36.
Raven
J'étais assez étonnée, il me fallait bien l'admettre, de me retrouver face à un Zachary qui ne dominait pas ses pulsions. Il me collait à lui et me pressait contre son corps, comme si ses mains ressentaient elles-mêmes le besoin de venir redécouvrir ces courbes qui avait été siennes pendant quelque temps. Ses lèvres étaient avides sur les miennes et réveillaient ainsi le désir sexuel qui sommeillait en moi, d'autant plus puissant qu'il était satisfait par son objet propre. En effet, malgré tout ce qui s'était produit entre nous, mon corps ne pouvait s'empêcher de réagir en sa présence. De même, mes hormones n'avaient de cesse de s'enflammer, et ce, dès qu'il s'approchait d'un peu trop près de moi. Ses lèvres étaient quelque peu rugueuses contre les miennes et malgré moi, je ne pouvais m'empêcher de frissonner, excitée à l'idée du plaisir qu'elles pourraient procurer, m'éraflant le bout des seins ou mieux encore, s'attardant sur mon clitoris. Tout allait très vite, trop vite peut-être, comme toujours entre nous. Bientôt, je me retrouvai allongée dans l'herbe, dominée par ce grand brun dont les yeux bleus devenaient bien plus profonds sous l'effet du désir. Il était plus qu'évident qu'il cherchait à me dévêtir le plus rapidement et le moins brutalement possible. L'issue de ce corps à corps ne faisait aucun doute...
Soudain, un craquement se fit entendre. Saisie d'un mauvais pressentiment, je m'empressai de remettre de l'ordre dans ma tenue et me relevai aussitôt, m'attendant à croiser le regard haineux de la poule de Zac. Mais il n'en fut rien. Je me retrouvai face à deux trous noirs, deux puits sans fond dans lesquels je m'abîmai. Un frisson me parcourut l'échine. Aiden se tenait devant moi, un sourire narquois sur les lèvres. Baigné par la lumière du soleil, son visage paraissait presque amical. Il n'avait guère changé, à vrai dire. J'étais simplement étonnée de le voir tête nue, sans son éternelle capuche, qui ne le quittait plus depuis une dizaine d'années. Quelque chose avait changé en lui, je ne sus dire s'il s'agissait d'un effet post-emprisonnement mais Aiden paraissait différent... Plus posé... Plus calme... Plus mature... Plus dangereux. Comme toujours lorsque je me trouvais en sa présence, toute forme de répartie, voire d'audace semblait m'avoir quittée. Il en était pleinement conscient – il me connaissait par cœur après tout – et cela l'amusait.
- Je savais bien que tu finirais par te pointer, fis-je d'une voix qui se voulait assurée, tentant de faire abstraction de mes hormones frustrées et du choc que produisait en moi l'apparition d'Aiden. Une apparition plus infernale qu'autre chose, d'ailleurs... Je t'attendais...
- Je vois que tu t'es trouvé une petite distraction en m'attendant, ricana-t-il. Tu devrais te méfier Zac, ne t'attache pas à Raven. La prison ne l'a pas changée, c'est toujours Ace qui est aux commandes, une Ace emplie de haine, de rancœur et qui a soif de vengeance. Tu penses peut-être te servir d'elle pour te vider, mais fais moi confiance. C'est toi qui finiras traîné dans la boue.
Il éclata de rire, tandis que je plissai les yeux, étonnée de l'entendre plaisanter de la sorte. Etonnée aussi qu'il soit encore en mesure de lire en moi, alors même que j'avais à peine parlé. Zac, derrière moi, n'en menait pas large, se demandant sans doute, qui d'Aiden ou de moi il devait croire. Je décidai qu'il ne s'agissait pas là de la priorité et me focalisai sur Aiden. J'avais bien évidemment un flingue dans mon sac et une petite lame se trouvait dans ma poche.
- Tu peux demander à ton mec de se barrer Ace, s'il te plaît ? J'aimerais te parler seul à seule.
Méfiante, je m'avançai quelque peu vers lui, et, après avoir ordonné à Jackson de retourner près de sa potiche, non sans lui avoir promis que nous reprendrions plus tard, je suivis Aiden. Il m'attira un peu plus loin, là où les arbres se faisaient plus denses et plus nombreux. Nul n'aurait pu savoir, venant de l'extérieur, que nous nous tenions là. J'attendais, sur mes gardes, qu'il éclaire quelque peu ma lanterne.
- Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je te connais par cœur Ace, je sais que tu n'es pas comme Fred, ni comme Marie ou Lucas. Les Shadows représentent toute ta vie, comme la mienne. Ma plus belle création et ta fierté. Notre famille. Jim, Aaron, Peter font partie de ceux qui nous suivent encore. Maintenant que nous sommes tous deux sortis de prison, j'aimerais que l'on s'associe pour reformer notre famille. On est comme toi Raven. Nous non plus, on n'arrive pas à vivre dans ce monde, les uns sans les autres. Il n'est pas fait pour nous. Pas comme ça du moins. Seuls, nous sommes chacun très forts, mais ensemble nous sommes invincibles. Plus personne ne se dressera en face de notre chemin. C'est le monde qui doit s'adapter à nous Ace, et en reformant les Shadows, nous retrouverons toute notre puissance perdue et pourrons l'accroître encore. Mais pour cela, j'ai besoin de toi. Tu es ma plus belle réussite, tu le sais. Tu es le soldat dont j'ai toujours rêvé. Une machine de guerre, de destruction. Mais tu sais aussi motiver tes troupes et prendre soin d'elles. Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore, j'ai besoin de toi à mes côtés.
