Nantis

By FlorieC

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La jeunesse dorée, tel est le surnom qu'on leur donne. Il existe une rumeur qui sous-entend qu'on ne naît pas... More

[SAGA 1] L'arrogance des gens meilleurs
Chapitre 1 : If it makes you happy
Présentation : Noah Khan
Chapitre 2 : Take me as I am
Présentation : Ellie Lefevre
Chapitre 3 : Don't stop the party
Chapitre 4 : Too late
Chapitre 5 : Losing your memory
Présentation : Ethan Franck
Chapitre 6 : She drives me crazy
Chapitre 7 : Secrets
Chapitre 8 : Highway to hell
Chapitre 9 : How I needed you
Chapitre 10 : Miss misery
Chapitre 11 : Me and the devil
Présentation : Anna Joly
Chapitre 12 : Know your enemy
Chapitre 13 : Little talks
Chapitre 14 : You're not alone
Chapitre 15 : Love the way you lie
Chapitre 16 : Bad romance
Chapitre 17 : Teenage dream
Chapitre 18 : Don't wake me up
Chapitre 19 : My medicine
Chapitre 20 : Shut up and let me go
Chapitre 21 : Wicked Game
Présentation : Gabrielle Gallien
Chapitre 22 : Last Christmas
Chapitre 23 : Winter
Chapitre 24 : Let it be
Chapitre 25 : Happy New Year
[SAGA 2] L'éternité à tes pieds
Chapitre 1 : Bad day
Présentation : Jared Greggs
Chapitre 2 : The last to know
Chapitre 3 : When she believes
Chapitre 4 : Losing my religion
Présentation : Lucas Gallien
Chapitre 5 : Take control
Chapitre 6 : If you leave me know
Chapitre 7 : Stay
Chapitre 8 : Only if you run
Chapitre 9 : Just tonight
Chapitre 10 : Never let me go
Chapitre 11 : Fix you
Chapitre 12 : Damn you
Chapitre 13 : This is war
Présentation : Ruben Greggs
Chapitre 14 : Apologize
Chapitre 15 : Gives you hell
Chapitre 16 : Never say never
Chapitre 17 : Skinny love
Chapitre 18 : Alone
Présentation : Christelle Wertheimer
Chapitre 19 : Don't be a stranger
Chapitre 20 : We are young
Chapitre 21 : One Day
Chapitre 22 : Dark on fire
Présentation : Borja Escobar
Chapitre 23 : Like a virgin
Chapitre 24 : Better Together
Chapitre 25 : Happy Birthday
[SAGA 3] Dans la cour des grands
Chapitre 1 : The funeral
Chapitre 2 : Pursuit of Happiness
Chapitre 3 : Dark Paradise
Chapitre 4 : I want to break free
Chapitre 5 : A drop in the ocean
Chapitre 6 : Enjoy the silence
Chapitre 7 : Help
Chapitre 8 : I don't want to be
Chapitre 9 : Eye of the tiger
Chapitre 10 : Come back home
Chapitre 11 : Mirror
Chapitre 12 : Heartless
Chapitre 13 : Someone like you
Chapitre 14 : If I needed you
Chapitre 15 : You're not sorry
Chapitre 16 : Burn it down
Chapitre 17 : How you remind me
Chapitre 18 : Wrecking ball
Chapitre 19 : Just give me a reason
Chapitre 20 : Can you feel the love tonight
Présentation : Gautier Lantez
Chapitre 21 : People help the people
Présentation : Yanis Perrin
Chapitre 22 : Yesterday
Chapitre 23 : Hot and cold
Chapitre 24 : Kiss me
Chapitre 25 : Only wanna be with you
[SAGA 4] La réponse des faibles
Chapitre 1 : Collide
Chapitre 2 : The lonely
Chapitre 3 : Another love
Chapitre 4 : Protect me from what I want
Présentation : Ophélie Joly
Chapitre 5 : Big big world
Chapitre 6 : Don't lie
Chapitre 7 : Undisclosed desires
Chapitre 8 : You and I
Chapitre 9 : Another day in paradise
Chapitre 10 : Just can't get enough
Chapitre 11 : Sirens call
Chapitre 12 : Too close
Chapitre 14 : Demons
Chapitre 15 : You are the one that I want
Chapitre 16 : Sober
Chapitre 17 : What doesn't kill you
Chapitre 18 : Too many friends
Chapitre 19 : Monster
Chapitre 20 : Broken crown
Chapitre 21 : He is my son
Chapitre 22 : Talk to me
NANTIS EN LIVRES PAPIER !
Chapitre 23 : Try
Chapitre 24 : Everybody's Got To Learn Sometime
Chapitre 25 : Wonderful life
NANTIS en livres ♥

Chapitre 13 : Love me again

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By FlorieC


— Alors ?

Ruben se retourna vers Belen en esquissant un sourire. Il reposa la feuille de calculs sur la table et répondit face au regard impatient de la jeune fille :

— Bravo. Aucune faute.

— T'es sérieux ? S'exclama Belen en frappant dans ses mains avec énergie, Merci Ruben !

La jolie brune lui sauta au cou si soudainement que le garçon eut un mouvement de recul avant de resserrer son étreinte autour de son corps musclé par la danse.

— Ne me remercie pas, c'est toi qui as fait tous ses progrès. Et pourquoi tu parles comme si c'était notre dernier cours ? L'interrogea-t-il, surpris, Il est hors de question qu'on arrête avant que tu aies passé ce fichu brevet.

Belen esquissa un sourire timide en se retournant vers la pièce dans laquelle elle se trouvait. Ils étaient tous les deux dans la bibliothèque de Ruben. C'était désormais ici que le garçon lui donnait ses cours du samedi matin pour ne plus devoir croiser Borja tous les week-ends.

Belen aimait bien cet endroit, la pièce était bien plus tranquille que le bureau de danse de Angèle Evain ou sa propre chambre. Le calme qui régnait dans la maison de Ruben était reposant. La jeune fille connaissait peu ce genre d'ambiance. Il faut dire qu'avec ses trois frères à la maison, cela ne risquait pas d'arriver... D'un certain côté, elle préférait. L'absence de vie dans la maison des Greggs était reposante pendant quelques heures, mais très inquiétante au quotidien. Peut-être était-ce dû au fait que la maison était si grande que ses habitants n'avaient pas souvent à se croiser. Pas comme son petit appartement de banlieue.

La porte de la bibliothèque s'ouvrit, ce qui sortit la jeune fille de ses pensées. Une tête brune et un visage d'ange apparut dans l'entrebâillement de la porte et elle entendit le garçon murmurer doucement à l'attention de Ruben :

— Désolé de vous déranger. Je peux te parler deux secondes ?

— Bien sûr, entre, Belen je te présente Gautier. Mon copain.

— J'avais cru deviner, répondit la jeune fille en souriant au garçon en question.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Reprit Ruben en se relevant de sa chaise pour le rejoindre au milieu de la pièce.

Il posa ses lèvres tendrement sur les siennes avant que son petit-ami ne réponde :

— Mes potes du hand proposent qu'on fasse un match en pleine air cet après-midi, comme il fait beau. J'en ai parlé à Noah et il vient avec Anna. Ça te tente aussi ?

— Bien sûr, approuva-t-il, On n'avait rien de prévu.

— Il y aura surement une soirée après chez Jérémy.

— Chez qui ?

— Un pote du collège.

— On fait ça, j'ai bientôt fini avec Belen, je te rejoins dans ma chambre après.

— D'accord.

Gautier embrassa son petit-ami sans trop s'attarder car il se sentait observé par Belen et il s'éclipsa discrètement.

Après avoir refermé la porte derrière lui, Ruben se réinstalla à sa place, un sourire niais toujours affiché sur son visage.

— Je comprends que tu l'aies choisi lui plutôt que mon frère, murmura Belen.

Pas certain d'avoir bien compris, Ruben perdit son sourire rapidement avant de souffler, perplexe :

— Qu'est-ce que tu viens de dire ?

— Je comprends que tu aies choisi Gautier, répéta-t-elle, Il te rend heureux. Ça se voit.

Ruben ne trouva rien à lui répondre et Belen reprit en commençant à gribouiller sa feuille d'exercice pour éviter de le regarder dans les yeux.

— Borja est totalement paumé.

— Comme d'habitude ?

— Un peu plus que d'habitude... Il me l'a dit.

— Il t'a dit quoi ? L'interrogea Ruben en fronçant des sourcils.

— Qu'il était gay.

Le garçon avala sa salive. Il ne s'y attendait pas, mais il n'avait pas envie que cette information le touche. Il était bien avec Gautier. C'était trop tard pour Borja.

— D'accord, murmura-t-il en tentant de paraître le plus indifférent possible.

— Désolée de te le dire, reprit Belen, mal à l'aise, Je n'ai pas le droit de gâcher ton bonheur. Je crois que je veux juste que mon frère ait la même chance que Gautier.

— Ça ne changera pas ma décision Belen, l'arrêta-t-il de suite, Je suis amoureux de mon copain.

— Je sais... Mais Borja est amoureux de toi aussi, c'est injuste.

