Nantis

By FlorieC

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La jeunesse dorée, tel est le surnom qu'on leur donne. Il existe une rumeur qui sous-entend qu'on ne naît pas... More

[SAGA 1] L'arrogance des gens meilleurs
Chapitre 1 : If it makes you happy
Présentation : Noah Khan
Chapitre 2 : Take me as I am
Présentation : Ellie Lefevre
Chapitre 3 : Don't stop the party
Chapitre 4 : Too late
Chapitre 5 : Losing your memory
Présentation : Ethan Franck
Chapitre 6 : She drives me crazy
Chapitre 7 : Secrets
Chapitre 8 : Highway to hell
Chapitre 9 : How I needed you
Chapitre 10 : Miss misery
Chapitre 11 : Me and the devil
Présentation : Anna Joly
Chapitre 12 : Know your enemy
Chapitre 13 : Little talks
Chapitre 14 : You're not alone
Chapitre 15 : Love the way you lie
Chapitre 16 : Bad romance
Chapitre 17 : Teenage dream
Chapitre 18 : Don't wake me up
Chapitre 19 : My medicine
Chapitre 20 : Shut up and let me go
Chapitre 21 : Wicked Game
Présentation : Gabrielle Gallien
Chapitre 22 : Last Christmas
Chapitre 23 : Winter
Chapitre 24 : Let it be
Chapitre 25 : Happy New Year
[SAGA 2] L'éternité à tes pieds
Chapitre 1 : Bad day
Présentation : Jared Greggs
Chapitre 2 : The last to know
Chapitre 3 : When she believes
Chapitre 4 : Losing my religion
Présentation : Lucas Gallien
Chapitre 5 : Take control
Chapitre 6 : If you leave me know
Chapitre 7 : Stay
Chapitre 8 : Only if you run
Chapitre 9 : Just tonight
Chapitre 10 : Never let me go
Chapitre 11 : Fix you
Chapitre 12 : Damn you
Chapitre 13 : This is war
Présentation : Ruben Greggs
Chapitre 14 : Apologize
Chapitre 15 : Gives you hell
Chapitre 16 : Never say never
Chapitre 17 : Skinny love
Chapitre 18 : Alone
Présentation : Christelle Wertheimer
Chapitre 19 : Don't be a stranger
Chapitre 20 : We are young
Chapitre 21 : One Day
Chapitre 22 : Dark on fire
Présentation : Borja Escobar
Chapitre 23 : Like a virgin
Chapitre 24 : Better Together
Chapitre 25 : Happy Birthday
[SAGA 3] Dans la cour des grands
Chapitre 1 : The funeral
Chapitre 2 : Pursuit of Happiness
Chapitre 3 : Dark Paradise
Chapitre 4 : I want to break free
Chapitre 5 : A drop in the ocean
Chapitre 6 : Enjoy the silence
Chapitre 7 : Help
Chapitre 8 : I don't want to be
Chapitre 9 : Eye of the tiger
Chapitre 10 : Come back home
Chapitre 11 : Mirror
Chapitre 12 : Heartless
Chapitre 13 : Someone like you
Chapitre 14 : If I needed you
Chapitre 15 : You're not sorry
Chapitre 16 : Burn it down
Chapitre 17 : How you remind me
Chapitre 18 : Wrecking ball
Chapitre 19 : Just give me a reason
Chapitre 20 : Can you feel the love tonight
Présentation : Gautier Lantez
Chapitre 21 : People help the people
Présentation : Yanis Perrin
Chapitre 22 : Yesterday
Chapitre 23 : Hot and cold
Chapitre 24 : Kiss me
Chapitre 25 : Only wanna be with you
[SAGA 4] La réponse des faibles
Chapitre 1 : Collide
Chapitre 2 : The lonely
Chapitre 3 : Another love
Chapitre 4 : Protect me from what I want
Présentation : Ophélie Joly
Chapitre 5 : Big big world
Chapitre 6 : Don't lie
Chapitre 7 : Undisclosed desires
Chapitre 8 : You and I
Chapitre 9 : Another day in paradise
Chapitre 10 : Just can't get enough
Chapitre 11 : Sirens call
Chapitre 12 : Too close
Chapitre 13 : Love me again
Chapitre 14 : Demons
Chapitre 15 : You are the one that I want
Chapitre 17 : What doesn't kill you
Chapitre 18 : Too many friends
Chapitre 19 : Monster
Chapitre 20 : Broken crown
Chapitre 21 : He is my son
Chapitre 22 : Talk to me
NANTIS EN LIVRES PAPIER !
Chapitre 23 : Try
Chapitre 24 : Everybody's Got To Learn Sometime
Chapitre 25 : Wonderful life
NANTIS en livres ♥

Chapitre 16 : Sober

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By FlorieC


Ellie Lefevre se retourna dans son lit, cachant sa tête sous son oreiller en plumes pour camoufler le son de son portable qui vibrait sur son bureau. Elle avait oublié de le mettre en silencieux avant d'aller se coucher. Ellie poussa un soupir lorsque le bruit s'arrêta enfin et ferma les yeux en espérant retomber rapidement dans le sommeil. Ce fut peine perdue car son portable se remit à vibrer quelques secondes plus tard. Furieuse, la jeune fille balança sa couette au pied du lit et se releva, prête à incendier son meilleur ami.

Après sa discussion avec Noah il y avait de cela quelques heures, Ellie était rentrée chez elle en taxi sans attendre la fin de la pièce. Elle supposait donc qu'il s'agissait du garçon puisqu'il devait estimer qu'ils n'avaient pas terminé leur conversation. Ce dont il n'avait probablement pas tort, mais Ellie en avait eu assez pour la soirée.

Elle attrapa son portable sur le bureau et remarqua, étonnée, qu'il ne s'agissait pas de Noah, mais de Lucas. Il l'avait appelée au moins cinq fois. Elle avait également reçu plusieurs messages, elle les lut rapidement en parcourant son écran tactile des yeux :

« El' ça va ? Pourquoi tu es partie en plein milieu de la pièce ? »

« On peut se voir maintenant ? »

« Je m'arrête chez toi avant de rentrer chez les Gallien »

« Je suis devant la porte, ouvre stp »

Il était gonflé, songea-t-elle, ahurie qu'il ait osé se ramener ici alors qu'elle ne lui en avait pas donné l'autorisation.

Ellie entendit un léger coup résonner contre la porte et poussa un soupir, exaspérée. Elle était seule ce soir car son père était reparti pour un voyage d'affaires et sa mère... En fait, elle n'avait aucune idée d'où pouvait être sa mère - elle ne l'avait pas vue depuis des jours - mais elle s'en fichait très sincèrement.

Ellie lança un rapide coup d'œil dans son miroir lorsqu'elle entendit un deuxième coup à la porte. Elle était en culotte, à peine recouverte d'un grand tee-shirt noir dévoilant son épaule gauche. La jeune fille attrapa l'élastique autour de son poignet et accrocha sa crinière brune en une queue de cheval. Elle enfila une paire de chaussettes puis rejoignit le hall de l'appartement avant que Lucas ne se fracasse le poing sur la porte.

— Lucas, commenta-t-elle en l'ouvrant, se retrouvant ainsi nez à nez avec le garçon.

— Tu m'expliques ?

— Ce que tu fous chez moi à deux heures du matin ? Ironisa Ellie, C'est plutôt moi qui devrais attendre une explication.

— Ne joue pas à ça El', tu sais très bien de quoi je parle.

La jeune fille ne lui répondit pas, se contentant de s'adosser contre l'entrebâillement de sa porte d'entrée.

Lucas ajouta lorsqu'il comprit qu'elle ne relèverait pas la conversation :

— D'abord, je t'invite à une de mes soirées alors qu'on ne se reparlait plus depuis que tu as choisi Jared plutôt que moi à l'enterrement de Betty. Tu m'embrasses dans les catacombes. On ne se parle plus et on s'évite pendant toute la semaine qui suit cette soirée. Tu fais quand même l'effort de venir me voir au spectacle de théâtre du lycée et tu te barres en pleurant en plein milieu de mon solo.

— C'est un résumé plutôt exact, constata-t-elle d'un haussement de sourcils.

— Ellie, tu n'en as pas marre de passer pour une demeurée de bipolaire ?

