Seven Shameless Sinners - Tom...

By LiliShimizu

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Une météorite s'écrase sur l'Ile, un Circulaire agité vient acheter des fleurs à Vianey et il reçoit un contr... More

PROLOGUE
1 DRAKAEA GLYPTODON
2 JUSTE UNE METEORITE. POINT.
3 VIEILLE BRANCHE ET BELLE PLANTE
4 LES FOUDRES DE THRUD
5 ALFE-MONSTER
6 ENCORE CELUI QUI BAVE ?
8 HAPPY HOUR
9 METAMORPHOSIS
10 UN PETIT TOUR ET PUIS S'EN VONT
11 VAMPIRES JUST WANNA HAVE FUN
12 SOUMISSION
13 LE SEL DE LA VIE
14 POUDRE AUX YEUX
15 PREMIER DISCIPLE
Epilogue

7 LOYAUTE

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By LiliShimizu

 En regardant Thrud pousser la brouette jusqu'au tas de compost, Vianey remuait ses pensées. Il hésitait. Tout ça devenait de plus en plus grave. Et il avait peur. Malgré son âge, malgré son expérience en situations de merde, il avait peur.

Cette foutue météorite transformait petit à petit les gens de l'Ile en serviteurs dévoués. Il ne connaissait pas son but, mais à ce qu'il semblait, la roche voulait juste être célèbre. Que le monde entier soit à sa botte - ou en l'occurrence, toute l'Ile. Comment être sûr ? Toutes les grosses têtes de la dimension étaient centralisées à Kakao, la capitale, l'origine du mal qui les bouffait. Ils devaient tous être dévoués maintenant. Le petit village où Vianey s'était enraciné se situait assez loin de la capitale et pourtant ils commençaient déjà à l'envahir. Une partie de lui voulait plier bagages et se barrer. Une autre lui hurlait de se battre, qu'il était un vieux mercenaire et qu'il ne méritait pas de se faire chasser par une entité minérale. En plus, après tout ce temps passé ici, il s'était attaché à l'Ile. Et même à certains de ses habitants.

Thrud renversa la brouette et le corps au visage éclaté roula en bas de la pile de compost, entraînant des fleurs en décomposition avec lui. Elle essaya de tout repousser ensemble à force de coups de pieds, ce qui était aussi inutile que salissant. Quelle gourde... S'il partait, elle se ferait probablement tuer. Mais avant, elle détruirait probablement la moitié de l'Ile. Cette fille avait l'air de vouloir tout résoudre par la mort et la destruction. Au moins, se dit-il en la regardant s'acharner avec sa méthode discutable, sa volonté était inébranlable.

Un peu plus tard, Vianey apportait deux tasses de thé fumant dans le jardin, où boudait Thrud. Elle fixait la pelouse dans laquelle elle s'était assise en tailleur avec un air concentré, ses doigts nouaient machinalement des brins d'herbe entre eux. Il ne savait pas ce qu'elle avait et il n'avait aucune envie de le deviner : Thrud boudait la moitié du temps.

« Bois ça, ordonna-t-il sur un ton qu'il voulait gentil.

Elle lui jeta un regard interloqué, puis saisit sa tasse. Empressée comme elle était, la jeune déesse y trempa ses lèvres immédiatement et fit la grimace.

- Ce serait meilleur si tu attendais que ça refroidisse.

- Je fais ce que je veux ! rétorqua-t-elle avec mauvaise humeur.

Très bien, il avait très mal démarré la conversation.

- Qu'est-ce que tu comptes faire pour l'Ile ?

- Comment ça ?

- Tu n'as pas l'impression qu'on est un peu envahis, là ?!

- Ce ne sont que quelques zombis, pas de quoi s'alarmer. Il suffit de leur éclater la caboche jusqu'à ce qu'il n'en reste plus.

Vianey dût se retenir de lui verser son thé sur la tête. Elle était encore plus maboule qu'il ne le pensait.

- Ce sont des gens, Thrud ! Des gens qui agissent contre leur volonté ! Ils sont rendus complètement fous par cette... Chose.

- Ouais, ouais... Des fans hardcore. De toute façon, c'est pas comme si on pouvait vraiment y faire quelque chose.

- Tu es une déesse, non ? Tu dois bien pouvoir... Je sais pas quoi !

Elle leva les yeux vers lui. Une flamme terrifiante dansait dans ses iris couleur d'orage.

- Si j'avais la branche de frêne, peut-être bien que oui ! Mais étant donné que quelqu'un ne s'est pas donné la peine de la ramasser...