— Borja est amoureux des hommes, rectifia Ruben, Il l'a su grâce à moi. Ça ne veut pas dire qu'il m'aime.

— Je ne suis pas si sûre qu'il aimerait les hommes si ce n'était pas toi.

Ruben voulut répondre, mais il se ravisa. Il ignorait quoi dire. Peut-être que Belen avait raison, il n'en avait précisément aucune idée. Il reporta son attention sur les feuilles éparpillées sur la table devant lui et se mit à les ranger bien en ordre sous le regard inquisiteur de la jeune fille. Elle n'avait pas le droit de lui dire ça, elle le savait, mais les mots étaient sortis de ses lèvres plus vite qu'elle ne l'avait voulu.

— Il m'a promis qu'il ferait attention à Jared, reprit Ruben en bifurquant son regard vers elle, Est-ce qu'il le fait au moins ?

— Oui je crois. Mon frère tient toujours ses promesses.

— Moi aussi, murmura le garçon, Et j'ai promis à Gautier que je ne le reverrai plus jamais.

— Je comprends.... C'est fini ?

— De quoi ? L'interrogea-t-il, Notre cours ou Borja et moi ?

— Les deux ?

— Oui, c'est fini.

Belen acquiesça de la tête et attrapa la pile de feuilles que Ruben venait de regrouper. Elle les rangea dans son classeur sans un mot puis rangea celui-ci dans son sac à dos. La jeune fille se releva ensuite de sa chaise en le glissant sur son épaule.

— A samedi prochain.

— A samedi, Belen.

***

Anna glissa sa main dans la poche de sa veste en jean pour récupérer son portable et elle lut rapidement le message qu'elle venait de recevoir. Elle répondit brièvement puis se retourna vers Noah qui marchait à ses côtés, dans la rue.

— Étienne vient au match aussi.

— Cool, commenta le garçon, les mains dans les poches de son jogging qu'il avait enfilé pour l'occasion, Mais attends... T'as son numéro ?

— Ouais.

— Tu as demandé à qui d'autres de nous rejoindre ?

— Lucas aussi.

Anna se tut, mais continua de marcher le long du trottoir, attendant la réaction de Noah. Mais celui-ci ne répondit pas, un air totalement indifférent sur le visage.

Elle enchaina, étonnée :

— Ça ne t'énerve pas ?

— Il ne vient pas, non ? Murmura-t-il en un haussement d'épaule.

— En effet.

Noah esquissa un sourire discret que sa petite-amie ne jugea pas bon de relever. Ils continuèrent de marcher en silence pour rejoindre le terrain sur lequel Gautier et son équipe de hand leur avaient donné rendez-vous.

Le soleil était haut dans le ciel et venait réchauffer leur peau nue. Anna réajusta ses lunettes de soleil qui lui tombaient sur le nez et son regard bifurqua vers un jeune couple qui se tenait la main, sur le trottoir d'en face. Elle ne put s'empêcher de sourire lorsqu'elle vit l'homme embrasser la nuque de sa petite-amie après avoir glissé une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Sans réfléchir, elle se retourna vers Noah et l'observa pendant quelques instants.

Ses mains étaient plantées dans ses poches de jogging et il n'avait nullement l'intention d'en sortir une de là pour attraper la sienne. Malgré ses lunettes noires Rayban sur le nez, Anna comprit qu'il venait de suivre son regard puisqu'il observait lui aussi le jeune couple de l'autre côté de la route. Le garçon bifurqua vers Anna qui esquissa un sourire timide.

— Même pas en rêve, l'arrêta-t-il.

Sourire qui se figea aussitôt. D'accord Noah n'était pas un romantique, relativisa-t-elle, Mais de là à la rejeter à ce point quand ils étaient en public...

Elle préféra ne pas répondre et Noah se retourna de nouveau vers elle. Il voyait bien qu'il l'avait vexé, mais il ne trouva pas la force de s'excuser. Il détestait les affections publiques.

— En fait, je me posais une question hier soir, reprit Anna pour changer de conversation, Jared... C'était bien ton dealeur, n'est-ce pas ?

— Je dois m'inquiéter du fait que tu pensais à Jared hier soir ?

— Noah, c'est sérieux. C'était ton dealeur oui ou non ?

— Oui, répondit-il, sceptique, car il n'était pas bien sûr de la tournure qu'allait prendre cette discussion, Pourquoi cette question ?

— Est-ce que ça veut dire qu'il se droguait ?

Noah s'arrêta de marcher et l'arrêta en retenant son coude.

— Pourquoi cette question ? Répéta-t-il, plus durement.

— Je ne sais pas, marmonna la jeune fille en dégageant son bras, C'est peut-être un peu cliché, mais, pour moi, un dealeur, ce n'est pas un mec qui se contente de vendre de la drogue... Si tu vois ce que je veux dire.

— Bien sûr que je vois ce que tu veux dire, d'où mon « pourquoi cette question ? ». C'est évident qu'il se droguait !

— Sérieux ?! Bégaya la jeune fille, les yeux écarquillés de stupeur.

— Mais Anna tu débarques d'où ? Pouffa le garçon en levant les yeux au ciel, Jared est le mec le plus camé que je n'ai jamais rencontré !

— Mais de la drogue douce ? Tenta-t-elle de se rassurer, Comme toi, en soirée ?

— Oui peut-être maintenant, mais pas quand je l'ai rencontré en tout cas, répondit Noah en reprenant sa marche vers le terrain de hand, Il était complètement pété à longueur de journée. C'est pour ça que ses parents l'ont mis dehors la première fois.

Anna avait, elle aussi, reprit sa marche pour le suivre, attendant la suite de l'histoire. Mais elle ne vint pas.

— Pourquoi tu fais cette tête Anna ? L'interrogea Noah, Ça te surprend tant que ça ? C'est un dealeur, tu t'attendais à quoi ?

— Comment il a réussi à arrêter ?

— La force mentale.

Le garçon pouffa de rire pour lui indiquer qu'il ne se croyait pas lui-même et il ajouta :

— C'est ce qu'il dit, je ne pense pas qu'il ait arrêté.

— Il a vécu chez moi pendant trois semaines, l'arrêta sa petite-amie, Je l'aurais vu. Ruben aurait vu.

— Tu vois si tu as envie de le voir, ce n'est pas si simple.

— Mais comment tu le sais ? Pourquoi tu penses qu'il n'a pas arrêté ? Insista la jeune fille.

Noah poussa un soupir, signe qu'il n'avait pas vraiment envie d'engager cette conversation, mais il connaissait assez Anna pour savoir qu'elle ne le lâcherait pas aussi facilement. Il passa rapidement son sac à dos sur son ventre pour prendre une cigarette dans son paquet et la coinça entre ses lèvres pendant qu'Anna attendait impatiente qu'il daigne enfin reprendre la parole.

— Ne me réponds surtout pas, ironisa-t-elle, exaspérée.

— Deux secondes, j'allume ma clope, grinça-t-il entre ses dents.

Ceci fait, il tira sur sa première taffe et souffla la fumée dans les airs avant de reprendre :

— Le soir où j'ai été le chercher à cette soirée, quand il se faisait tabasser par les types de son trafic, il était complètement défoncé. Et ce n'était pas un joint si tu veux mon avis. Tu crois vraiment qu'il serait allé se battre tout seul contre quatre types qui font deux fois son poids ?

Bien sûr, c'était une question rhétorique. Anna ne répondit pas. De toute manière, elle était encore sous l'effet de surprise. Comment avait-elle pu passer à côté de tout ça ? Ça semblait tellement évident maintenant.

— Tu me fais trop rire, reprit son petit-ami en tirant une deuxième taffe sur sa cigarette, T'es l'innocence incarnée. Si tu regardais vraiment autour de toi, Anna, tu verrais tellement plus de choses.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Rien, souffla-t-il, Je dis juste qu'il y a de la misère un peu partout, surtout par ici, tu as de la chance de ne pas la voir.

— Je veux aider Jared.

— Tu ne peux pas, l'arrêta-t-il.

Cette fois, il ne riait plus. Au contraire, les muscles de son corps venaient de se raidir.

— Pourquoi je ne peux pas ? Insista-t-elle, Si tu es au courant, pourquoi tu ne fais rien ?

— Le fait de le haïr profondément est ma première raison, répondit-il, Mais, même sans ça, il n'y a rien à faire. Ce n'est pas si grave.

— Pardon ?

— En seconde, on prenait tous un peu de drogue, même Gabi et Ethan ont trempé dedans à un moment. Ce n'était rien. On s'ennuyait, on s'amusait, on expérimentait. C'était ça notre adolescence, faire chier nos parents, chercher nos limites, prendre des risques. Puis on s'est sortis de tout ça, on est passés à autre chose. Pas lui.

— Il t'en veut pour ça ? L'interrogea Anna.

Noah parlait si peu de son passé qu'elle ne voulait pas louper l'occasion d'avoir plus d'informations sur la raison pour laquelle ils se détestaient.

— Il trempait dans la drogue avant moi, il en trempera après. Je n'ai rien à voir avec ça.

— Tu le penses ou c'est juste que tu n'as jamais su comment l'aider ?

