" Aller Heichou ! Encore un p'tit ! Je tiens toujours debout ! Me dis pas que t'abandonnes déjà ?
- Tu... Tu perds rien pour attendre. J'vais t'rétamer ta p'tite face de cymbale à la con tu vas moins rigoler... "
Il la regarda dans les yeux, attrapant un autre shoot et attendit qu'elle en face de même. Ils comptèrent jusqu'à trois et avalèrent cul sec le petit contenant. L'alcool ne lui brûlait même plus la gorge après la vingtaine de verres qu'il s'était enfilé. Erwin allongé sur la table, sa main toujours serrée autour de son verre, grogna quelque chose et Hanji éclata de rire, sans raison apparente. Le pauvre blond, qui ne voulait pas toucher à l'alcool à la base, s'était laissé influencer par la bonne ambiance des retrouvailles et n'avait malheureusement pas tenu bien longtemps face aux deux pochtrons* qu'étaient ses meilleurs amis.
L'homme redressa la tête, cligna vaguement des yeux et laissa retomber sa tête sur la table en marmonant quelque chose d'incompréhensible. Levi tourna la tête vers lui, le contempla quelques instant et caressa doucement les cheveux blonds un peu trop long qui tombaient sur le comptoir.
" Doux... Pas assez doux... Eren plus doux, laissât- il échapper. J'préfère ceux du gamin. Plus doux que les tiens. Levi plongea le nez dans la chevelure blonde et inspira. Bizarre... Ils sentent bizarre. J'aime pas non plus. J'préfère toujours ceux d'Eren.
- Qu'est-ce que tu nous sors encore ? J'comprends rien à ce que tu baragouines Lili... Parle plus fort.
- J't'ai pas parlé binoclarde ! Je parle à moi, pas à toi.
- Tu parles incroyablement bien ce soir c'est incroyable. T'sais qu'tu peux être con parfois ? la jeune femme explosa de rire et tomba par terre.
- Voilà, tu tomberas pas plus bas ! Et bien fait pour ton cul. Comme ça lui aussi il aura besoin de lunettes !
- Ça n'as aucun sens, j'ai pas d'œil sur le cul !
- Ben pourquoi quand tu tombes sur le derrière tu fermes les yeux mais tu te vois quand même tomber ?
- Euh... Hanji se mit à réfléchir, l'index sur la lèvre. "
Ce fut au tour de Levi d'éclater de rire, d'un rire rauque et franc. Qu'est-ce qu'elle pouvait être crédule, se disait-il. Il fit signe au barman et attrapa la jeune femme par le bras la remettant sur ses pieds. Les verres glissèrent sur le bar et Levi eut un rictus de défi.
Les yeux dans les yeux, le regard un peu vitreux, ils souriaient, assez confiant en leurs compétences pour penser gagner contre l'autre. Le défi n'était pas terminé et la nuit non plus.
Les heures et les verres défilèrent de moins en moins vite au fur et à mesure que l'alcool prenait possession d'eux. Les deux amis ne tenaient presque plus sur leurs jambes et sortaient des âneries plus grosses qu'eux. Erwin dormait désormais à poings fermés et ronflait.
Aux alentours de deux heures du matin, torchés à ne plus pouvoir tenir debout correctement, chantonnant à tue-tête des chansons paillardes et Erwin sous le bras, ils furent mis à contre cœur à la porte, le bar fermant. Accompagnés par un agent de police gentiment appelé en secours par le patron, ils furent reconduits tant bien que mal jusqu'à leur hôtel. Hanji avait eu beaucoup de mal à se souvenir précisément de l'adresse et n'avait su parler correctement car ses mots étaient entrecoupées de rires intenses déclenchés par Levi qui continuait inlassablement de chanter dans les rues.
Le reste de la nuit fut un bordel monstre, Erwin s'était réveillé avec un petit mal de tête, l'alcool courant toujours ses veines et Levi et Hanji continuaient à faire les marioles. Le lendemain s'annonçait compliqué.
* * *
C'est avec un mal de tête bourdonnant et un verre d'eau sur sa table de nuit que Levi se réveilla. Quelqu'un était sous la douche, et l'eau qui ruisselait sur le sol en céramique de la douche suffisait à irradier sa tête d'une grande douleur.
Il se redressa et observa la chambre dans laquelle il se trouvait. Murs et draps blancs, télé posée sur un bureau blanc itou**. Le sol était fait d'une moquette mauve et les rideaux qui pendaient aux fenêtres étaient d'un violet foncé. Un mini bar était installé dans un coin, derrière une porte. Le lit voisin au sien était vide et défait. L'horloge en face de lui indiquait dix heure moins vingt.
Effrayé par cette heure tardive, l'homme sortit de son lit avec une vitesse modérée, englouti son verre d'eau, qui avait un arrière goût assez désagréable, et se jeta presque sur la fenêtre. Le vent frais du matin s'engouffra dans la grande chambre faisant voleter les rideaux. Levi prit une grand goulée d'air, s'étira et souffla. Il resta quelques instants à contempler le paysage de Tokyo, se massant les tempes pour faire passer le mal de tête qui persistait.
