Nantis

By FlorieC

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La jeunesse dorée, tel est le surnom qu'on leur donne. Il existe une rumeur qui sous-entend qu'on ne naît pas... More

[SAGA 1] L'arrogance des gens meilleurs
Chapitre 1 : If it makes you happy
Présentation : Noah Khan
Chapitre 2 : Take me as I am
Présentation : Ellie Lefevre
Chapitre 3 : Don't stop the party
Chapitre 4 : Too late
Chapitre 5 : Losing your memory
Présentation : Ethan Franck
Chapitre 6 : She drives me crazy
Chapitre 7 : Secrets
Chapitre 8 : Highway to hell
Chapitre 9 : How I needed you
Chapitre 10 : Miss misery
Chapitre 11 : Me and the devil
Présentation : Anna Joly
Chapitre 12 : Know your enemy
Chapitre 13 : Little talks
Chapitre 14 : You're not alone
Chapitre 15 : Love the way you lie
Chapitre 16 : Bad romance
Chapitre 17 : Teenage dream
Chapitre 18 : Don't wake me up
Chapitre 19 : My medicine
Chapitre 20 : Shut up and let me go
Chapitre 21 : Wicked Game
Présentation : Gabrielle Gallien
Chapitre 22 : Last Christmas
Chapitre 23 : Winter
Chapitre 24 : Let it be
Chapitre 25 : Happy New Year
[SAGA 2] L'éternité à tes pieds
Chapitre 1 : Bad day
Présentation : Jared Greggs
Chapitre 2 : The last to know
Chapitre 3 : When she believes
Chapitre 4 : Losing my religion
Présentation : Lucas Gallien
Chapitre 5 : Take control
Chapitre 6 : If you leave me know
Chapitre 7 : Stay
Chapitre 8 : Only if you run
Chapitre 9 : Just tonight
Chapitre 10 : Never let me go
Chapitre 11 : Fix you
Chapitre 12 : Damn you
Chapitre 13 : This is war
Présentation : Ruben Greggs
Chapitre 14 : Apologize
Chapitre 15 : Gives you hell
Chapitre 16 : Never say never
Chapitre 17 : Skinny love
Chapitre 18 : Alone
Présentation : Christelle Wertheimer
Chapitre 19 : Don't be a stranger
Chapitre 20 : We are young
Chapitre 21 : One Day
Chapitre 22 : Dark on fire
Présentation : Borja Escobar
Chapitre 23 : Like a virgin
Chapitre 24 : Better Together
Chapitre 25 : Happy Birthday
[SAGA 3] Dans la cour des grands
Chapitre 1 : The funeral
Chapitre 2 : Pursuit of Happiness
Chapitre 3 : Dark Paradise
Chapitre 4 : I want to break free
Chapitre 5 : A drop in the ocean
Chapitre 6 : Enjoy the silence
Chapitre 7 : Help
Chapitre 8 : I don't want to be
Chapitre 9 : Eye of the tiger
Chapitre 10 : Come back home
Chapitre 11 : Mirror
Chapitre 12 : Heartless
Chapitre 13 : Someone like you
Chapitre 14 : If I needed you
Chapitre 15 : You're not sorry
Chapitre 16 : Burn it down
Chapitre 17 : How you remind me
Chapitre 18 : Wrecking ball
Chapitre 19 : Just give me a reason
Chapitre 20 : Can you feel the love tonight
Présentation : Gautier Lantez
Chapitre 21 : People help the people
Présentation : Yanis Perrin
Chapitre 22 : Yesterday
Chapitre 23 : Hot and cold
Chapitre 24 : Kiss me
Chapitre 25 : Only wanna be with you
[SAGA 4] La réponse des faibles
Chapitre 1 : Collide
Chapitre 2 : The lonely
Chapitre 3 : Another love
Chapitre 4 : Protect me from what I want
Présentation : Ophélie Joly
Chapitre 5 : Big big world
Chapitre 6 : Don't lie
Chapitre 7 : Undisclosed desires
Chapitre 9 : Another day in paradise
Chapitre 10 : Just can't get enough
Chapitre 11 : Sirens call
Chapitre 12 : Too close
Chapitre 13 : Love me again
Chapitre 14 : Demons
Chapitre 15 : You are the one that I want
Chapitre 16 : Sober
Chapitre 17 : What doesn't kill you
Chapitre 18 : Too many friends
Chapitre 19 : Monster
Chapitre 20 : Broken crown
Chapitre 21 : He is my son
Chapitre 22 : Talk to me
NANTIS EN LIVRES PAPIER !
Chapitre 23 : Try
Chapitre 24 : Everybody's Got To Learn Sometime
Chapitre 25 : Wonderful life
NANTIS en livres ♥

Chapitre 8 : You and I

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By FlorieC


Anna ouvrit les yeux, roulant sa tête sur le côté pour regarder l'heure affichée sur le radioréveil de Noah. Il était onze heures trente. Elle lâcha un bâillement tout en s'étirant, ce qui réveilla son petit-ami. Enfin, pas assez pour qu'il remarque sa présence, puisqu'il roula en boule de l'autre côté du lit en tirant sur la couverture. La jeune fille esquissa un sourire. S'il y avait bien quelque chose chez Noah Khan qu'il fallait respecter plus que tout, c'était son sommeil.

Anna se releva du lit, sans faire de bruit, et se dirigea vers la salle de bains du garçon. Elle se glissa à l'intérieur, referma la porte derrière elle, et se rendit aux toilettes. Un frisson la parcourut. Elle avait froid et chaud en même temps et c'était plutôt désagréable. Peut-être était-ce dû à son manque de sommeil, songea-t-elle en tirant la chasse d'eau.

Elle se dirigea vers le lavabo, passa ses mains sous l'eau froide et observa son reflet dans le miroir. Ses cheveux étaient mêlés, elle avait le visage terne, quelques boutons, et des cernes qui semblaient faire des kilomètres de longs sous les yeux. Elle était horrible.

Détournant son regard de cette affreuse vision, Anna retourna dans la chambre de Noah qui dormait toujours profondément, elle attrapa son téléphone sur le bureau et retourna dans la salle de bains. Elle alluma son portable puis appela son meilleur ami après s'être assise à même le sol, sur le carrelage froid et blanc.

— Allô ? Entendit-elle une voix ensommeillée.

— Je te réveille ? Comprit-elle rapidement.

— Oui.

— Je voulais m'excuser pour hier, commença-t-elle, Tu sais...

— M'avoir planté pour rester avec Noah ? L'interrompit Ruben en riant, Ne t'inquiète pas, je m'en suis douté quand je l'ai vu te suivre hier soir.

— Tu es rentré comment ?

— Avec Jared.

