J'aurais pu rester là des heures. La sensation de bien-être que j'éprouvais à cet instant précis était telle que j'avais dépassé toute la gêne habituellement éprouvée en sa présence. J'étais accrochée à elle comme à une bouée de sauvetage, me remettant peu à peu de mes émotions, et elle ne me repoussait pas. Au contraire, ses bras serrés autour de moi m'apaisaient plus que je ne l'aurais imaginé. Je me surpris même à fermer les yeux pour profiter de son parfum vanillé, mais elle m'écarta doucement d'elle en me tenant fortement les épaules pour éviter que je ne trébuche à nouveau.
- On devrait y aller, ce n'est pas très prudent de rester ici...
Je haussai un sourcil, le cerveau encore un peu embué par le surplus d'émotion.
- Tes parents, Camila, précisa-t-elle, amusée sans doute par mon absence de réaction
- Oui oui, ça je sais ! Mais où est-ce que tu m'emmènes ?
- Ah ça... C'est une surprise ! s'exclama-t-elle en m'adressant un vif clin d'œil
Elle me saisit le poignet pour me guider jusque sa voiture, jetant régulièrement des regards vers l'arrière pour vérifier que tout restait calme autour de la propriété.
- Allez, monte ! lança-t-elle en m'ouvrant la portière passager
Je m'engouffrai alors dans la deux-chevaux, rapidement rejointe par la brune qui démarra en silence. Je savais qu'elle ne voulait rien me dire, mais j'étais terriblement curieuse et je ne me sentais pas capable de patienter pour connaître la réponse à ma question.
- Lauren ? dis-je de la façon la plus légère possible
- Camila ? fit-elle sur le même ton, ce qui eut la faculté de me faire sourire bêtement
- Où est-ce qu'on va ? finis-je par demander innocemment
- Je ne te le dirai pas.
- Oh Lauren ! S'il te plait ! la suppliai-je
- C'est demandé si poliment... Mais c'est toujours non.
- Eh ! Mais...
- N'insiste pas Camz, je ne te le dirai pas.
Un long silence s'en suivit avant que je ne reprenne la parole.
- Quoi que je fasse tu ne me le diras pas ?
Elle fit mine de réfléchir.
- Hum... Non.
- Mais Lauren ! Pourquoi ?
- C'est une surprise, Camila.
- Et ?
- Et les surprises ça ne se dit pas. Si je te le dis, ce ne sera plus une surprise, conclut-elle avec un sourire
- Bon. Préviens-moi quand on est arrivées alors, soupirai-je en laissant aller ma tête contre la vitre, les paupières soudainement alourdies par les secousses régulières du véhicule
...
- Camila ?
Je sentis une légère pression sur mon avant-bras, mais ne bougeait pas pour autant à cause de mon état semi-comateux qui traduisait un manque de sommeil évident.
- Camila, on est arrivées !
La voix était plus claire maintenant, et je reconnus le timbre rauque de Lauren.
Lauren ? Ah oui, la sortie nocturne, tout ça...
- Bon Camz, c'est quand tu veux hein...
Elle avait beau me secouer, j'avais décidé de ne pas bouger d'un poil. Pour quelle raison ? Eh bien... J'avais envie de l'embêter. Rien que ça. Voyant d'ailleurs que je n'étais pas décidée à me remuer, je l'entendis ouvrir sa portière pour sortir. Dommage Jauregui, un point pour moi !
- J'y vais sans toi alors. Je te préviens juste qu'il y a un marchand de gaufres juste là... Mais bon, comme tu dors ce sera pour une autre fois ! souffla-t-elle cependant assez fort pour que je l'entende
Attendez... Elle a bien dit "gaufre" ? Je me jetai brusquement hors de la voiture, tous mes sens en alerte, sous les yeux effarés de Lauren. Mon regard se posa d'ailleurs sur elle, un sourire moqueur plaqué sur le visage. Oh non... Elle n'a pas osé ?