- Oh ça suffit avec ça ! Je t'ai sauvé la vie ! Si je n'avais pas laissé cette branche à cet Alfe, tu serais sûrement morte ! »

Le visage de Thrud, déjà pâle, prit la même teinte que les petits nuages qui se déplaçaient paresseusement au-dessus d'eux. Vianey se raidit. Il s'attendait à des hurlements de rage. Des coups de poings. Il n'aurait même pas été surpris qu'elle essaie de l'embrocher avec son épée. Mais elle se contenta de se lever, abandonnant sa tasse à moitié vide dans l'herbe, et traversa le jardin jusqu'à enjamber la minuscule haie qui le séparait de la rue. D'un pas rapide qui trahissait sa fureur, elle s'enfonça dans les rares ombres entre les maisons baignées de soleil et disparu au coin de l'une d'elles.

Et merde. Il craignait vraiment en tant que premier Thrudiste. 

 A vingt-trois heures, Thrud avait fait quatre fois le tour du village, sans jamais rien trouver d'intéressant. A partir du coucher de soleil, elle avait commencé à réellement s'impatienter et à consulter sans cesse la carte du ciel. Cette dernière différait de celle dont elle avait l'habitude, mais elle avait fini par prendre ses marques et savoir l'heure rien qu'en jetant un œil au-dessus de sa tête. Ce fut avec un grand soulagement qu'elle constata qu'il était temps pour elle de se rendre à la plage, près de la crique.

En s'approchant des premiers rochers, elle repéra la silhouette d'Olrun. Son amie se tenait face à la mer, aussi calme qu'elle. Le vent salé soulevait la jupe de cuir fin qui recouvrait partiellement son pantalon et faisait bouffer les manches de sa chemise. C'était la blanche en zéphyr, très finement rayée de bleu pâle. Il n'y avait pas assez de soleil pour s'en rendre compte, mais elle aurait reconnu ce vêtement dans une foule dense lors d'une nuit sans lune. C'était un cadeau de Thrud et elle avait longuement hésité avant de la choisir. Au final, elle ne s'était pas trompée, même si elle avait surestimée la taille de sa meilleure amie. Olrun était adorable là-dedans.

La Valkyrie la repéra malgré son pas volontairement silencieux et se retourna, un sourire rayonnant déformant la trame de ses nombreuses taches de rousseur.

« Tu es venue ! s'exclama-t-elle d'une voix trop forte, ce qui fit raisonner sa phrase dans l'hémicycle rocheux.

Se rendant compte de sa bêtise, Olrun plaqua sa main sur sa bouche. Thrud, elle, s'était stoppée. Le vent vint charrier sur elle l'odeur de mandarine de la jeune Valkyrie, juste avant que celle-ci ne se précipite dans sa direction, le sable volant derrière elle au rythme de ses pas maladroits. Méfiante, la fille de Thor fit glisser hors de la manche de sa tunique l'os de seiche qu'elle avait eu le temps de tailler en pointe au cours de l'après-midi. Elle le garda caché contre son avant-bras, la pointe maintenue par le lin de son vêtement. Et Olrun lui sauta au cou.

Thrud trébucha en arrière, accomplissant l'exploit de ne pas s'écrouler dans le sable. Ca aurait été tellement niais, plutôt se raser la tête que d'offrir un tel spectacle à l'océan. L'étreinte fut assez pénible, Olrun lui écrasa la trachée et piétina sa botte droite, sans parler des craquements successifs de sa colonne vertébrale. Thrud était néanmoins contente de la retrouver, ça faisait des mois. Jamais, depuis qu'elles s'étaient rencontrées, les deux filles ne s'étaient séparées aussi longtemps.

La fille de Thor compta deux minutes et effaça de force son sourire avant de repousser Olrun, qui aurait pu rester comme ça des heures durant. Elle aurait sûrement fini par pleurer. Et ça serait devenu dégoûtant.

- Je n'étais pas certaine que tu comprennes mon message codé, Threddy.

- Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça ! C'est ridicule ! Ensuite, ton message était vraiment codé ? Parce qu'on repassera pour la subtilité. Tes hommes ont dû te prendre pour une débile. En parlant de ça, d'où ils sortaient ? Tu as été promue ?

Olrun baissa la tête et commença à tortiller l'une des mèches rousses échappées de son chignon lâche. Plusieurs autres s'accumulaient gracieusement dans le creux de sa gorge et les rails dessinés par ses clavicules.

- Je voulais être sûre que tu comprendrais... Quant à la promotion... En quelque sorte. Oncle Eldir n'était pas satisfait de mes résultats, alors il a décidé de me tester.

