Je songe sérieusement à me reconvertir. Faire une carrière en tant que cascadeur ou un métier qui s'en rapproche. De toute évidence, « ninja » n'est pas envisageable, j'ai la discrétion d'un éléphant, mais je suis relativement doué pour grimper par-dessus les portails et m'introduire chez les gens par effraction en passant par une fenêtre du deuxième étage. Bon, j'ai cassé une branche d'un arbre, ça fait tache, preuve que j'ai grossi, mais là, je m'en sors pas trop mal.
Il ne me manque plus qu'à trouver où se cache Nick.
La baraque est énorme, je vais mettre trois heures à le trouver si en plus je dois faire gaffe à ne pas croiser un seul membre de la famille.
Au début, je m'attendais à voir des caméras de sécurité à chaque recoin, un système d'alarme, mais rien. C'est fou. Les gens sont vachement confiants de nos jours.
En grand courageux que je suis, je me suis planqué dans le premier placard que j'ai trouvé. Je ne sais même pas ce que je fous là. C'est complètement con.
« Vraiment ? »
La porte s'ouvre sur Nick qui me dévisage avec l'air le plus blasé du monde.
« Oh ! Tu m'as trouvé !
— Qu'est-ce que tu fais là Tobias ?
— Je pensais faire une partie de cache-cache avec toi, visiblement c'est mon tour, alors je vais me retourner, compter jusqu'à dix et tu vas te cacher. »
Est-ce un prétexte pour ne pas avoir à lui expliquer que je l'ai suivi délibérément jusqu'ici ? Totalement. Je joue la carte du « changeons de sujet ». Elle marche plutôt bien d'habitude.
« Tobias ! »
Sa main sur mon épaule me retourne violemment et je manque de trébucher sur lui, perdant mon équilibre dans cette espèce de cagibi.
« Bon OK ! Je t'ai suivi !
— Pourquoi ?
— Parce que t'es venu jusqu'ici et ça me concerne moi, plus que toi. Je vais parler à ta sœur.
— Tu m'as suivi ? T'es entré comment ? Ne me dis pas par effraction, car...
— Par la fenêtre. C'était ouvert. »
Je lui pointe du doigt la baie vitrée par laquelle je me suis faufilé tandis qu'un soupire lui échappe.
« Jamais tu n'apprendras à passer par la porte ?
— Ah parce que tu me voyais faire "Toc ! Toc bonsoir c'est moi ! Je suis ici pour parler à Élisabeth !" ?
— Ça aurait été une solution oui. »
Il est plus débile que ce que je ne pensais alors.
« Bon, finissons-en... Hé, mais... comment tu m'as trouvé ?
— Je t'ai vu dans le jardin, ensuite mon téléphone a vibré et j'ai reçu un message de Rachel m'informant de ta nouvelle grande idée ! »
Traitresse.
« Logique.
— Oui, logique.
— Ta famille n'est pas là ? »
Ça me fait encore bizarre de dire le mot « famille », moi qui ai pratiquement grandi sans et voyant l'état de décomposition dans laquelle est celle de Nick. Mais je ne désespère pas, sa sœur est peut-être un cas à part. Une gamine pourrie gâtée, certes, mais un cas à part.
« Ils sont en déplacement. Il n'y a que Marley et Élisabeth, mais actuellement Marley n'est pas là. »
Tant mieux j'ai envie de dire. Il ne manquerait plus que Bob soit là. Il me fout les jetons.
« Bon bah, allons trouver ta sœur et finissons ça illico presto ! »
Je prends les devants alors que je n'ai pas la moindre idée d'où aller ni même si je dois tourner à gauche ou à droite. Tant pis, on va le faire à la bonne franquette hein ! De toute façon, les vieux tours sont les meilleurs.
« ÉLISABETH !! C'EST TOBIAS ! OÙ ES-TU ? »
Nick s'empresse de me couvrir la bouche, mais en quelques minutes même pas, la princesse de la tour d'ivoire apparaît à l'autre bout du couloir, poings sur les hanches.
« Vous... »
Ni une, ni deux, sans crier gare, elle se propulse tel un boulet de canon et me saute dans les bras, allant jusqu'à me plaquer au sol.
« Tobias !!! Je savais que tu reviendrais. »
Ouais, enfin, non... théoriquement, ce n'était pas prévu que je revienne.