- Ne me dis pas que tu as dit ça simplement pour me faire réagir ? balbutiai-je, voyant déjà l'espoir d'obtenir une gaufre s'envoler peu à peu loin de moi
Elle leva la tête vers moi, les yeux brillants.
- Eh bien... Comment te dire...? Je me disais que peut-être tu serais assez bête pour...
Mon visage se décomposa tandis qu'elle se mordait la lèvre pour ne pas exploser de rire. Je retire ce que j'ai dit: un point pour elle.
- Lauren Jauregui, tu es morte, déclarai-je en m'avançant d'un pas, d'une démarche aussi sérieuse que possible
Elle haussa les épaules, l'air de rien.
- Cours.
- Tu as vraiment deux ans, plaisanta-t-elle
- Cours, je te dis !
Elle partit alors rapidement vers une rangée d'arbres, me laissant à peine le temps de m'élancer à sa poursuite avant de disparaître dans la pénombre. Elle courait relativement vite, et j'avais du mal à garder le rythme tout en essayant de ne pas perdre sa silhouette de vue. D'autant plus que les branches qui s'emmêlaient entre mes chevilles ne me facilitaient vraiment pas la tâche. Je ne savais absolument pas comment elle s'y prenait, mais le souffle commençait à me manquer. Je décidai de ralentir un peu le pas pour respirer un peu, oubliant la course que j'avais moi-même engagée, et laissai mon regard parcourir un peu les environs. J'aperçus soudain une étrange lumière au loin, et après avoir vérifié que Lauren n'était pas à proximité, décidai de m'en approcher, emportée par ma curiosité excessive. Je marchais d'un pas prudent, distinguant mieux le paysage à chaque avancée, et lorsque je fus assez près pour me rendre compte de ce que je voyais, je m'arrêtai brutalement, bouche bée. Devant moi s'étendait un point d'eau trop petit pour être considéré comme un lac, scintillant sous la lumière du clair de lune. Avec cette histoire de gaufre, je n'avais même pas fait attention aux alentours, et je dois dire que j'avais eu tort. C'était magnifique. J'étais d'ailleurs étonnée de ne jamais avoir entendu parler de cet endroit, qui pourtant était loin de passer inaperçu.
- Alors, ça te plait ? murmura une voix familière juste derrière moi, avant que je ne sente deux mains se placer sur mes hanches
Sur l'instant je sursautai, avant de me calmer bien vite en reconnaissant le parfum suave de Lauren. Elle posa sa tête contre mon épaule, me faisant frissonner de plus belle à ce nouveau contact. Elle ne bougeait pas, ne parlait pas, mais je me sentais complètement électrisée par cette soudaine proximité. C'était à la fois agréable et dérangeant, pour la simple raison que je n'avais rien à dire pour justifier toutes ces sensations. Pour être honnête, j'en venais même à oublier notre "dispute".
- On... On est où ici ? osai-je enfin demander, brisant le silence tranquille qui régnait entre nous depuis quelques instants
- A une vingtaine de minutes de chez toi, je dirais, répondit-elle platement
- Bien sûr... pouffai-je, mais ce que je veux dire c'est: Pourquoi ici ?
Elle soupira contre mon cou, et j'espérai de tout cœur que le tressaillement de mon corps lui était resté imperceptible.
- C'est ici que je viens me réfugier quand j'ai besoin de m'évader un peu, commença-t-elle, C'est un coin assez reculé, je ne pense pas que beaucoup de gens en connaissent l'existence... En fait, je suis venue ici par hasard, la première fois...
Je hochai la tête, sans un bruit, puis marquait une pause avant de lui poser la question qui me torturais depuis un petit moment.
- Lauren ?
- Moui ?
- Pourquoi tu m'as emmenée ici, alors que c'est ton endroit ? Enfin... Ce n'est pas comme si on se connaissait depuis longtemps, tu vois...