Elle ne répondit pas et son meilleur ami ajouta :

— Ça va, Anna, je ne suis pas mort. Tu as le droit de profiter de ton petit-ami.

— Mais c'est ma faute, murmura-t-elle, mal à l'aise, C'est moi qui lui ai parlé du trafic.

— Et j'aurais dû prendre exemple sur toi, lui fit-il remarquer, Regarde où ça me mène mes mensonges.

Pas faux, constata-t-elle après coup.

— Alors ? L'interrogea-t-il... Avec Noah ?

— Oui, murmura-t-elle en comprenant rapidement le sens de sa question.

— Génial ! S'exclama le garçon, Alors ?! C'était comment ?! Raconte-moi tout !

— Peut-être pas au téléphone.

— Oui, c'est vrai... Mais, d'ailleurs, qu'est-ce que tu fais au téléphone ? S'étonna-t-il, Tu ne devrais pas être avec lui ?

— Je suis dans la salle de bains, répondit-elle, Assise par terre.

— C'est normal ?

— Je ne sais pas, soupira la jeune fille, J'ai peur qu'il se réveille.

— Anna, tu me blases.

— Mais Ruben ! S'exclama-t-elle, Tu verrais ma tête ! Je sens déjà qu'il va regretter sa décision !

— T'es sérieuse là ? Souffla son meilleur ami, consterné.

— Quoi ?

— Franchement, arrête Anna, l'interrompit-il, Quand je t'ai connu, tu n'en avais rien à foutre de tout ça. Ellie, Noah, Gabrielle, tu auras pu leur cracher à la figure tellement tu te sentais supérieure à eux. Qu'est-ce qui a changé maintenant ? Pourquoi tu as aussi peur de ce qu'ils pensent de toi ? Pourquoi tu paniques comme ça à chaque fois ?

— Parce qu'avant, je n'avais rien à perdre, répondit-elle, Maintenant, si.

Anna n'entendit plus rien au bout du fil et elle continua en parlant moins fort, de peur que Noah se soit réveillé dans la pièce d'à côté.

— Je l'aime trop, si tu savais. Quand je ne l'avais pas, c'était supportable comme sentiment, mais maintenant que je l'ai, la possibilité de le perdre m'angoisse à un point. C'est horrible.

— Pourquoi tu le perdrais ?

— Mais regarde-moi Ruben ! S'exclama-t-elle, bien qu'elle essayât toujours de chuchoter, Tout le monde se demande ce que je fais avec lui !

— Non, la coupa-t-il, Pas moi. Tu es brillante, drôle, courageuse, sérieuse. Tu as subi des coups durs depuis ces derniers mois, mais tu n'es pas devenue comme l'autre folle d'Ellie Lefevre qui vient brailler sur tous les toits avec ses tentatives de suicide pour qu'on la remarque. T'es forte Anna et, putain, je te jure que tu as un charme de fou alors arrête de te dévaloriser comme ça !

— Mais...

— Il n'y a pas de « mais » qui tienne ! S'il est avec toi, c'est parce que tu lui plais alors maintenant arrête de pleurnicher et fais-moi le plaisir de retourner dans son lit illico presto ! Non mais qu'est-ce que tu fous dans la salle de bains ? Tu viens de passer ta première nuit avec lui, ça fait des mois que tu en rêves ! Pourquoi tu ne te donnes pas le droit de profiter du réveil plutôt que de t'angoisser comme ça pour rien ?

Anna esquissa un sourire à travers le téléphone. Ruben était vraiment convaincant quand il le voulait.

— Merci, murmura-t-elle du bout des lèvres.

— Mais tu n'as toujours pas raccroché là ? L'entendit-elle s'énerver, Éteins-moi ce téléphone tout de suite !

Sa meilleure amie pouffa de rire et Ruben continua, consterné :

— Tu te fous de moi ? Éteins-le, je te dis !

— Oui, c'est bon ! Déclara-t-elle en coupant la communication.

Anna reposa son téléphone sur le carrelage et laissa sa tête retomber sur le mur derrière elle tandis qu'elle prit une grande inspiration. Ruben avait raison. Il fallait vraiment qu'elle arrête de s'angoisser comme ça sans raison.

Sur cette conviction, elle se releva du sol, se planta devant le miroir de la salle de bains et attrapa sa touffe de cheveux. Récupérant un élastique qu'elle avait laissé hier soir sur le bord du lavabo, Anna les attacha en un chignon. Puis elle passa ses mains sous l'eau froide, s'en aspergea le visage, avant de faire couler un fin filet d'eau entre ses lèvres pour boire.

Une fois calmée, la jeune fille sortit de la salle de bains et reposa son téléphone sur le bureau. Elle rejoignit le lit dans lequel Noah était toujours plongé dans un sommeil profond et se renfonça sous les couvertures.

Le mouvement fit réagir Noah qui se remit sur le dos, laissant à la jeune fille le loisir d'observer son torse nu. Timidement, elle glissa son doigt le long de sa poitrine et remarqua qu'il était plus fin qu'elle ne l'avait imaginé. Sur son torse qui se soulevait à s'abaissait au rythme de sa respiration, Anna pu presque deviner ses cotes sous sa peau basanée. Étrange, songea-t-elle, Il avait pourtant repris le sport depuis le plâtre qu'il avait porté cet hiver.

Un raclement de gorge s'échappa de ses lèvres et Anna remarqua qu'il venait juste d'ouvrir les yeux, perdu entre un début de réveil et un sommeil qui semblait vouloir s'éterniser. Noah referma ses paupières, étira son dos endoloris, et reprit conscience peu à peu. Son visage se tourna vers Anna alors que ses yeux se rouvrirent pour la deuxième fois et il murmura, la voix pâteuse :

— Bien dormi ?

— Probablement pas aussi bien que toi, ironisa-t-elle en reposant sa tête sur l'oreiller.

Noah esquissa un sourire, avançant sa main chaude pour la poser contre la joue de sa petite-amie qu'il observa longuement.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Interrogea Anna, gênée par ce silence oppressant.

Noah poussa un soupir avant de murmurer en se remettant sur le dos :

— Je suis con, putain.

— Hein ? S'étonna Anna en suivant le mouvement, de manière à se mettre juste au-dessus de lui, un bras de chaque côté de son visage, Pourquoi tu dis ça ?

Le garçon ne répondit pas tout de suite, se contentant d'observer le visage de la jeune fille.

— Excuse-moi, murmura-t-il en se relevant pour que ses lèvres touchent les siennes, Je suis désolé.

— Mais de quoi, bon sang ?

— D'avoir mis aussi longtemps, lâcha-t-il en se laissant retomber contre son oreiller, Je suis vraiment trop con.

Anna se rapprocha du garçon, l'embrassant de nouveau tandis qu'il la serra contre lui.

