Camila
- Pourquoi Camila et Dinah ont le droit de faire du trampoline sur le lit ? demande la petite voix de Sofia.
Oui, je crois que sous le coup de la joie, nous sommes debout sur le lit. Je serre Dinah dans mes bras de toute ma force. C'est là que je me rends compte que je suis en culotte et en T-shirt.
En apercevant ma petite sœur, Dinah se précipite pour la prendre dans ses bras. Moi, j'en profite pour enfiler mon jean.
- T'as bien grandi, toi, dit Dinah en embrassant ma sœur sur les joues.
- T'as vu, j'ai bien gardé, hein ? demande-t-elle fièrement.
En entendant le mot « secret », un léger malaise m'envahit. Mais on dirait bien que Sofia a complètement zappé la scène du baiser dans la grange.
- Tu étais au courant, toi ? demandé-je à ma petite sœur en riant.
- Clara et papa voulaient te faire une surprise. Je savais que Dinah arriverait par le train ce matin, et je n'ai rien dit du tout ! explique-t-elle fièrement.
- Je voulais voir ta tête, quand je te surprendrais dans ton sommeil ! s'amuse Dinah, avant de froncer les sourcils.
- Et la petite boule de poil qui est en train de mordiller mon tout nouveau sac en cuir, je parie que c'est Léo. Il a du goût, ce chiot...
Sofia se précipite pour l'attraper et nous descendons tous dans la cuisine à grand bruit, sous les aboiements ravis de Léo.
A notre arrivée, mon père et Clara échangent un sourire complice.
- Merci, m'écrié-je en serrant Dinah dans mes bras. C'est vraiment une excellente surprise !
- On se doutait que ça te ferait plaisir, sourit Clara.
Une vague d'émotion s'empare de moi. Ma gorge se noue à l'idée qu'ils ont eu cette attention pour moi. Je me rends compte aussi à quel point Dinah m'a manqué. Sa simple présence me remplit de joie. Je dois même faire un effort pour retenir me larmes.
Tandis que nous prenons le petit déjeuner, Léo termine de faire connaissance avec Dinah en tirant sur le bas de sa robe.
- Léo ! Arrête ! crie Sofia.
- C'est sa manie, dis-je en souriant.
- Tu veux dire qu'il aime déshabiller les filles ? s'étonne Dinah.
En repensant à la façon dont j'ai failli me retrouver nue devant Lauren, la première fois, une légère brume rouge me monte aux joues.
Clara revient avec un sac de plage.
- Alejandro, Sofia et moi, on part à la plage. Prenez votre temps pour visiter la maison. On vous laisse vous retrouver, fait-elle.
- Elles sont comment les plages, Sofia ? demande Dinah à ma petite sœur.
- Il y a plein de crabes, c'est génial. Mais Léo a un peu peur...
- J'espère qu'il n'y a pas que des crabes..., me jette-t-elle en me faisant un gros clin d'œil. J'ai hâte d'aller vérifier ça moi-même.
- Tu crois qu'il y a d'autres animaux que des crabes ? demande Sofia à Dinah.
- Mais j'espère bien ! S'écrie-t-elle.
- Des animaux comme quoi ?
- Comme de beaux spécimens de sur...
- Des beaux spécimens d'étoiles de mer, dis-je en couvrant sa voix et en lui donnant un coup de coude.
- Des étoiles de mer, c'est vrai ? Je vais voir si j'en trouve, dit Sofia en sortant.
- Je te rappelle que Sofia a 9 ans, dis-je en riant.
Dinah hausse les épaules.
- Il n'est jamais trop tôt... Sinon, on finit à 18 ans à observer les baleines au lieu de mater les surfeurs.
Une fois que Clara, mon père et Sofia sont partis, Dinah attrape quelques fruits dans la cuisine, qu'elle commence à éplucher à la vitesse de la lumière.
- Je reste une semaine, Mila. On n'a pas de temps à perdre. Pour commencer, je nous fais un cocktail multivitaminé dont j'ai appris la recette au bar. Ensuite, on se pose sur un de ces magnifiques transats qui n'attendent que nous, au bord de la piscine.
Elle regarde ses bras.
- De toute façon, avant de mettre une tong sur la plage, je veux prendre des couleurs. Parce que le bronzage lavabo, merci bien.