— Ta mère est une droguée Anna. Tu as su l'aider toi ? A part piquer les pilules d'Ellie pour les lui donner ensuite ? Ne me juge pas.

La jeune fille resta sans voix l'espace d'une seconde et Noah s'arrêta de marcher pour la retenir par le bras. Il n'avait pas voulu être aussi brutal, mais il détestait parler de Jared.

— Désolé.

— Je ne te jugeais pas, murmura Anna, clairement vexée, Je te posais juste une question.

— Jared n'a jamais voulu d'aide.

— Parce qu'il en a jamais demandé ?

— Parce que s'il avait eu conscience qu'il avait vraiment un problème, il n'aurait jamais eu la putain d'idée de foutre sa copine là-dedans, cracha-t-il, furieux, C'est Ellie que j'ai aidée. Pas lui. Il ne le méritait pas et il ne le mérite toujours pas. Est-ce que maintenant on peut arrêter cette discussion ?

Anna acquiesça de la tête. De toute façon, ils venaient juste d'arriver sur le terrain de hand. Ruben et Gautier y étaient déjà, ainsi que plusieurs garçons de son équipe.

En silence, Noah et Anna les rejoignirent. Ils posèrent leurs affaires sur le bord du terrain. Noah se dirigea de suite vers Gautier pour lui serrer la main et le garçon lui présenta le reste de son équipe tandis qu'Anna rejoignit Ruben sur le bord.

— Salut.

— Salut chaton, lui répondit le garçon en embrassant sa meilleure amie au niveau de la tempe, Tu vas bien ? Tu fais une drôle de tête.

— Oui je viens d'avoir une discussion un peu bizarre avec Noah.

— Du genre ?

— Genre ton frère et ses problèmes de drogue.

Ruben fronça des sourcils, mais, alors qu'il voulut répondre à Anna, il se fit interpeler par Gautier qui se trouvait au milieu du terrain :

— Ruru tu joues ?

— Je t'ai dit d'arrêter de m'appeler comme ça !

— Oui mon chou, pouffa Gautier, Alors tu viens jouer ?

— Non... Je dois parler à Anna.

— Anna, tu ne joues pas ? Explosa le garçon en se retournant maintenant vers la jeune fille.

— Non... Je dois parler à Ruben.

Anna croisa le regard de son petit-ami qu'elle vit grincer des dents. Oui, Noah était loin d'être con et il savait très bien de quoi elle voulait parler avec Ruben. Tant pis, ce n'est pas parce qu'elle lui avait dit qu'elle arrêterait de parler de Jared avec lui qu'elle devait arrêter d'en parler tout court.

— Viens, enchaina Ruben en les éloignant encore un peu plus du terrain.

Les deux meilleurs amis s'installèrent à même le sol, le dos calé contre la rambarde qui entourait le terrain, et le garçon enchaina en se retournant vers Anna :

— Tu m'expliques ?

— Tu savais que Jared avait des problèmes avec la drogue ? L'interrogea-t-elle.

— Bien sûr que je le savais, c'est mon frère.

— Mais pourquoi tu ne me l'as jamais dit ? S'emporta-t-elle, brusquement.

— C'est quoi le problème ? Commença-t-il à s'énerver à son tour, car il détestait quand on haussait le ton avec lui, Calme-toi. Pourquoi j'aurais dû te le dire ? Ce n'est rien Jared pour toi.

— Ce n'est rien ? Répéta-t-elle, hallucinée, Tu déconnes ? T'es le mieux placé pour savoir que...

— Arrête Anna, il ne t'aime pas, fous-toi ça dans le crâne.

— Pardon ? Blêmit-elle, surprise par la dureté de ses propos.

Ruben ne lui avait encore jamais parlé ainsi.

— Jared ne t'aime pas, répéta-t-il, Il a toujours joué avec toi. Il voulait faire chier Khan. Tu le sais très bien.

— Mais n'importe quoi, pourquoi tu dis ça tout d'un coup ?

— Parce que je le connais, souffla-t-il, blasé, Je suis désolé de te dire ça aussi brutalement, mais il faut que tu arrêtes de te faire des films.... Tu l'as revu depuis que tu sors avec Noah ?

— Tu te fous de ma gueule ? Bien sûr qu'on s'est vus ! C'est toi qui était tout le temps sur mon dos pour me dire d'arrêter de trainer avec lui car j'étais déjà prise ! Tu n'es pas un peu hypocrite là ?

— Tu as dit à Jared que ça n'allait pas avec Noah ! Explosa Ruben à son tour, Bien sûr qu'il te tournait autour ! Te piquer alors que tu étais avec Noah, il n'aurait rien vécu de plus jouissif ! C'est pour ça que je t'ai dit de ne pas trainer avec lui.

— Alors pourquoi tu ne me l'as pas dit de cette manière-là ?

— Parce que tu n'aurais pas écouté.

— Un peu facile ça, commenta-t-elle, sèchement, Tu joues à quoi là ? Maintenant que tu vis ton bonheur parfait avec Gautier, c'est comme si tu t'y connaissais en amour. T'es un spécialiste peut-être ? Laisse-moi te rappeler que tu n'as pas vraiment fait mieux avec Borja !

Anna vit les poings de Ruben se resserrer si fort que ses jointures blanchissaient à vue d'œil. Elle resta silencieuse. Elle savait que son meilleur ami n'était pas du genre à se mettre en colère, mais depuis qu'il avait arrêté de fumer, il était une véritable boule de nerfs. Certains jours étaient moins bien que d'autres. Celui-ci semblait le pire.

— Est-ce que tu t'es au moins préoccupée de la suite de cette histoire de drogue ? Reprit-il alors que les mots semblaient lui écorcher les lèvres.

— Noah m'a dit que c'était réglé.

— Et tu n'as pas voulu savoir comment ?

— Il n'a rien voulu me dire, répondit-elle, Et toi ?

— Bien sûr que je m'en suis préoccupé.

Mais Anna comprit rapidement qu'il ne voudrait pas lui donner plus d'explications sur le sujet.

— Pourquoi tu prétends vouloir aider Jared ? Enchaina-t-il en se retournant vers elle, Ça ne va pas avec Noah ?

— Quel rapport ?

— Tu fais ça pour attirer son attention, non ? Je ne suis pas né de la dernière pluie Anna.

— Mais pourquoi t'es aussi désagréable putain ? S'emporta la jeune fille, Tu n'es pas obligé de me parler comme ça !

— T'es jalouse ? Reprit Ruben que rien ne semblait calmer.

— Je peux savoir de quoi ?

— De moi et Gautier, de notre amour. Nos vacances t'ont fait réaliser que Noah était un piètre prince charmant par rapport à Gautier.

— Tu délires Ruben, l'interrompit Anna, sèchement, Je ne sais pas ce que tu as fumé, mais ferme-la, je te jure, tu ne m'as jamais autant saoulé.

— Excuse-moi d'être la seule personne qui ose te dire la vérité en face ! Ironisa le garçon, Tu devrais plutôt me remercier d'être aussi honnête pour une fois.

— Mais va te faire foutre !

Ils ne s'en étaient pas rendus compte, mais leur dernier échange n'avait été que des cris. Les joueurs sur le terrain avaient même arrêté la partie pour voir ce qu'il se passait à côté d'eux, spécialement Gautier et Noah qui restèrent prostrés sur le béton, sans voix. C'était probablement la première fois qu'ils les voyaient se disputer ainsi tous les deux.

— Je vais me faire foutre ?! Répéta Ruben, offusqué, en se remettant debout, bientôt suivi par Anna, Mais tu ne me parles pas comme ça !

— C'est toi qui a commencé ! Explosa Anna les larmes aux yeux.

Ça lui faisait mal de s'engueuler ainsi avec lui et puis, pour le coup, elle ne l'avait vraiment pas vu venir cette dispute.

— Mais moi, je ne t'ai pas insulté ! Ce n'est pas ma faute si tu ne supportes pas la vérité !

— Tu peux penser ce que tu veux, mais il y a une façon de dire les choses !

— Je te l'ai déjà dit des millions de fois, mais tu ne m'écoutes jamais ! Enchaina Ruben, toujours aussi furieux.

Il serra tellement ses poings qu'il en avait mal aux articulations.

— Alors quoi ? Continua-t-il, Je te le dis comment Anna ? En langage des signes ?

Sous la stupéfaction générale, Ruben lui fit un bras d'honneur et s'éloigna du terrain. Il entendit Noah l'insulter, mais il s'en fichait. Il était au bord de la crise de nerfs et il laissa ses jambes le porter aussi loin qu'elles le pouvaient.

Soudainement, une main se posa sur son bras, l'obligeant à se retourner vers son interlocuteur.

— Fous-moi la paix Gau...

Mais Ruben s'arrêta au milieu de sa phrase avant de cracher, haineux :

— Mais t'es qui toi ?

— Jérémy, le meilleur pote de Gautier.

— Meilleur pote ou pas, ce n'est pas mon problème, reprit-il en dégageant son bras d'un coup brusque, Laisse-moi tranquille !

— Doucement le bad boy, c'est ton copain qui m'a demandé de te retenir !

— Et pourquoi il ne s'est pas donné cette peine lui-même ?