Puis, en quelques minutes les lits étaient fait et, entendant la salle d'eau se libérer, il courut jusque sous la douche. Il lâcha un bonjour quelque peu agressif en croisant Erwin simplement vêtu d'une serviette et ferma la porte de la pièce. Dix minutes plus tard, propre et habillé il entrait dans la chambre de sa meilleure amie. Sans aucune pitié, le Pianiste ouvrit les rideaux et la fenêtre puis vint poser un verre d'eau fraiche ainsi qu'un doliprane sur la table de chevet. Hanji grogna et plongea sa tête dans son oreiller.
" Bonjour chère amie, je t'ai apporté un petit cadeau pour ta caboche et ta récompense pour hier soir, je m'incline devant ta puissance. Maintenant bouge tes fesses on va être en retard. Je veux que dans moins d'une demi heure tu sois prête sinon je te jette par la fenêtre, c'est clair ?
- Tu t'inclines devant ma suprématie ? Haha je suis vraiment imbattable !
- C'est tout ce que tu as retenu espèce d'idiote ?!
- C'est bon, c'est bon je file à la douche ! On sera pas en retard ! elle avala son médicament et partit d'un pas fatigué dans la salle de bain. "
Une bonne dizaine de minutes plus tard elle était elle aussi prête. En rentrant dans sa chambre, Hanji se rendit compte que son ami, toujours aussi maniaque sur le rangement et la propreté, lui avait fait son lit alors qu'ils étaient à l'hôtel. Elle abattit sa main sur son front en soupirant d'exaspération. Il ne changerai jamais, c'était trop tard désormais il était irrécupérable, se dit-elle en levant les yeux au ciel.
" Machine tu fous quoi ? On t'attend depuis cinq minutes alors ramène ton cul d'girafe et galope vers nous s'teu plait ! lui hurla la voix du cher Pianiste depuis le couloir des chambres d'hôtel
- Oui monsieur, j'arrive tout de suite ! chantonna-t-elle rieuse "
Elle arriva près d'eux en sautillant comme une fillette qui batifole et leur sourit tour à tour de toutes ses dents.
" T'as quel âge pour faire ce genre de conneries ? Tu t'es pris pour une gamine de quatre ans ou quoi ? "
Elle lui tira simplement la langue et attrapa son manteau avant de filer dans les couloirs de l'hôtel. La jeune femme ne les attendit même pas et partie dans la salle de restoration se prendre quelque chose à manger.
Le buffet était très attractif et son ventre vide, qui n'avait été rempli que de boisson alcoolisée la veille, lui ordonna de prendre le plus de féculent possible. Elle avait pris deux viennoiseries de chaque, un bol de céréales, un bol de café et un verre de jus de fruit.
À peine avait-elle posé son plateau qu'une voix agacée surgit du hall. Elle se fit toute petite et avala rapidement tout ce que contenait son plateau. Mais avant qu'elle ne puisse porter son bol de café à ses lèvres des mains se posèrent sur ses épaules, la faisant sursauter.
" Tu peux toujours rêver ma vieille... Pas de café pour ton cerveau d'électrisée. Déjà que t'as bu ton verre de jus, je crois que ça suffit amplement. Erwin prend le ou je vais le jeter...
- Très bien... fit le grand blond en soufflant d'exaspération.
- Attends nous un peu grosse morfale. Je vais pas t'éclater la tronche maintenant y a trop d'monde, j'risquerai de me faire arrêter. "
* * *
Il était bientôt onze heures et ils arrivaient au conservatoire. Accueillis chaleureusement par le reste de l'orchestre, Levi ne laissa pas un sourire franchir ses lèvres. Les lourdes portes en bois du bâtiment lui enlevaient toutes ses émotions, plus que d'ordinaire, et seule restait l'ambition bornée de jouer quelque chose de parfait. Les paroles joyeuses et pleines d'entrain de ses camarades le transpercaient sans qu'elles n'aient d'impact sur lui. Il faisait complètement abstraction de tout se qui ne ressemblait pas à de la musique lorsqu'il entrait dans une salle de concert.
La grande scène en parquet vernis qui allait les accueillir, lui et l'orchestre, lui coupa le souffle. Cela faisait un bon moment qu'il ne l'avait plus vu. Un piano à queue de scène, pareil en tout point à celui qu'il possédait, trônait fièrement au milieu de la plateforme. Seuls le tabouret en plastique blanc et le bois, lui aussi, blanc du piano lui rappelaient qu'il n'était chez lui.
Levi alla s'asseoir sur le petit tabouret et le régla à sa hauteur puis caressa les notes parfaitement propres et nacrées du clavier. Il ferma les yeux et inspira. Jouant un premier accord, il enchaina avec des gammes pour déliés ses doigts engourdis, et, prit dans la musique répétitive et entêtante, finit par jouer doucement, comme un chuchotement, l'un des morceaux qu'il présenterait dans deux jours, sur cette même scène éclairée de mille projecteurs.
*personne abusant de l'alcool, qui boit beaucoup
**aussi, de même