Elle aurait pu se sentir insulter, mais ce ne fut pas le cas. Un sourire se devina sur ses lèvres et Lucas enchaîna, sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit :

— Encore, que tu ne me parles plus après le baiser parce que t'es perdue et que tu as besoin de réfléchir, je veux bien le comprendre, parce que, moi aussi, j'étais pareil. Mais c'était quoi ce soir ? Pourquoi tu pleurais ? Et puis pourquoi t'es partie en courant ?

— Ta chanson était émouvante, je n'avais pas envie de pleurer devant tout le monde.

— A d'autres, pouffa-t-il avec ironie, Tu ne me feras pas gober un truc pareil.

— J'ai envie de retourner me coucher.

— J'ai vu Noah courir après toi, et puis tu n'es pas revenue, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Continua-t-il de l'interroger.

— En quoi ça te concerne ?

— Tu t'es remise avec Noah ?

— Quoi ? Mais non, pas du tout, il sort toujours avec Anna, je te signale.

— Ce n'est pas ça qui t'arrêterait.

— Tu as tort, murmura-t-elle, clairement vexée, Je ne suis jamais sortie avec quelqu'un qui avait déjà une copine. Ça va peut-être te paraître fou, mais, dans le peu de principes que j'aie, celui-ci en fait partie.

— Alors qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— C'est mon meilleur ami, rétorqua-t-elle, Je n'ai pas à te raconter ce qu'il se passe entre nous.

— Ton meilleur ami ? Répéta-t-il, D'après tout ce que tu m'as déjà raconté, l'amitié se joue plus de ton côté que du sien. S'il était vraiment ton ami, il te laisserait être heureuse. Sérieusement, pendant combien de temps vas-tu encore laisser ce pauvre type contrôler ta vie ? T'as besoin de lui comme lui n'aura jamais besoin de toi, parce que la seule chose dont il a besoin, c'est d'un bon psychologue pour tenter de rattraper sa misérable vie.

— Lucas, arrête.

— Quoi ? Ce n'est pas la vérité peut-être ?

— Mais pourquoi tu l'agresses comme ça ? Siffla-t-elle, Et puis, c'est quoi le rapport avec ce soir ?

— Pas avec ce soir, la coupa-t-il, Avec nous. Je sais très bien que c'est lui qui ne veut pas qu'on soit ensemble et toi, tu l'écoutes aveuglément. Pourquoi tu le crois quand il te dit qu'on ne peut pas être ensemble ?

— Parce qu'il me connaît et il sait que...

— Que je ne suis pas assez bien pour toi ? L'interrompit-il, Alors oui, je te l'accorde, je ne suis pas Roméo. Mais toi, tu n'es pas Juliette. On s'en fout de leur histoire d'amour à la con, on s'en fout de correspondre à rien et de ne faire rêver personne. On s'en fout Ellie. On n'a rien à prouver. Tu fais genre comme ça que t'es une fille détachée et indépendante, mais si t'es aussi seule, c'est juste parce que tu cherches une histoire d'amour si parfaite que tu ne la trouveras jamais.

— Je...

Les mots restèrent coincés dans le fond de sa gorge.

— Je sais, reprit Lucas, Je sais que Noah ne veut pas qu'on soit ensemble car il est terrorisé à l'idée que tu aimes quelqu'un d'autre que lui... Et ça te terrorise aussi, en quelque sorte.

— Tu ne comprends pas, c'est plus compliqué que ça.

— Alors explique-moi ! S'exclama-t-il, Donne-moi une seule raison pour laquelle on ne doit pas être ensemble.

— Je ne t'aime pas ? Proposa-t-elle.

— Essaie d'être plus convaincante car tu ne risques pas de me voir partir.

— Tu embrasses mal. Trop de salive, c'est baveux, très désagréable.

Le garçon resta sur le pas de la porte, un sourire en coin.

— Et puis, tu sens mauvais.

Il ne bougea pas.

— Et tu chantes mal, mon Dieu, c'est une horreur.

— Je resterai jusqu'à ce que tu trouves une raison pour laquelle tu as l'air d'être au moins à moitié sincère.

— Arrogant, ajouta-t-elle de suite, Trop sûr de toi.

— Mais encore ?

— Tu n'as pas d'amis, tu traînes dans les catacombes – franchement, trop craignos – tu as joué dans une comédie musicale, tu as la lèvre percée, tu...

— Tu adores mon piercing, la coupa-t-il en faisant bouger avec sa langue l'objet en métal sous sa lèvre inférieure.

— Peut-être, mais tu...

Ellie poussa un soupir en passant une main sur son front.

— Je ne sais pas, souffla-t-elle, Tu n'es pas fait pour moi, c'est tout. Crois-moi, s'il-te-plaît. Tu ne me veux pas pour copine.

— Tu ne sais pas ce que je veux.

— Je sais ce que tu pourrais ne pas vouloir et, crois-moi, je suis en haut de la liste.

— Non.

La jeune fille soupira. A quoi bon ? Il était décidé à ne pas entendre raison... Alors pourquoi ce serait à elle d'être raisonnable ? Ça n'avait jamais été son rôle.

Ellie se précipita vers Lucas, l'attrapa par la taille et le tira à elle, sentant son corps entrer en contact avec le sien. Il était froid et recouvert d'épais vêtement, tandis qu'elle avait la peau chaude et dénudée. Le contraste leur plaisait.

Lucas agrippa sa nuque et approfondit leur baiser si passionnément qu'Ellie pu sentir le goût du métal sur sa langue. Un goût qu'elle aimait plus que de raison. La jeune fille embrassa la lèvre inférieure de Lucas pour sentir le piercing entre ses lèvres. Elle mordilla tendrement l'endroit en passant ses mains à l'intérieur de sa veste en cuir. En réponse, Lucas se pencha encore un peu plus vers l'avant pour pouvoir l'embrasser plus fermement. Il avança vers elle et les deux jeunes franchirent enfin le pas de la porte pour s'engouffrer complètement dans l'appartement. Lucas referma d'un coup de pied le battant derrière lui. Il n'était plus question qu'il quitte ses lèvres.

Pourtant, Ellie finit par se reculer un peu de son étreinte, déposant un baiser sur la mâchoire de Lucas. Le garçon l'étreignit dans ses bras.

— Tu vas bien ? Murmura-t-il à son oreille, ses mains parcourant la colonne vertébrale d'Ellie.

— Tu aurais dû m'écouter Lucas. Je ne suis pas faite pour toi.

— C'est toi qui m'as embrassé, lui fit-il remarquer, Et puis je n'ai jamais cru que les gens étaient « faits » les uns pour les autres. Ce serait trop simple. Il faut savoir provoquer le destin.

Le destin, songea-t-elle, écœurée, Quelle sale connerie.

— Et maintenant ? L'interrogea-t-il, Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ?

— Je ne sais pas, marmonna-t-elle en relevant son visage vers lui, Mais je crois que c'est trop tard pour s'arrêter.

***

Ses doigts glissèrent dans ses cheveux et Anna les releva pour laisser à l'air libre sa nuque mouillée par la sueur. Elle portait toujours sa tenue de Grease, mais cela n'avait pas d'importance. Et puis, elle était loin d'être la seule à avoir un look particulier à la soirée. Jared l'avait emmené avec lui dans un entrepôt désaffecté en dehors de Paris pour sa première rave party. La musique électronique qui résonnait dans les grandes baffes du bâtiment lui faisait tourner la tête, ainsi que l'alcool qu'elle avait avalé quelques heures auparavant.

Anna se sentait libre, déconnectée de tout ce qu'il s'était passé en début de soirée. Elle se laissa aller contre le corps de la personne avec qui elle dansait depuis déjà une quinzaine de minutes et releva son regard vers lui pour croiser ses yeux sombres et sa mâchoire carrée. Borja avait posé sa main dans le bas de son dos pour la maintenir contre lui et, quand il croisa son regard à son tour, il murmura à son oreille :

— On va boire ?

Anna acquiesça d'un signe de la tête. Elle était assoiffée et il faisait une chaleur insupportable. Elle s'empara de la main de Borja et les éloigna de l'attroupement de jeunes qui dansait devant le DJ. Ils s'arrêtèrent tous les deux devant un des bars installés pour l'occasion et commandèrent des verres.

— C'est génial cet endroit ! S'exclama Anna, Je n'aurais jamais pensé que je pouvais aimer ce genre de soirées.

— Et je n'aurais jamais pensé que je puisse passer ce genre de soirées avec toi, rétorqua Borja.

Anna esquissa un sourire dans sa direction.

— Je suppose que c'est Jared qui t'a demandé de me surveiller ? Lança-t-elle après qu'ils aient payé leurs verres, Il m'a dit qu'il devait s'éclipser et, même pas deux minutes après, je te vois débarquer.