— Parce qu'il te cherche une clope, abruti ! Explosa Jérémy, Donc tu te détends !

— Je n'ai pas besoin de clopes, j'ai besoin qu'on me foute la paix ! Merde, vous êtes tous bouchés aujourd'hui ?

Il s'éloigna de nouveau tandis qu'il entendit Jérémy hurler dans son dos :

— Mais c'est quoi ton problème mec ?

— Laisse. Moi. Tranquille.

— Ruben !

Le garçon tressaillit. Ce n'était plus la voix de Jérémy derrière lui. Il se retourna vers Gautier et l'inquiétude qu'il lut dans son regard lui retourna l'estomac. Merde, mais c'était quoi ce pétage de plomb ?

— Mais qu'est-ce que t'as ? Reprit Gautier en réduisant la distance qui les séparait, Je ne t'ai jamais vu comme ça.

— Je ne sais pas, murmura Ruben en plongeant son regard dans le sien.

Déjà il sentait les pulsations de son cœur ralentir, même si ça en était toujours douloureux.

— Tu veux fumer ? Murmura Gautier, un paquet de cigarettes dans les mains.

— C'est à qui ?

— A Noah, personne ne fume dans l'équipe.

— Je viens d'insulter sa copine, il t'a vraiment donné son paquet de clopes ? S'étonna Ruben.

— Non, j'ai dû le lui arracher des mains.

Ruben pouffa de rire. C'était pour ça qu'il avait mis autant de temps à le rejoindre ?

— Je t'en sors une ?

— Non, l'arrêta-t-il, Je ne veux pas fumer. Je te l'ai promis.

— Ce n'est pas grave, je m'en fiche, je ne veux pas te voir comme ça. Tu es sur les nerfs, là.

— Non, c'est une promesse, rétorqua-t-il en plongeant dans les bras du garçon, Je tiens toujours mes promesses.

Ruben fixa Gautier dans les yeux alors qu'une toute petite voix à l'intérieur de lui sembla lui souffler : "Sais-tu seulement de laquelle tu parles ?"

***

Lucas avala une gorgée de sa bière puis reposa l'arrière de son crâne contre le mur derrière lui. Il ferma les yeux et écouta les accords de guitare qu'on grattait juste à côté. Encore une fois, il passait sa soirée dans les catacombes de Paris. Il adorait cet endroit. Ce calme reposant et morbide à la fois. Parfois, dans les longues galeries, il tombait sur des squelettes. Mais cet endroit n'avait rien d'effrayant, il était comme coupé du monde.

La musique de la guitare résonnait entre les parois épaisses de la pièce dans laquelle il s'était installé avec ses nouveaux amis. Enfin, « amis », Lucas ne savait pas vraiment s'il pouvait les qualifier ainsi, mais ils étaient ce qu'ils s'en rapprochaient le plus ces derniers temps. Il parlait très peu à Anna depuis qu'elle sortait avec Noah, hormis pendant les répétitions pour la pièce de théâtre. Bien sûr, il continuait de fréquenter Raphaël, mais ils se voyaient moins tous les deux. Le garçon s'était trouvé une copine dans le lycée voisin et il passait toutes ses soirées avec elle et ses amis. Il avait déjà invité Lucas à se joindre à eux, mais il avait toujours refusé. Il n'aimait pas faire des efforts.

Il rouvrit les yeux quand il entendit la voix de Lisa se mettre à chanter. Le tourbillon de la vie de Jeanne Moreau. C'était étonnant d'entendre sa voix de rockeuse marmonner cette vieille chanson des années 60. Il esquissa un sourire en l'observant. Sa voix était superbe et la guitare qui l'accompagnait lui donnait envie de chanter lui aussi. Mais il ne connaissait pas assez les paroles et il avait peur de gâcher la chanson.

Elle avait des yeux, des yeux d'opales, qui me fascinaient, qui me fascinaient.

Le regard du garçon s'arrêta sur Ellie assise juste en face de lui, une cigarette entre les lèvres. Il l'avait emmené avec lui. Il ignorait toujours pourquoi.

Y avait l'ovale, son visage pâle, de femme fatale qui me fut fatale, de femme fatale qui me fut fatale.

Les accords de guitare se firent plus intenses et plusieurs personnes reprirent avec Lisa, y compris Ellie qui murmurait du bout des lèvres les paroles du refrain :

On s'est connu, on s'est reconnu, on s'est perdu de vue, on s'est r'perdu d'vue. On s'est retrouvé, on s'est réchauffé, puis on s'est séparé. Chacun pour soi est reparti dans l'tourbillon de la vie.

La musique continua et Lucas décida de fermer les yeux. Il écoutait la suite, en silence.

Je l'ai revue un soir, aie, aie, aie. Ça fait un fameux bail. Un fameux bail. Au son des banjos, je l'ai reconnue. Ce curieux sourire qui m'avait tant plu. Sa voix si fatale, son beau visage pâle m'émurent plus que jamais. Je me suis saoulé en l'écoutant. L'alcool fait oublier le temps. Je me suis réveillé en sentant des baisers sur mon front brulant. Des baisers sur mon front brulant...

Puis Lucas murmura à son tour, en cœur avec les autres :

On s'est connus, on s'est reconnus. On s'est perdus de vue, on s'est r'perdus de vue. On s'est retrouvés, on s'est réchauffé. Pourquoi s'perdre de vue, se reperdre de vue ? Quand on s'est retrouvé, quand on s'est réchauffé, pourquoi se séparer ? Et tous les deux on est reparti, dans le tourbillon de la vie. On a continué à tourner, tous les deux enlacés...

Un dernier accord de guitare et Lisa termina en baissant la voix :

Tous les deux enlacés.

Des applaudissements discrets fusèrent et Lucas rouvrit les yeux pour observer la jeune fille en face de lui. Ellie venait de finir sa cigarette et écrasait son mégot sur le sol.

— Magnifique, commenta Maëlle, une jeune femme d'une vingtaine d'années aux cheveux roses, Tu chantes trop bien Liz'.

— Dommage que je ne fasse que la basse dans le groupe, répliqua la concernée en se retournant vers Mao, la chanteuse d'Olympia Fields.

— Ah, ah, ironisa celle-ci en feintant l'indifférence.

— Je vais y aller.

Ellie venait de se remettre debout et personne n'avait relevé son intervention. De toute manière, elle avait bien senti qu'elle n'était plus la bienvenue parmi eux. La jeune fille les avait fréquentés lorsqu'elle était sortie avec Jared. Désormais, elle ne partageait plus grand chose avec ces personnes.

Sans attendre de réponse, elle se contenta d'attraper son écharpe qu'elle enroula autour de son cou. Elle en sortit ses longs cheveux bruns qu'elle avait coincés et une voix sembla la retenir :

— Tu vas te perdre.

— Non, je vais retrouver ma route.

— Attends... Reprit Lucas en se relevant à son tour, Je rentre avec toi.

— Sérieux ? S'exclama Lisa, choquée, Déjà ?

— Il est trois heures du mat Liz'.

La jeune fille ne répondit pas et Lucas rejoignit Ellie qui l'attendait devant la galerie. Lucas actionna sa lampe de poche et ils s'engouffrèrent tous les deux dans l'allée sombre après avoir lancé un « bonne soirée » collectif, auquel peu de personnes avait pris la peine de répondre.

— Je n'ai pas besoin d'un chaperon Lucas, lança Ellie lorsqu'ils furent assez éloignés de la soirée, Je pouvais rentrer chez moi toute seule.

— Tu es jalouse ?

— Quoi ? S'exclama-t-elle en se retournant en un bond vers lui, Non !

— Tu l'es, la nargua le garçon en lui braquant le faisceau lumineux de sa lampe sur le visage.

— Pas du tout, pesta Ellie en repoussant la lumière d'un coup de main rageur.

Elle se remit à marcher droit devant elle, Lucas sur ses pas.

— Alors si je te disais que je veux sortir avec Lisa, ça ne te poserait pas de problèmes ? Continua le garçon.

— Aucun.

Elle s'étonna elle-même d'être une si médiocre menteuse. Pourtant, Lucas ne releva pas. Il passa devant elle avec sa lumière et ils continuèrent d'avancer en silence dans les galeries sombres.

— Tu ne regrettes pas d'avoir été à la soirée ? Enchaina-t-il pour changer de conversation.

— Pourquoi ? Tu regrettes de m'y avoir emmenée ?

— Non... C'est juste que tu as eu l'air de t'être fait chier toute la soirée.

— Un peu, lui accorda-t-elle.

— Alors pourquoi tu as autant insisté pour venir ?

— Honnêtement... Je ne sais même pas.

Ellie avait haussé les épaules et Lucas ne chercha pas à comprendre davantage son comportement. Il avait pris l'habitude avec elle, de ne rien comprendre.

Ils continuèrent d'avancer plus lentement. Ils voyaient moins bien que tout à l'heure. Était-ce parce qu'ils s'étaient enfoncés plus profondément dans la terre ou est-ce que leur lumière avait un problème ? Lucas avait l'impression que le faisceau lumineux était plus réduit qu'à leur départ.

— Mais dans l'hypothèse où ça me dérangerait que tu sortes avec Lisa, reprit Ellie, Qu'est-ce que tu ferais ?

