« Déshabille-toi. »
On aurait dit une réplique piquée d'un vieux porno ou de je ne sais quel film à l'eau de rose et c'est certainement pour ça qu'au début, j'ai esquissé un léger sourire sans le prendre au sérieux. Son jeu d'acteur est à chier.
« Je suis sérieux Tobias ! En calbut' allez ! »
Tu veux pas un Big Mac et une grande frite aussi tant qu'on y est ?
« Je te l'ai déjà dit, c'est pas mon truc.
— C'est pour prendre tes mensurations pour le costume. Tu crois vraiment que tu vas bosser en jean troué et basket ?
— Pourquoi pas ? T'as dit que mon rôle se restreint à tenir compagnie. J'ai pas besoin d'être sur mon 31 non plus !
— Tu ne vas pas faire escorte au McDo débile mental ! »
J'aurai bien aimé. Je me serais commandé un truc pendant que gagne-pain joue dans les toboggans.
« On a rendez-vous dans un hôtel assez chic... Enfin... TU as rendez-vous.
— Quoi ? Tu ne m'accompagnes pas ?
— Bichette ! Tu as peur ? Tu veux que papa te tienne la main ?
— Va mourir. »
Lui ça le fait rire, moi un peu moins.
Je ne comprends pas ce qu'il a de plaisant dans ce genre de situation, en fait je ne comprends rien à son monde à dire vrai. J'ai débarqué il y a vingt-quatre heures et c'est comme si je venais de mettre le pied sur une autre planète. Je pensais pas que ça allait être comme ça.
« OK, je me déshabille, mais toi tu sors. Rachel va le faire.
— Si tu veux. S'il n'y a que ça pour te rassurer. Tu as peur qu'il t'arrive quelque chose ?
— Je commence à te connaître Nick. Tu profiterais de la moindre petite occasion. »
Et c'est en se rapprochant de moi qu'il me glisse tout bas.
« Tu n'as même pas idée. »
En sortant du bureau, il échange sa place pour me laisser seul avec Rachel. Bien que ce ne fut pas une partie de plaisir de me retrouver en caleçon devant elle, c'était moins gênant que ça ne l'aurait été si j'avais eu Nick me rôdant autour avec un mètre de couturier.
Et puis avec elle, ce fut rapide.
« C'est bon ! J'ai tout ce qu'il me faut. Vous pouvez remettre vos habits.
— Merci.
— Pourquoi ?
— Je n'en sais rien... Je vous trouve plus compréhensive que Nick.
— Disons qu'il a sa propre façon de faire. Dois-je l'appeler et dire que nous en avons terminé ? »
Non.
« Faites ce que vous voulez. »
Je me suis rassis dans le fauteuil pour refaire mes lacets quand Nick réapparut tout satisfait.
« Si je ne vous connaissais pas tous les deux, je dirais que vous avez fait des bêtises.
— Sois pas con. Je suis étonné qu'elle te soit aussi fidèle. Toujours à prendre ta défense. Elle fait partie des causes perdues que tu as sauvées, c'est ça ?
— Rachel ? »
Il soupire pour laisser place un à long sourire nostalgique. Presque triste.
« Disons que je fus sa cause perdue. »
Voyant le malaise que cela avait installé dans la pièce, Nick s'empresse, en bon chat qu'il est, de retomber sur ses pattes et de faire une nouvelle vanne.
« Et si on sortait boire un verre ?
— T'es sérieux ?
— Bah oui. Eh ça va, je suis pas ton geôlier non plus !
— Ça m'étonne que t'en prennes conscience. OK, on sort, mais c'est toi qui payes.
— De toute façon, t'as pas un rond. »
Justement pour ça.
En fait, il y a des moments où ce mec me fait carrément flipper à m'en foutre les jetons et d'autres moments, aussi rares et brefs soient-ils, où j'arrive presque à apprécier d'être avec lui. Je veux dire, Nick n'est pas un monstre. Il semble avoir une part d'ombre, mais il est loin de l'image qu'on lui collait à l'école.
D'une manière que j'ignore, il est juste bizarre à sa façon. Il cache des choses, c'est évident, mais si c'était un vilain garçon pourquoi il se donnerait autant de mal pour moi ?
« Tu sais, pour quelqu'un qui s'est lamentablement écrasé par terre, je trouve que tu t'en sors pas trop mal.
— Pour quelqu'un qui pourrait être le fils du diable, t'es pas si méchant que ça en fait.
— Le fils du diable ?
— Ta réputation de merde.
— Ah oui. Celle-là. Bah écoute, je fais de mon mieux. Ou alors je cache vraiment bien mon jeu. Va savoir.
— Je me demande juste pourquoi tu te fais chier à aider les gens.
— Je ne les aide pas, je me sers d'eux. Tout comme je me sers de toi. »
C'est l'inverse mon coco. T'es juste mon tremplin vers autre chose. Une fois que cette satanée soirée sera passée, je me tirerais loin et je recommencerais ma vie.
« Dis-moi Nick, tout à fait entre nous, tu crois vraiment que cette fois, tu gagneras ?
— Je gagne à tous les coups. Tu ne l'as juste pas réalisé encore.
— Et si j'étais différent ? Différent de ces autres avant moi ?
— Si tu l'étais, tu ne serais pas venu me trouver. Tu as perdu Tobias.
— C'est ce que tu crois ?
— J'en suis même convaincu et tu veux savoir comment je le sais ?
— Dis-moi. Je suis curieux.
— T'as signé le contrat. »
Le contrat ? Ce bout de papier ?
« Dis-moi Tobias, avant même de le signer, tu as pris le temps d'en lire le contenu ? »
Est-ce je viens de me faire baiser ?
Totalement.