Il enchaina entre deux baisers :

— Non, je suis vraiment trop con.

— Tu as mis deux semaines, relativisa-t-elle en se reculant légèrement de ses lèvres entrouvertes, Dont une où tu n'étais pas là. Il n'y a pas mort d'homme !

— C'était beaucoup trop, et pas que ça... Sortir avec toi, j'aurais dû le faire beaucoup plus tôt. J'ai l'impression d'avoir perdu du temps pour rien.

— Alors pourquoi tu parles comme si on n'en avait plus ? L'interrogea-t-elle, surprise, Ce n'est pas si grave, notre vie ne va pas s'arrêter dans deux mois.

Noah l'embrassa pour simple réponse avant de l'interroger :

— Tu restes là aujourd'hui ?

— Je suis en vacances, lui confirma-t-elle, J'ai terminé mon service hier soir. Je suis libre toute cette dernière semaine.

— Alors on peut rester au lit toute la journée ?

— Je suis affamée, si tu me donnes quelque chose à me mettre sous la dent, je suis prête à rester aussi longtemps que tu voudras.

Son petit-ami esquissa un sourire, une lueur étrange dans les yeux qu'elle ne comprit pas tout de suite, et il l'embrassa avant qu'elle ne s'empourpre en repoussant son torse de ses deux mains :

— Non Noah ! J'ai vraiment faim de nourriture, je ne parlais pas d'autres choses !

Le garçon pouffa de rire avant de l'embrasser de nouveau, glissant ses mains sous le tee-shirt que la jeune fille avait enfilé – le sien d'ailleurs – et caressa son ventre qu'il entendit gargouiller.

Il s'écarta de ses lèvres brusquement.

— Sérieux ? Il n'est que neuf heures !

— Il est midi, rectifia-t-elle.

Un nouveau gargouillement se fit entendre et Noah leva les yeux au ciel.

— D'accord, j'y vais, déclara-t-il en se relevant du lit, Je reviens tout de suite.

***

— Tu te fous de moi ? Éteins-le, je te dis ! S'énerva Ruben.

— Oui, c'est bon ! Souffla sa meilleure amie avant de couper la communication.

Ruben lâcha son portable qui retomba sur le matelas. Il étira son dos, emmitouflé dans sa couette, et lança un rapide coup d'œil à son réveil. Il était bientôt midi et il allait se faire tuer par ses parents s'il ne venait pas déjeuner avec eux. Le garçon repoussa sa couette d'un geste de la main, frissonna légèrement à cause du froid, et attrapa son sweat à capuche au bout de son lit qu'il enfila par-dessus son torse nu.

Ruben sortit du lit en glissant ses pieds dans ses espadrilles défoncées de l'été dernier. Il sortit de sa chambre en claquant la porte derrière lui et dévala ses escaliers quatre à quatre.

Arrivé dans sa cuisine, il s'arrêta sur le pas de la porte, hébété par la scène qui se déroulait devant ses yeux. Son père était assis sur une chaise, son journal posé sur la table de la cuisine, et le feuilletait tranquillement tout en réajustant ses lunettes qui tombaient sur le bout de son nez. Sa mère se tenait debout, près de l'évier, et épluchait des carottes en fredonnant une vieille chanson qui résonnait dans la radio, branchée sur Nostalgie, comme tous les dimanches matin. En réalité, rien n'était réellement surprenant, hormis Jared qui prenait son petit-déjeuner, tranquillement installé autour de la table.

— Mais... Bégaya Ruben en avançant d'un pas, J'ai loupé quelque chose ?

— Pardon ? Interrogea Boris en relevant son visage de son journal du matin.

— Ja... Jared est ici ? Enchaina-t-il, totalement perturbé.

— Tu peux t'adresser à moi, je ne suis pas une image, ironisa son grand-frère en mastiquant un bout de brioche.

Ruben s'installa à sa place habituelle et observa Jared qui se tenait en face de lui, là où la chaise était normalement vide depuis quelques mois.

— Tu prends ton petit-déjeuner ou tu déjeunes le repas du midi avec nous ? Interrogea Béatrice, à qui la situation paraissait tout à fait normal.

— Tu devrais mettre de la glace sur ton œil, ajouta son père.

« Son œil », « de la glace » ? S'interrogea Ruben en portant la main à son visage. Une grimace s'échappa de ses lèvres lorsqu'il effleura son bleu, là où Noah l'avait frappé la veille au soir.

Le garçon se retourna vers son grand-frère. Jared l'avait ramené hier soir lorsqu'il avait compris qu'Anna ne reviendrait pas le chercher. Il n'aurait jamais cru une seule seconde que le garçon serait resté dormir chez leur parent pour la nuit.

— J'ai croisé papa hier soir après t'avoir ramené, répondit Jared à sa question silencieuse, Il m'a dit que je pouvais dormir dans ma chambre. Il était tard.

Ruben déglutit sa salive qu'il avait accumulée depuis le début de cette scène surréaliste, puis il bégaya, ému :

— Tu rentres à la maison ? Pour de vrai ?

— Pour l'instant, je prends mon petit-déjeuner.

— Et tu ne m'as toujours pas répondu, enchaina Béatrice en se retournant vers Ruben, Tu prends ton petit-déjeuner maintenant ou tu manges avec nous ?

— On a qu'à manger tous les quatre ? Proposa le garçon.

Jared releva son visage vers lui. Oui, il venait juste d'engloutir quatre brioches, mais ce n'était pas cela qui l'aurait empêché de déjeuner.

— Et bien, murmura Boris en refermant son journal, Si Jared veut rester manger, il peut.

Le concerné reposa sa tasse de café sur la table, probablement surpris par la réponse.

— Oh, souffla Ruben, impressionné, Génial !

— Ne fais pas cette tête joyeuse, l'arrêta son père, Tu es privé de sortie.

— Quoi ?! Mais pourquoi ?! Explosa le garçon tandis que son grand-frère pouffa de rire.

— Tu as vu ta tête ? Cingla Béatrice en posant son plat de carottes rappées sur la table, Je ne préfère même pas savoir ce que tu as fait hier soir pour avoir l'air aussi mal en point ce matin... Et Jared range-moi tout ce bordel sur la table si tu veux déjeuner avec nous !

Les deux garçons se jetèrent un regard complice. Pas de doute, leur parent n'avaient pas changé de caractères, même avec tous les efforts du monde pour prétendre le contraire.

***

Noah frictionna ses cheveux mouillés dans sa serviette de toilettes avant de sortir de sa salle de bains, chantonnant une musique de hip-hop américaine qu'Anna avait sélectionné sur son ordinateur portable. Il entama le couplet en jetant sa serviette mouillée sur son lit :

Look at me, look at me, hands in the air like it's good to be. Alive. And I'm a famous rapper even when the paths're all crookedy.