Lucas se retourna vers elle tout en l'éclairant de nouveau avec sa lampe de poche.

— Dégage ça crétin ! Siffla-t-elle en repoussant l'objet.

Il pouffa de rire pour simple réponse et la jeune fille insista alors qu'ils avaient recommencé à marcher :

— Alors réponds-moi.

— J'ai posé ma question en premier, lui fit-il remarquer, C'est à toi de répondre.

— Quoi ? Que je suis jalouse ? Tu...

Elle s'arrêta, plongée dans le noir le plus total.

— Dis-moi que c'est une mauvaise blague ?

— Putain ! Entendit-elle la voix de Lucas, Elle ne marche plus.

— Lucas, rallume cette foutue lampe !

— Elle ne marche plus je te dis !

Ellie entendit un bruit sourd contre le mur et elle devina que Lucas venait probablement de frapper sa lampe de poche dessus.

— C'est sûr que là ça va mieux marcher, ironisa-t-elle.

— Tais-toi, je fais ce que je peux.

— Prends ton portable.

— Toi, prends le tien.

— Plus de batterie.

Lucas n'eut pas la force de lever les yeux au ciel. Dans tous les cas, elle ne l'aurait pas vu, puisqu'ils étaient plongés dans la pénombre.

— Génial, grinça-t-il.

— Alors prends ton portable, insista Ellie.

Le garçon sortit l'objet de sa poche. La lumière qui en sortit fut si faible qu'elle éclaira à peine ses doigts sur le clavier.

— T'es sérieux ? Souffla-t-elle, blasée.

— J'ai cassé mon portable, rétorqua le garçon, J'ai récupéré cette vieille cabine en attendant.

— Et j'imagine qu'il n'y a pas de réseau ?

— On est sous terre, bien sûr qu'il n'y a pas de réseau !

Ellie ne répondit pas et se laissa tomber contre le mur derrière elle, ne préférant pas penser aux bestioles qui l'entouraient.

— Tu as peur ? L'interrogea Lucas.

— T'as décidé d'être con ce soir ?

— Ellie, tu peux le dire. Tu veux impressionner qui là ?

— Mais je n'ai pas peur, s'emporta la jeune fille, Arrête tes conneries.

— On est à je ne sais pas combien de mètres sous terre, on a plus aucune lumière pour nous éclairer, nos portables ne captent pas, tu...

— On est perdus, j'ai compris, le coupa-t-elle, sèchement, Je suppose que tu regrettes de m'avoir accompagnée ?

— Il y a de quoi, ironisa le garçon.

— Je ne t'avais pas demandé de te joindre à moi.

— Tu connaissais le chemin peut-être ?

— Non.

— Alors pourquoi tu es partie ? L'interrogea-t-il en sentant la colère monter en lui à son tour, Tu comptais faire quoi toute seule dans les galeries ? Demander ton chemin à un squelette ? A moins que, ça aussi, ça soit trop honteux pour toi ? Hein ? Bah sérieux, réponds ! Tu comptais faire comment si personne ne s'était proposé pour te raccompagner ?

— Je t'en prie, je savais très bien que tu me suivrais.

— Quoi ? Explosa Lucas, Mais... Oh mais t'es complètement tordue comme fille !

Ellie frappa soudainement deux coups secs dans ses mains comme pour le féliciter et elle enchaina avec toute l'ironie qu'elle parvint à retrouver en elle :

— Merci de me l'apprendre Lucas. Tu viens de me gagner dix ans de psychanalyse là... Mais bien sûr que je suis complètement tordue ! Ce n'est pas nouveau quand même ! Putain, mais qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

— On se calme, tenta-t-il de relativiser la situation, On va juste revenir sur nos pas, retrouver les autres et on leur demandera le chemin pour sortir.

— On a fait que de tourner en rond depuis tout à l'heure. Comment tu veux qu'on fasse demi-tour ? Et puis, on a même plus de lumière pour se diriger !

— On n'a pas trop le choix, la rembarra-t-il, fermement, Alors viens.

Ellie sentit du mouvement à ses côtés et elle comprit que Lucas venait de repasser devant elle et qu'il faisait marche arrière dans la galerie où ils s'étaient arrêtés.

— Allez, suis-moi.

— Oui donne-moi des ordres en plus, j'apprécie, ironisa-t-elle en tentant de le rejoindre, malgré la pénombre qui les entourait.

— Ta gueule El'.

— Je t'emmerde.

— On risque de mourir à cause de toi, rétorqua Lucas, Bien sûr que tu m'emmerdes.

— Qui te regrettera, de toute façon ?

Lucas ne trouva pas la force de répondre.

***

— Je dois absolument savoir ce qu'il se passe.

Gautier se retourna vers Noah qui venait de débouler derrière lui. Son verre d'alcool à la main, il reposa la bouteille avec laquelle il venait de se servir et reporta son attention sur le reste de la soirée. Après le pétage de plomb de Ruben dans l'après-midi, lui et son équipe avaient finalement terminé leur match. Contre toute attente, Ruben et Anna avaient décidé tous les deux de les suivre à la soirée de Jérémy, bien qu'ils ne se soient toujours pas adressés la parole de la journée. Ruben trainait depuis le début de la soirée avec les potes du hand de Gautier tandis qu'Anna n'avait pas lâché Étienne depuis sa dispute avec son meilleur ami.

— Je sais, ça me tue aussi de ne rien savoir, lui répondit Gautier en portant son gobelet en plastique à ses lèvres... Pourquoi on ne leur demande pas, au fait ?

— Parce qu'ils vont mentir, rétorqua Noah, exaspéré par sa question.

— Ruben ne me ment pas.

Face au regard plein de sous-entendu du garçon, Gautier rectifia à contrecœur :

— Il ne me ment plus.

— Bref, soupira Noah qui ne voulait pas entrer dans le débat maintenant, On doit savoir pourquoi ils se sont engueulés. Ce n'est pas normal. Je ne les ai jamais vus se disputer. Pourquoi ils ne veulent rien nous dire ? Putain, ça m'énerve.

— Un verre ? Proposa Gautier.

— Je ne bois pas, abruti.

— C'était de l'ironie, cingla le garçon en reposant son verre sur la table.

Il bifurqua de nouveau son regard vers le salon. Ruben avait disparu de la circulation et il fallait avouer que Gautier non plus ne comprenait pas pourquoi il avait refusé de lui parler de sa dispute avec Anna. Selon Ruben, ce n'était rien de très intéressant. Sauf que lui, ça l'intéressait. Et Noah aussi visiblement, vu le visage qu'il affichait depuis le milieu d'après-midi.

— Au fond de toi, tu sais de quoi ils parlaient, n'est-ce pas ? Reprit-il la parole.

— Oui, cracha le beau brun, J'ai entendu le nom de Jared dans leur conversation. Et j'ai parlé de lui avec Anna avant de venir au match... Juste, je ne comprends pas pourquoi ils se sont engueulés à propos de ce type.

— C'est si important de le savoir ?

— T'es dans quel camp Gautier au juste ?

— Je ne suis pas dans un camp. On n'est pas sur un champ de bataille là.

Noah ne commenta pas, mais le fond de sa pensée se devinait aisément. Gautier reprit son verre sur la table et avala une nouvelle gorgée de sa boisson.

— Ne te prends pas trop la tête.

— Je me prends la tête ! S'exclama Noah, Ça m'énerve leur connerie ! Je te rappelle que la dernière fois, ils ont fini dans un trafic de drogue !

Gautier se retourna vers lui, il ne trouva pas vraiment de quoi le contredire. Et puis, pour être honnête, lui aussi crevait d'envie de savoir pourquoi ils s'étaient engueulés. Ce n'était le genre d'aucun des deux de s'emporter de la sorte.

— C'est bon Khan, souffla la voix de Ruben dans son dos, Ça n'a rien à avoir avec le trafic.

Les deux garçons se retournèrent vers lui tandis que Ruben les rejoignit à la table de la cuisine pour se servir un verre. Il s'empara d'une bouteille de mousseux et en remplit son gobelet généreusement sous le regard incendiaire de Noah.

— Mais putain parle ! Explosa-t-il, On veut savoir pourquoi vous vous êtes engueulés !

— Il veut savoir, rectifia Gautier.

— J'hallucine, souffla Noah en se retournant vers lui d'un air outré, Elles sont passées où tes couilles ? Il te les a bouffées ?

Aucun des deux ne jugea bon de relever sa question qui n'en était pas vraiment une et Ruben répondit après avoir avalé une gorgée de son verre :

— Demande-lui si tu veux tellement savoir.

— Je sais que c'est à cause de Jared, elle ne voudra pas m'en dire plus.

— Ce n'est pas mon problème.

— Putain Ruben, l'arrêta-t-il en posant une main brusquement sur son torse, Si tu lui as mis je ne sais quelle idée dans le crâne, je te jure que...

— Doucement, de quoi tu m'accuses au juste ?

— Et bien dis-moi la vérité et j'arrêterai de t'accuser de...

— Je me suis engueulée avec elle parce que je lui ai dit la même chose que toi, si tu veux savoir, le coupa-t-il de nouveau, Je lui ai dit de ne pas s'occuper de lui, parce que Jared n'en a jamais rien eu à foutre d'elle ! Ça te va ?

