XXIV. Être un livre ouvert

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L'espace d'un court instant, je me suis senti dans les chaussures de Nick. Comme si nos rôles avaient été échangés et, étrangement, prendre la place de quelqu'un ne serait-ce que le temps de cinq minutes, ça fait un bien fou. Je les ai scotchés et j'en étais fier, mais je savais pertinemment que je n'allais pas m'en sortir comme ça une fois que Lucius serait parti.

Dommage qu'il ne reste pas pour le dîner, j'aurai fait durer le plaisir.

Attendant tranquillement dans la chambre, livre à la main, j'entends déjà les pas pressés de Nick dans le couloir. Dans quelques secondes, il va franchir cette porte, furieux, va me fusiller du regard et va me demander si j'ai un problème.

Trois... Deux... Un...

« Non, mais c'est quoi ton problème Tobias ? »

Voilà. J'avais raison. Finalement, je commence petit à petit à m'habituer à lui et d'ici peu, je pourrais dire que je le connais comme ma poche. C'est facile.

« Je ne vois pas de quoi tu parles. »

Si. Je vois parfaitement de quoi tu parles.

« Et ce sourire idiot sur ton visage ne voit pas de quoi je parle peut-être ? Qu'est-ce qui t'as pris de parler de ça à Lucius ? On peut savoir ? C'était quoi ce petit numéro que tu nous as joué à là ?

— Ah parce que pour toi c'était un "numéro" ? »

Ce n'est pas totalement faux, je m'essayais à un nouveau moi. Celui qui n'a pas peur, pas froid aux yeux et celui qui tient tête à Nick.

Je commence à aimer ce « numéro » là.

« Tu vas pas me faire croire que du jour au lendemain tu t'es enlevé le balai que t'avais dans le cul quand même ? »

J'ai peut-être enlevé la serpillère, mais je dois toujours avoir le manche là, quelque part.

« Je peux savoir pourquoi ça te contrarie autant déjà ?

— Parce que ! Je ne tiens pas à ce que tout le monde soit au courant de ma vie privée !

— Pourquoi ? T'as honte ? Honte de moi ? »

Je l'entends soupirer comme si tout l'air qu'il expirait été une grosse boule de colère qu'il n'arrivait pas à sortir sauf en soufflant. Même un taureau souffle moins des narines.

« Ce n'est pas ça... »

Il se laisse tomber sur le fauteuil en face du mien comme si, enfin, il relâchait la pression. Tu vois, ça ne sert à rien de faire la cocotte minute mon ami.

« C'est juste que... tu m'as pris au dépourvu et je ne m'attendais pas à ça. Je ne suis pas... pas très friand des surprises, tu vois ? J'ai toujours tout contrôlé dans ma vie. Absolument tout. »

Refermant le livre que j'avais par prétexte, pour me donner un genre intelligent que je n'avais pas, je me lève du fauteuil et vais m'asseoir à califourchon sur lui, passant mes doigts à travers sa chemise, commençant à la déboutonner délicatement.

« Sauf que tu ne pourras jamais ô grand jamais me contrôler, Nick. Va falloir te faire une idée.

— C'est tellement frustrant ! Parfois, j'aimerais que tu sois ce bon petit soldat qui obéit aux ordres. Que tu rentres dans le moule et puis il y a des jours où j'adore totalement ce Tobias-là. Celui qui vient, qui n'en fait qu'à sa tête et qui repart. Celui qui joue avec moi. Celui qui m'oblige à lui courir après. Celui qui me laisse comme un con dans mes draps. Plus on passe de temps ensemble et moins j'ai l'impression de te connaître finalement. Je m'étais complètement gouré. J'en apprends encore à ton sujet.

— Et encore... Tu apprends que ce que je ne veux bien t'apprendre.

— Tu vas me dire que tu en as encore en réserve ?

— Oh, mais tu n'imagines même pas ! »

C'est fou. Il y a encore quelques jours, j'ignorais que j'étais capable de tout ça. Que j'étais comme ça. C'était comme si, être à proximité de Nick, m'a en quelque sorte permis de me révéler à moi-même. Comme une renaissance.

« Même si ta proposition est alléchante, tu as du travail.

— Ah ouais ?

— Ce soir. »

Merde. Je voulais profiter un peu.

« Ce soir, hein ?

— C'est dans un bar, pas dans un hôtel.

— Tu viendras me fliquer là aussi ?

— J'ai confiance, ça devrait aller cette fois. Tiens au fait ! C'est pour toi. »

Il farfouille dans la poche de son pantalon et en sort une minuscule à clapet. Ça existe encore ces antiquités ?

« Quoi ?

— Y'a même pas le Bluetooth là-dessus.

— T'es tellement simplet que j'ai jugé qu'un téléphone ne servant QU'A téléphoner, te suffirait amplement.

— Moi qui voulais prendre des selfies sous la douche.

— Et tu les enverrais à qui ?

— Mes sextos ? Voyons voir... Je peux sûrement trouver.

— Tu sais que ce que tu essayes de faire n'a aucun effet là ?

— Ouais, je sais. Mais bon, merci pour le téléphone.

— Allez, va te préparer. On te conduira là-bas dans une heure.

— C'est qui la cliente ?

— Une jeune étudiante. Tu pourrais t'en faire une pote !

— Ahaha ! Va savoir ! Je n'ai jamais été très proche de la gent féminine. »

Ou plutôt, je n'ai pas eu l'occasion d'en fréquenter. Je restais souvent dans mon coin et Rachel est vraiment la première fille que je fréquente régulièrement. Mais nos rapports se résument à de brèves banalités. Rien de plus.

« Et toi ? Tu vas faire quoi du coup pendant que je travaille ?

— Je n'en sais rien encore, mais je trouverais ! »

Se penchant légèrement en avant vers moi, il me chuchote alors tout bas

« Je pourrais préparer de quoi nous occuper »

À quelle heure je termine déjà ?

The Other Side (BxB) - Tome 1Where stories live. Discover now