Thrud souleva un sourcil interloqué, réfléchit, puis explosa de colère.

- Mais tu as toujours été la grosse tête de la classe ! Quelle que soit la classe ! Il raconte vraiment n'importe quoi ! Et puis c'est quoi cette façon de t'envoyer ici pour me chercher ?! Tu devrais encore être à l'école ! Et puis merde, il n'a pas à te parler de cette façon ! Tu es tout de même la fille de Byggvir, ça ne compte pas pour lui ? Quand je retournerai là-haut, je peux te dire qu'il gardera le goût de mes semelles un bon moment ! Je vais les lui faire bouffer par le cul à cet empaffé !

Un rire cristallin et enfantin l'interrompit. Olrun lui avait vraiment manqué.

- Tu ris toujours comme une gogole... Passons. Pourquoi est-ce que tu voulais me voir ?

Le visage d'Olrun perdit soudain en jovialité.

- Justement, pour parler d'oncle Eldir. Il a fait construire une tour sur l'Ile, ici, en bas. Elle est cachée aux yeux des habitants, bien sûr. Et donc, j'ai décidé de m'engager. Je me suis dit que c'était le meilleur moyen de te revoir plus vite.

- Une autre tour ? Tu veux dire, un deuxième Alfheim ? Ici-bas ?

- Exactement ! Il l'a même appelé Alfheim II.

- Sa créativité m'étonnera toujours.

- Et me voilà !

- Bien joué, Oli ! s'exclama Thrud en tapotant gentiment la tête de son amie. Grâce à toi, mon objectif sera bien plus facilement atteint. Il faut que je te présente le type chez qui je suis. Enfin, tu l'as déjà vu, mais au quotidien, il est super marrant. Et c'est mon premier fidèle, tu sais !

Thrud voyait d'ici le quotidien avec Olrun. Elles partageraient sa chambre et parleraient jusqu'à tard toutes les nuits, elle laisserait les tâches ménagères les plus pénibles à son amie et, ensemble, elles feraient vivre l'enfer à Vianey. Olrun serait la deuxième divinité de son nouveau panthéon. Elles établiraient un plan pour récupérer la branche de frêne et passeraient à l'attaque. Toutes les deux, dans leur dortoir de l'académie, elles y avaient longuement pensé. Comment elles allaient remodeler le monde à leur façon. Comment tous seraient bien plus heureux. A la fin, même Thor et tous les autres s'en apercevraient et ils laisseraient le grand pouvoir à Thrud.

Mais Olrun ne semblait pas emballée par l'idée. Son visage s'assombrit considérablement et elle porta son regard bleu glace sur les vagues paresseuses. C'était le signe qu'aucune d'elle n'allait aimer ce qui allait sortir de sa bouche généreuse.

- Je ne suis pas venue pour ça, Thrud. Je voulais te convaincre de rentrer à la maison. Thor et Sif sont furieux, évidemment. Mais je peux convaincre Eldir d'intercéder en ta faveur.

- Comme si ce coincé des règlements allait m'aider...

Le grand regard suppliant d'Olrun l'accrocha, elle voyait les larmes s'y précipiter.

- Si, c'est possible ! Tu es spéciale, Thrud ! Beaucoup de gens tiennent à toi, même si ce que tu as fait est extrêmement grave ! Ils seront cléments, j'en suis sûre ! Tu seras sans doute enfermée longtemps, mais au moins tu resteras en vie et on pourra se voir ! S'il-te-plaît, Threddy ! C'est de la folie de rester ici !

Thrud se sentait trahie, infiniment. Elle était bel et bien seule contre le reste du monde divin. La mâchoire crispée, elle cracha ses mots, pour tenter d'en finir une bonne fois.

- Dis-moi où se trouve la branche de frêne, Olrun. Tu peux au moins faire ça pour moi, non ?

L'expression choquée de son amie lui brisa le cœur, mais même les torrents de larmes qui se mirent à dévaler ses joues rondes ne parvinrent pas à faire vaciller sa volonté. Elle allait poursuivre son plan, point.

- Si tu t'en prends aux Valkyries, répondit Olrun après un long silence, essuyant ses larmes d'une main tremblante, alors je me dresserai contre toi. J'espère que tu changeras d'avis avant que ça n'arrive.

- Tu peux toujours essayer ! »

Leur entrevue devait s'arrêter là-dessus. Thrud n'aurait pas supporté qu'elle se poursuive, elle aurait peut-être cédé. Ou alors elle se serait mise à hurler. Parce que c'était vraiment ce qu'elle avait envie de faire, actuellement. Mais elle réussit à se contenir le temps de quitter la plage, sans un regard en arrière. Elle ne craignait rien de la part d'Olrun. Son amie ne serait jamais assez puissante pour la vaincre, quoiqu'elle fasse.

