Iseult venait de déjeuner en compagnie du seigneur et du prince Lucas.
Elle décida de se promener pendant toute la journée. Alors qu'elle ouvrait la grille du château, un serviteur à cheval l'aborda :
- Etes-vous la princesse Iseult de Castille qui séjournez à Aragon ?
- Oui, c'est moi, répondit la jeune fille en s'approchant.
Le serviteur sortit de son sac une lettre qu'il remit à Iseult puis il s'éloigna après avoir salué.
Iseult le remercia puis regarda la lettre. Le timbre était d'Europe puis elle reconnut l'adresse derrière et l'écriture. C'était son oncle !
En hâte, elle décacheta l'enveloppe et parcourut les quelques lignes.
Ma très chère nièce,
Nous voici à Paris
J'ai fait envoyer cette lettre rapidement par un serviteur pour que tu saches que nous somme bien arrivés.
Nous logeons dans un grand hôtel sur une place magnifique. Nous avons trois superbes chambres et la ville et les jardins sont magnifiques.
Mais je n'ai pas encore eu le temps de visiter les environs. Je laisse plus souvent Adriana avec Rafael, et nous nous retrouvons le soir tous ensemble.
J'espère que tu vas bien.
Avec soin, ton oncle.
Iseult fut heureuse de savoir que tout se passait bien là-bas. Elle pensait à son oncle, à sa cousine et ils lui manquaient.
Elle rangea la lettre dans une poche de sa veste et reprit sa route.
C'était la première fois qu'elle s'aventurait dans un endroit qu'elle ne connaissait pas.
Au royaume de Castille, elle avait fait le chemin de si nombreuses fois qu'elle connaissait les environs par cœur mais ici c'était différent. La jeune fille fut néanmoins heureuse de découvrir les forêts et les prairies différemment.
A la lisière du bois, elle aperçut une maisonnette en bois construite près des grands hêtres et entourée de tous les côtés par des arbres et des sapins. On distinguait surtout le devant de la maison.
Iseult venait de parcourir déjà quelques kilomètres à cheval et elle ne savait pas trop où elle était. Mais instinctivement elle voulut savoir qui y habitait.
Elle descendit de cheval, l'attacha à une branche basse tout près sur un arbre puis prudemment elle s'avança vers la maison. C'était une bâtisse en bois, sûrement très ancienne ; quelques planches étaient délabrées. Il y avait une fenêtre devant, et plusieurs autres de l'autre côté. La maison semblait vide mais elle était quand même assez spacieuse.
Iseult frappa à la porte hésitante en demandant :
- Y a-t-il quelqu'un ?
Une voix douce et enjouée lui répondit :
- Oui, entrez !
Iseult avait le cœur qui battait. Elle tourna la poignée, poussa la porte et là elle aperçut une vielle dame assise dans un fauteuil en rotin près de la fenêtre en train de coudre.
Elle portait une robe assez sombre, son visage était inoffensif et même plutôt apaisant. Il n'y avait aucune trace de stress ni de frustration en voyant entrer la jeune fille au contraire la vieille dame sourit :
- Vous pouvez rentrer, vous ne me dérangez pas.
Iseult s'avança et regarda aussi autour d'elle.
C'était un ravissant habitat bien propre, soigneux, rangé contrairement à ce que pensait la jeune fille en arrivant.
Il n'y avait qu'une seule pièce bien éclairée avec la lumière qui filtrait par les carreaux des fenêtres.
Et pour simple mobilier : deux chaises, une petite table, un lit dans le coin, une cuisinière, quelques étagères avec des provisions et un feu de bois.
Il y avait quelques peintures accrochées aux murs, un grand tapis recouvrait tout le sol.
Iseult commença à aimer cette si simple maisonnette.
Elle qui avait vécu toute sa vie dans un château majestueux, habituée à avoir des serviteurs à sa suite, des beaux habits... elle se dit alors que cette pauvre dame devait faire tout toute seule.
Iseult se sentit un peu honteuse et aussi privilégiée.
La vieille dame lui montra la deuxième chaise qui se trouvait près d'elle et l'invita à s'assoir.
