partie de leur conversation, Il a un petit truc, ouais.

— Un petit truc ? Releva Borja en riant.

— Ta gueule, soupira son meilleur ami.

Ils rirent tous les deux alors qu'un nouveau groupe de danseurs s'installait sur la scène.

— Qu'est-ce que tu vas faire ? Reprit Amine, Tenter de le récupérer ?

Borja bifurqua son regard vers Ruben. Le garçon avait toujours sa main dans celle de Gautier, comme s'ils ne pouvaient s'empêcher de se toucher lorsqu'ils étaient ensemble.

— Non, murmura-t-il, Il est heureux avec lui.

— Il pourrait l'être avec toi, releva Amine.

— Pas de la même façon.

— Pourquoi tu dis...

— Depuis notre rencontre, l'interrompit Borja, Je lui ai fait croire qu'il était une punition, qu'il n'avait pas le droit d'être ce qu'il était... J'avais tort. Alors, maintenant, c'est à moi de vivre la punition. Je la mérite.

— Tu ne devrais pas décider à sa place, rétorqua Amine. Dis-lui ce que tu ressens et laisse-le décider si tu mérites ou pas cette punition.

Borja voulut répondre, mais une musique résonna dans la pièce, lançant la prochaine chorégraphie. Les deux garçons se retournèrent vers la scène. Mais, presque aussitôt, Borja bifurqua vers Ruben. Il eut un mouvement de sursaut lorsqu'il remarqua que le garçon était en train de l'observer, lui aussi.

Ils s'arrêtèrent, leurs pupilles ancrées l'une à l'autre, comme si la flamme n'était, peut-être, pas encore tout à fait éteinte. 


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