Mais peut-être que si elles devaient se battre, elle la laisserait gagner. Parce qu'elle serait bien incapable de la tuer. 

 Vianey avait poussé l'attente jusqu'à plus de minuit et il commençait à manquer d'énergie. Accoudé à son comptoir, il avait fait les comptes, dressé une liste de commandes et même passé le plumeau sur le vieux bois de récupération. Malgré tout, Thrud n'était pas encore revenue. Avec un soupir las, l'hybride retira sa veste de cuir et ses bottes, puis traversa l'arrière boutique pour se rendre dans le jardin. Il allait se coucher, tant pis ! Elle n'avait peut-être même pas l'intention de revenir. Bon débarras ! Le lendemain, il ferait un tour dans le village pour être certain qu'elle n'ennuyait personne d'autre et s'assurer qu'il était bien débarrassé de ce parasite.

En poussant la porte donnant sur l'extérieur, il se stoppa sur le seuil. Elle était là, assise en tailleur dans la pelouse. Un trèfle poussait devant elle, millimètre par millimètre. Il chatouillait presque le nez de la jeune fille à l'air maussade. Apparemment, sa balade n'avait en rien amélioré son humeur. Dommage.

« Ah, tu es revenue finalement.

Thrud releva la tête après un sursaut - il avait du mal à croire qu'il ait pu la prendre par surprise - et se mit debout dans un mouvement fluide. Le trèfle se balança sur sa tige trop longue, lui frôlant le genou. La déesse afficha une expression pleine de volonté qui n'augurait rien de bon. Vianey hésita à faire demi-tour et à s'enfermer dans sa boutique jusqu'à ce qu'elle décide de repartir.

- Premier Fidèle ! clama-t-elle avec une conviction forcée. Aujourd'hui tu vas pouvoir prouver ta loyauté à ta déesse ! Ensemble, nous allons attaquer les Alfes et récupérer la branche de frêne.

Pourquoi fallait-il toujours qu'elle parle comme un homme politique en plein débat électoral ? C'était ridicule en plus d'être totalement inefficace. Vianey roula des yeux avant de lui répondre, sur un ton las.

- Mais bien sûr. Si tu crois que je vais t'accompagner à travers toute l'Ile et je ne sais où encore pour chasser ces types, tu rêves. Je n'ai pas spécialement envie de mourir.

Il n'avait pas réfléchi avant de dire ça et maintenant il devait supporter la présence d'une grosse boule d'appréhension dans sa gorge.

- Je suis la fille de Thor. Il ne peut rien t'arriver tant que tu restes à côté de moi. Et puis, nous n'allons pas parcourir toute cette dimension, je ne suis pas stupide. Nous allons attaquer leur quartier général.

- Brillant, ironisa Vianey.

- N'est-ce pas ? Prépare-toi.

- C'est non. Je ne vais pas risquer ma peau là-dedans.

- Mais... Pourquoi ?

Il faillit se mettre à l'engueuler, puis se souvint du résultat la dernière fois qu'il avait haussé le ton. Elle avait disparu toute une journée et était revenue avec une idée complètement con. Mieux valait ne pas aggraver les choses. Il devait se montrer plus malin.

- Tu veux être une déesse, n'est-ce pas ? Et bien les dieux ne reçoivent rien sans contrepartie, tu sais. Les offrandes ont un but ici. En étant complaisant aux Jumeaux, les Insulaires se garantissent bonne santé et bonheur. Quand tu es venue, tu as heurté ta volonté divine à celle du dieu et de la déesse de l'Ile et le malheur s'est abattu dans cette dimension. Tu dois réparer tes torts avant toute chose, sinon les gens d'ici ne te respecteront jamais. Tu seras juste une déesse honnie de tous, jusqu'à tomber dans l'oubli. Et tous tes hauts faits n'auront servi à absolument rien.

Le raisonnement eut l'air d'avoir trouvé son chemin dans la tête de linotte de Thrud, qui marqua un instant de réflexion silencieuse. A la fin, elle hocha la tête en arborant un air grave.

- Très bien. Je suppose que je dois écouter mon Premier Fidèle pour ces affaires de loyauté. J'accéderai à ta demande, mais pour l'instant je suis impuissante. Une fois que nous aurons récupéré la branche de frêne, je m'occuperai de cette météorite. Ce sera très facile.

Le coeur de Vianey battit un peu trop fort dans sa poitrine. Satisfait, il hocha la tête à son tour.