Iseult accepta tout en disant :
- J'espère que je ne vous dérange pas.
- Pas du tout, répondit la vieille dame. Au contraire, cela fait plusieurs années que je n'ai pas eu de la visite. J'espère que ma maison te plait.
- Oh je la trouve splendide madame, répondit Iseult
- Tu peux m'appeler Mara. C'est le diminutif de mon vrai nom Mariana. Je crois que nous pourrions devenir bonnes amies.
Mariana avait parlé avec des yeux si brillants et un sourire si radieux que tout de suite Iseult aima la vieille dame.
- Je n'en doute pas répondit-elle. Mon nom à moi est Iseult.
- Iseult ? répéta la vieille dame.
Elle avait pris un visage étonné et semblait réfléchir pour elle-même :
- Iseult... Iseult... cela me dit quelque...
Puis elle se ressaisit, regarda Iseult, lui sourit en disant :
- C'est un très joli nom ! Je l'aime beaucoup.
Puis rapidement, les deux nouvelles amies firent connaissance. Iseult fut heureuse d'avoir une véritable amie à qui confier tout ce qu'elle avait sur le cœur.
Elle lui parla de son oncle, de sa cousine Adriana qui semblait plus distante et froide sortant continuellement de la maison avec ce Rafael.
Puis elle mentionna le départ de son oncle la veille et de son séjour en Aragon. Et comme à une amie elle lui avoua aussi son étrange sentiment vis-à-vis de Lucas et sa gentillesse avec celle de son père pour l'accueillir avec tant de soin au château.
Mariana écoutait avec attention puis après le long récit d'Iseult elle lui donna quelques conseils, ses avis et la réconforta dans ses situations.
- Vous vivez ici depuis longtemps ? questionna Iseult.
- Oui, depuis des années. Mais ce coin doit rester secret. Tu es la seule à être allée si loin dans la forêt et à m'avoir rencontré. Tu pourras venir autant de fois que tu veux et quand tu veux. Je serai toujours là.
- Merci beaucoup Mara.
Soudain, la petite horloge posée sur la cheminée sonna douze coups. Iseult sursauta :
- Déjà ? s'écria-t-elle. On va s'inquiéter au château si je ne rentre pas.
Iseult se leva et embrassa la vieille dame qui lui sourit :
- Vas-y mon enfant, je ne te retarde pas, mais n'oublie pas de revenir me voir et tu me raconteras tout.
- Encore merci, Mara.
Et Iseult se leva et sortit de la maison. Elle enfourcha son cheval et après avoir salué Mara par la fenêtre, elle talonna sa monture qui partit au galop.
Elle ne savait pas trop où était le château maintenant mais son cheval semblait savoir.
Iseult lui fit confiance et arriva finalement sans encombre. Elle se dit qu'elle devait être en retard pour le déjeuner alors sans plus attendre, elle laissa les rênes de son cheval à un domestique, courut se changer et descendit à la grande salle à manger.
Elle soupira en voyant que le seigneur et le prince Lucas venaient juste d'arriver et de s'installer. Elle prit place avec eux puis le seigneur engagea la conversation :
- Avez-vous fait bonne promenade aujourd'hui Iseult ?
- Oh oui, très bonne. Vous avez de belles terres et les forêts sont magnifiques.
Iseult ne devait pas mentionner sa visite avec Mara mais heureusement le seigneur ne posa pas d'autres questions.
Iseult passa le reste de la journée en compagnie du seigneur et de Lucas.
Ils lui montrèrent les salles de bals qu'Iseult n'avait pas encore vues puis la pièce réservée aux tableaux des ancêtres et les couronnes royales protégées dans une grande vitrine.
Seul le seigneur d'Aragon gardait secrètement cette salle et il ne la montrait pas à n'importe qui.
Iseult se sentit privilégiée de voir ces merveilles ; le seigneur savait qu'il pouvait lui faire confiance.
Le seigneur en passant devant la grande vitrine, s'arrêta devant l'une des couronnes.