— Je n'ai jamais entendu cette chanson.

— Ce n'est pas un groupe très connu, l'informa-t-il, Flobots. C'est génial.

— En tout cas, tu chantes bien, le complimenta la jeune fille lorsqu'il la rejoignit pour l'embrasser.

— Laisse tomber Anna, rétorqua le garçon en s'éloignant de ses lèvres, Je ne chanterai pas dans ta comédie musicale à la con.

Désabusée, Anna l'observa enfiler un tee-shirt et un jean tandis qu'elle enchaina, sèchement :

— Mais je ne t'ai jamais demandé ça. On a déjà Lucas dans notre spectacle et il chante dix fois mieux que toi.

— Ouais, c'est ça, commenta le garçon, Psychologie inversée. Laisse tomber, je connais et ça ne marchera pas avec moi.

— J'hallucine ! Souffla Anna, estomaquée, en se relevant de sa chaise de bureau pour le rejoindre au milieu de la chambre, Quelle arrogance ! Je ne te veux pas dans le spectacle ! Ça ne m'a même jamais traversé l'esprit.

Noah soupira en rangeant son téléphone portable dans la poche de son jean, puis il ajouta :

— D'accord, si tu insistes autant...

Comprenant qu'il se fichait d'elle depuis le début, Anna le frappa à l'épaule en s'écriant :

— Mais dégage, crétin !

— Je suis chez moi, rétorqua-t-il en attrapant son poignet, Allez, on y va.

— Où ça ? S'étonna-t-elle alors qu'ils sortaient de la chambre dans laquelle ils s'étaient enfermés toute la journée.

— Manger, lui répondit-il.

Ils s'arrêtèrent dans le salon brutalement lorsqu'ils découvrirent qu'ils n'étaient pas seuls dans l'appartement. Chloé était assise sur un fauteuil du salon en train de lire un roman, Jonas installé devant la télévision et Paul dans la cuisine, probablement en train de préparer le dîner pour ce soir.

— Et bien enfin ! S'exclama-t-il en rejoignant son fils, On a failli t'attendre !

— M'attendre pour faire quoi ? Interrogea le garçon, sceptique, en toisant son père de bas en haut, s'étonnant que celui-ci porte sans aucune gêne un tablier à fleurs roses et bleues.

— Et bien pour chercher les œufs en chocolat ! C'est Pâques aujourd'hui !

Noah s'arrêta, blasé, lançant un regard à son demi-frère qui n'affichait pas une meilleure mine.

— On est musulmans papa, grinça-t-il entre ses dents, Depuis quand on fête Pâques comme les chrétiens ?

— Et on a dix-huit ans surtout, ajouta Jonas en se relevant du canapé, On n'a pas passé l'âge de chercher des œufs ?

— Il n'y a pas d'âge pour ça, rétorqua Chloé, toujours assise sur son fauteuil.

— Vous êtes sérieux ? Interrogea Noah, C'est mort, on ne fait pas ça.

— Vous nous prenez pour des débiles ou quoi ? Enchaina son demi-frère sur le même ton.

— On vous prend surtout pour des cons, commenta Paul en levant les yeux au ciel, On se fout de votre gueule, vous pensez qu'on n'a que ça à faire de cacher du chocolat partout ?

Sur ce, Paul Khan rejoignit sa cuisine pour continuer ce qu'il était en train de faire et Jonas poussa un soupir de soulagement, avant de se réinstaller dans le canapé.

— Anna, tu veux rester diner ? Enchaina Paul en cassant des œufs dans un saladier.

— Non, je pense que je vais rentrer chez moi, répondit la jeune fille, J'avais oublié que c'était Pâques aujourd'hui et je pense que ma mère aimerait que je sois à la maison.

— Ah ta mère, commenta-t-il simplement.

Ne voulant pas relever l'insinuation, Anna se retourna vers Noah et ajouta à son attention :

— Pas besoin de me ramener, je vais rentrer en bus.

— Je ne te l'avais pas proposé.

La jeune fille l'incendia du regard pour simple réponse tandis que son petit-ami esquissa un sourire pour lui faire comprendre qu'il plaisantait. Même si, en effet, il ne lui avait pas proposé.

— Je vais récupérer mes affaires, enchaina Anna en quittant le salon.

Noah, quant à lui, se retourna vers Jonas car il se sentait observé.

— Ta copine ? Interrogea le garçon avec un sourire en coin.

— Il faut croire... En parlant de ça, tu n'es pas censé être chez la tienne pendant les vacances ?

— Si, approuva-t-il, On n'avait juste pas calculé que nos semaines étaient décalées, elle n'est pas dans la même zone que nous.

— Ce n'est pas la mort, commenta sa mère en reposant son roman sur ses genoux, Vous avez quand même la semaine prochaine en commun. Ça aurait pu être pire.

— T'aurais pu me laisser finir ma terminale en Bretagne aussi, lança Jonas, cinglant.

Préférant ne pas assister à leur dispute familiale, Noah s'éloigna du canapé pour rejoindre son père dans la cuisine. Celui-ci était en train de battre les œufs et son fils l'observa faire, amusé. C'était peut-être la première fois qu'il le voyait cuisiner.

— En fait, mamie m'a dit de te prévenir qu'elle rentrait sur Paris la semaine prochaine.

— Ah oui, commenta Paul en se retournant vers lui, Et elle retournerait chez elle ou elle continuerait d'être ici ? Tu lui en as parlé ?

— Non, elle m'a dit qu'elle rendait sa chambre à Jonas. Elle rentrera dans son appartement.

— Ça allait mieux ? Enchaina Paul.

— Oui, répondit-il vaguement, Elle n'aime pas trop qu'on lui parle de Betty, mais sinon elle a l'air d'aller plutôt bien.

— Pourquoi tu es rentré plus tôt que prévu ?

Noah ne répondit pas tout de suite et Paul attrapa un torchon pour s'essuyer les mains. Le jaune d'œuf qui lui collait entre les doigts resta accroché au tissu qu'il reposa sur l'évier, puis il se retourna vers son fils d'un air interrogateur.

— Pour Anna, répondit Noah.

Paul resta un instant à l'observer en silence. Pour être franc, il n'aurait jamais cru qu'il lui aurait répondu cela.

— D'accord... Commenta-t-il, presque mal à l'aise, C'est bien.

Il se retourna ensuite vers l'évier pour continuer sa préparation et Noah enchaina pour changer de sujet :

— Vous allez partir avec Chloé ?

— Comment ça partir ?

— Genre, en vacances.

— Pourquoi ? Interrogea-t-il, suspect, Tu veux l'appartement ?

— Non, juste la paix, ironisa Noah.

Son père l'incendia du regard et se retint de l'insulter. Principalement parce qu'Anna venait de réapparaitre dans la pièce et qu'il ne voulait pas paraître impoli.