— En effet, lui confirma le garçon en portant son verre à ses lèvres, Qu'est-ce qu'il s'est passé au juste ?

— Comment ça ?

— Pourquoi Jared t'a emmené ici ? L'interrogea-t-il, C'est par rapport à ton copain, non ?

— Ouais... On s'est disputés, marmonna Anna vaguement, car elle n'avait pas vraiment envie de s'épancher sur le sujet maintenant, Jared voulait juste me changer les idées.

— En t'emmenant à une soirée interdite par la loi et en te faisant boire, résuma Borja, amusé, Oui, c'est bien son genre... Qu'est-ce qu'il s'est passé avec Noah ?

— Je n'ai pas très envie d'en parler, répondit-elle, C'est juste que... J'ai réalisé qu'on ne pouvait pas tous vivre le parfait amour comme Ruben et Gautier.

Borja reçut sa remarque par un rictus au coin des lèvres à peine perceptible et Anna ajouta, mal à l'aise :

— Pardon.

— Pas de soucis.

— Si ça peut te rassurer, enchaîna la jeune fille, Tu n'aurais pas aimé sortir avec lui.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Il est trop niais quand il est amoureux, souffla Anna en levant les yeux au ciel, Je suis sûre que ça t'aurait gonflé au bout de cinq minutes.

— Je rêve ou tu essaies de me consoler ? Pouffa le garçon, Je croyais que tu me détestais.

— Les gens changent.

La musique se fit de plus en plus forte, ou alors c'était juste elle qui la supportait moins. Anna enchaîna :

— Tu ne veux pas qu'on sorte pour discuter ?

Borja accepta en s'emparant de sa main, les dirigeant vers l'extérieur du bâtiment. Ils s'éloignèrent ainsi du brouhaha, s'asseyant contre l'immeuble, le dos calé contre un mur.

La musique n'était plus qu'un timide boum boum camouflé entre les briques du bâtiment derrière eux. Ils apprécièrent le silence, le vent soufflant sur leur visage en sueur et la brise douce qui faisait presque penser à une nuit d'été.

— C'est un nouveau look ? Interrogea Borja pour briser le silence.

— Non, souffla la jeune fille, Juste la tenue que je portais à mon spectacle de théâtre tout à l'heure, je n'ai pas eu le temps de me changer.

— Tu me rassures. Je sais que les vieilles fringues reviennent à la mode, mais là, c'était un peu abusé. Tu jouais quoi ?

— Grease.

— Tellement cliché.

— Je sais.

Ils se sourirent tous les deux puis un blanc s'installa avant que Borja ne se décide à reprendre la parole :

— Tu sais que Ruben donne des cours à ma petite-sœur pour le brevet ?

— Oui, il m'en a parlé.

— Ce mec me rend fou.

Anna se retourna vers Borja en tentant de cacher sa surprise. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il se confie, spécialement sur ce genre de sujet. Mais qui sait, il avait probablement si peu de monde à qui il pouvait en parler qu'Anna devait être son dernier espoir. Il avait de la chance. Elle voulait bien être le dernier espoir de quelqu'un ce soir.

— Tu regrettes ? L'interrogea-t-elle.

— Oui, répondit-il directement, Je ne lui ai laissé aucune chance. Maintenant, il est avec Gautier.

— Ça aussi c'est cliché Borja, lui fit-elle remarquer, Se rendre compte qu'on tient à quelqu'un quand il est avec un autre.

— Mais ça marche comme ça, non ?

La jeune fille haussa des sourcils en signe d'acquiescement et elle reposa l'arrière de son crâne contre le mur de briques derrière elle.

— Est-ce que... Murmura-t-elle, les yeux clos, Est-ce que tu sais ce qu'il s'est passé entre Jared et Ellie ?

— Oui.

Anna rouvrit les yeux instantanément pour pouvoir se retourner vers lui.

— Est-ce que j'ai le droit de le savoir ?

— Qu'est-ce que tu sais exactement ? L'interrogea le bel espagnol en se retournant vers elle à son tour.

— Noah m'a juste dit que Jared lui avait fait quelque chose l'été d'il y a deux ans et, qu'après ça, ils ont rompu. Je n'en sais pas plus.

— Tu n'as pas d'idées ?

— Il l'a frappée ? Proposa-t-elle... Violée ?

— Quoi ?! S'exclama Borja en fronçant des sourcils, hébété, Mais bien sûr que non ! Il ne l'aurait jamais touché. Il l'aimait trop. Comment tu peux croire ça de lui ?!

Anna se sentit légèrement coupable d'avoir osé le penser. Elle savait que Jared pouvait devenir violent, mais toute cette violence n'avait jamais été dirigée contre elle ou contre quelqu'un qu'il aimait. C'était totalement impossible.

— Je n'en sais rien, murmura-t-elle alors que sa tête commençait à tourner à cause de l'alcool, Je n'en sais rien du tout.

— Jared n'a rien fait de mal, lâcha Borja sourdement.

— Ce n'est pas ce que pense Noah.

— Parce que Noah pense ce qu'il a envie de penser. Jared ne l'a pas forcé à avaler ces conneries. Elle l'a fait exprès. Cette fille a de sérieux problèmes.

— Tu peux être plus clair, s'il-te-plaît ?

— Ellie a fait une overdose, s'expliqua Borja, L'été dont tu parles. Jared n'était pas là, mais elle l'attendait dans sa chambre. Elle a pris ses cachets. Elle aurait pris trop d'amphétamines, soi-disant.

— Comment ça soi-disant ? S'intrigua Anna.

— Je ne sais pas, marmonna Borja d'un haussement d'épaules, Je dis juste que... Qu'elle connaissait les doses qu'elle pouvait supporter.

— Attends, murmura Anna, déconcertée, Tu veux dire que c'était un suicide ? Mais elle a essayé de se tuer combien de fois cette fille au juste ?

Borja esquissa un sourire en coin. Ce n'était pas un sourire amusé. Au contraire, c'était ironique, comme si le coin de ses lèvres s'étaient relevés pour dire « depuis le temps que je vous le dis ».

— Qu'est-ce qu'il y a ? Interrogea Anna.

— Tu sais, les gens disent qu'elle est suicidaire, mais personne ne veut comprendre ce que ça signifie vraiment.

— Qu'est-ce que ça signifie vraiment ?

— Je ne sais pas, je ne suis pas toubib moi, rétorqua-t-il, Je dis juste qu'elle est suicidaire, genre, vraiment suicidaire. Comme si elle était toujours attirée par le fait de se foutre en l'air. Je ne compte même plus les fois où elle a essayé de se flinguer cette fille. L'overdose, c'était une fois parmi les autres - une fois où elle a vraiment failli réussir - mais une fois parmi les autres quand même... Jared a été le premier à se rendre compte qu'elle avait un problème. Il en a parlé à ses parents, à sa grand-mère, et même à Noah. Personne n'a jamais voulu admettre qu'il avait vu juste. Tout ça parce que ça les faisait chier qu'un pauvre camé comme lui se préoccupe plus d'Ellie qu'eux ne l'avaient jamais fait. Si tu veux mon avis, c'est ça que Noah n'a pas digéré. Parce que plus le temps passe, plus il réalise que Jared avait raison.

Anna avala la salive qui s'était accumulée dans sa bouche, bien que, étrangement, elle n'eût pas l'impression de l'apprendre. Comme si ça avait été évident depuis le début. Noah en avait après Jared, non pas parce qu'il avait détruit Ellie, mais parce qu'il avait essayé de l'empêcher de le faire, ce dont lui n'était jamais parvenu.

Son cœur se resserra dans sa poitrine comme si elle revivait brutalement ce qu'il s'était passé quelques heures auparavant. Peu importe l'alcool qu'elle avait avalé, la musique sur laquelle elle avait dansée, ou avec qui elle partageait cette soirée, la réalité était toujours là, bien présente et toujours aussi cruelle. Noah lui avait dit qu'elle l'ennuyait. C'était un fait, elle n'était pas aussi intéressante qu'Ellie, pas aussi belle, pas aussi drôle, pas aussi tragique. Noah le pensait, Jared le pensait, et même Borja semblait le penser. Il n'y avait rien autour d'elle si ce n'était un vide aussi profond que sa personnalité.

Un sanglot étrangla sa voix et elle entendit Borja lâcher un "merde" résigné. Cela ne fit que redoubler ses sanglots.

