Tu sais, je crois que si l'on ne s'était pas détesté d'entrée de jeu, toi et moi, on aurait pu être presque amis. Pas totalement, parce que y'a toujours eu un truc chez toi qui me faisait flipper et je ne saurais dire quoi. T'as cette façon particulière de regarder les autres, d'imposer ta présence sans que celle-ci ne devienne agaçante. T'as ce truc qui fait que tout le monde veut s'accrocher à toi comme si notre vie en dépendait.
Et je crois que c'est de ça que j'ai peur en fait.
De réaliser que ma vie dépend de toi. Que tu l'as là, entre tes mains. Que tu pourrais tout foutre en l'air d'un claquement de doigts, parce que ça te serait facile de le faire.
De me détruire.
« Lève les bras en l'air.
— Tu sais que je peux le faire tout seul ?
— Allez, fais pas chier, lève les bras.
— Je peux me déshabiller tout seul. Sors de là maintenant. »
Depuis que nous sommes rentrés, Nick s'est imposé dans mon espace privé, jusqu'à me coller complètement. Il me regarde comme un enfant dévisage un paquet cadeau sous le sapin de Noël. Avec plein d'envie, de curiosité et d'ardeur. Il me voit comme ça, un cadeau prêt à être déballé.
« Tu peux sortir de la salle de bain que je puisse me doucher ?
— T'es pas la première paire de fesses que je verrais, tu sais ça ?
— Je m'en fous, sors. Dégage.
— Ce que tu peux être prude. »
Je crois que je commence petit à petit à me faire à lui. Cela ne fait que quelques heures que je vis sous son toit, et je commence à l'apprivoiser ou du moins, c'est lui qui m'apprivoise, je ne saurais le dire. Tout ce que je sais, c'est qu'à chaque fois que nous sommes tous les deux dans la même pièce, il y a cette incroyable tension sexuelle et elle ne fait que croître.
Nick est connu pour ça. Pour être ce qu'il est. Pour faire ce qu'il veut des gens et jusqu'à présent, je me suis toujours interdit de me laisser emporter par le courant. Je ne voulais pas entrer dans son « harem » personnel même si j'avais déjà un pied dedans. Je ne voulais pas faire partie de sa « collection privée » comme tous les autres qui sont passés avant moi.
Comme Nathan.
On dit qu'ils se sont envoyés en l'air tous les deux. On dit que Nick a déconné et que Nathan a disparu depuis.
Nick m'assure qu'il travaille pour lui, mais je ne saurais dire s'il me ment volontairement ou s'il cache quelque chose. Le connaissant, je pencherais pour la seconde option.
Nick est un menteur. Un cachotier. Un manipulateur. Il a ce don de faire ce qu'il veut des gens qui l'entourent, le tout avec une facilité déconcertante. C'est ce que je déteste le plus chez lui.
Plus on essaye de lui échapper, plus on est sous son emprise. Je l'ai réalisé aujourd'hui en tentant de me faire la belle de chez lui.
Au final, je suis revenu la queue entre les jambes. Incapable de déguerpir d'ici. J'aurais pu avoir une autre vie. J'aurais pu me tourner vers quelqu'un d'autre, mais j'ai choisi Nick.
Parce que je savais qu'il avait ce dont j'avais le plus besoin à ce moment précis de ma vie.
« Sexy ! »
Je le vois assis, jambes croisées, dans un fauteuil de la chambre tandis que son regard se perd sur mon corps encore mouillé.
C'est malsain. Tout son être transpire la luxure.
N'y prête pas attention, n'y prête pas attention, n'y prête pas attention.
« Donc, tu peux m'en dire plus sur cette soirée et mon échec cuisant ?
— Toutes les premières fois sont généralement des échecs. Tu n'es pas une exception tout compte fait. Je voulais juste que cette soirée te serve de "modèle". Que tu comprennes les bases de ton rôle.
— En gros, la mère de Carl était mon cobaye ?
— On peut dire ça. J'aurais pu te choisir une autre cliente comme première fois, mais tu as été très clair quant au fait que tu ne voulais pas aller plus loin. Tu sais, un jour, tu seras amené à franchir le pas.
— Je me respecte assez pour ne pas faire ça.
— Même si tu gagnerais plus ?
— Je m'en fous de gagner plus. L'argent ne fait pas partie de mes valeurs ni de mes principes.
— Quel enfant bien éduqué !
— Et tu vas encore me mater longtemps ?
— J'admire juste la vue. Le costume, ça vous fait un homme, mais la serviette et le torse perlant, ça fait son petit effet aussi.
— Tu me fatigues... Va dormir. T'es un homme occupé non ?
— Oh, mais je prévois d'occuper ma soirée d'une autre façon. »
Il se lève du fauteuil et me rejoint près de l'armoire tandis que j'attrape le premier pantalon que je trouve avant de me précipiter dans la salle de bain.