« Oh, y'a Nick aussi... Tu accompagnes Toby ?
— Toby ? »
Attendez, c'est moi ça ?
« C'est bon, tu peux partir maintenant. Je ferais appel à ton chauffeur quand il pourra rentrer.
— Élisabeth, écoute-moi, je viens rompre mon contrat. Je ne peux pas être ton garde du corps. La preuve, je suis nul !
— Hmm... ça ne va pas être possible ça. »
Je m'en doutais, ça serait trop beau et trop facile sinon.
« Je veux que tu m'accompagnes à une soirée et j'y réfléchirais ! »
Forcément...
« Quand ça ?
— Ce soir ! »
Comment te dire gamine que ce soir, j'avais prévu de profiter de l'homme se tenant à mes côtés et que tu es totalement en train d'ignorer ?
« Ce soir ? Ah ça ne va pas...
— Dans ce cas, le contrat tient toujours et il n'y a aucune clause de rupture. Il n'y a que si je décide d'en finir avec toi.
— C'est-à-dire ? Que dois-je faire ce soir de spécial ?
— Tu verras bien ! Tu viens ? On va te choisir un costume ? »
Elle m'entraîne par la main sans même que je n'eus le temps d'apercevoir la réaction de Nick. J'ai l'impression d'être une poupée Barbie pour adolescente en manque d'amour et d'affection.
« Tu n'as pas mis les bons boutons correctement, attends... »
À peine s'est-elle approchée de moi, que Nick bondit dans la pièce et se met entre nous, allant jusqu'à déboutonner ma chemise. Son regard de braise croise alors le mien et ses mains agiles se promènent délibérément sur mon torse, faisant languir et languir mes boutons qui n'attendent que d'être fermés.
Soudain, sa bouche vient se saisir de la mienne et je reconnais bien là, à sa façon de m'embrasser, le Nick impatient. Insatisfait. Affamé.
« Oh... Mon... Dieu ! »
Élisabeth devenue rouge pivoine se précipite à l'extérieur en claquant la porte tandis que le corps de Nick brise cette proximité qui s'était installée entre nous, agrandissant l'écart encore et toujours.
« Tu l'as fait exprès, n'est-ce pas ? »
Ce n'est pas pour me déplaire, mais la prochaine fois, j'aimerais être prévenu, quitte à jouer un rôle.
« C'était le seul moyen de se débarrasser d'elle. Elle n'est pas près de revenir nous enquiquiner. »
Il se retourne à nouveau vers moi et me fusille du regard.
« Quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ? C'est parce que je suis incroyablement sexy en chemise blanche, c'est ça ?
— Ça et aussi parce que tu es incroyablement con. »
Aussi.
« Le but du jeu, c'était qu'on se libère du joug de ma sœur et toi, qu'est-ce que tu fais ? Tu fonces tête baissée ! Encore ! Tobias !!! Tu te fous de moi ou quoi ?
— Si je dois la babysitter une soirée pour m'en débarrasser, je le ferais écoute.
— Et s'il se passe quelque chose à cette soirée ?
— Quoi ? Entre ta sœur et moi ? Comme si... Attends, ne me dis pas que t'es jaloux ? T'imagines sérieusement qu'il pourrait se passer un truc entre cette Lilliputienne et moi ?
— Élisabeth est... particulière.
— Merci tu prêches un converti là je te rappelle !
— Tu ne sais pas ce qui pourrait arriver.
— Dans ce cas, viens avec moi.
— Quoi ?
— Viens avec moi ! Si t'as si peu confiance en moi, viens. Ainsi je surveille ta sœur et toi, tu me surveilles.
— Ah parce que tu crois que je n'ai que ça à faire de ma soirée ? Surveiller ton petit cul ?
— T'as mieux à faire peut-être ?
— Non.
— Bon bah alors. Fais pas chier et ramène tes fesses. Et puis, on pourrait se faufiler dans des endroits interdits et faire des bêtises. »
Son air grave et sévère à la « Nick » disparaît pour faire place à un visage plus adouci, amusé. Souriant. Je savais que ce genre d'allusion allait lui plaire ! C'est tellement facile.
« Eh bien, eh bien... Qu'entends-je de ta part Tobias ?
— Ne fais pas l'innocent, tu sais pertinemment que tu as créé un monstre. »
Et honnêtement, ce n'est pas pour me déplaire.