La Triade

By Ewylyn07

157 25 12

À Fallon, la Triade - Magie, Politique et Religion - règne en maître depuis des années, les uns ne pouvant ex... More

Prologue (1/2)
Prologue (2/2)
Les ruines de Brumesel - 1
Les ruines de Brumesel - 2
Les ruines de Brumesel - 3
Les ruines de Brumesel - 4
Le maître des secrets - Basile Lambroise
La fin d'une ère - Basile Lambroise
La mission des Bretterres - Léandre D'Abaupin
La forêt déchue - Léandre D'Abaupin
Introduction

Être au service de Fallon - Basile Lambroise

5 1 0
By Ewylyn07

L'Antre. LE bureau. Pour évoquer la pièce où s'enfermait Arman Costello, les sobriquets s'alignaient dès que le ministre avait le dos tourné. Habitué à la cour, Costello laissait les langues se délier une fois qu'il atteignait l'angle mort des courtisans, opposition comme admirateurs. Le temps était une unité de mesure et il lui était impossible, pour ne pas dire prohibé, de le perdre pour des futilités et des ragots. Voilà pourquoi il refusait de parler de sa vie privée, assurant que son épouse et leurs enfants se portaient comme un charme. On riait alors de la rigide discrétion d'Arman, prétextant qu'il devait probablement préférer les hommes ou qu'il était marié à son travail. Les enfants étant les citoyens de Fallon.

Néanmoins, en dépit de sa figure ronde, de son air guindé et de ses yeux pétillants, il restait ministre. Et lorsque l'on était un ministre, on était forcément détesté, secrètement jalousé et son pouvoir totalement convoité. Pourtant, Costello ne gérait aucunement les finances, ce domaine était attribué à la banque du palais, l'argentier et son cénacle comptaient la moindre dépense et analysaient scrupuleusement les rentrées. Non, Costello hérita de la lourde charge des secrets, de la sécurité interne et externe au royaume, de la défense et la guerre, de la magie et des relations avec le Deus. Il était donc au courant de tout ! Il établissait des fiches de renseignement sur chaque habitant de Fallon, étudiait les mouvements de troupes (alliées et ennemies) et s'occupait des caprices du Deus, de la formation des Bretterres, de la surveillance des Aquamoines, Pyromages et Eosages.

On disait que si vous pensiez trop fort de tuer votre belle-mère, Costello vous pendrait le jour d'après. Il était l'ombre du roi Mathorin III et son plus fidèle allié, il était la main de fer dans le gant de velours, celui dont on ne pouvait avoir le luxe de s'en faire un ennemi. S'il n'exécutait pas le sale travail, il en pensait les moindres détails. Ancien Bretterre et Commandeur de ladite faction, il devint un grand ami pour le roi dont il partagea les conquêtes et les défaites.

Personne n'oserait entrer dans l'Antre. LE bureau.

Sauf un seul personnage, le secrétaire d'Arman Costello : Basile Lambroise. À Fallon, la règle était simple, un orphelin adoptait le nom de famille de sa ville de naissance ou de la cité dont il chérissait le souvenir. La seule exception, une fois de plus : Basile Lambroise. Il détestait le village de Lambroise situé dans la même région que la capitale royale, Haumont. Il haïssait chaque minute, chaque habitant et touriste s'étant délecté sur sa personne. Ou plutôt, sa demi-personne. Basile Lambroise était un nain, non un descendant du peuple mythique du Premier Âge, mais une personne atteinte de nanisme.

Dans cette mêlée de rire et de caillou projeté, de tomates et de doigts pointés, seule l'arrivée du Ministre Costello causa un silence résolu et sinistre. La foule se dispersa pour reprendre son quotidien, les plus intéressés s'empressèrent de promouvoir la cité notamment la qualité de l'air, l'agriculture florissante ou encore la bienveillance des villageois. Passé l'éternel couplet du monde parfait où tout est beau et sans saveur, le ministre put se défaire des enquiquineurs pour se pencher sur un cas qui l'intéressait. Il se rapprocha alors du nain et s'attira les regards curieux des passants, Arman entama la conversation :

— Monsieur, vous apprendrez qu'il est inutile de juger la hauteur avec laquelle ces gens bas d'esprits vous contemplent. Ensuite, retenez qu'on ne juge pas un grain de poivre sur sa taille, donnez-le à manger à vos convives et vous les verrez être piqué à vif. Enfin, si vous n'avez rien de mieux à faire dans ce village, sachez que j'ai un travail à vous proposer, dans ma Maison.