Elle était très belle entourée de velours rouge et possédant plusieurs diamants dont un gros placé au sommet.
- Celle-ci, expliqua le seigneur, c'est la couronne royale que devra porter la future princesse d'Aragon après son mariage lors de son couronnement. Elle est l'une des plus belles et des plus importantes pour le pays.
Iseult contempla longuement le beau joyau et se mit à penser de l'avoir un jour...
Les jours passèrent et Iseult se sentait de mieux en mieux. Cela faisait déjà une semaine qu'elle était en Aragon et elle trouvait ce royaume tellement merveilleux.
Seulement en voyant le jeune Lucas, elle se sentait différente, moins à l'aise, moins sure d'elle.
Dès qu'elle était à table par exemple, elle tournait des fois la tête et surprenait le regard du prince posé sur elle si fixement et cela ne la mettait pas en confiance.
Mais la jeune fille était contente de pouvoir raconter tout cela à sa meilleure amie Mara.
La vieille dame la comprenait et cela rassurait Iseult qui, à chaque fois qu'elle allait à la maison de la forêt, en ressortait l'âme régénérée, de nouveau vivifiée et encouragée.
La principale occupation de la jeune fille consistait maintenant à se rendre à la maison de la forêt comme elle l'appelait et elle y trouvait du confort et parfois même de la consolation.
Lorsqu'elle pensait à son oncle, son cœur se remplissait de tristesse et bien qu'elle soit si bien en Aragon, elle regrettait d'être si loin de sa famille.
Mara devint sa confidente. Iseult pouvait tout lui dire sans rien craindre. Tout lui dire, même les choses les plus secrètes qu'elle n'aurait jamais dévoilé à son oncle ou à sa cousine.
Mara était seulement différente. Elle avait déjà vécu toute une période de vie, qu'Iseult s'était dit qu'elle devait avoir traversé des difficultés et avoir beaucoup plus d'expérience qu'elle qui était encore si jeune.
Un jour, Iseult apprit que le seigneur d'Aragon voulait fêter l'arrivée de la jeune fille au château.
Il avait organisé un grand bal en l'honneur d'Iseult et rassemblerait quelques nobles de la cour.
Pas de tournois, pas d'attractions, juste une soirée simple qui plairait à Iseult où tout le monde danserait.
Lorsque la jeune fille apprit cette nouvelle, elle fut enchantée.
Elle aimait tant les bals en musique avec juste quelques personnes.
Le bal était prévu dans deux jours et Iseult put parler de cet évènement avec Mara lorsqu'elle se rendit chez elle.
- J'ai vraiment hâte d'y être, dit-elle rêveuse.
- Que vas-tu te mettre ? demanda Mara intéressée.
Iseult avait déjà réfléchi à cette question.
- J'ai emporté ma robe de bal préférée : elle est vert émeraude, brodée avec des perles grises et des fils d'argent. Elle est magnifique. Je porterai mes chaussures de verre qui vont avec. Et puis je crois que je mettrai mon collier pendentif bleu.
- Un collier pendentif ? demanda Mara. Comment est-il ?
Iseult décrivit cette merveille le mieux qu'elle put :
- C'est un pendentif très brillant au soleil avec un saphir donnant des reflets argentés entouré d'un anneau miroitant. Il est accroché aussi à une chaîne en or. C'est ma mère qui me l'a donné. Il parait que c'est un bijou qui s'est transmis de générations en générations.
Mara sursauta surprise puis elle devint songeuse. Dans son esprit, elle revoyait clairement ce collier. Autour de son cou...Non... Oh comme c'était si loin...
- Tu pourras peut-être passer un instant ici avant le bal ? Je voudrai voir comment tu seras, dit Mara.
- Oh oui, bien sûr ! Rien ne me ferait plus plaisir. Merci encore Mara.
Une fois Iseult partie, Mara était restée silencieuse perdue dans ses pensées tellement lointaines du passé. Sa fille, son frère, sa famille... Tout se mélangeait et pourtant tout était clair à ses yeux.
Et le beau collier : Mara était certaine de l'avoir déjà vu...