Tout en pressant des oranges, elle me jette un coup d'œil.
- Et en parlant de lavabo... Il serait temps que tu commences à bronzer, toi aussi, non ? On dirait que tu viens de passer trois ans dans une grotte.
Elle me tend mon cocktail.
- En vrai, il y a normalement la giga dose de rhum, mais on va se contenter de ça pour l'instant. On passera aux choses sérieuses quand on ne sera plus dans la maison.
Les choses sérieuses...
Ces mots me rappellent à d'autres réalités. Il va bien falloir que je parle à Dinah de ce qu'il se passe entre Lauren et moi. Et cette perspective m'effraie autant qu'elle m'embarrasse.
Comme nous traversons le jardin, nos cocktails à la main, elle regarde partout autour d'elle. Je me laisse emporter par le tourbillon de bonne humeur qu'elle lève sur son passage.
- T'as vu, c'est magnifique, non ? Même si je trouve ça un peu trop carré à mon goût, la propriété est superbe.
Dinah hoche la tête distraitement.
- Oui, oui, très beau... Et les voisins ?
- On ne les croise jamais... Mais tu verrais leur maison, elle est encore plus belle que celle-ci. Je crois qu'elle est dans leur famille depuis plus de cent cinquante ans...
- Non, Mila, ce que j'entendais par « comment sont les voisins », c'est : est-ce qu'il y a des mecs cool de notre âge susceptibles d'être dragués ? coupe Dinah.
- Je ne sais pas...
- Elle ne sait pas ! s'écrie Dinah en levant les yeux au ciel. Heureusement que je suis venue !
Quand nous arrivons au bord de la piscine, face aux transats, Dinah pousse un cri de joie. Elle pose son cocktail sur une table basse, sort son maillot de bain deux pièces de la poche de sa robe et entreprend de se changer sur la terrasse. En un clin d'œil, elle enfile son bas de maillot, sous sa robe.
- T'as des pulsions exhibitionnistes, maintenant, ou quoi ? dis-je en lui jetant un œil amusé quand je la vois ôter sa robe et son soutien-gorge sans l'ombre d'une hésitation.
- Tu viens de me dire que tu ne voyais jamais les voisins, j'en déduis qu'eux non plus. Sofia, Clara et Alejandro sont partis. On est toutes seules...
Je me demande bien où est Lauren, mais je n'ose pas encore lui parler.
Un quart de seconde plus tard, Dinah est en maillot de bain. Elle fait une boule avec ses vêtements, qu'elle glisse sous son transat puis se vautre sur les coussins. Elle enfile sa paire de lunettes de soleil. Je m'allonge à mon tour sur un transat à côté du sien en riant. Tout me paraît léger quand elle est là.
- Excellent, ce cocktail, dis-je en m'étirant.
- Merci. Bon, on n'est pas là pour parler recettes de cuisine. Ce matin, on reste au bord de la piscine pour faire le débrief de ces derniers jours, mais je te préviens, après, on passe les journées sur la plage. Il est hors de question que je reparte sans t'avoir dégoté deux ou trois targets.
- Deux ou trois targets, vraiment ? dis-je en riant.
- Oui, je me chargerai du travail d'approche, et tu n'auras plus qu'à choisir. Parce que, franchement, ton histoire de désert masculin que serait les plages de Cuba, je n'y crois pas une seule seconde. Je suis sûre que tu m'as menti. J'ai hâte d'aller voir ça de plus près. Et puis, on ne sait jamais, je pourrais moi trouver quelque chose à me mettre sous la dent.
- Je croyais que tu avais trouvé la perle rare, le gibier dont rêvent toutes les filles.
Toutes les filles, sauf moi.
Dinah lève les yeux au ciel.
- Je me suis très légèrement trompée sur la marchandise, dit-elle tout en se tartinant de crème solaire. Enfin, non, on m'a trompée sur la marchandise. Je pensais avoir dégoté le gibier premier choix, j'avais le poulet élevé en batterie.
Elle me tend le flacon.
- Tu devrais t'en mettre une bonne dose, puisque ta peau n'a manifestement pas vu le soleil, depuis, je dirais, cinq siècles, il ne s'agit pas que tu vires au rouge homard.
Dinah se fige soudain ; le flacon lui échappe des mains et roule sur le sol.