— Oh, murmura Noah, déconcerté par cette réponse, On est dans le même camp alors ?

— Mais qui parle de camp ? S'emporta Ruben qui était, manifestement, toujours à fleur de peau, On n'est pas sur un champ de bataille Khan.

Gautier esquissa un sourire sans rien dire tandis que Noah reporta son regard de l'un à l'autre d'un air blasé. Ils étaient vraiment trop clichés à se ressembler autant.

— D'accord, murmura-t-il, Je veux bien te croire.

— Trop aimable, ironisa Ruben.

Noah ne releva pas le sarcasme et il s'éloigna du couple pour rejoindre le salon.

Enfin seuls dans la cuisine, Gautier en profita pour poser ses mains de part et d'autre des hanches de son petit-ami et il l'interrogea d'un air inquiet :

— Tu vas bien ?

— J'ai envie de dormir... Je vais rentrer maintenant je pense.

— Ça te dérange si je reste encore un peu ? L'interrogea Gautier.

— Non, pas du tout, je vais prendre un taxi, ne t'inquiète pas.

Gautier n'eut même pas le temps de le remercier car Ruben venait de déposer ses lèvres sur les siennes avec une pression si légère qu'il eut simplement l'impression qu'elles venaient de se frôler. Ruben sortit de la cuisine sans rien ajouter et Gautier l'observa s'éloigner, hébété. Quelque chose clochait. En temps normal, quand ils ne passaient pas la nuit ensemble, Ruben avait pris la mauvaise habitude de l'embrasser d'une manière à ce que Gautier se le reproche, un mélange de tendresse et de passion qui voulait dire « voilà ce que tu vas louper ce soir ». Mais cette nuit, il avait l'impression qu'il n'allait pas louper grand-chose. Ruben n'était pas dans son état normal. Gautier reposa son verre sur la table de la cuisine et sortit à son tour de l'appartement à toute vitesse. Il retrouva Ruben dans le couloir et l'interpela au loin. Celui-ci s'arrêta, se retournant lentement vers lui ce qui présageait que cela l'ennuyait au plus haut point. Mais Gautier ne se laissa pas démonter pour autant. Il avança vers lui et déclara sèchement en se plantant devant le garçon :

— Bon sang, qu'est-ce qu'il se passe ?

— Rien, je t'ai dit de rester à la soirée.

— Ruben, je te connais. Tu es malheureux là.

— Je me suis engueulé avec Anna, désolé de ne pas être au meilleure de ma forme, ironisa-t-il, Mais ça va, je te dis, ça passera.

De nouveau, il frôla les lèvres de Gautier à lui en crever le cœur et s'éloigna dans le couloir.

— Je n'ai rien dit devant Noah, reprit Gautier.

Ruben se retourna vers le garçon pour lui faire face.

— Tu lui mens à lui si tu veux, mais tu ne me mens pas à moi.

— De quoi tu parles ?

— C'était quoi ses conneries ? L'interrogea Gautier en se rapprochant du jeune homme, Pourquoi tu as dit ça sur Jared ? Moi aussi, je le connais. Je l'ai vu avec Anna. Tu n'as pas le droit dire qu'il n'en a rien à foutre, ce n'est pas vrai Ruben. Tu le sais très bien.

— Oui, je sais.

— Alors pourquoi est-ce que tu prétends le contraire ? Pour protéger Anna ?

Le garçon pouffa de rire, exaspéré. C'était la meilleure celle-là, songea-t-il, écœuré.

— Quoi ? Explosa Gautier qui n'y comprenait plus rien, Qu'est-ce qu'il se passe, putain ?

— Oui bien sûr, tu as raison, je veux juste protéger la sainte Anna, ironisa Ruben.

— Pardon ?

— Je suis vraiment le seul à voir ce qu'elle fait ?

— Mais qu'est-ce que tu racontes Ruben ?

Il se mordit la lèvre inférieure pour s'empêcher de pleurer. Il ne savait pas ce qu'il avait aujourd'hui, mais il avait la vague impression qu'il allait fondre en larmes à chaque fois qu'il essayait de parler. Il se rapprocha de Gautier comme pour réclamer un câlin et le garçon le serra dans ses bras. Ruben posa son menton sur l'épaule de son petit-ami qui lui caressa le dos tendrement.

— Allez dis-moi ce qui te tracasse, je m'en fiche si tu pleures, le rassura Gautier.

— J'ai peur pour Jared.

— Pourquoi ?

Ruben s'éloigna à contrecœur des bras de son petit-ami. Il avait envie de rester dans son étreinte, mais s'il le faisait, ses larmes remplaceraient bientôt ses mots et il voulait lui dire ce qu'il avait sur le cœur avant que cela n'arrive.

— Je connais mon frère. Je l'ai vu avec Ellie. Il était fou amoureux et quand elle l'a plaqué comme une merde du jour au lendemain, je l'ai vu sombrer. Sombrer comme tu ne verras jamais personne sombrer. Il a pris plus de drogue, il était plus violent, il a totalement arrêté ses études, il était... Je ne sais pas. Horrible. Je le détestais. Je détestais ce Jared-là.

— Et maintenant ? Murmura Gautier.

— Je ne dis pas qu'il ressent la même chose pour Anna, reprit Ruben, Je ne pense pas qu'il pourra retomber amoureux comme il l'était. Mais il l'apprécie, c'est clair.

— Et où est le problème ? Parce qu'elle est déjà avec Noah ?

— Non, je m'en fous de Noah.

— Alors qu'est-ce qu'il y a ?

— Je ne veux pas qu'il sombre comme avec Ellie. Anna ne voit que Noah, elle s'en fiche de mon frère.

— Tu as tort, l'arrêta Gautier en fronçant des sourcils, Je pense qu'elle s'inquiète vraiment pour lui.

— Arrête tu veux, souffla-t-il, exaspéré, Elle s'est inquiétée pour lui quand Noah était en Italie et elle a oublié Jared à la seconde où il est revenu. Ils ne se sont même pas parlés depuis. Et maintenant que ça se complique avec Noah, elle semble se souvenir miraculeusement de son existence et elle veut l'aider. Conneries. Elle veut juste faire chier Noah, le faire réagir. Je ne veux pas qu'elle utilise mon frère comme ça. C'est ma meilleure amie, elle n'a pas le droit de faire ça. Je lui en veux... Tu comprends ?

— Oui je comprends... Mais tu es en colère et je suis sûr que tes mots dépassent ta pensée. Anna n'est pas aussi manipulatrice, c'est probablement inconscient.

— Et alors ? Ça change quoi ? L'interrogea Ruben, Il faut arrêter de l'innocenter comme ça à tout bout de champs ! Tout le monde me reproche sans arrêt mon histoire avec Borja, mais elle non plus, elle n'est pas toute blanche ! Elle a trompé Ethan avec Noah, merde. Ils étaient meilleurs potes. Qui fait ce genre de choses ? Moi, quand j'ai embrassé Borja, on n'était même plus ensemble tous les deux. Alors pourquoi j'ai l'impression d'avoir commis un crime alors que la gentille Anna n'a commis qu'un petit écart ? Elle n'est pas parfaite cette fille, et j'ai l'impression qu'il y a que moi qui le voit.

— Calme-toi Ruben.

— Non, je ne me calme pas ! T'as raison, je suis en colère ! Je suis en colère contre elle ! Et ça fait tellement longtemps que je pense ça sans jamais avoir pu le dire, j'ai l'impression de me libérer. Sauf que, encore une fois, c'est moi qui passe pour un gros connard. Même toi, tu penses que j'exagère.

— Je ne pense pas que tu sois un gros connard.

— Mais tu penses que j'exagère ? Comprit-il de suite.

— Ruben...

— Non, c'est bon Gautier, souffla-t-il en se reculant d'un pas, Je suis fatigué. J'ai juste envie de rentrer.

— Arrête ! S'exclama-t-il en le rattrapant par la manche de sa veste, Tu l'as dit toi-même, il n'y a pas de camp. Je ne choisis aucun de vous deux. Je suis juste là pour toi, c'est tout. Alors ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit.

Ruben avala sa salive et tenta une nouvelle fois de contenir ses larmes. Oui, lui aussi avait l'impression d'exagérer et il ne savait pas pourquoi il réagissait ainsi. Il sentait que sa réaction était démultipliée par rapport à ce qu'il ressentait vraiment, mais il n'arrivait pas à se détacher de toute cette colère. Il ne haïssait pas Anna, mais il avait tellement de colère à l'intérieur de lui que la pauvre fille s'était tout pris pour elle. Peut-être était-ce dû au manque de nicotine ou alors au fait qu'il avait l'impression que Gautier se détachait de lui depuis qu'il trainait avec Noah. Et peut-être que, inconsciemment, il en rejetait toute la faute sur Anna. Après tout, c'était bien elle qui l'avait amené dans leur vie à tous les deux.

— Ça va mieux ? L'interrogea Gautier en glissant un doigt contre sa joie.

Sa main retomba le long de son corps pour enlacer celle de Ruben.