A quoi bon mentir ? Songea-t-elle, à bout de souffle, tandis que Borja passa une main sur son dos, l'air totalement chamboulé par le revirement de situation. Pourquoi faire semblant de s'amuser à une fête où elle n'avait pas sa place ? Sa vie ne se résumerait-elle qu'à cela ? N'arriverait-elle jamais à trouver un endroit où elle pourrait être totalement acceptée ? Alors, elle en était rendue à ce point-là ? S'interrogea-t-elle en remontant ses genoux contre sa poitrine pour camoufler ses tremblements... Se rendre ivre à une rave party pour ne plus penser qu'elle s'était fait jeter par son petit-ami ? Que son meilleur ami ne lui adressait plus la parole ? Elle était pathétique. Tout ça pour prouver à Noah qu'elle n'était pas cette fille ennuyante qu'il prétendait. Et bien si, constata-t-elle, Elle l'était. Ennuyante à mourir. Ennuyante au point de se retrouver recroquevillée à côté d'un entrepôt désaffecté en compagnie d'un homosexuel refoulé qui ne l'était plus tellement et qui priait probablement pour s'échapper de cette galère.

Ses sanglots redoublèrent et les larmes coulant sur ses joues semblaient ne plus pouvoir s'arrêter. Ennuyante. Ennuyante. Ennuyante. Ce mot résonnait dans sa boite crânienne comme s'il s'agissait de la pire insulte qu'elle n'ait jamais entendue.

— PUTAIN ! S'exclama soudainement la voix rauque de Jared Greggs, Pourquoi elle est dans cet état ?!

— Mais je n'en sais rien ! S'écria Borja à son tour, alors que la jeune fille sentit qu'il était toujours en train de lui frotter le dos, totalement hébété par la situation, Elle s'est mise à pleurer d'un seul coup ! Je n'ai pas compris ! Elle ne me répond même pas !

Alors il lui avait parlé ? S'interrogea Anna, toujours recroquevillée sur elle-même, Elle ne l'avait même pas entendu.

— Mais vous parliez de quoi ? Enchaîna Jared, furieux.

— Rien de spécial, cafouilla Borja, qui essayait visiblement de remonter le cours de leur conversation malgré son état d'ivresse, On parlait d'Ellie, je crois... Puis Noah et toi. Mais elle était bien, elle souriait. Je ne comprends pas, elle s'est mise à pleurer d'un seul coup.

La main de Borja était toujours dans son dos et Anna sentit que Jared venait de poser les siennes contre ses genoux qui s'entrechoquaient.

— Anna ? Tu vas bien ?

Elle voulut répondre car elle en avait marre de passer pour une profonde dépressive, mais alors qu'elle ouvrit la bouche, seul un sanglot désespéré s'en échappa et elle referma les lèvres aussitôt.

— Elle doit faire un bad trip, murmura Jared en glissant sa main posée contre son genou le long de sa jambe.

— On n'a pas pris de drogue.

— Nous si, murmura Jared, Avant de venir ici.

Le garçon se retourna vers son ami et ajouta :

— Merci de t'être occupé d'elle, je m'en charge maintenant.

— Je peux rester pour t'aider si tu veux.

— Pas la peine, retourne à l'intérieur, je vais juste la ramener chez elle, lui assura Jared.

— Comment ? Tu n'as plus de voiture et il n'y a plus de RER maintenant.

— Je vais appeler un taxi, ne t'inquiète pas, je m'en occupe.

Borja acquiesça d'un signe de la tête et il se remit debout en époussetant son jean plein de poussières. Jared en fit de même et les deux garçons se serrèrent la main pour se dire au revoir. Borja bifurqua son regard vers le sol où Anna était toujours recroquevillée et en larmes. Il passa une main dans les cheveux de la jeune fille et se pencha vers l'avant pour embrasser le sommet de son crâne, un geste tendre qui l'étonna lui-même, et il murmura juste avant de se relever :

— Allez Anna, ça va aller.

Le bel espagnol s'éloigna pour rejoindre l'entrepôt désaffecté tandis que Jared baissa à son tour son regard vers la jeune fille. Il avait conscience que tout ceci était pleinement sa faute, l'alcool et la drogue étant loin d'être une solution à long terme. Il s'agenouilla devant Anna et reposa ses deux mains sur ses genoux.

— Hey, murmura-t-il à son attention, Je suis revenu.

Un sanglot lui répondit et il ajouta, mal à l'aise :

— Je n'aurais pas dû partir. Désolé.

— Ça n'a rien à avoir avec toi, rétorqua Anna, sortant enfin ses premiers mots depuis sa crise de larmes, Ni Borja. Il n'a rien fait. C'est juste... Moi.

Sa voix s'était étranglée et il y avait eu tellement de haine dans sa dernière phrase que Jared marqua un temps d'arrêt, totalement déstabilisé par la détresse dans ses yeux.

— Comment ça toi ?

— Noah a raison. Je ne suis pas intéressante.

— Il t'a dit ça ?

— Mais c'est vrai ! S'exclama la jeune fille, épuisée, Je ne m'amuse pas ! Je fais toujours semblant et j'en ai marre de faire semblant ! J'ai envie de retrouver mon ancienne vie, de passer mes soirées dans ma chambre à lire, de m'intéresser de nouveau à mes cours, de... De... Bégaya-t-elle, tremblante, Je ne veux plus de tout ça. J'en ai marre de tout ce stress. De me dire que je ne suis pas assez bien pour lui et ses amis. Je n'en peux plus Jared. Ça me fait trop mal.

— Anna, tu es intéressante, je t'interdis de croire ce qu'il t'a dit.

— Mais je n'aime pas cette vie, enchaîna-t-elle, pleine de rancœur, Je n'aime pas le Palace, je n'aime pas Ellie, je n'aime pas...

— Anna, la coupa-t-il en prenant ses joues mouillées entre ses deux mains, La vie que mène Noah n'est pas la seule possible. Ce n'est pas parce que tu n'arrives pas à entrer dans ce genre de vie que tu es quelqu'un d'ennuyant. Et s'il est trop con pour se rendre compte de tout ce que tu aurais pu lui apporter, alors c'est son problème, pas le tien.

La jeune fille renifla, bien qu'elle eût conscience que c'était assez peu glamour, mais c'était bien la dernière de ses préoccupations

Jared était une des seules personnes avec laquelle elle sentait qu'elle pouvait être elle-même, sans peur qu'il ne la juge ou ne la critique dans son dos. Ils étaient sincères l'un envers l'autre, et ce depuis le début de leur relation.

— On peut rentrer ? L'interrogea-t-elle, Je suis fatiguée et j'ai froid.

— Oui, bien sûr.

Jared se releva et attrapa son bras pour l'aider à se lever à son tour. Anna tituba légèrement, à cause de l'alcool et de la position inconfortable dans laquelle elle s'était mise, et elle s'accrocha aux hanches du garçon. Alors, sans trop comprendre comment cela arriva, leurs lèvres se rencontrèrent. Ce fut un baiser brusque et intense, presque désespéré, comme si leurs corps avaient attendu ce contact depuis déjà trop longtemps.

Jared colla son corps à celui d'Anna comme s'il ne voulait laisser aucune parcelle de peau échapper à son contact. Ils percutèrent le mur derrière eux et un soupir s'échappa à l'unisson de leurs lèvres alors qu'ils approfondirent leur baiser.

Jared se recula en premier, à bout de souffle, et sans quitter les lèvres d'Anna des yeux. Elles étaient rouges, légèrement gonflées par ce qu'ils venaient de faire, et il ne put s'empêcher de les caresser tendrement tout en souriant.

Anna ferma les yeux à ce contact doux qui contrastait avec la violence d'il y a quelques minutes.

— Jamais, murmura Jared, Jamais tu pourrais ne pas être intéressante.

Elle le coupa avec un baiser auquel le garçon répondit immédiatement. Il posa sa main dans sa nuque et l'autre s'aventura dans le bas de son dos, ce qui la fit frissonner. Ses lèvres se déplacèrent vers son cou et il y déposa un baiser humide. Ils étaient tellement collés l'un à l'autre qu'ils pouvaient à peine bouger. Anna glissa ses mains sous son tee-shirt, ignorant si elle voulait le rapprocher davantage ou l'éloigner pour reprendre son souffle. Jared remonta vers son visage, couvrant de baisers chaque espace disponible pour ses lèvres.

— Tu as toujours froid ? Murmura-t-il contre sa bouche entrouverte.

