Surprise par son geste, je restai figée, les doigts sur les lèvres et les yeux écarquillés. Fier de lui, il arborait un sourire charmeur et une posture détendue. Je cillai plusieurs fois des paupières pour retrouver mes esprits et une respiration normale.
- Démarre que je t'indique un restaurant pas loin, j'ai une faim de loup ! S'exclama-t-il affalé sur son siège.
- Et il ne manquerait plus que le petit chaperon rouge passe pour que tu la dévore tout crue. Fis-je avec sarcasme en levant les yeux avant de faire gronder la voiture.
Il tourna son visage vers moi et m'étira un sourire sadique qui me fit regretter mes mots avant même qu'il réponde à ma blague.
- Oh... mais je l'ai déjà trouvé mon petit chaperon, c'est juste que j'attends que ce soit elle qui me supplie de la dévorer... toute nue... enfin, je voulais dire... toute crue. Dit-il en me fixant de son regard sombre de malice et de promesses.
Une bouffée de chaleur m'envahit d'un coup alors que la voiture était encore en mode décapotable. J'éteignis le moteur et descendit de la voiture.
- Qu'il y a-t-il bébé, ça ne va pas ? Fit James un sourire au coin des lèvres, visiblement ravie de me déstabiliser autant.
- Euh... Je... suis fatiguée et je... préférai que... ce soit toi qui conduise. Mentis-je avec difficulté.
Il haussa un sourcil tout en me regardant intensément, me faisant comprendre que je mentais très mal. Mais je n'ajoutai rien et lui non plus ne dis rien. Il se contenta d'hocher la tête, descendit de la voiture, la contourna tandis que j'en fis de même et nous échangeâmes ainsi nos places.
Il réajusta le siège et moi j'affaissai le mien pour mieux me détendre, je portai mes lunettes de soleil et il en fit de même, il fit gronder gravement le moteur et j'attachai précautionneusement ma ceinture de sécurité.
La voiture s'élança avec souplesse sur la route et je fermai les yeux pour profiter des caresses du vent sur ma peau. Personne ne parlait et il n'y avait pas de musique comme bruit de fond, seul celui du moteur combiner à celui du vent, et ce mélange de bruit en était apaisant.
Je ne sus combien de temps nous roulâmes mais quand le bruit du moteur devint à peine perceptible et que la force du vent diminua, je compris que nous étions arrivés. J'ouvris les yeux, relevai mon siège et scrutai les alentours.
- Un fast-food ? Fis-je étonnée.
James se gara sur le parking et l'on descendit simultanément de la voiture.
- Tu n'aimes pas les fast-foods ? Me demanda-t-il sur un ton sérieux, prêt à faire quelques kilomètres de plus si je répondais par la négation.
- Je ne trie pas la nourriture. Lui fis-je remarquer. C'est juste que ça m'étonne venant de ta part, d'habitude tu préfères les luxueux restaurants aux serveurs avec un balai coincé entre les fesses...
Il pouffa et se retint difficilement d'éclater de rire.
- Je croyais que c'était ce genre d'endroit que tu aimais fréquenté, vu que tu as grandis dans le luxe et la richesse. Se justifia-t-il.
- Oui... mais je préfère les choses simples car même si j'y ai grandi je n'ai jamais pu me faire à la froideur et aux faux-semblants de cet environnement. Lui avouai-je.
Il me sourit puis posa sa main dans le creux de mon dos et d'une pression m'incita à avancer. Comme il le souhaita, j'avançai tout en tentant de m'éloigner de lui pour échapper aux picotements que créait sa main tout le long de ma colonne vertébrale.
Cependant, il en décida autrement et m'entoura complètement la taille de son bras pour me coller à lui. Nous entrâmes ainsi dans le fast-food et il me demanda de nous trouver une place où nous asseoir tandis que lui commandait nos plats.
Je choisis de monter à l'étage et m'assis à table à l'extrême droite du restaurant près de la baie vitrée. Je l'attendis que quelques minutes et il apparut face à moi avec deux grands plateaux en mains. Il s'assit dos à la baie vitrée tandis que moi j'y faisais face.
- Je t'ai pris un menu complet au poulet, j'espère que ça te va ? Me demanda-t-il attentif à mes expressions.
- Oui c'est parfait, merci, mais le tien il est énorme, tu as pris le triple XL ou quoi. ? Fis-je ironiquement.
Il n'y répondit rien et se contenta d'étirer un fier sourire au coin des lèvres. J'écarquillai les yeux, choquée en ouvrant grand la bouche.
- Ça existe vraiment le menu triple XL ? Demandai-je incrédule.
- Oui... enfin sur commande spéciale. M'avoua-t-il.
- Tu as autant faim que ça, tu as déjeuner à la maison, n'est-ce-pas ?
- Pas vraiment, ton frère m'a piqué tous mes pancakes tandis que je m'évertuais à surveiller les tiens plutôt que les miens.
J'étirai un sourire touchée par son sacrifice puis devint nostalgique de la relation qu'il entretenait avec mon frère pareil à celle que j'entretenais avec ce dernier quelques années plutôt, quand nous vécûmes encore ensemble.
Nous nous échangeâmes une œillade rapide puis entâmes notre déjeuner dans le silence. James dévorait littéralement son Hamburger sans retenue tandis que moi je le regardais amusée. Il releva la tête et planta son regard dans le mien.
- Tu ne manges pas ? Me demanda-t-il l'air innocent.
- Si. Lui répondis-je avant de prendre une bouchée de mon Hamburger.