— Jared ne mérite pas ça, murmura-t-il lorsqu'il sentit les doigts de Gautier serrer les siens, Il m'a trop aidé pour que je laisse Anna se servir de lui comme ça.

— Il t'a aidé à quoi ?

— Avec mon homosexualité. Il était là. Sans lui, nous deux... Ça n'aurait peut-être pas existé.

— Bien sûr que ça aurait existé, l'arrêta Gautier en venant caresser ses fossettes du bout des doigts, Je ne sais pas ni où, ni quand, ni pourquoi, mais ça aurait existé. Il n'y a pas un monde où je ne pourrais pas tomber amoureux de toi.

C'était niais, mais, indéniablement, ça le rendait heureux. Un sourire sincère se devina enfin sur les lèvres de Ruben et ses doigts se resserrèrent dans ceux de Gautier. Un contact qui rassura le garçon.

— Je vais rentrer avec toi finalement.

— Non Gautier je vais bien, je t'assure.

— Je rentre avec toi Ruben, insista-t-il en détachant ses doigts des siens, Je dois juste aller récupérer mon manteau chez Jérémy. Je reviens dans deux secondes, je...

Ruben venait de l'arrêter au milieu de sa phrase en l'embrassant.

— Non, répéta-t-il en se détachant de ses lèvres, Je ne veux pas qu'on soit ce genre de couple qui s'empêche de vivre. Profite de ta soirée.

— Tu ne m'empêches pas de vivre, murmura Gautier, déconcerté.

— Tu avais envie de rester à cette soirée, ce sont tes amis, reprit Ruben, Ne rentre pas à cause de moi.

— J'ai envie d'être avec toi.

— Je sais... Mais...

— Mais quoi ?

— Non, rien.

Gautier l'observa d'un air blasé. Clairement, il ne partirait pas tant que Ruben ne lui aurait pas dit ce qu'il avait sur le cœur. Ruben le savait pertinemment.

Le garçon souffla donc d'un air résigné avant de lâcher :

— J'ai peur que plus tard tu le regrettes.

— Que je regrette ? Hallucina son petit-ami.

— D'avoir mis ta vie entre parenthèse pour passer plus de temps avec moi. On s'enferme tous les deux Gautier... Je les ai entendus tes potes tout à l'heure. Toutes les remarques qu'ils t'ont lancées sur le fait qu'ils avaient fini par te croire mort tellement tu ne sortais plus avec eux. Je ne veux pas que tu t'isoles d'eux à cause de moi. J'ai l'habitude de ne pas beaucoup sortir, de ne pas avoir d'amis, toi, tu en as besoin.

Il avait raison. Gautier n'aimait pas le reconnaître, mais, oui, Ruben avait raison. Depuis qu'ils s'étaient remis ensemble, il avait passé tout son temps libre avec lui. Aujourd'hui était la première fois depuis des semaines qu'il sortait avec ses amis du hand. Mais il n'avait pas l'impression que cela le dérangeait. Pourtant, lui aussi détestait tous ces couples qui ne pouvaient pas vivre l'un sans l'autre. Seulement, quand ça le concernait, ça semblait différent. Eux, ils s'aimaient, c'est tout.

— Je reste un peu, mais je te rejoins chez toi cette nuit, déclara-t-il, Ça te va comme compromis ?

— Ma mère va péter un plomb si tu restes dormir, comme la dernière fois.

— Alors va dormir chez moi, proposa-t-il en plongeant la main dans la poche avant de son jean.

— Gautier, je t'assure que...

Le garçon en ressortit son trousseau de clefs et l'enfonça dans la paume de Ruben ce qui l'empêcha de terminer sa phrase.

— Je ne rentrerai pas tard. Laisse la porte de l'entrée ouverte, mais surtout ne fais pas de bruit car si ma mère se rend compte qu'elle n'est pas fermée, elle va faire une crise cardiaque.

— Gautier, répéta Ruben, mal à l'aise, Je crois que j'ai besoin d'être seul. Juste une nuit.

Gautier encaissa le coup en silence tandis que son petit-ami lui rendit ses clefs. Il attrapa le trousseau en se retenant de ne pas lui jeter à la figure. Il savait que Ruben n'avait pas eu l'intention de le vexer et rien dans sa voix n'avait été blessant, mais il ne pouvait empêcher son cœur de se contracter de douleur.

— Ce n'est pas contre toi, reprit Ruben pour le rassurer, J'ai juste... Je ne sais pas, besoin de ma chambre, ma musique, juste cette nuit.

— Tout ça a vraiment un rapport avec Anna ? Murmura Gautier sans oser le regarder dans les yeux.

— Comment ça ?

— Est-ce qu'il s'est passé autre chose aujourd'hui ?

Ruben avait promis de ne plus lui mentir. Il avait promis. Promis. Promis. Promis.

— Non.

Il se détestait.

— D'accord, murmura Gautier, sans trop savoir s'il venait de le croire ou non, Bonne nuit mon cœur.

Mon cœur, se répéta Ruben dans sa tête. Il en aurait crevé s'il ne sentait pas déjà aussi coupable. Pourquoi tout ceci lui prenait-il autant la tête ? Se demanda-t-il, exaspéré par lui-même. Ce que lui avait dit Belen ce matin, ça n'aurait pas dû le toucher, ça n'aurait pas dû l'énerver. Ça n'aurait pas dû. Mais ça l'avait fait. Indéniablement. Et c'était surtout ça qui le rendait malade.

— Bonne nuit, déclara-t-il à son tour en scellant ses lèvres à celles de son petit-ami.

***

Ellie se prit soudainement le pied dans une pierre et trébucha vers l'avant, se vautrant contre le dos de Lucas.

— Putain ! S'exclama-t-elle alors qu'il venait de passer son bras autour de sa taille pour la retenir, Mais ça me soule !

— Calme-toi.

La jeune fille s'était dégagée de son étreinte. Elle avait reculé d'un pas et son dos avait percuté le mur derrière elle. Elle en avait marre. Marre de cette pénombre oppressante, marre d'entendre des bruits qu'elle ne pouvait pas assimiler à quelque chose de concret, marre d'avoir marché pendant presque une heure sans jamais n'apercevoir une seule lumière, une seule personne. Elle en avait marre du froid qui régnait dans ces galeries, marre de se prendre les murs, les cailloux, d'entendre des bruits d'os craquer sous la semelle de ses chaussures, marre de cette odeur de renfermée et d'humidité, marre d'entendre Lucas répéter en boucle que « Ça va aller, on va bientôt se retrouver ». Alors que non, ils ne retrouvaient rien du tout depuis une heure. Personne. Pas un son humain. Pas une échelle de sortie. Juste des galeries toutes plus sombres les unes que les autres.

— On va crever ici, cingla la jeune fille en s'arrêtant de marcher.

Lucas sentit qu'elle ne suivait plus et il se retourna vers elle. Enfin, il se trouva stupide de le faire puisque, de toute façon, il ne risquait pas de la voir. Il l'avait plus fait par principe qu'autre chose. Il préférait lui parler alors qu'elle lui faisait face, en quelque sorte.

— Ellie, je te jure, on va trouver cette sortie.

— On est perdus, tu comptes capter quand ?

— Oui, on est perdus, j'ai capté, l'interrompit-il, Et alors ? On n'a pas de réseau et pas de lumière. On ne va pas rester plantés comme des cons sans rien faire.

— J'ai trop froid.

— Raison de plus pour ne pas s'arrêter, argumenta-t-il, Marcher va te réchauffer.

— Marcher va épuiser mes dernières forces, rectifia-t-elle.

Le garçon passa une main sur son visage. Il avait toujours su qu'Ellie n'était pas une grande sportive et il devait reconnaître que lui aussi était fatigué. Il devait être quatre heures du matin, ils avaient faim et froid. La situation n'était pas des plus agréables.

— Tu veux faire quoi ? L'interrogea-t-il, Moi, je n'ai plus d'idées.

— Juste une pause, s'il-te-plait.

— D'accord.

Ellie tata avec sa main le mur derrière elle puis glissa son dos le long de la paroi, jusqu'à ce que ses fesses touchent le sol froid et plein de poussières. Elle sentit un truc dur sous sa cuisse et le retira rapidement sans vouloir savoir de quoi il s'agissait. Elle posa ensuite son front sur ses deux genoux qu'elle avait relevés contre elle pour se réchauffer. Un bruit l'informa que Lucas venait de s'assoir lui aussi, juste à côté d'elle.

— J'ai le droit de te manger si tu meurs en premier ? L'interrogea la jeune fille.

— Oui, murmura-t-il en un sourire.

— Cool, merci.

— Et moi ?

— Non.

— Non ?! Répéta Lucas, indigné, Tu déconnes j'espère ?

— Non, je ne déconne pas, je ne veux pas que tu me bouffes, t'es fou, un corps comme le mien ça ne se déchique pas.

— Alors tu ne me manges pas non plus ! S'exclama le garçon.

— Trop tard, tu as dit que ça ne te dérangerait pas, tu ne peux pas revenir sur ta décision.

Lucas s'arrêta, blasé. Il était à peine sûr qu'elle plaisantait.