Anna avait tellement chaud à cet instant qu'elle se demanda sincèrement comment cela avait-il pu être le contraire il y a quelques secondes.

— Non, répondit-elle en mélangeant son souffle au sien.

Jared caressa ses deux joues avec ses pouces, ses prunelles brillantes plantées dans les siennes. Puis il avança ses lèvres et déposa un baiser sur sa joue.

***

Noah Khan pénétra dans le gymnase plein de sueur en lançant un coup d'œil circulaire sur le terrain. De suite, il repéra Gautier qui portait le numéro huit. Il bifurqua son regard vers le panneau des scores. Le match était bientôt terminé et son équipe perdait d'une dizaine de points. Noah s'installa sur un banc en attendant la fin de la rencontre.

Sans surprise, l'équipe de hand de Gautier perdit son match puisque l'écart se creusa un peu plus. Un coup de sifflet résonna bruyamment dans l'ensemble du gymnase et les joueurs quittèrent le terrain tandis que d'autres commençaient leur échauffement pour le prochain match.

Noah se releva de son banc et rejoignit l'équipe qui se précipita sur ses bouteilles d'eau. Il s'avança vers Gautier et attendit qu'il ait terminé de se rassasier pour faire remarquer sa présence.

— Salut, déclara-t-il lorsque le garçon tendit sa bouteille d'eau à Jérémy.

— Oh ! S'étonna Gautier en se retournant vers Noah, Tu es venu finalement ?

— Oui je t'avais dit que je passerais, ça va ?

— Bof, répondit-il d'un ton plutôt froid, On perd.

— C'est votre premier match, vous avez le temps de vous rattraper dans la journée, le rassura Noah en posant une main sur son épaule.

Gautier se dégagea brusquement de son touché. Noah feinta ne rien remarquer et il plongea sa main dans la poche de son slim plutôt que de la laisser retomber lourdement à côté de son corps, ce qui lui aurait donné l'air con, et il détestait ça plus que tout.

— C'était une bonne équipe en face de vous, non ? Interrogea-t-il pour engager la conversation.

— Ouais, plutôt.

— Gautier, qu'est-ce que t'as ? C'est à cause d'Anna, c'est ça ?

— Ça ? Ironisa le garçon en l'incendiant du regard, Bien sûr que c'est ça... Putain, Noah, mais qu'est-ce qu'il t'a pris ?

Ruben était resté dormir chez lui hier soir, il avait ainsi pu lui raconter en détails tout ce que Noah avait dit à Anna, la nuit passée. Ce matin, Gautier en était encore révolté.

— C'est entre elle et moi, grinça Noah, vexé, Tu n'es pas concerné.

— Mais c'est quoi ton problème ? L'interpella-t-il d'une voix dure, L'égalité homme – femme tu as déjà entendu parler ? C'est quoi ton délire de passer pour le macho dominant ? Tu crois que ça marche encore ce truc-là ? T'es né à quelle époque, mec ? Au Moyen-Age ?!

— N'exagère pas.

— Tu l'as traité comme une merde Noah ! Le coupa-t-il, Je sais que j'ai dit que je n'aimais pas prendre partie, mais là... « Tu m'ennuies », tu étais sérieux ? Elle est tellement adorable cette fille, elle te passe tous tes caprices de merde et toi, tu l'insultes de cette façon. Tu captes au moins tout ce qu'elle a supporté pour toi ? Comment tous tes potes se foutaient d'elle et qu'elle ne disait jamais rien. T'as de la merde dans le cœur et dans les yeux Noah.

Gautier s'arrêta de parler et il observa le regard du garçon complètement perdu. Noah avait les yeux rouges et gonflés. Des cernes pendaient sous ses yeux et sa peau était plus blanchâtre que d'habitude. Il n'avait pas dû dormir de la nuit.

— Je sais, reprit-il la parole, Pas besoin de m'enfoncer.

— Désolé, murmura Gautier, Il fallait que ça sorte.

Noah acquiesça de la tête. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir et puis, de toute façon, il le pensait aussi.

— Je me suis vraiment comporté comme un con.

— Je ne te le fais pas dire, ironisa Gautier.

— Tu l'as vu hier soir ?

— Non.

— Et Ruben ?

— Oui.

— Ils ont passé la soirée ensemble ? S'intéressa le garçon, Elle n'a pas répondu à mes appels.

— Hum.

— Quoi « hum » ? L'arrêta Noah.

— Rien... Je dis « hum », c'est tout.

— Non, non, non, l'interrompit-il, Pourquoi tu dis ça ? Ils ont passé la soirée ensemble oui ou non ?

— Oui et non.

— Ça ne veut rien dire « oui et non » ! S'emporta Noah, Qu'est-ce que tu me caches ?

— Mais rien.

— Tu mens Gautier. T'es mon pote, tu dois me le dire.

— Je suis ton pote quand ça t'arrange, lui fit-il remarquer, blasé.

— On a fait un pacte, lui rappela Noah, Le premier soir des vacances.

— On était bourrés, rétorqua Gautier, Enfin... J'étais bourré, vu que tu faisais semblant pour m'arnaquer la grande chambre.

— Je ne faisais même pas semblant d'être bourré, c'est juste toi qui l'était trop pour remarquer que moi, je ne l'étais pas, cingla-t-il en retour.

— Peu importe.

— On s'est promis de se dire s'il y avait des secrets entre Anna et Ruben, insista Noah, On s'est jurés d'être solidaires, putain ! Dis-moi ce qu'il se passe !

— Noah, t'es en train de retourner le problème à ton avantage, souffla Gautier en passant une main dans ses cheveux trempés par la sueur, Ce n'est pas la question.

— Je t'en prie, dis-moi.

Gautier leva les yeux au ciel. Il savait qu'il ne le lâcherait pas de la journée s'il ne lui disait pas maintenant ce qu'il savait et, au vu de leur premier match catastrophique, il était temps qu'il se concentre sur autre chose.

— Anna a passé sa soirée avec Jared hier soir, l'informa-t-il.

— Dis-moi que tu plaisantes et que tu cherches simplement à te venger.

— Je n'en sais pas plus que ça, rétorqua Gautier en faisant signe à ses coéquipiers qui l'appelaient qu'il les rejoignait bientôt, J'étais avec Ruben et il a reçu un SMS de Jared pour lui dire qu'ils sortaient tous les deux. On a eu aucune nouvelle depuis. Je me suis levé à six heures ce matin pour le tournoi, Ruben est resté chez moi donc... Je n'en sais rien Noah, clairement, je n'en sais pas plus.

Le beau brun se recula d'un pas en passant ses deux mains sur son visage tiré par la fatigue. Cette journée devenait de pire en pire.

— Et... Autre chose aussi, se tenta d'ajouter Gautier timidement.

— Ça va m'achever ?

— Possiblement.

— Dis quand même, soupira Noah qui n'était plus à ça près.

— J'ai dit à Ruben pour ta boulimie.

— Quoi ?! S'écria-t-il, Mais pourquoi putain ?!

— Il se posait des questions sur notre amitié et je ne voulais pas lui mentir, je n'aime pas ça, répondit Gautier, J'ai menti trop longtemps et, maintenant, je n'y arrive plus.

Noah retint un « abruti » de sortir de ses lèvres. Il n'était pas question qu'il se mette à dos la seule personne qui acceptait encore de lui adresser la parole.

— Fais chier, grinça-t-il, plus pour lui-même que pour Gautier, Je suppose qu'il va le dire à Anna ?

— Non, il pense qu'elle va te pardonner si elle le sait et il ne le veut pas.

— Oh, murmura-t-il, surpris, Il me déteste à ce point ?

— Oui.

Des nouveaux cris appelèrent Gautier et le garçon se retourna vers ses coéquipiers pour leur faire signe d'attendre encore quelques secondes.

Il bifurqua vers Noah qui semblait toujours autant au bord du gouffre et enchaîna :

— Tu dois parler de ta maladie Noah, en parler vraiment. Moi, je ne peux rien faire pour toi à part répondre à tes appels quand tu as une crise... Mais ce n'est pas suffisant. Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas quoi te dire, je ne suis pas médecin. Tu devrais le dire à ton père, il saura quoi faire lui.

— Non, hors de question. S'il sait, il va s'en vouloir et ce sera encore plus insupportable. Je sais que c'est ma faute, je règle ça tout seul.

— Ce n'est pas ta faute, tu...

— GAUTIER !

Cette fois, c'était la voix rauque de son entraîneur.