- Très bien, allons-y. »

 Alors qu'il rentrait à l'intérieur, il avait déjà parfaitement conscience d'avoir menti au monde. Même si Thrud avait refusé, il y serait allé quand même. Pas pour la jeune déesse, pas dans l'espoir qu'elle sauve malgré tout l'Ile. Il voulait juste revoir cette branche et la tirer des griffes de ces Alfes que Thrud dépeignait comme redoutables. Ca faisait des semaines qu'il y pensait tout le temps. Comme si un vieux débris tout fané comme lui pouvait se permettre d'avoir de tels espoirs.

 Thrud se stoppa en plein milieu de la plaine et se mit à fixer un point en hauteur. Vianey eut beau suivre son regard, il ne rencontra que le ciel rougeoyant de l'aube et l'horizon. Encore et toujours de la plaine. Un peu plus à gauche, on décelait la courbure d'une dune, mais le mercenaire doutait vraiment que ce soit ce qui l'intéressait. Les dunes n'intéressaient en général personne.

« Par la sève ! Que se passe-t-il ?

- L'aube ? se hasarda Vianey sans comprendre le désarroi de la jeune fille.

La seconde d'après, du sang éclaboussait sa jupette de cuir. L'homme fit un pas en arrière et brandit la hachette qu'il avait emportée. Il s'était dit que c'était plus simple à transporter et à manier, mais maintenant qu'il était face à un ennemi invisible, il regrettait la lourde épée à double tranchant qui ornait l'un des murs de son sous-sol.

- Ils se font massacrer !

Elle avait les larmes aux yeux et c'était à n'y plus rien comprendre. Il pensait que c'était ce qu'ils venaient faire, massacrer les Alfes. Pour récupérer la branche de frêne, certes, mais il n'avait jamais pensé y arrivant sans briser quelques os et trancher quelques bras. Il avait toujours eu un don pour amputer les extrémités des gens dès qu'il s'agissait de se jeter dans un véritable combat.

- Mais je ne vois rien ! Qu'est-ce qu'on fait ?

Il était prêt à foncer dans le tas - du moins en espérant que le tas serait là où il foncerait - et à agiter sa hachette dans tous les sens, à jeter ses cosses explosives par-dessus son épaule et prier pour mettre la main sur la branche.

- Vous les mortels, vous êtes vraiment... RAAH !

Et elle repartait dans sa crise d'adolescence. Thrud plongea la main dans l'herbe sèche de la plaine, maculée sur quelques mètres de taches noirâtres. En fait, elle ne plongea pas vraiment «dans» l'herbe, mais s'arrêta à dix bons centimètres du sommet des brins. Quand elle se redressa, sa paume était couverte de sang. La jeune déesse rejoignit Vianey, qui agitait à tout hasard sa hachette dans l'air, et plaqua sa main sur sa paupière gauche. Avant qu'il ne l'ait repoussée, elle faisait de même avec son œil droit. Pour finir, elle lui souffla dessus. Son haleine sentait le basilic frais.

- Mais qu'est-ce que tu fous ?

- Regarde au lieu de ronchonner, comme d'habitude !

Vianey s'exécuta, il n'avait de toute façon pas l'intention de repartir à l'aveuglette. Ce fut comme si un rideau s'était soulevé. Ou plutôt, un énorme mur de béton de cent-cinquante mètres d'épaisseur. Une vague d'images, mais aussi de bruits et d'odeurs l'assaillit. Devant lui se dressait désormais une tour immense qui perçait les nuages dodus du ciel insulaire. La plaine était jonchée de cadavres, certains ailés, d'autres à qui il manquait des morceaux. L'herbe de la plaine n'était plus du tout lentement bercée par le vent marin, elle était écrasée, piétinée, arrachée. Des cris, de peur et de douleur, semblaient fuir les hauteurs de la tour. Un Alfe vêtu d'une combinaison moulante passa par l'une des petites fenêtres, les ailes sectionnées à leur moitié. Il les agita inutilement et s'écrasa au sol, sous les yeux ébahis de Vianey. Ils devaient être toute une armée là-dedans.

- Vous avez beaucoup d'ennemis dans la famille ? risqua-t-il.

- Non, répondit machinalement Thrud d'une voix dure. Mais on va bientôt savoir qui est là-dedans. La voie est ouverte, allons-y. »

Vianey trouvait cette initiative plus que stupide. C'était suicidaire. Mais il la suivit. Avec de la chance, il pouvait encore récupérer la branche de frêne. Et s'il avait l'opportunité de se casser seul de cet endroit avec elle, il le ferait. 

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