— Tu ne peux pas le voir là, reprit-il, Mais j'ai vraiment un visage offusqué. T'es trop égoïste comme personne.

— Je m'en fiche.

— De toute façon, je n'ai rien à craindre, pouffa-t-il, C'est toi la plus faible de nous deux, tu vas mourir avant.

— Si tu me manges, mes parents te feront un procès, le mit en garde Ellie.

— Parce que tes parents en auront vraiment quelque chose à foutre ?

La jeune fille se contenta de sourire. Elle l'avait mérité, au fond.

— A chaque fois qu'on est ensemble, on foire un truc El', souffla Lucas en calant sa tête contre le mur derrière lui.

— Ici, ce sera notre existence, en l'occurrence, ironisa-t-elle.

Il ne répondit pas et un long silence vint alourdir la situation déjà pesante. Lucas craqua ses doigts en fermant les yeux. Il reprit son souffle en cherchant une solution à leur problème. Ils étaient coincés sous terre, sans lumière, ni eau, ni nourriture. C'était plutôt critique.

— Je vais pisser moi.

Lucas rouvrit les yeux d'étonnement tandis qu'il entendit Ellie se relever juste à côté de lui.

— T'es sérieuse là ?

— Oui, je ne vais pas me retenir.

— Mais c'est dégueulasse, tu vas en foutre partout.

— Lucas, souffla la jeune fille, blasée, en s'éloignant dans une galerie, J'ai pissé bourrée entre deux voitures plus de fois que tu ne peux l'imaginer, donc, non, je ne vais pas en foutre partout.

Il ne trouva rien à rétorquer et resta silencieux. Bientôt, il entendit l'urine goutter sur le sol et retint un rire. Il n'y avait qu'Ellie pour ne pas être gênée par ce genre de situation. Cette fille n'avait aucune pudeur et aucun tabou. Il l'aimait pour ça, en quelque sorte. Elle était simple et compliquée à la fois.

Il ferma les yeux de nouveau et rapporta ses genoux contre son torse pour se réchauffer. Il ignorait encore pourquoi il l'avait appelé ce soir, pourquoi il lui avait proposé de se joindre à lui. D'accord, relativisa-t-il, C'était elle qui le lui avait demandé à la base, mais, tout de même, Ellie n'avait jamais vraiment cru qu'il le ferait. C'était son choix. Il l'avait appelée.

Un frisson le parcourut et il étala ses jambes sur le sol.

— Ellie ? Interrogea-t-il en réalisant qu'il n'entendait plus rien depuis un petit bout de temps déjà.

Aucune réponse.

— Ellie ? Répéta-t-il, plus inquiet, en se remettant debout, sa main appuyée contre le mur derrière lui, El', tu fous quoi là ?

Le silence fut encore plus insupportable qu'il ne l'était depuis déjà une heure.

— C'est bon El', ne déconne pas maintenant, on a autre chose à foutre.... Ellie ? ... El', ce n'est pas drôle... Putain, mais tu fais chier avec tes blagues à la con... Je me barre sans toi alors ? ... Bien, cool.

Le garçon prit une galerie au hasard et commença à s'éloigner. Il sentait son cœur se compresser dans sa poitrine et il serra sa lampe de poche dans sa main. Il n'avait jamais été claustrophobe, mais se retrouver soudainement dans le noir le plus total et sous terre sans plus personne à ses côtés le rendit malade.

Il s'arrêta de marcher. Sa mâchoire se crispa et il tenta une dernière fois :

— Ellie ?

Toujours aucune réponse. Et s'il lui était véritablement arrivé quelque chose ? S'interrogea-t-il, de plus en plus inquiet. Non, c'était totalement ridicule, s'arrêta-t-il, Ils étaient totalement seuls, c'était impossible qu'un psychopathe sortit de nulle part les ait attendu aussi longtemps pour capturer l'un d'entre eux, et qui plus est, dans le silence le plus total. Non, non, non, se rassura-t-il. Elle était juste en train de se foutre de lui, comme d'habitude.

— El', je ne rigole pas, reviens maintenant ou je...

Je quoi ? Se demanda-t-il, Il n'avait pas trente mille possibilités non plus.

— ... Je me barre sans toi, reprit-il, Tu vas crever ici toute seule.

Lui aussi, mais il ne préféra pas le préciser.

Lucas serra de nouveau sa lampe dans son poing et il tenta une dernière fois d'activer la lumière. Aucune chance. Les piles étaient mortes. Blasé, il laissa tomber l'objet sur le sol et s'éloigna de nouveau. Il fit quelques pas, sa main sur le mur pour sentir si des barreaux d'une échelle pouvaient le sortir de ce cauchemar.

Sa main tomba soudainement dans le vide, sûrement une autre galerie. Devait-il la prendre maintenant ?

Il se retourna vers l'endroit qu'il venait de quitter. Non, il ne pouvait pas y aller tout seul. Il fit demi-tour et reprit plus fermement :

— Ellie, je ne déconne plus. Je panique là. Tu as eu ce que tu voulais donc maintenant tu...

Il s'arrêta. Un bruit de pas venait vers lui. Il sentait quelqu'un en mouvement.

— C'est toi hein ? Parle, putain, je commence vraiment à flipper donc...

Il fut coupé de nouveau. Pas par un bruit. Des lèvres. Juste ses lèvres sur les siennes.

Il se recula brutalement :

— Putain, c'est quoi ton délire ?

— Ça s'appelle une blague, détends-toi.

— Une blague ? Répéta-t-il, furieux, J'ai failli faire une crise cardiaque ! Et puis pourquoi tu m'embrasses ? Ça t'amuse ?

— La blague, oui, lui accorda-t-elle, Le baiser, c'était pour...

— Ta gueule, la coupa-t-il brutalement, Sérieux, tu me saoules ! Pourquoi tu fais toujours des trucs comme ça ? Ça t'amuse vraiment de me rendre fou ? Tu ne crois pas qu'on a autre chose à foutre que de s'amuser ? Genre survivre !

— Justement, je viens de...

— Non tais-toi ! S'emporta-t-il, Laisse-moi me calmer parce que là, je te jure, il y en a une qui va partir !

— Pour ça, il faudrait déjà que tu arrives à me viser, ironisa Ellie.

— Ne t'inquiète pas pour ça, lança-t-il en attrapant le bras de la jeune fille pour être sûr qu'elle ne s'échappe pas à nouveau.

Ils restèrent silencieux et seule leur respiration venaient remplir le vide tout autour d'eux. Les doigts de Lucas descendirent le long du bras d'Ellie, arrivant jusqu'à son poignet où il sentit sa peau boursoufflée par ses cicatrices. Il les caressa d'un air absent. Il avait besoin de se calmer. Ce n'était pas que sentir ses cicatrices le calmait, bien au contraire, il ne trouvait pas la sensation particulièrement agréable, mais c'était sa présence qui le rassurait.

— Je ne peux toujours pas en placer une ? Interrogea Ellie.

— Toujours pas, non.

Lucas sentit la jeune fille se relâcher après un soupir d'exaspération, mais il continua de conserver son poignet dans sa main. Celle-ci glissa d'ailleurs jusqu'à la sienne et leurs doigts se lièrent.

— Lucas...

— Non pas encore El'.

— Mais putain ! S'exclama la jeune fille, J'ai trouvé la sortie !

— Hein ?!

— Quand j'ai été pisser, j'ai trouvé une échelle !

— Mais pourquoi tu ne me l'as pas dit avant ? Explosa-t-il en dégageant sa main de la sienne.

— Parce que j'ai eu l'idée de te faire une blague et qu'après tu m'as interdit de parler.

— J'hallucine ! Souffla-t-il, estomaqué, T'es vraiment barrée, putain ! Et le baiser alors c'était pour quoi ? Me faire péter un plomb pour de bon ?

— C'était un baiser « chouette, on ne va pas mourir ici ce soir », rétorqua Ellie.

— Et bien ça aurait été sympa de m'en informer, que je puisse en profiter moi aussi, ironisa le garçon.

— Ce n'est peut-être pas trop tard.

Si, c'était trop tard. Trop tard pour eux deux. Trop tard pour essayer encore une fois, trop tard pour se planter encore une fois. Mais qu'est-ce qu'il en avait à foutre lui ? Du temps, trop tôt, trop tard ? C'était Ellie, merde. Ellie Lefevre, la seule fille qu'il n'avait jamais aimée. Et elle était là, devant lui, rien que pour lui.

Il posa ses deux mains sur son visage qu'il glissa derrière sa nuque, ses doigts s'emmêlèrent dans ses cheveux et il l'embrassa. Ses lèvres se pressèrent contre les siennes et ils eurent un soupir de plaisir au même instant. Leurs lèvres, leur corps, leur odeur, tout leur avait manqué et tout revenait brutalement, soudainement. Leur premier baiser, il y a quelques mois, à la soirée Halloween du Palace. Et ce baiser, au fond des catacombes de Paris. La même tendresse, la même passion, et c'était comme s'il n'y avait rien eu entre ces deux moments là. Rien qui ne vaille la peine de se souvenir. Les ratés n'existaient plus. Il n'y avait plus qu'eux deux.

Ellie et Lucas, comme avant. 

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