— J'arrive ! S'exclama-t-il à son attention.

— Maintenant, déclara l'homme qui attendait devant les portes du vestiaire où le reste de l'équipe était déjà installé, Pas de discussion.

— Oui j'arrive, mais...

— Pas de « mais », le coupa-t-il, Tu n'as pas brillé par tes performances ce matin donc tu bouges ton cul tout de suite et on revoit notre stratégie pour le prochain match. Grouille.

Gautier se retourna mal à l'aise vers Noah et il murmura :

— Je suis désolé de te laisser comme ça, mais là je dois...

— MAINTENANT.

— ... Y aller.

— Ne t'inquiète pas, lui assura Noah.

— Tu restes au tournoi ?

— GAUTIER.

— Oui, deux secondes !

— Je ne sais pas, répondit Noah, Je vais peut-être regarder un ou deux matchs et après je vais filer. Je ne pensais pas que c'était si loin de Paris.

— Comme tu veux.

— GAUTIER SI JE ME DEPLACE C'EST MON PIED DANS TON CUL.

— Je ferai mieux d'y aller, souffla le garçon après un soupir.

Noah l'observa trottiner vers son entraîneur qui lui assena un coup derrière la tête avant qu'il n'entre dans les vestiaires. Le garçon retourna s'asseoir sur un banc dans les gradins puis passa ses deux mains sur son visage fatigué. Il n'avait pas fermé l'œil de la nuit à cause de ses conneries et, maintenant qu'il savait avec qui Anna avait passé sa soirée, il regrettait de ne pas avoir mis son insomnie à profit en l'éloignant de cet abruti de première.

Noah sortit son téléphone portable de sa poche et écrivit rapidement un texto à sa petite-amie – ou ex petite-amie – il ne savait plus très bien comment la qualifier désormais.

« On peut se voir en fin de journée stp ? ».

Il reposa son téléphone sur ses genoux et reporta son attention sur le match qui venait de commencer. Le garçon ne connaissait personne sur le terrain et il se demanda à l'instant pourquoi il faisait semblant de s'y intéresser.

Son portable vibra parce qu'il avait reçu un message et il l'attrapa rapidement pour le faire rouler entre ses doigts.

« Oui ».

« 18 heures, chez moi ? ».

« Ok ».

Ils n'avaient encore jamais eu une discussion aussi froide et si, en temps normal, Noah détestait les smileys qu'Anna mettait dans presque tous ses messages, il les regrettait aujourd'hui. La discussion allait s'annoncer compliquée et il était peut-être dans son intérêt de commencer à arrondir les angles avec elle.

« Désolé pour hier soir. J'espère que tu vas bien. »

Anna ne répondit pas.

***

Ruben entra dans le gymnase où son petit-ami et son équipe avait joué pour leur tournoi de hand. On était en fin d'après-midi et les matchs étaient terminés depuis déjà une demi-heure, mais il n'avait pas pu venir plus tôt. Ruben avait déjà harcelé son père toute la journée pour qu'il le conduise ici, à presque une heure de Paris. Heureusement qu'il avait la possibilité de rentrer sur la capitale avec la voiture de Gautier, sinon il était quasi sûr que Boris lui aurait fait passer la nuit dans ce coin paumé.

Ruben se dirigea vers les vestiaires pour attendre son copain. Il repéra quelques garçons de son équipe devant les portes et reconnut Jérémy qui s'était présenté comme le meilleur ami d'enfance de Gautier, il y avait de cela quelques jours.

Ruben le rejoignit alors que le garçon séchait ses cheveux mouillés avec sa serviette posée autour de ses épaules.

Il se planta devant lui :

— Salut.

— Ruben ! S'exclama Jérémy en lui rendant son sourire, laissant apparaître une lignée de dents blanches frôlant une publicité pour dentifrice, Comment tu vas ?

Le garçon tenta de camoufler sa fierté lorsqu'il réalisa que Jérémy se souvenait de son prénom, ce qui laissait présager que Gautier devait souvent parler de lui.

Il répondit :

— Ça va, et vous alors ?

— On a perdu, ce n'est pas la joie.

— Oui, j'ai reçu un texto de Gautier tout à l'heure... Vous êtes arrivés combien ?

— Septième.

— Sur ?

— Douze.

— Ça aurait pu être pire, relativisa Ruben pour qui le sport n'avait jamais été très essentiel, de toute manière.

— Je sais, rétorqua Jérémy en passant de nouveau sa serviette dans ses cheveux bruns, C'est juste chiant de perdre comme ça.

Il reposa ensuite sa serviette sur son sac de sport et se retourna vers les vestiaires avant d'ajouter :

— Gautier est toujours celui qui met le plus de temps à se doucher.

— Oui, il est pareil à la maison, répondit Ruben sans réaliser à quel point ils avaient l'air d'un vieux couple dans son commentaire, Ce type est un maniaque de l'hygiène.

— Je sais, pouffa Jérémy, D'ailleurs, rien à voir, mais je vais organiser une piscine et un barbecue chez moi dans la semaine, j'en ai déjà parlé aux gars de l'équipe et je suppose que Gautier t'aurait invité sans mon autorisation, mais je voulais que tu saches que tu l'as, dans tous les cas. Tu es le bienvenu Ruben.

Cette fois, le garçon ne put empêcher un sourire béat de se dessiner sur son visage. C'était tellement sincère que ça lui fit chaud au cœur. Il n'avait pas l'habitude de se faire des amis aussi rapidement, mais Jérémy semblait simple et sans prise de tête. L'équipe de Gautier l'avait tout de suite accepté et ça ne faisait que le conforter dans l'idée que tout était parfait dans son couple.

A cet instant, Gautier sortit des vestiaires, ses cheveux encore mouillés et gouttant le long sa nuque. Il portait un jogging noir resserré au niveau des mollets qu'il avait légèrement remonté au-dessus des chevilles. Un long débardeur bordeaux dévoilait le haut de son torse et un bracelet en cuir reposait sur son poignet gauche.

Le cœur de Ruben s'accéléra dans sa poitrine comme si c'était normal que ça lui fasse toujours cet effet alors qu'ils étaient ensemble depuis déjà quelque mois. Mais c'était comme ça, Gautier était beau à en crever, et Ruben n'avait pas l'impression qu'il s'y habituerait un jour.

Le sourire qui se devina sur le visage de son petit-ami lui indiqua qu'il venait de les voir et Gautier se dirigea vers eux rapidement. Il reposa son sac de sport sur le terrain du gymnase lorsqu'il arriva à leur hauteur et pressa directement ses lèvres contre celles de Ruben après avoir murmuré un « tuesvenu » presque incompréhensible.

Gautier se retira à contrecœur lorsqu'il entendit Jérémy se racler la gorge derrière lui et Ruben feinta ne pas être totalement anéanti par ce baiser écourté.

— Qui t'a emmené ? Interrogea Gautier pour engager la conversation.

— Mon père.

— Tu as fini de réviser ta chimie ?

— Oui, ça m'a pris toute la matinée. C'était chiant. Pas trop déçu par le score ?

Gautier se retourna vers son ami et ils eurent le même haussement d'épaules.

— C'est comme ça, souffla le garçon, On s'est défendus comme on a pu.

— Tu parles, pouffa Jérémy, Tu n'as rien foutu sur le terrain.

— Ta gueule, connard.

— Toi-même, PD.

Ruben voulut s'offusquer, mais l'insulte avait l'air de si peu toucher Gautier qu'il ne releva pas le caractère homophobe.

— On se fait une bouffe chez Ludo, enchaîna Jérémy qui ne remarquait visiblement pas qu'il venait de choquer Ruben, Vous venez ?

— Je ne sais pas, murmura Gautier en se retournant vers son petit-ami, Ça te tente ?

— Je suis totalement dépendant de toi pour les trajets, mon père a dit qu'il ne sortirait plus sa voiture pour moi, donc on va où tu veux, chéri.

— De toute façon, je ne dois pas rentrer tard chez moi, je n'ai pas fait mes devoirs pour lundi.

— T'es en L, rétorqua son meilleur ami, Tout le monde sait que tu n'as pas de devoirs.

— Je t'emmerde.

Gautier attrapa son sac de sport sur le sol et passa la hanse sur son épaule. Ils sortirent tous les trois du gymnase, suivis par plusieurs garçons de l'équipe. Ils se dirigèrent vers le parking, s'arrêtant devant la voiture de Gautier .

Jérémy enchaîna :

— Tu as l'adresse de Ludo ?

