Deux choix s'offraient à moi : me lever ou mourir étrangler par le bras de Nick qui semblait me prendre pour sa peluche favorite à me serrer trop fort.
Étant trop jeune pour mourir, j'ai choisi la première. De toute façon, j'ai une horrible envie de pisser.
Rien que le fait de me redresser, les douleurs parcourant chaque parcelle de ma peau me rappellent la soirée que j'ai passée. J'ai été roué de coups puis ensuite s'en est venue une autre forme de douleur. Une douleur plaisante, nécessaire, néanmoins je ne cesse de me demander s'il viendra un jour où je serais habitué à ça. Je ne sais pas si c'est mon corps qui est trop faible ou si c'est Nick qui donne trop du sien à chaque fois.
Sans doute la seconde option. Ce garçon est un animal. Un véritable animal. Le genre sauvage, qui, une fois lancé, ne s'arrête que s'il est satisfait et s'en contre-fou de vous.
Je lui avais pourtant dit que j'étais blessé. Je lui avais demandé de faire attention.
De prendre soin de moi.
Je me dis que j'aimerais lui faire mal comme il me fait mal, histoire qu'il sache ce que ça fait. Qu'il le ressente au plus profond de lui-même.
En allant vers la salle de bain, j'aperçois rapidement mon reflet dans le miroir devant le lavabo.
Regardez-moi ça...
Je me demande où j'ai le plus mal là ce matin : aux fesses ou ailleurs.
J'aperçois également en levant le regard, Nick, que le drap ne couvre pratiquement qu'à moitié. Il dort comme un loire, allongé de tout son long. Il ne s'est sans doute pas rendu compte que je n'étais plus là.
Un sourire m'échappe quand je l'entends grogner et je ne peux m'empêcher de le laisser tâter l'oreiller, en vain.
Après la vidange du matin, la douche s'impose et à peine suis-je retourné dans la chambre que je le vois redresser, appuyé contre les oreillers.
« Je croyais qu'on devait faire la grâce matinée.
— Toi, tu fais ce que tu veux, moi je vais sortir.
— Tu ne devrais pas te reposer ? »
Je le regarde, interloqué. Il a vraiment le culot de me dire ça ?
« J'étais censé me reposer hier soir. Tu sais, me coucher tôt tout ça, tout ça, mais un certain gars en a décidé autrement !
— Y'a vraiment des gens qui ne savent pas se retenir, je te jure !
— Nick, sérieusement ?
— Allez, c'était super hier soir, et tu le sais ?
— Tu m'as limite achevé...
— Je t'entraîne nuance !
— Tu m'entraînes pour quoi au juste ? Le marathon du sexe ?
— Va savoir... Si ça existait, je nous inscrirais de suite !
— T'es vraiment qu'un animal.
— Bête de sexe, ça me va. Oh d'ailleurs ! Ça me fait penser à un truc. »
Je ne sais pas si je dois avoir peur, m'inquiéter ou quoi que ce soit d'autre. Quand Nick saute du lit de bon matin, ce n'est jamais bon signe. Ça annonce toujours quelque chose.
« Attends, attends, tu vas sortir de la chambre cul nu ?
— Bah euh... Ouais ? Je suis chez moi quand même.
— Et Rachel ?
— C'est bon elle a déjà vu mes fesses un nombre incalculable de fois ! »
Je ne sais pas comment interpréter cette phrase.
« Je te rassure, pas dans ce contexte-là... enfin... Peut-être une ou deux fois.
— Quoi ?
— Hé, tout le monde fait des erreurs de jeunesse.
— Tu t'es envoyé en l'air avec ta secrétaire ?!
— C'était...
— Tu ne sais vraiment pas te retenir. Nymphomane ! »
Il sort en riant à gorge déployée.
Mais d'un certain côté, je ne peux pas me permettre de faire le gars jaloux. Je veux dire... Rachel est Rachel. Il l'a connue bien avant moi et le fait qu'il ne se soit strictement rien passé entre ces deux-là, m'a toujours étonné.
Nick revient cinq minutes plus tard et me tend une enveloppe.
« Qu'est-ce que c'est ?
— Ton prochain boulot.
— Je croyais que j'étais hors-ligne tant que je ressemble à... ça.
— C'est à la fin du mois, d'ici là, tu n'auras sans doute plus rien ou presque. Vas-y ouvre. »
On dirait un gamin excité.
Je déchire l'enveloppe et attrape un carton noir écrit en lettre d'or.
C'est chic.
« Vous êtes cordialement invité à la soirée de Madame Nigsa... Madame Nigsa ?
— Une nouvelle cliente.
— Oh...
— Quoi tu n'es pas excité ?
— C'est rare que tu prennes de nouveaux clients. Elle a quoi de particulier cette dame exactement ?
— Elle fait dans la politique. Elle a longtemps été dans le parti adverse à mon paternel.
— Et ça ne te gêne pas d'aller à une soirée d'une ennemie de ton père ?
— Moi je n'y vais pas, c'est toi qui y vas.
— Oui comme ton représentant.
— Justement ! Je compte sur toi. Plus elle sera satisfaite de ta présence, mieux ça sera ! On pourrait se rapprocher du parti.
— Si c'est juste une soirée alors. Je devrais pouvoir... »
Il faut dire que je ne me suis pas absolument habitué à ce travail d'escorte-boy encore. À part cette fameuse soirée à l'hôtel, accompagné Nick chez ses parents et puis cette histoire complètement dingue avec sa sœur Élisabeth.
Mon dieu. Élisabeth.
« Nick, il faut que je t'avoue quelque chose.
— Quoi ?
— Je viens de m'en souvenir, mais...
— Mais quoi ? Accouche bordel, tu me fais peur !
— J'ai signé un contrat avec Élisabeth. »
À cet instant, j'ai vu sa main venue couvrir entièrement son visage, comme s'il essayait de se l'arracher avant de me foudroyer du regard.
« Dis-moi Tobias, tu es stupide ou tu le fais exprès ? »
Ce n'est pas comme si je m'attendais à ce qu'il me félicite ni quoi que ce soit, mais j'avoue que j'ai été con. Très con. Je m'étais déjà fait avoir avec lui d'ailleurs, mais quand Élisabeth a mentionné Nick, j'ai perdu toute notion de réflexion et j'ai signé, directement, sans me poser de questions.
J'ai flippé.
« Écoute, je vais trouver un moyen d'annuler ton contrat. T'occupe pas de ça.
— Comment tu vas faire ?
— T'occupes, j'ai dit. J'irais voir Élisabeth.
— Je veux venir ! Ça me concerne.
— Non, toi tu restes là. Rachel sera là si tu as besoin de quelque chose. »
Il sort de la chambre en claquant la porte et me laisse seul. Derrière.
Si tu crois que ça va se passer comme ça mon coco, tu te fous le doigt dans l'œil et bien profondément !
Tandis que Nick repartit dans sa chambre pour se préparer, j'ai profité de ce laps de temps pour aller voir Rachel dans son bureau.
« Je peux faire quelque chose pour vous ?
— Vous savez faire une filature Rachel ? »
Elle pose son stylo et me regarde avec un léger sourire.
« Est-ce que votre demande à un rapport avec la visite du jeune maître à la demeure principale ?
— Et si je dis "oui" ?
— Dans ce cas, prenez vos affaires. Je vous y conduis avec grand plaisir ! »
S'il croit pouvoir se mêler de ça en me laissant derrière, hors de question.
Je viens !