Mauvais Rêves

By LesCrisVains

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Lorsqu'un vieux romancier croise un soir une jeune inconnue en pleurs, il ne lui en faut pas plus pour lui in... More

Premier Passage
Chapitre 1
Chapitre 2
Deuxième Passage
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 7
Chapitre 8
Troisième Passage
Chapitre 9
Chapitre 10
Quatrième Passage
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Cinquième Passage
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Sixième Passage
Chapitre 23
Chapitre 24
Septième Passage
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Huitième Passage
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41

Chapitre 6

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By LesCrisVains

La porte de la chambre s'entrouvre dans un grincement. Rien qu'au bruit des pas, un claquement des talons bien durs sur le vieux pallier, Oriane devine avec effroi la personne qui vient. Elle voudrait se cacher, disparaître, mais elle sait que si on la retrouve, ce sera encore pire. Et c'est comme avec les chiens de son oncle : on la retrouvera quoi qu'il arrive...

De longs cheveux poivre et sel, secs, sales, autour d'un visage tout aussi sec et sale, avec plus bas des doigts aux allures de griffes, un petit air de furie grecque : voilà l'allure de la femme entrée dans la chambre. Quant à ses lèvres pincées, elles annoncent d'avance le venin qui va en jaillir.

« Encore un zéro en dictée? Tu es vraiment nulle. »

Sa voix est comme une flèche à la pointe tranchante. La petite Oriane, qui n'a pas encore dix ans, tremble de peur et reçoit les coups en silence. C'est vrai que le français, ce n'est pas son point fort : une honte aux yeux de sa génitrice qui, plus jeune, avait des rêves d'écrivaine.

Sa génitrice. Oui vous avez bien lu. Cette femme acide aux yeux d'un gris glacé n'est autre que sa mère.

La minuscule Oriane baisse les yeux, serrant de toutes ses forces la poupée avec laquelle elle jouait.

« Pardon maman.

L'autre esquisse un rictus mauvais, et une désagréable odeur d'alcool accompagne son rire qui n'en est pas un.

— Tu crois que t'excuser, ça va suffire? Tu n'es qu'une merde. Et ce n'est pas en disant "pardon" que tu vas t'améliorer.

Le ton est cinglant. La femme lui arrache des mains la poupée puis continue en soupirant:

— Et pis tu sais quoi? En fait, je m'y attendais. Tu hérites bien de tes parents : un salopard et une ratée, ça pouvait rien donner d'exceptionnel ..! »

Elle a bu avant de venir. Papa dit qu'elle souffre beaucoup, et que si parfois elle est méchante, ce n'est au fond pas de sa faute. D'après lui, les Hommes lui ont brisé ses rêves et son coeur des années plus tôt. C'est pour ça que Maman boit avec le fol espoir qu'un jour cette eau ambrée l'engloutisse et lui ôte, pour de bon, la vie. C'est pour que ça que certains jours, Maman frappe Papa et l'insulte de tous les noms.

« Pardon maman. »

Parce que quoi que cette dernière en dise, la seule chose qu'Oriane peut faire pour sa mère, c'est s'excuser. De tout ce qu'elle a fait à cette femme désabusée et de tout ce que le monde a lui a fait par le passé.

***

La jeune femme émerge enfin de ses mauvais rêves. Épuisée comme si elle n'avait pas dormi, retenant tant bien que mal ses larmes, elle aimerait gémir, hurler, prier pour qu'on lui arrache tous ces souvenirs... Prête à tout si c'est pour oublier le rire mauvais de sa génitrice, pour juste... ne plus rien sentir.

Le bilan lui revient en pleine figure, amer : toujours la honte de sa mère, toujours un fardeau pour elle, incapable de faire naître ne serait-ce qu'un instant un peu de fierté dans son regard.

Tu n'es qu'une merde.

C'est alors qu'apparait Witahé, la mine soucieuse.

« Tu vois bien que ça empire. Je t'en supplie, Oriane, reprends rendez-vous avec le docteur Denn. C'est ta seule issue. Et tu le sais. »

Elle le sait. Alors Oriane répond à l'affirmative d'un petit geste de la tête, avant de quitter son lit pour prendre son petit-déjeuner.

***

La journée s'écoule, tout aussi banale que les précédentes en apparence : un débat entre Shawn et Marie-Fleur sur la façon de préparer le thé, Alix qui fulmine contre son supérieur, cette même Alix qui provoque sans faire exprès une panne, Côme qui fête les six mois de sa fille...