— Oui, je l'avais déjà enregistré dans mon GPS. Tu veux que je t'emmène ?

— Non, je rentre avec Marc, on doit acheter de l'alcool pour ce soir.

— T'es sérieux ? Vous voulez boire ?

— C'est le plaisir d'être à la fac, commenta Jérémy en attrapant une des joues du garçon pour la serrer dans ses doigts. On boit tous les soirs qu'on veut. Tu connaîtras ça aussi quand tu seras plus grand.

— Va te faire foutre Jerem' ! S'exclama Gautier en riant, poussant la main qui lui pinçait la joue.

Le garçon s'éloigna pour rejoindre une autre voiture garée plus loin sur le parking, probablement celle de Marc, tandis que Gautier ouvrit son coffre pour ranger son sac de sport à l'intérieur. Il le referma d'une seule main et sursauta lorsqu'il vit Ruben planté à quelques centimètres de son visage, un large sourire sur les lèvres.

— Qu'est-ce que t'as ?

— Rien... J'attendais juste qu'il parte.

— Pour ? Interrogea Gautier.

— Pour ça.

Ruben embrassa ses lèvres amoureusement, exerçant une légère pression contre sa bouche, tout en caressant ses hanches par-dessus son débardeur.

— Même si t'as perdu tous tes matchs, tu es quand même mon héros, murmura Ruben contre son oreille.

— Je n'ai pas perdu tous mes matchs, rectifia Gautier, vexé, On est arrivé septième quand même.

— Si tu veux, rétorqua son petit-ami à qui la précision importait peu.

Il pressa ses lèvres à plusieurs reprises contre celles de Gautier, en une suite de petits baisers furtifs, puis il s'éloigna de son étreinte.

— On y va ?

Gautier acquiesça avant de déposer un dernier baiser sur les lèvres de son petit-ami, puis ils entrèrent tous les deux dans la voiture. Le garçon démarra le moteur et effectua rapidement sa manœuvre pour sortir de sa place de parking tandis que Ruben enchaîna :

— Je pense que Jérémy m'aime bien.

Le garçon se retourna vers lui, un air intrigué sur le visage.

— Pourquoi tu dis ça comme ça ?

— Comme quoi ?

— Comme si c'était un truc de fou.

— Parce que tu m'as dit que tes potes du lycée ne m'aimaient pas, rétorqua Ruben, Lui, je pense qu'il m'aime bien. Donc c'est cool.

Gautier esquissa un sourire presque trop timide par rapport à d'habitude, mais Ruben ne voulut pas s'aventurer davantage sur le sujet. Son petit-ami changea de conversation avant qu'il n'eût le temps de rétorquer quoi que ce soit, de toute manière.

— On fait quoi pour ton anniversaire, mon cœur ?

— Je dîne au restaurant avec mes parents, l'informa Ruben, Mais je ne pense pas que ça va durer longtemps, on pourra se voir après, vu que ça tombe un samedi soir.

— On fera ça.

Ils s'arrêtèrent de discuter pendant quelques minutes, le temps qu'une de leur musique préférée passe à la radio et qu'ils la chantent à tue-tête, puis Gautier reprit :

— Tu as eu des nouvelles d'Anna et Jared ?

— Aucune et je ne veux pas en avoir.

— Noah est passé ce matin, il avait l'air mal.

— Je m'en contre-fiche.

Comprenant que Ruben ne s'épancherait pas davantage sur le sujet, Gautier ne releva pas la conversation et il se concentra sur la route jusqu'à ce que son petit-ami ne reprenne la parole :

— Je me posais une question.

— Dis-moi.

— Comment ça se passe avec les gars de l'équipe ... Dans les vestiaires ?

Gautier lui lança un rapide coup d'œil avant de répondre, légèrement déconcerté par la question :

— Bien. On s'entend tous bien dans l'équipe.

— Non mais je veux dire, dans la douche quoi.

— Hein ?!

— Ne fais pas l'innocent, souffla Ruben, Vous êtes tous nus et tu es gay.

— Tu es jaloux ? S'amusa Gautier.

— Pas du tout. Je me pose juste de la question de... Enfin je ne sais pas... Si...

— Si je bande quand je prends ma douche avec les gars de l'équipe ? L'interrompit Gautier, Non, ça n'est jamais arrivé.

Ruben sentit ses joues rougir, ce qui était très con puisqu'après tout, c'était lui qui avait engagé la conversation, mais allez savoir. Il était coincé à propos du sexe, du moins en parler l'avait toujours un peu gêné.

— D'accord, murmura-t-il en se retournant vers la route pour ne pas croiser le regard amusé de Gautier, Parce que tu ne les regardes pas ou...

— Non. Parce qu'ils ne me plaisent pas.

— Ouais, mais ça ne se contrôle pas. C'est naturel.

— Un hétéro ne bande pas systématiquement quand il voit une fille nue, lui fit remarquer Gautier, Pourquoi est-ce que cela serait différent pour un homo ?

— Parce que nous sommes des bêtes de sexe ? Proposa Ruben en se retournant vers lui.

Ils pouffèrent de rire tous les deux et Gautier déplaça sa main droite pour la poser sur la cuisse de Ruben, tandis que son autre main continuait de tenir le volant de la voiture.

— Il n'y a que toi qui m'attire, rétorqua-t-il, Alors maintenant, arrête de parler de sexe parce que sinon on n'est pas prêts d'arriver chez Ludo.

Ruben esquissa un sourire et s'empara de la main de son petit-ami qu'il porta à ses lèvres pour y déposer un baiser avant de proposer, avec un air faussement innocent sur le visage :

— Tu peux toujours faire un arrêt sur le côté de la route.

— Ne me tente pas.

Ruben tourna sa main afin de poser ses lèvres contre sa paume.

— Hey... Je suis sérieux là, je conduis.

— Hum, hum.

— Mais tu m'écoutes ? Je conduis, arrête de me chauffer comme ça.

— Tu es trop sexy, ce n'est pas ma faute.

Gautier poussa un soupir avant de regarder dans son rétroviseur arrière, aucune voiture ne le suivait de près. Il mit son clignotant à droite et se gara sur le trottoir avant de couper le moteur et de se retourner vers Ruben qui ne s'attendait visiblement pas à ce qu'il s'arrête vraiment sur le bord de la route.

— Et maintenant ? L'interrogea Gautier, un air provocateur sur le visage, Qu'est-ce que tu vas me faire ?

— Mais t'es malade, murmura Ruben, soudainement rouge comme une pivoine, On va nous voir ici. C'est une route, tout le monde passe.

— J'hallucine, souffla son petit-ami, Alors ce n'était que des paroles en l'air ?

— Non, oui, enfin, s'embrouilla-t-il, gêné, Je ne sais pas... J'ai envie, mais là... Comme ça. On ne peut pas faire ça.

Gautier souriait. Il ne pouvait s'empêcher de trouver adorable son embarras. D'ailleurs, tout était tellement adorable chez Ruben qu'il était difficile de ne pas craquer.

— Tu ne veux plus ? L'interrogea-t-il en passant une main sur sa joue, Je redémarre alors ?

— Non... Attends !

Ruben semblait en proie à un débat intérieur et son regard bifurquait tout autour de lui comme s'il essayait de calculer la distance entre la voiture, la route, et les maisons sur le bas-côté. Ses lèvres se pincèrent et Gautier put clairement sentir que son sang s'était accéléré dans ses veines. Il était stressé, mais pas seulement. Il y avait quelque chose en plus dans son regard. Quelque chose de plus rapide et de plus saccadé dans ses gestes. Alors Gautier comprit. Ruben était stressé et excité à la fois.

— Chéri, on n'est pas obligés si tu...

— On le fait, l'interrompit Ruben, On le fait, dans la voiture.

— T'es sérieux ?

Pour répondre à sa question, Ruben posa ses lèvres sur les siennes et monta à califourchon sur son petit-ami. Il colla son corps au sien et Gautier sentit contre sa cuisse, qu'en effet, il était sérieux.

***

Anna frappa deux coups timides à la porte de l'appartement des Khan. Son cœur se mit à accélérer dans sa poitrine lorsqu'elle vit la poignée s'affaisser. Noah apparut sur le pas de la porte. Il était beau, ce qui n'était pas étonnant puisqu'il l'avait toujours été, mais aujourd'hui était plus cruel que d'habitude. Il avait cette beauté quasi surnaturelle. Ses cheveux bruns étaient aplatis sur son crâne, les cernes dessinées sous ses yeux rendaient son regard plus sombre et envoûtant, il avait le visage plus pâle que d'ordinaire et cela contrastait avec ses lèvres rouges.