Costello vit des flammes investirent les prunelles déjà courroucées de Basile. Le nain s'empressa de cracher au sol, salissant les chaussures vernies du ministre qui ne parut pas s'en émouvoir. « Décidément, les gens en colère manquaient d'inventivité pour marquer leur territoire... », pensa Arman.

— Je ne serais pas...

— Avant que vous ne sortiez quelque chose de fortement regrettable, deux choses, objecta Arman. La première, c'est que je me doute de tous les clichés dont se repaissent le peuple au sujet de la haute noblesse, autant vous dire que la réalité n'est pas fait exclusivement de fantasmes. La deuxième, c'est qu'en entrant à mon service vous allez vite vous en apercevoir. Et petite précision, vous ne serez pas domestique, bouffon, potiche décorative que je déguiserai en curiosité mythique en clamant que vous êtes un Nain de l'Ancien Temps.

De la suite, Basile n'en avait que de vagues souvenirs. Il lui semblait que Costello avait tourné le dos regagnant son landau pour se déplacer, il allait retourner à Haumont. De ça, Basile en était certain, comme il était assuré de poursuivre ce quotidien épouvantable et d'en mourir s'il s'entêtait à rester là. Arman Costello lui proposait un poste, pas de comique troupier ou d'esclave. Un vrai travail, son premier travail qui lui permettrait de sortir la tête de l'eau, un miracle. Lorsqu'il put émettre un mot, calé dans cette banquette moelleuse capitonnée, il entendit le ministre rire, un son proche du ricanement qui n'était pas désagréable à écouter. Il paraissait moins soucieux quand il riait.

— Non, mon cher, s'amusa le ministre. L'impossible n'est pas impensable ou infaisable. L'impossible est même mieux, c'est une lanterne, un guide exceptionnel pour se dépasser, il faut rêver et penser l'impossible. Arman Costello.

— Basile, bafouilla le nain. Juste Basile.

— Juste, tss, protesta le ministre. Vous avez une propension démesurée à l'humilité, ou alors le mauvais traitement de ces malotrus a ravagé votre confiance en vous. Qu'à cela ne tienne, vous aurez tout le temps de renforcer vos barrières, monsieur le secrétaire.

C'était en souvenir des premiers jours dans ce palais que Basile ouvrit les épais rideaux de velours bordeaux afin de faire pénétrer les rares rais de lumières. Le soleil était à peine perceptible ce jour-là, le temps se teintait de gris en parfaite adéquation aux circonstances : la session du Parlement fut une catastrophe sans précédent.

Basile ne connaissait rien en politique, en royaume et protocole, à l'argent ou à la guerre quand il entra au service de Costello. Même pire, il avait tenu à rester aussi éloigner que possible, persuadé qu'il n'approcherait jamais la lumière ou respirerait l'air que ces gens-là. Grave erreur. Non seulement il côtoya ces milieux, mais il comprit bien vite que ce qu'il appelait lumière n'était rien d'autre d'un vernis apposé sur des maux plus profonds.

Ces personnes vivaient au rythme qu'on lui imposait, les diktats étaient nombreux et tout respectait des règles précises comme une immense partition. Ils n'avaient rien de joyeux, de beau, de parfait dans leur monde : tout sonnait creux, bancal et triste ; appelant plus à la pitié qu'à la haine. Finalement, le bas peuple vivait plus dans la lumière qu'eux enfermé dans leurs dorures.

Basile se concentra sur les lustres à surélever, sur les candélabres à allumer pour que tout soit préparé à l'entrée d'Arman Costello (qui sans nul doute serait d'une humeur massacrante). Un domestique sonna alors la remise du courrier et Basile se trouva heureux de fuir les lieux, le répit lui permettrait de ne pas assister à l'entrée fracassante du fauve.

Personne ne fit attention à lui dans les couloirs, sa taille le rendait invisible ; mais il n'était ni aveugle, ni sourd et ce qui le handicapa si longtemps dans ce monde devint sa force. Le ministre Costello aimait s'entourer de personnes fantastiques disait-on, des assassins, des voleurs, des courtisans, des prostitués, des jongleurs, des géants, des nains ou encore des mendiants unijambistes.

— Comme si ce petit peuple remplaçait les mythiques elfes, sirènes et druides, persiflait le duc Untel-au-costume-en-or.

— Probablement qu'ils doivent être dignes d'intérêt, ajoutait méprisant la marquise Plumes-de-Paon-en-diamants.