Mais dans la tête d'Oriane, quelque chose a changé, une brisure de plus revenue au mauvais moment. Elle ne cesse de penser à son rêve de cette nuit, se repassant en boucle la scène, imaginant à chaque fois ce qu'elle aurait pu faire ou dire... Si sa mère était alcoolique, si sa mère l'humiliait, si sa mère battait son père, peut-être était-ce en partie de la faute de sa fille unique ? La petite ne travaillait pas assez, enchainant par conséquent les mauvaises notes.

Tu aurais dû être meilleure que ça.

Peut-être les avait-elle méritées, après tout, ces insultes et ces punitions si régulières ?

Toute à sa réflexion, la triste fillette devenue femme ne remarque même pas l'inquiétude de ses collègues et amis. Saïd Denn avait dit à Alix qu'il n'y avait rien de sérieusement grave, et qu'elle ne devait pas voir un traumatisme grave là où il n'y avait qu'une fatigue passagère. Mais là, les sentiments qui défilent sur le visage de la malheureuse semblent révéler bien plus qu'un simple "coup de blues"....

***

 « Tiens, vous revoici, madame Souaignot ? s'étonne la secrétaire. Je croyais que le docteur Denn...

— Quand est-ce qu'une consultation serait possible ? coupe la revenue.

— Hum... Je dois voir... Attendez s'il vous plait...

Un coup de téléphone interrompt les recherches de l'employée. Oriane se pince les lèvres, se résignant amèrement à dix longues minutes d'attente – ou peut-être plus ?

Par chance, son ennui est de courte durée, car un regard vient rencontrer le sien et aussitôt, la sort de son ennui. Ce regard est plutôt charmeur, à vrai dire, d'une couleur qu'Oriane ne saurait définir à cette distance : peut-être du vert, à moins que ce ne soit un gris étrange.

C'est le blond platine de la dernière fois, celui avec le petit sourire. La première fois, Oriane ne s'était pas vraiment penchée sur son cas, mais maintenant qu'elle s'y intéresse, elle ne peut s'empêcher de lui trouver un air de déjà-vu. Une tête pareille ne devrait pourtant pas s'oublier...  Surtout quand elle arbore un sourire aussi complexe, comme une énigme qui met Oriane au défi de la résoudre... 

Ils se fixent un long moment, jouant à qui baissera les yeux en premier. Finalement il la rejoint et lui glisse à l'oreille :

— Vous voulez un conseil ?

Elle arque un sourcil, amusée.

— Je vous écoute.

Sans savoir pourquoi, Oriane trouve ce garçon peu banal, comme s'il avait l'air de tout comprendre mieux que les autres.

— Fuyez cet endroit tout de suite. Nous savons tous les deux que ce psychologue ne vous servira à rien.

Dans sa voix résonne quelque chose de charmeur auquel on n'a pas envie de désobéir.

— Ah oui ? Et... pourquoi ça ? dit-elle juste pour ne pas lui donner ouvertement raison.

Il penche légèrement sa tête vers la droite, à la manière d'un petit animal qui se trouverait un nouveau jouet.

— Je le connais assez bien pour vous affirmer que c'est un incompétent. En ce qui nous concerne, du moins...

Comment ça, nous ?

Se départissant de son sourire pour la première fois depuis le début de la conversation, il se rapproche d'elle. Sans qu'Oriane puisse expliquer pourquoi, elle a l'impression qu'il sait tout d'elle. Bon sang, que...

— Ce qui s'est passé il y a deux ans est vraiment regrettable, déclare-t-il d'un ton plein de sous-entendus. Cela fait longtemps mais... il n'est jamais trop tard pour exprimer sa peine, n'est-ce pas ?

Le coeur d'Oriane rate un battement, touché dans le mille. Cet inconnu – qui d'ailleurs ne parait pas l'être tant que ça – sait bel et bien beaucoup, tellement bien qu'il connait les points qui font mal. Dans un murmure elle demande, interloquée :

— M... Mais vous êtes qui, au juste ?

Ses yeux, d'une drôle de couleur oscillant entre le marron et le vert, se plongent de nouveau dans ceux, bruns, de la jeune femme. Le souffle de cette dernière s'accélère. Pas apeurée, non. Juste dangereusement fascinée par cet inconnu en qui elle trouve un écho si... familier. Retranscrire en mots cette sensation, cette espèce de sixième sens serait peine perdue.

— Quelqu'un qui vous veut du bien. Qui est bien meilleur médecin que Denn. Et que vous pourrez retrouver, si vous le voulez bien, au Café du Liseron demain, aux alentours de vingt heures. »

Elle ne répond pas. Mais ses lèvres s'entrouvrent, la trahissent, et laissent échapper en silence la promesse:

«J'y serai. »

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