— Non, je ne pense pas, répondit-il, Je ne suis pas en vacances, moi.

Mais Noah ne l'écoutait déjà plus car il venait de rejoindre sa petite-amie.

— Tu es sûre que tu ne veux pas rester encore cette nuit ? L'interrogea-t-il.

— Je pense que ma mère va péter un câble, je n'ai pratiquement pas dormi chez moi de la semaine.

— Ne me rappelle pas pourquoi, commenta-t-il, sèchement.

— D'ailleurs en parlant de ça, est-ce que...

— Ne t'en préoccupe plus, l'interrompit le garçon, J'ai appelé Jared pendant que tu étais dans la douche. Il gère la situation.

— Comment il va le faire ?

— Ça, je m'en fiche complètement, lui répondit-il honnêtement, Tout ce que je veux, c'est que tu ne t'occupes plus de ça. C'est clair ?

Anna approuva en silence, même si elle n'était pas vraiment d'accord. Cependant, après la crise d'angoisse qu'elle lui avait faite hier soir, elle n'était pas certaine d'avoir réellement son mot à dire sur la question.

— Je file, enchaina-t-elle pour couper court à la conversation, On s'appelle plus tard ?

Pour simple réponse, Noah glissa sa main dans son cou et posa ses lèvres sur les siennes, l'embrassant toutefois avec pudeur, vu que l'intégralité de sa famille ne se gênait pas pour les observer.

— A plus, murmura-t-il en retirant ses lèvres.

Anna sortit de l'appartement après avoir lancé un « joyeuses pâques » collectif. A peine la porte refermée, Chloé bondit de son fauteuil, laissant son roman tomber de ses genoux, et attrapa Noah par les épaules pour le secouer, folle de joie.

— Tu as une copine !

— Tu ne le savais pas ? S'étonna-t-il.

— Quoi ? Pourquoi cette question ? S'intrigua Chloé en se retournant vers Paul et Jonas, Vous le saviez déjà ?!

— Oui, répondirent les deux à l'unisson.

— Ah, commenta-t-elle, froidement, en retirant ses deux mains des épaules du garçon, Je suis toujours la dernière informée.

— Maman, souffla Jonas, blasé, Ce ne sont pas tes affaires.

Bien sûr, il savait qu'il était en train de lui planter un couteau dans le cœur. Chloé Lehman était probablement la femme la plus commère que la terre puisse porter.

— Très bien, déglutit-elle, clairement vexée, Je ne te poserai pas de questions alors.

— Tu en meurs d'envie, se moqua Noah.

— Pas du tout, mentit-elle en se retournant vers son compagnon.

— Chérie, pouffa Paul, Ce n'était pas à moi de te le dire. Ne me regarde pas comme ça.

Sans répondre, elle se dirigea vers le salon et récupéra son livre tombé par terre. Elle se rendit dans le couloir afin de rejoindre sa chambre sous le regard déconcerté de son fils.

— T'es sérieuse maman ? Tu vas nous faire la tête pour ça ?

— Non, réfuta Chloé, Je m'éclipse juste pour ne pas vous déranger. Vous avez peut-être d'autres secrets à partager...

Paul leva les yeux au ciel en retenant un rire tandis que Noah ironisa alors que Chloé refermait la porte de sa chambre derrière elle :

— Ça tombe bien, j'allais justement leur raconter comment c'est passé notre première nuit.

Derechef, la porte se rouvrit sur le visage emballé de sa belle-mère :

— Vraiment ? Tu vas le raconter ?

— Non ! Répondit-il, effaré qu'elle ait pu y croire une seule seconde.

— Oh, commenta-t-elle tristement en refermant de nouveau la porte.

Ahuri, Noah se retourna vers son demi-frère pour l'interroger :

— Elle était sérieuse ?

— Oh que oui, commenta-t-il, Elle ne te lâchera pas. Quand j'ai couché avec Manon pour la première fois, elle m'a supplié pendant deux semaines de lui raconter.

— C'est totalement dégueulasse.

— Oui, approuva Jonas, Le pire, c'est que quand j'ai craqué et que j'ai commencé à lui en parler, elle m'a hurlé de me taire et elle est partie s'enfermer dans sa chambre... Pour pleurer.

Blasé, Noah se retourna vers son père qui rétorqua avant qu'il n'eût le temps d'ajouter quoi que ce soit :

— Chloé n'est pas folle. Elle est intéressée et impulsive, c'est différent.

— Et tu veux qu'on soit une famille normale ? L'interrogea son fils moqueur, Revois ta définition papa.

— Avec toi pour fils, je n'y manquerai pas, ironisa-t-il à son tour.

***

Belen ouvrit la porte de son appartement. Ruben se tenait à l'entrée. Le visage fatigué et les yeux rougis par une peine qu'elle ne comprenait pas très bien.

— Ça va ? Souffla-t-elle, hébétée.

— Pas vraiment, murmura le garçon.

— On a un cours aujourd'hui ? Enchaina la jeune brunette, de plus en plus surprise par sa présence ici, On en a déjà fait un hier midi.

— Non, je viens juste voir ton frère.

— Vous avez passé la soirée ensemble ?

— Ça ne te regarde pas Belen.

Le sourire timide qui s'était dessiné sur ses lèvres disparut aussitôt et la jeune fille recula d'un pas pour le laisser entrer. Ruben s'engouffra dans l'appartement. Une odeur de tabac froid régnait entre les murs.

— Il est dans sa chambre ?

— Oui, lui confirma-t-elle.

Ruben s'y rendit sans d'autres explications. Il frappa deux coups à la porte. Il était seize heures, Borja devait être réveillé. Quoi qu'on pût toujours en douter avec lui, songea-t-il en ouvrant la porte sans attendre de réponse.

Ruben entra dans la chambre, refermant derrière lui. La pièce était plongée dans le noir. Borja était affalé sur son lit, un casque sur les oreilles, et jouait aux jeux vidéo, le regard absorbé par son petit écran de télévision qui était bien la seule lumière de la chambre. Une lumière qui faisait mal aux yeux.

Ruben se racla la gorge pour attirer son attention, mais la musique dans le casque de Borja masquait totalement sa présence.

Blasé, Ruben se posta devant le poste de télévision. Le bel espagnol sursauta d'un bond sur son lit en faisant glisser son casque autour de son cou. Une musique de rap en espagnol s'en échappa et il balbutia, perplexe :

— Mais t'es con ou quoi ?

— J'ai frappé, rétorqua Ruben, sèchement, Tu n'as pas entendu.

— Et pourquoi ce ton ? Interrogea Borja, surpris, en se relevant de son lit pour lui faire face.