Choquée, je restai un instant sans voix, tandis qu'Ace ne manquait pas de se réjouir. Elle n'avait qu'une envie, se jeter au cou d'Aiden afin de le remercier, lui ôter ses vêtements et lui faire l'amour comme pour lui prouver qu'ils pouvaient ne faire qu'un. C'était à cause d'elle que j'étais si attachée à Aiden, malgré tout ce qu'il avait pu me faire subir. Il avait été là pour moi quand tous m'avaient tourné le dos. Malgré tout, je trouvai la force de lutter et répondis :
- C'est non Aiden. J'essaie de m'en sortir, je ne veux plus tremper dans toute cette merde. La prison m'a changée, c'est toi qui te trompes. Je veux être réglo, à présent. Les Shadows, c'est fini pour moi. Et je ne peux pas pardonner ce que tu as fait. Tu as voulu tuer mon frère, le vrai. Mon sang circule dans ses veines. Jamais je ne me serais attaquée à un membre de ta famille. Tu connais mes faiblesses Aid' et tu t'en es servi contre moi. Tu n'es qu'un lâche. J'aurais tellement aimé te tuer de mes mains...
- Qu'est-ce que tu attends ?, me demanda-t-il d'une voix arrogante, qui n'avait pour but que de me provoquer. Tu es armée, moi non. Tire-moi dessus et tout sera terminé. Je sais que tu n'en es pas capable. Tu l'aurais fait bien avant, et tu ne m'aurais pas laissé t'intimider ces dernières semaines. Je sais qu'au fond de toi, tu avais hâte de me retrouver. Jim sera ravi de te revoir aussi, ajouta-t-il en m'adressant une œillade complice.
- Je ne veux plus tremper dans toutes ces conneries, je te l'ai dit. J'ai eu la chance de sortir de taule, je refuse d'y retourner. Tu peux te les garder, tes belles paroles. Ace est toujours attachée à toi mais j'ai choisi d'être Raven, Aiden. Et tu devrais en faire autant. Ce sera la meilleure façon de rendre Marie fière de toi. Fais en sorte que sa mort te serve de leçon...
Sa mâchoire se contracta et je sus que j'avais touché un point sensible. Aiden ne pourra jamais oublier Marie. Elle était son âme sœur ; et c'était par sa faute qu'elle était morte. Une ombre fugace de culpabilité traversa ses orbes, mais il reprit bien vite son expression implacable et indéchiffrable. Il plongea ses yeux d'une noirceur telle qu'aucun adjectif ne suffirait à les décrire dans les miens et je faillis tressaillir, tant il était difficile de soutenir ce regard intense.
- Tu es sûre qu'il s'agit là de ton dernier mot Ace ? Et comme je hochai la tête, il reprit : Je pensais que tu avais compris que tu ne peux échapper aux Shadows. Nous te retrouverons toujours. Tu les as en toi. Tes frères ont besoin de toi, tu devrais accourir à ce rassemblement. Ils vont être terriblement déçus. Attends-toi à des représailles...
- Je serai prête, s'il faut en arriver là.
Un sourire mauvais étira ses lèvres, tandis qu'il reprit :
- C'est Jim qui va avoir gagné le pari. J'étais persuadé que tu cèderais avant que je n'avance mon dernier argument. C'est un bel exemple d'argument d'autorité, celui-là. Tu verras, tu ne pourras pas me dire non après. Approche.
Toujours sur mes gardes, je m'avançai alors qu'il allumait son téléphone afin de me montrer une vidéo. Le lieu filmé était assez sombre, autant que peut l'être un vieux hangar désaffecté. Il la mit en marche, et la voix de Jim résonna autour de nous :
- Tu sais ce que tu dois faire si tu veux être des nôtres. Etre le frère d'Ace ne suffit pas. Il faut que tu tues quelqu'un et que tu nous rapportes un morceau de son corps, comme preuve de ton action. On t'apprendra, si tu réussis le test, à dessiner notre logo par la suite.
Alors que je tentais de remettre de l'ordre dans mes idées, Aiden coupa la vidéo. Sonnée, je le regardai, ne parvenant pas à croire ce que je venais pourtant de voir. Mais comment avait-il osé ?
- C'est la dernière chance que je t'offre Ace. Reviens chez nous, ou c'est Archer qui deviendra le même monstre que toi. Il est encore pur, il n'a pas encore tué. Toi seule peux le sauver. S'il tue, il deviendra l'un des nôtres. S'il échoue, tu connais le sort que nous réservons aux couards... Son destin est entre tes mains bébé, ajouta-t-il en déposant un tendre baiser sur mes lèvres, avant de disparaître, me laissant, là, hébétée, enchaînée à un passé auquel je ne pouvais pas échapper.