Anna déglutit péniblement avant d'avancer d'un pas lorsque le garçon s'éloigna de la porte pour l'inviter à entrer dans son appartement. Noah referma la porte derrière elle et la suivit lorsqu'elle se dirigea vers le salon. Anna commença à regarder tout autour d'elle et il la coupa, répondant ainsi à sa question silencieuse :

— On est seuls.

Anna savait qu'il parlait seulement de l'appartement, mais elle trouva l'affirmation cruellement exacte. Ils n'avaient jamais été aussi seuls tout en étant ensemble.

— Tu vas bien ? Reprit la parole Noah.

Il passa une main dans l'élastique de son jogging, calant ses doigts contre ses hanches d'un air gêné.

— Euh... Oui, murmura-t-elle vaguement.

Anna s'arrêta devant lui pour avaler de nouveau sa salive qui restait désagréablement coincée dans le fond de sa gorge. Elle ne savait pas comment elle avait fait pour retourner la situation, mais elle l'avait fait. C'était elle qui se sentait coupable désormais, elle qui voulait se foutre des baffes et disparaître sous terre.

Noah se tenait là, devant elle, un air incroyablement mignon sur le visage comme s'il aurait tout fait pour qu'elle le pardonne, alors qu'il ignorait encore que c'était elle qui avait fauté.

Son estomac se retourna sous le poids de la culpabilité. Oui, Noah l'avait mal traité, mais, non, il ne méritait pas ce qu'elle lui avait fait. Elle sentit ses joues rougir et évita son regard. Elle devait lui dire. Elle était incapable de garder pour elle ce qu'il s'était passé la veille.

— Je suis désolé, reprit-il la parole, Je n'aurais jamais dû te dire ça.

— Ne t'excuse pas, souffla-t-elle, le cœur serré.

— Tu plaisantes ? Bien sûr que si je m'excuse ! Anna, je me suis comporté comme le dernier des connards et je ne supporte pas...

— Jared et moi, on s'est embrassés, le coupa-t-elle.

Un lourd silence suivit son information. Un silence presque suicidaire tellement il donnait envie de se jeter par la fenêtre pour ne plus avoir à le supporter.

— Que... Quoi ? Bégaya Noah, le cœur au bord de l'implosion.

— J'ai passé ma soirée avec lui hier, murmura-t-elle, Et...

— Je sais, l'interrompit-il, sèchement, C'est la suite que j'ai du mal capter je pense.

— Non, souffla-t-elle, Tu as bien compris.

Noah laissa échapper un bruit indescriptible, mélange de mépris et de désapprobation. Sa vue se brouilla presque instantanément et sa respiration devint plus saccadée.

— Tu l'as embrassé ? Cracha-t-il de dégoût, Mais on est encore ensemble. T'en as conscience ?

— Noah, ça c'est juste passé comme ça, sur le moment.

— Sur le moment ? S'étrangla-t-il de colère, Et sur le moment, il t'a baisée aussi ?

Le regard d'Anna tomba sur le sol et Noah eut l'impression que son cœur venait de faire la même chute.

— Non, souffla-t-il, déconcerté, Ne me dis pas que vous avez couché ensemble ?

Anna eut un mouvement à peine perceptible de la tête, un acquiescement honteux, et il crut s'évanouir. Tout se mélangeait dans son esprit et il dû se faire violence pour rester debout sur ses pieds.

— Noah, s'il-te-plaît, je...

Elle fut interrompue par un bruit sourd. Celui de la main de Noah qui claqua contre sa joue. Un bruit aussi violent que la colère qu'il avait mise dans son geste. Sa tête partit vers la gauche alors qu'elle laissa échapper un hoquet de surprise.

Anna porta sa main droite à sa joue endolorie, encore brûlante de la claque qu'elle avait reçue. Elle resta ainsi, totalement hébétée et incapable de pleurer.

— Dégage.

La voix de Noah était froide, catégorique, et en aucun cas elle eut l'impression qu'il regrettait son geste. Anna releva son visage vers lui, sa main froide toujours posée contre sa joue, et elle l'observa dans les yeux avant de murmurer du bout des lèvres :

— Noah...

— Dégage, répéta-t-il fermement.

Elle ne se fit pas prier et quitta l'appartement sans rien ajouter de plus, partant presque à toutes jambes pour échapper à son regard assassin. La porte claqua derrière lui et Noah eut un sursaut, comme s'il venait de se réveiller de ce cauchemar et prenait pleinement conscience de ce qu'il venait de se passer.

Il se dirigea vers sa chambre et referma la porte derrière lui, empêchant ses larmes de couler car il connaissait un autre moyen de calmer sa douleur. Il entra dans sa salle de bains et s'accroupit devant la cuvette des toilettes. En un geste précis et décidé, il planta deux doigts dans le fond de sa gorge et son estomac se souleva de suite. Le bruit rauque qui s'échappa de sa gorge donnait un sens à ce qu'il ressentait. Ce sentiment de trahison et de peine. Le vomi éclaboussa la faïence des toilettes et il s'en donna à cœur joie car il n'avait pas besoin de retenir le bruit, il savait qu'il était seul, et c'était tellement agréable de ne pas se retenir.

Son front retomba sur la cuvette tandis qu'il continua de cracher. C'était la première fois qu'il se faisait vomir sans rien avoir avalé avant et cela rendait son geste plus douloureux que d'habitude, surtout qu'il n'avait presque rien mangé de la journée. Il renfonça ses doigts baveux dans le fond de sa gorge et son estomac vide se tordit de douleur. Ses yeux devinrent humides et son corps protesta, tremblant, refusant de continuer, mais Noah poussa ses doigts encore plus loin dans sa gorge pour expulser tout ce qu'il avait en lui. Le suc gastrique de son estomac lui brûla la gorge et lui fit presque tourner de l'œil.

Noah cracha dans la cuvette et se releva en chancelant de gauche à droite. Il se jeta sur son évier, alluma le robinet et passa ses lèvres sous le jet d'eau. Il avala, encore et encore, jusqu'à se remplir entièrement, jusqu'à se sentir gonflé au point d'exploser. Il coupa l'eau et s'agenouilla de nouveau devant ses toilettes. Il eut à peine à faire le geste de ses doigts s'enfonçant dans sa gorge qu'une ruée d'eau s'échappa de son œsophage, ce qui, paradoxalement, soulagea la brûlure dans le fond de sa gorge.

Il pleurait désormais, à chaudes larmes, et ses doigts s'enfonçaient de plus en plus loin dans sa trachée, jusqu'à ce que toute l'eau qu'il ait ingurgitée se retrouve dans le fond de la cuvette. Il continua, encore et encore, en un geste désespéré et dénué de sens. Il cracha, sa salive mélangée à un liquide rouge, et il comprit qu'il venait de se gratter la gorge si fort qu'il en saignait. Un goût de fer se répandit sur sa langue et il se mit à tousser. Une toux si douloureuse qu'elle empêchait l'air d'entrer dans ses poumons. Noah se sentit défaillir, il n'était plus oxygéné et tout son corps lui faisait mal. Alors il détacha ses mains de la cuvette pour se reculer, essaya de prendre de l'air malgré ses spasmes de panique. Il avait l'impression qu'il allait crever, là, tout de suite. Le garçon tenta de chercher de l'oxygène malgré le goût du sang dans sa bouche, il cracha de nouveau et toussa. Sa poitrine se contracta douloureusement comme s'il était en train de se noyer. Il se laissa tomber sur le carrelage et le sol froid lui permit de rester conscient encore quelques secondes de plus.

Il ferma les yeux et les larmes continuèrent de couler le long de ses joues. Il suffoqua et trembla de tout son corps, la gorge en feu et l'esprit tout autant. La douleur était insupportable.

Noah se releva en titubant et des taches noires brouillèrent sa vision. Avec la force qu'il lui resta, il ôta ses vêtements et s'engouffra dans sa douche. Il alluma l'eau au plus chaud et tomba sur le sol en laissant le jet lui brûler le dos. Il toussa encore, des tâches rouges se mélangeant à l'eau de la douche et s'échappant par le siphon. Ses mains tentèrent de s'accrocher au joint du sol et il reprit sa respiration peu à peu, laissant l'air passer son œsophage bien que ça lui enflammât la gorge.

Alors il resta ainsi, sans que personne ne se préoccupe de lui.

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