Elle soupira à nouveau, et je la sentis relâcher légèrement l'emprise qu'elle avait sur moi.
- Je ne sais pas... Pour tout te dire, c'est rare pour moi de m'entendre avec une de ces filles populaires en jupette et en collants roses ! Tu sais, ces insupportables filles beaucoup trop superficielles à mon goût, plaisanta-t-elle
Je m'écartai légèrement d'elle, soudain refroidie par ce jugement.
- Tu penses réellement ça de moi ? dis-je en me retournant pour lui faire face, le regard triste
Elle semblait perdue.
- Quoi ? Je... Non, Camila ! Ce n'est pas ce que je voulais dire, bégaya-t-elle, l'air gêné
Je restai de marbre, me retenant avec difficulté pour ne pas l'enlacer à nouveau.
- Tu... Tu n'es pas comme elles, lâcha-t-elle finalement, c'est ça que j'ai voulu dire...
Je sentis le rouge me monter aux joues. Ah non, Camila. Ce n'est vraiment pas le moment pour toi de te transformer en tomate. Je haussai alors un sourcil, l'incitant à continuer.
- J'ai toujours eu l'habitude d'éviter cette "population" de riches prétentieux, et puis... Je ne sais pas... Tu es arrivée, et voilà. Tu es une exception à la règle, on va dire, dit-elle avec un sourire embarrassé, et puis j'avais l'impression que ce n'était pas vraiment la joie en ce moment pour toi, alors j'ai voulu... T'aider...?
Je ne savais vraiment pas quoi lui répondre.
- Si tu veux partir en courant, tu peux, continua-t-elle sur le même ton
- Non, Lauren je...
Je l'attirai dans mes bras.
- J'aime bien passer du temps avec toi aussi, murmurai-je le plus sincèrement du monde, Merci. Et puis tu oublies que je n'ai aucun moyen de m'enfuir toute seule de toute façon, alors...
C'était vrai. Je n'allais pas très bien en ce moment, entre mes parents, Daniel, et toutes ces stupidités qui tournaient autour, et Lauren avait su comment me changer les idées sans même être au courant de la totalité de l'histoire. Je la sentis d'ailleurs sourire contre ma peau, ce qui eut le don de me ravir à nouveau.
- Et tu as raison, Lauren, chuchotai-je comme pour éviter une quelconque oreille indiscrète
- De ?
- J'ai des problèmes en ce moment, et cette sortie... C'était vraiment ce dont j'avais besoin.
- Contente que ça te plaise, alors, dit-elle à son tour tout bas pour me suivre dans cette idée de discrétion, donnant à notre échange un semblant de secret entre nous
Je pouffai légèrement, avant qu'elle ne reprenne la parole.
- Et Camz ?
Je frissonnai à l'entente de ce surnom, qu'elle avait pourtant déjà employé plusieurs fois depuis le début de la soirée.
- Oui ?
- Je ne sais pas ce que tu traverses en ce moment mais... Tu m'appelles si jamais tu as besoin, d'accord ?
- Entendu, répondis-je sans l'ombre d'une hésitation, tandis que ce sourire niais refaisait surface sur mon visage
On resta un moment au bord du lac, écoutant les bruits de la nuit, accrochée l'une à l'autre sans une once de mal-être. Je me trouvais vraiment bien, là, et pour rien au monde je n'aurais rompu cette étreinte qui me retournait l'estomac à un point inimaginable. J'avais cette sensation de légèreté, ce sentiment d'être inatteignable, cette impression de sûreté et de négliger totalement la réalité. A vrai dire, j'avais beau tenter de me creuser la tête, je n'avais absolument aucune idée de ce qu'il m'arrivait en ce moment précis. Néanmoins, malgré une certaine euphorie, j'avais terriblement peur de ce dans quoi j'étais en train de m'embarquer.
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Un chapitre ENTIEREMENT Camren.
Je sais, vous m'aimez.
A tantôt les amis, et encore merci :)