— Du même style que cette épouse invisible, surenchérit la comtesse Machin-avec-ma-robe-impossible-à-faire-passer-par-la-porte.

Aujourd'hui, la séance parlementaire était sur toutes les lèvres. On rejouait les scènes majeures, en commentant les rebondissements ou les piques sorties par les invités de prestige. Les commères se repaissaient du spectacle et l'art de la médisance obtenait ses lettres de noblesse.

Basile se fraya difficilement un chemin, les inquiétudes pointaient le bout de leur nez si l'on en croyait les trémolos ; sans oublier les interrogations, la consternation. Le palais et Fallon ne se remettraient jamais de cette bombe larguée dans son coeur, les pro-démocrates revêtaient un visage contrit, défait. Ils sentaient le vent tourner, dès demain toutes ces familles soutenant les Guadani partiront au sud, on camouflera l'exil de vacances : prendre des bains à Dell'Ortona était courant. Personne ne sera dupe, c'était un exil avant de trouver des massacrés dans toutes les maisons, ou pire, des suicidés peu apprécier du Deus.

Quant aux rares nordistes présents en ces lieux, leur rage froide se lisait sans qu'ils cherchassent à la cacher. On avait traité leur jarl comme un bas troué, non, peut-être avec moins de considération que le bas. Basile avança en toute discrétion, le bras droit de Costello devait arborer une mine d'une neutralité presque écoeurante. En vérité, Basile trouvait les miaulements du prêtre absurdes, la Damnation Memoriae brusque et la destitution de Lord Folke sonnait comme une déclaration de guerre.

La Triade debout, car chacun des piliers se dressait fièrement et restait à sa place. Que le second du Deus, avec l'accord de Sa Sainteté, s'octroie le pouvoir de destituer un politicien était inimaginable. On venait de mélanger deux produits inflammables et le Nord profitera de la brèche pour frapper. Les diplomates se rassemblaient déjà au fond, se rongeant les ongles devant l'ampleur du feu à éteindre.

Basile pénétra dans un local adossé aux Communs, l'aile destinée aux domestiques et aux gens de la maison affairés à tenir le palais jour et nuit. Le local abritait une dizaine de personnes chargées de récupérer et trier le courrier, tous les colis suspects étaient détectés par un guetteur — un Eosage qui a travaillé une spécialité dans la lecture des objets.

De toutes les castes héritées de la magie, le secrétaire possédait une fascination croissante pour les Eosages, leurs pouvoirs sur le mental, sur l'écoute des autres et de l'environnement. La princesse Tahys atteinte d'une pathologie mentale était soignée par un Eosage, le seul en qui Arman Costello avait une confiance absolue. Ou plutôt la seule. Non, pas sa femme, Basile connaissait son identité et la tiendra secrète jusqu'au bout, pas envie de perdre son travail. Il s'agissait d'une courtisane très prisée surnommée La Marquise.

La réelle intelligence de Costello était de s'entourer de personne invisible, dont les identités étaient plurielles. L'espion favori de Costello se présentait à Basile sous le pseudonyme de Diego, il savait que c'était un nom d'emprunt, lui-même en possédait un et seul Arman nommait dans l'intimité ses collaborateurs par leurs vrais noms. Basile soupçonnait le ministre d'avoir été traumatisé par un conte dans son enfance, celui sur ce nain mort par la simple évocation de son patronyme. Il avait tenté de dérober un nourrisson à une reine qui pour se défaire de lui dû dénicher le nom. Les noms auraient un pouvoir magique.

Basile en était là de ces réflexions quand son tour de réclamer le courrier vint.

Continue Reading

You'll Also Like

12K 1.7K 11
Tome 2. La lecture préalable du tome 1 est indispensable. Après les événements de la Tour Eiffel, Vivien fait sa rentrée à l'Institut, plus stressé...
20K 5.5K 141
/!\ ATTENTION : Ceci est le tome 2 du violon de cristal. Il est fortement déconseillé de lire le synopsis sans avoir lu le tome 1 au préalable. Après...
232K 26.7K 68
Pas facile d'être le seul garçon fée jamais né ! Presque dépourvu de don magique, Vivien Guyonvarc'h ne s'attendait pas à briller en entrant au lycée...
2.9M 151K 199
Afin de recevoir l'amour de son père, Keira s'est efforcée de vivre la vie d'une fille parfaite et soumise. Cependant, un jour, Cosette apparaît en p...