« Parce que tu gâches ma vie depuis que je t'ai rencontré » avait-il envie de lui répondre, mais le garçon parvint à se retenir.

— Je suis venu mettre les choses au clair entre nous, reprit Ruben sur un ton plus calme, Cette situation devient ridicule.

— Elle l'a toujours été, lui fit remarquer Borja.

— J'ai beaucoup réfléchi aujourd'hui et je pense qu'il est temps qu'on termine tout ça.

— Termine ? Répéta Borja d'un ton qui laissait clairement supposer qu'il n'aimait pas cette insinuation... Comment ça ? De quoi tu parles au juste ?

Ruben reprit son souffle bien que son regard ténébreux le fît totalement sombrer et il murmura avec toute la conviction qu'il parvint à trouver en lui :

— Je ne veux pas t'attendre.

Borja fronça des sourcils instinctivement et les pulsations de son cœur l'informèrent que la nouvelle ne le rendait pas indifférent, même s'il ne voulait toujours pas le reconnaître.

— Tu as choisi Gautier ? L'interrogea-t-il d'une voix qu'il tenta d'être calme et posée.

— Ce n'est pas la question.

— C'est ma question, rétorqua-t-il, Tu l'as choisi lui plutôt que moi ? Parce que je ne suis pas assez expressif ?

— Parce que tu ne t'assumes pas et que tu ne t'assumeras jamais, rectifia le garçon.

— Je ne suis pas homosexuel, siffla Borja, Je ne le suis pas.

Il le répétait comme pour s'en convaincre lui-même.

— Alors qu'est-ce que ça peut te faire qu'on arrête tout ce qu'il y avait entre nous ? L'interrogea Ruben, Si toutefois on peut considérer qu'il y a déjà eu quelque chose.

— J'aime passer du temps avec toi, répondit-il, Ça ne veut pas dire que je suis gay.

Ruben leva les yeux au ciel, exaspéré. Comment pouvait-on se mentir avec autant de force alors que la vérité crevait les yeux depuis toujours ?

— C'est ton choix, souffla-t-il, Et si tu es aussi convaincu d'être hétéro, alors je pense que le plus grand service que je peux te rendre est de disparaître de ta vie.

Borja grinça des dents, mais il ne voulut pas répondre. Ruben fit demi-tour pour se retourner vers la porte de la chambre dont il actionna la poignée pour en sortir.

— Attends, le retint-il.

— Quoi encore ? Interrogea Ruben sans se donner la peine de se retourner vers son interlocuteur.

— Tu ne comprends pas, souffla Borja.

Son ton avait changé. On pouvait presque y entendre le désespoir et l'angoisse. Ruben se retourna vers lui, s'affalant contre la porte désormais refermée, pour le laisser continuer.

— Ne me laisse pas, c'est... Trop dur. Je ne suis pas comme toi, moi. Ce n'est pas pareil. Ça ne peut pas être aussi facile pour... Enfin... M'assumer. Je...

— Assumer quoi ? Le coupa Ruben, Assumer quoi, Borja ? Tu n'assumes rien du tout. Et pas seulement ton homosexualité, mais ta vie entière ! Tu es incapable de croire que ta sœur rentrera dans son école de danse, incapable de croire que les gens font parfois des choses pour des raisons totalement désintéressées, incapable d'assumer ton passé, ton présent, et je ne parle même pas de ton avenir ! Tu ne fais rien Borja, mais tu te plains tout le temps ! S'énerva-t-il, Je ne peux rien faire pour toi. C'est à toi de te prendre en main. Donc quand tu auras fini ton délire de victimisation, tu pourras peut-être arrêter de penser que ce que tu es est une punition, arrêter de me faire croire que ce que je suis est une punition. On n'est pas damnés putain, on est homos ! Pourquoi tu nous punis pour ça ?

Borja resta silencieux, se contentant de se laisser tomber sur son matelas. De ses deux mains, il attrapa son visage sous le regard de Ruben.

— Je ne vais pas me punir pour quelque chose que je ne suis pas, murmura le bel espagnol, Si toi, tu le vois comme une punition. C'est ton problème.

Ruben n'eut même pas la force d'émettre le moindre son. C'en était trop pour lui. Il quitta la chambre sans se retourner vers Borja et traversa le couloir. Il avait assez perdu de temps comme ça. Il avait même perdu beaucoup plus que ça. Gautier, pensa-t-il le cœur serré. Comment avait-il seulement pu le perdre à cause de ce crétin ?

— Ruben, attends ! S'exclama Belen à sa suite.

Le garçon se retourna vers la jeune fille qui venait de le rejoindre sur le palier.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Enchaina-t-elle, inquiète, Pourquoi vous vous êtes engueulés ?

— Au risque de me répéter, ça...

— Ne me regarde pas, compléta-t-elle à sa place, Je sais.

Ruben esquissa un sourire, malgré son énervement. Belen ne méritait pas un tel grand-frère.

— La prochaine fois qu'on se voit, reprit le garçon, Ce sera chez moi. Je te payerai le trajet si tu veux. Je ne reviendrai pas ici.

— Pourquoi ?

Belen ne reçut aucune réponse. Oui, ça ne la regardait toujours pas.

— Passe de bonnes vacances, enchaina Ruben en s'éloignant définitivement.

La jeune fille l'observa descendre les escaliers d'un pas rapide. Clairement, elle savait que c'était la dernière fois qu'elle le verrait ici. Une colère commença à monter en elle. Même si elle n'avait jamais vraiment compris le lien qui les unissait tous les deux, elle présentait que Borja était encore allé trop loin.

Belen poussa un soupir en claquant brutalement la porte de l'appartement. Puis elle traversa le couloir à vive allure et débarqua sans frapper dans la chambre de son grand-frère. Elle s'arrêta, hébétée, au milieu de la pièce. Borja était toujours assis sur son lit, les joues noyées de larmes.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Bégaya-t-elle, tremblante.

— Je suis gay, lâcha-t-il, Et ça ne passe pas.

***

Ruben resta la main en suspens devant la porte de la chambre de Gautier. Gérard, son beau-père, l'avait fait entré chez eux quelques minutes plus tôt. Puis l'homme s'était éclipsé, prétextant une course à faire, pour leur laisser l'appartement libre. Hésitant, Ruben fit soudainement demi-tour, retraversant le couloir en sens inverse pour s'arrêter dans le salon de la famille Lantez.

Le garçon soupira, lança un coup d'œil au cadre qui reposait au-dessus du canapé dans lequel on apercevait Gautier, sa grande-sœur, sa mère et un homme qui devait probablement être son père. Ruben ferma les yeux, épuisé et oppressé. Il aurait aimé que le temps s'arrête pour qu'il puisse enfin reprendre son souffle sans que cela ne soit douloureux. Mais cela était impossible et c'était ce que chaque seconde qui s'écoulait lui rappelait inlassablement.