« Tobias reviens ! »
Nick attrape ma serviette au même moment et éclate de rire tandis que je ferme la porte à clé derrière moi.
« J'ai vu tes fesses !
— Pervers ! »
Ce type me désespère. Je ne sais pas quoi faire ni quoi dire pour m'en débarrasser. Pour lui faire comprendre que son charme ne prend pas sur moi.
« Tobias... Tu ne pourras pas rester enfermé dedans toute la nuit.
— Chiche ! Tu me connais mal. Il est hors de question que je te laisse t'approcher de moi après ce soir. Tu m'as volé un baiser, c'est déjà trop.
— Ne me dis pas... C'était ton premier ?
— Je... je... Non !
— Ahahaha ! C'est trop mignon ! Promis, je serais sage, reviens ! En plus, j'ai faim, on va aller manger !
— J'ai déjà mangé ! Va voir Rachel.
— Elle ne mange pas avec moi. Allez Tobias, promis je me comporterais bien. »
Tout mon corps me hurlait de ne pas ouvrir la porte et pourtant, je le fis quand même pour une raison totalement obscure.
D'ailleurs, à peine avais-je déverrouillé cette dernière que Nick se précipita dans la salle de bain, glissant sur le tapis et se vautrant par terre.
« AHAHAHA !!! Bien fait pour toi !!! Ça t'apprendra ! »
C'est la première fois depuis longtemps que je me surprends à rire de la sorte. Un rire honnête. Non forcé. C'est la première fois depuis une éternité que je ris.
« Bon, tu peux rester par terre si ça te chante, moi, je vais me coucher, je suis crevé. »
Sauf que Nick ne répond pas. Ne réagit pas. Ne bouge pas.
Et s'il s'était cogné la tête en glissant ? S'il s'était assommé ?
« Hé... Nick... T'es vivant ? »
Une partie de moi sait pertinemment que c'est un autre de ses tours. Une grossière manigance et pourtant... Je m'approche.
« Je t'ai eu ! »
Sa main vient saisir mon col et il m'entraîne par terre, en profitant pour s'asseoir sur moi, plaquant mes bras plus haut.
« J'aurais dû te laisser crever...
— C'est ce qui te perdra mon pauvre Tobias. Ton côté trop gentil. Trop bienveillant. »
De sa main libre, il en profite pour faufiler ses doigts sous mon tee-shirt tout en posant son front contre le mien. Ses yeux brillent. Ils sont noirs et pourtant ils brillent.
« Je t'ai dit tout à l'heure que j'avais faim... Je ne parlais pas de nourriture.
— Je vais te dire un secret Nick. Tu veux l'entendre ?
— Vas-y... Épate-moi. »
Donnant de l'élan à ma tête, je m'apprête à lui donner un coup de boule quand sa main vient se plaquer contre mon front, me bloquant dans mon geste.
« Je connais tes petits tours. Ça ne prendra pas deux fois avec moi, mais bien essayé. »
Merde. Je pensais l'avoir.
« Bon, bon, bon... Où en étions-nous déjà ? Ah oui... Le plat de résistance.
— Je te jure que si tu profites du fait que...
— Chute... »
Il retourne mon tee-shirt sur mon visage de sorte que je ne vois rien à ce qu'il peut me faire tandis que je continue de sentir ses doigts, froids, se balader sur mon torse. La paume de sa main s'arrête à hauteur de mon cœur et je l'entends pouffer de rire.
« Ton cœur s'emballe... C'est mignon.
— Nick... Ne déconne pas ! Arrête ce que tu fais tout de suite.
— Pourquoi ? Tu ne m'opposes aucune résistance. Tu n'as pas peut-être pas remarqué Tobias, mais inconsciemment, tout ton corps s'est fait à l'idée de passer à la casserole ce soir. Sinon, ça ferait longtemps que tu aurais trouvé un moyen de m'échapper. Mais non. Tu es là, par terre, sur le carrelage froid, complètement à ma merci.
— Nick...
— Mon pauvre Tobias. Tu n'as pas idée de ce qui t'attend. »
Je le déteste. Je l'ai toujours détesté pour ça. Pour cette façon qu'il avait de contrôler les gens.
Je suis littéralement incapable de bouger et je ne sais pas si c'est une quelconque peur qui me paralyse ou bien cette sensation qui me parcourt tout le corps.
C'est le bien qui fait mal. Je le sens.
« Je t'ai dit que l'on continuerait ce que l'on a commencé dans les toilettes. Ce soir, tu ne dormiras pas de la nuit. »
C'est étrange, mais Nick est devenu un mal nécessaire.
Avec lui, j'oubliais.
Dans lui, je me noyais.
Pour lui, je balayais tous mes principes.
Jamais je ne me serais autorisé à m'abandonner à un homme, mais Nick est différent.
Il est le feu qui vous dévore de l'intérieur.
Il est la glace qui vous fige dès son toucher.
Il est le moteur qui fait battre mon cœur.