Il sembla satisfait et se concentra de nouveau sur sa nourriture. Je pris une bouchée de plus mais la mâchée difficilement ayant une question coincée au fond de la gorge. Je déglutis douloureusement pris une gorgée de mon soda et me lançai.
- Comment est-ce que tu as rencontré Jason ?
James leva la tête, les sourcils légèrement froncés et les lèvres maquillées de mayonnaise.
- Il te l'a déjà dit à un match de basket. Fit James en haussant les épaules.
- Mais moi je veux la version complète, je doute que votre amitié ne soit basée que sur ce match. Lui dis-je sereine.
Il étira un rictus et hocha faiblement la tête.
- Et qu'est-ce que moi, j'y gagne en te la racontant "la version complète" ? Dit-il en faisant les guillemets de ses doigts.
- Tu ne fais jamais rien pour rien ? M'exclamai-je.
- Non, je ne suis pas un bon samaritain. Dit-il.
Je soufflai face à son air déterminé.
- Tu as de la mayonnaise sur les lèvres. Lui fis-je remarquer.
- Nettoie-les-moi s'il te plaît, bébé. Dit-il sur un faux air amoureux.
- Il en n'est pas question. Lui répondis-je en croisant les bras sur ma poitrine.
- Ce n'est pas comme ça que tu auras la version complète de l'histoire. Dit-il en haussant les épaules et en se réadossant sur son siège.
Ta curiosité te perdra..., fit ma tête dans un murmure.
Je lui jetai un regard noir avant de prendre la serviette en papier puis d'un autre regard noir, l'incitai à s'approcher. Il s'approcha et étira largement les lèvres, satisfait, tandis que je les essuyai, durement.
- Tu m'as complètement agressé les lèvres, bébé, pas que je suis contre, mais je préfère quand tu les agresses avec tes lèvres plutôt qu'avec une serviette en papier.
Mon regard flancha devant le sien et je pris une autre bouchée de mon plat suivit d'une gorgée de plus de mon soda.
- Alors tu me la racontes maintenant la version complète ? Lui demandai-je sans oser le regarder.
- Et qu'est-ce que j'y gagne ? Me demanda-t-il à nouveau
- Mais, je viens de te nettoyer les lèvres. Me justifiai-je en rencontrant son regard.
- Sans douceur ni sensualité... ce n'est pas suffisant ! S'exclama-t-il capricieux.
Je me laissai tomber contre le siège et le regardai, désespérée.
- Qu'est-ce que tu veux ? Finis-je par lui demander.
- Etant donné que je vais te raconter l'histoire de ma rencontre avec ton frère, j'aimerai moi aussi savoir les circonstances de ta rencontre avec ce Tom...
J'écarquillai les yeux, surprise de constater qu'il n'eût pas encore oublier ce nom, ce personnage.
- Pourquoi lui ? Demandai-je pour comprendre son intérêt pour ce dernier.
- Parce que je ne vois jamais ton regard aussi sombre et vide que quand je prononce son nom ou que tu parles de lui.
Je fermai les yeux quelques secondes et soufflai légèrement. Avais-je envie de lui parler de Tom ? Evidemment que non, mais j'avais envie d'en savoir plus sur lui et sa relation avec Jason alors pour nourrir ma curiosité, il fallait bien que je fasse tes compromis.
Un échange, ça devait être un échange entre nous deux, c'était mes mots et il fallait que je les assume.
- D'accord, mais juste les circonstances de notre rencontre et rien d'autres. Clarifiai-je avec lui.
Il hocha la tête et je pris une bouchée de plus de mon plat tandis qu'il en fit de même. En deux bouchées de plus, il termina son plats sous mes yeux ébahis et but son soda d'une traite avant de s'adosser sur son siège en cuir puis de perdre son regard dans ses souvenirs.
- Jason et moi étions dans la même université, dans des filières différentes avec des années d'études d'écart. J'avais vingt-trois ans quand je l'ai rencontré et lui n'en avais que vingt, je passais mes temps libres au terrain de basket de l'université et c'est là que je l'ai remarqué, de par son talent dans cette discipline. J'aimais bien jouer contre lui quelque fois, il était un adversaire redoutable et c'est de là que je tirais tout mon plaisir. Dépasser ses limites, c'est jouissif, excitant... c'est une sensation de plaisir unique. Tu as dû en avoir un avant-goût aujourd'hui, n'est-ce-pas ?
Je compris qu'il faisait allusion au fait que j'eus finalement pris plaisir à rouler à une allure folle sur la piste. Je souris puis hochai la tête pour confirmer ses dires, en effet, dépasser ses limites était vraiment jouissif.
Il répondit à mon sourire tandis que j'étais déjà retournée à mon Hamburger. Le regard toujours posé sur lui, je l'incitai à continuer.
- On a ainsi pris l'habitude de se rencontrer deux fois par semaine pour s'affronter en un contre un, puis après s'ajouta un weekend sur deux où nous jouâmes dans la même équipe contre d'autres jeunes de mon quartier. Petit à petit, le lien d'amitié s'est construit entre nous. Termina-t-il.
Je terminai mon Burger et mon soda puis m'adosser à mon tour et soutins son regard sombre.
- Et comment elle s'est fortifiée, cette amitié ? Demandai-je par encore satisfaite de cette version de l'histoire.
Il souffla et se passa la main sur le visage.
- Tu es beaucoup trop curieuse Ebiéreyma. Dit-il.
J'étirai un sourire en coin, haussai les épaules tout en continuant de le fixer du regard pour lui montrer ma détermination. Il soutint mon regard quelques secondes avant de ciller et de finalement se décider de me répondre.
- Il m'a sauvé la vie.