— Ruben ? S'étonna Gautier qui venait de sortir de sa chambre, une tasse vide dans les mains, Qu'est-ce que tu fiches ici ?

— Je voulais te parler.

— En restant dans mon salon ? Ironisa le garçon en se dirigeant vers sa cuisine.

Gautier posa sa tasse dans l'évier avant de revenir vers la pièce principale dans lequel Ruben n'avait pas bougé de place.

— Ce qu'il s'est passé hier soir était plutôt clair.

— Justement non, murmura Ruben, Parce que je t'ai encore menti.

— Tu penses que je ne l'avais toujours pas compris ? L'interrogea le garçon, sèchement.

— Crois-le ou non, mais je t'aime assez pour te devoir la vérité, reprit Ruben, C'est pour ça que je suis venu.

— Comment ça ?

— Demande-moi tout ce que tu veux savoir, je te promets que je te dirai tout.

Gautier s'arrêta l'espace d'un instant, se demandant s'il avait réellement envie de savoir la vérité. Il avança vers le garçon, le rejoignant au milieu de son salon, et l'interrogea en se plantant devant lui :

— Il s'est passé un truc hier soir avec Borja ?

— Il m'a embrassé, répondit Ruben, Après que tu sois parti.

Hébété, Gautier recula d'un pas en se passant une main sur le visage, se retenant probablement de ne pas lui cracher dessus. S'il voulait toute la vérité, il allait devoir se retenir encore un peu.

— Et après ? Interrogea-t-il la gorge nouée.

— Je suis allé le voir en début d'après-midi.

— Et ?

— Je lui ai demandé de m'oublier, de faire comme si je n'existais plus.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne l'aime pas.

Face au regard incendiaire de son ex-petit-ami, Ruben rectifia aussitôt :

— Plus. Je ne l'aime plus.

Préférant cette réponse qui paraissait plus honnête, Gautier s'humecta les lèvres en hochant la tête.

— Demande-moi tout ce que tu veux, l'encouragea Ruben, Je répondrais.

— Vous avez déjà couché ensemble avec Borja ?

Silence.

— Oui ou non ? Grinça Gautier entre ses dents.

— Un peu.

— Un peu ? Répéta-t-il, ahuri.

— Au nouvel an de Jared, expliqua Ruben, On n'a pas vraiment été jusqu'au bout mais... Mais oui, disons qu'on a déjà couché ensemble.

— Tu m'avais dit qu'il n'y avait eu qu'un baiser entre vous, tu m'as vraiment menti sur tout ?

— Seulement sur lui.

— C'est censé être rassurant ? Ironisa Gautier, sèchement.

— Non.

Après tout, Ruben avait juré de ne plus lui mentir.

— Tu m'as déjà trompé avec lui ?

— On s'est embrassés une fois, le jour où tu venais juste de rompre avec moi.

— Et le lendemain, je t'embrassais dans les toilettes du lycée ?

— Oui, lui confirma Ruben, Je ne sais pas si on peut le considérer comme une tromperie. Je pensais qu'on n'était plus ensemble à ce moment-là.

— Et après ? Quand on s'est remis ensemble ?

— Je suis retourné voir Borja pour lui dire qu'on était de nouveau en couple. Il l'a mal pris, mais il ne s'est rien passé. Puis après, on s'est revus par rapport à Jared et son trafic.

— Et il s'est passé quelque chose à ce moment-là ?

— A part hier soir où il m'a embrassé, non.

Gautier resta silencieux, enregistrant petit à petit toutes les informations qu'il n'avait cessé de rechercher depuis des semaines.

— Je crois qu'on s'est tout dit alors, reprit-il, Tu peux sortir d'ici.

Le garçon se dirigea vers le couloir pour rejoindre sa chambre, sous le regard impuissant de Ruben. Allait-il le laisser partir ainsi ? Ou plus simplement encore, avait-il seulement le choix ? Il lui avait menti, il l'avait fait souffrir et, maintenant, il espérait simplement que Gautier lui pardonne sans rien dire, juste parce qu'il avait enfin eu le courage de faire une croix sur Borja. Parce que Ruben avait eu la trouille, de quel droit pouvait-il demander à Gautier de dépasser la sienne ?

— Je ne veux pas me chercher d'excuses, murmura-t-il soudainement, Mais avant qu'on ne se parle plus du tout, j'ai besoin que tu saches que Borja était mon premier...

— Je sais ça, l'interrompit Gautier qui venait de se retourner vers lui.

— Non, pas mon premier copain, rectifia Ruben, Juste... Le premier mec qui m'a fait comprendre que j'étais gay.

Le garçon passa une main dans sa touffe de cheveux, se retenant de ne pas pleurer parce qu'il savait que tout était sa faute et que ce n'était pas juste. Mais, tout de même, il avait envie de le dire, il avait envie de se justifier, il n'arrivait pas à garder tout ça pour lui.

— C'était il y a quatre mois Gautier ! Explosa-t-il, Il y a seulement quatre mois j'ai fait mon coming-out, mes parents m'ont mis à la porte, j'ai été hébergé trois semaines chez ma meilleure amie, je me suis fait tabassé deux fois par des trafiquants de drogue, et pire que tout, j'ai dû affronter l'indifférence de celui par qui tout était arrivé.

— Je sais tout ça, murmura Gautier.

— C'était il y a quatre mois, répéta Ruben, les larmes aux yeux, Je sais que ce n'est pas une excuse, mais... Mais il y avait tout ce bordel dans ma vie et... Et il y avait toi. C'est sûr qu'en comparaison, nous deux, c'était simple. On était acceptés comme couple au lycée, tes amis m'appréciaient, mes parents avaient fini par prononcer ton nom sans l'écorcher, énuméra-t-il les lèvres tremblantes.

Ruben se rapprocha davantage du garçon et il continua :

— Alors, non, Gautier, tu ne m'as pas rendu spécial. Tu m'as rendu normal. Tout simplement. Tu m'as fait connaître une histoire d'amour qui n'était pas bizarre juste parce qu'on était deux garçons. Tout partait en vrille dans ma vie, et toi, tu m'as fait me sentir normal au milieu de ce bordel inexplicable. C'était ça, le véritable exploit, mais j'ai été trop con pour m'en rendre compte.

Gautier resta silencieux, avalant sa salive, et Ruben continua en s'arrêtant devant lui, à une distance raisonnable pour ne pas le brusquer :

— J'ai compris maintenant. J'ai compris que je ne voulais pas avoir une histoire d'amour complètement tordue avec un mec borné, que je ne voulais pas passer mon temps à me cacher parce que la personne avec qui je suis n'assume pas qui elle est et qui je suis. Et je...

— Arrête Ruben. Ça suffit maintenant.

S'exécutant, le garçon ne termina pas sa phrase. Les yeux piqués par les larmes qu'il tentait encore de retenir, Ruben avala sa salive, baissa la tête, et se dirigea vers la sortie.

Sentant le regard de Gautier dans son dos, il posa sa main sur la poignée et déclara en se retournant vers lui :

— Tu es la seule personne qui m'ait fait ressentir qu'être homosexuel ne signifiait pas être différent.

Ruben actionna la poignée, sortit de l'appartement sans se retourner, et laissa ses larmes couler librement sur ses joues, écartant le peu de fierté qu'il lui restait. Lentement, il se dirigea vers les ascenseurs, mais ne trouva pas la force d'attendre devant les portes. Il prit la direction des escaliers, ses sanglots devenant de plus en plus difficiles à retenir, et sa main droite se crispa sur la rambarde. Il sentit ses jambes fléchir et se laissa tomber sur une marche. Recroquevillé ainsi, ses convulsions lui semblaient moins douloureuses à porter. Ses pleurs se firent si oppressants qu'il n'entendit pas la personne qui venait d'arriver vers lui.

Soudainement, il sentit une main se serrer autour de son bras, le forçant à se relever, et il se retrouva nez à nez avec Gautier.

— Toi, t'es tout le contraire Ruben ! Explosa le garçon, J'étais normal avant de te rencontrer. Mais depuis que je te connais... Ma vie est devenue complètement insensée ! J'étais jaloux à en mourir, parano, stressé, je n'arrivais même plus à dormir la nuit parce que la seule pensée qui me venait c'était toi et Borja !

— Je suis désolé, murmura Ruben, puisque ce fut la seule réponse qu'il lui vint à l'esprit.

— Hein ? Désolé ? Répéta le garçon, désabusé, Tu m'as rendu fou Ruben ! Fou ! Et tu le fais encore maintenant quand tu reviens comme ça pour me dire ce genre de choses ! Ça me rend complètement fou ! Ne dis pas ça, ne dis pas ce genre de choses, pas quand j'essaie de t'oublier.

— Mais je voulais que tu le saches.

— Et moi, je ne voulais pas le savoir ! S'emporta-t-il, furieux, Comment je vais t'oublier maintenant ? Tu es tellement égoïste !

Perplexe, Ruben ne sut même pas comment réagir. Il n'était pas certain de comprendre le sens de cette dispute.

Alors, comme à chaque fois qu'aucune réponse ne lui venait, ses sanglots repartirent de plus belle sans d'autres explications.

— Et tu pleures en plus ? Souffla Gautier dont les larmes n'étaient pas bien loin non plus, Tu cherches à faire quoi là ? A m'attendrir ? Ça me fait déjà un mal de chien, putain !

— Mais je ne cherche rien, sanglota Ruben en essayant d'essuyer ses joues noyées de larmes, C'est toi qui m'as suivi jusqu'ici.

— C'est ma faute ? S'étrangla Gautier.

— Si tu ne veux pas me voir pleurer, pars !

A bout de nerfs, Gautier remonta deux marches dans l'escalier et passa nerveusement ses mains dans ses cheveux, un geste qui exprimait tout le désarroi dans lequel il se trouvait. Il était perdu, frustré, et totalement amoureux de Ruben. Un sentiment de plus en plus insoutenable. Brusquement, il se retourna vers le garçon, descendit les marches pour le rejoindre, et écrasa sa bouche contre la sienne. Surpris, Ruben fut projeté vers l'arrière. La rambarde en bois s'enfonça dans le bas de son dos, lui extirpant une grimace. Pourtant, la douleur n'était rien à côté du sentiment de bonheur qui venait de l'envahir. Bordel, songea-t-il. Gautier l'embrassait et réduisait à néant le peu de sens que venait d'avoir leur conversation. La bouche du garçon était chaude, douce et humide, lui faisant palpiter le cœur.

Lorsque Gautier retira brusquement ses lèvres des siennes, Ruben rouvrit les yeux de stupeur, comme si on venait de le ramener à la réalité.

— Je ne veux pas que tu te fasses d'illusions, murmura Gautier, Mais...

— Mais ? Répéta-t-il, inquiet, sentant son rêve se transformer bientôt en cauchemar.

— Mais mes amis ne t'ont jamais apprécié, précisa le garçon, Je suis désolé. Ils ont toujours fait semblant.

Ruben resta totalement hébété devant lui. Essayait-il de plaisanter à un moment pareil ?

— Euh... bégaya-t-il le souffle coupé, Vraiment ?

— Oui, ils te trouvent trop... Taré.

— Tu viens de me péter le dos, déclara Ruben.

— Quoi ? Mais quel rapport ? S'étonna Gautier.

— Il n'y en a pas, admit-il, Mais je voulais préciser que tu m'as pété le dos.

— N'importe quoi ! S'exclama-t-il en fronçant des sourcils, N'essaye pas de te venger, ce n'est pas ma faute si mes amis ne t'apprécient pas.

— Je viens de me prendre cette rambarde dans le bas du dos, reprit Ruben en détachant bien chaque syllabe, la main posée sur l'objet en question.

— Et il n'y a absolument aucun rapport, répéta Gautier sur le même ton.

— Ça a un rapport avec ton baiser, lui fit-il remarquer.

— Et tu vas m'engueuler pour ça ? Hallucina-t-il, perplexe.

Pour simple réponse, Ruben posa sa main dans le cou de son partenaire pour le tirer vers lui, rejoignant leurs lèvres. Son dos frappa de nouveau la rambarde derrière lui, exactement au même endroit que la première fois, mais peu l'importait. Pourtant, Gautier glissa sa main sous le tee-shirt du garçon, plaça sa main froide sur sa peau chauffée par le coup. Ruben émit un léger gémissement de plaisir au moment où la langue de Gautier s'enfonça à l'intérieur de sa bouche, caressant la sienne. Leurs lèvres enchevêtrées, leurs corps étroitement collés l'un à l'autre, rien n'était plus doux et excitant que ce moment. La main droite de Ruben était toujours dans le cou du garçon, il la déplaça de façon à caresser sa joue. Celle de Gautier était, quant à elle, toujours posée dans le dos de son petit-ami. Il ne la bougea pas, celle-ci servant de rempart entre le dos de Ruben et la rambarde en bois qui s'écrasait contre ses phalanges. Il ne ressentait pourtant aucune douleur, trop concentré à ressentir chaque instant de bonheur. La main chaude de Ruben contre sa peau, l'odeur de son parfum si particulier, et surtout ses petites bouclettes qui lui chatouillaient le visage. Il se sentait précieux dans cette étreinte. Un sentiment que Ruben ressentait lui aussi. L'impression que ce moment était irremplaçable.


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