Les premières neiges tombaient sur la ville lorsque Jimin rentra précipitamment dans l'arrière boutique de l'animalerie. D'un geste rapide, il secoua ses cheveux pour en ôter les quelques flocons qui s'y étaient accrochés, leur donnant par la même occasion un aspect ébouriffé et rebel.
- T'es en retard Jimin.
- De seulement deux minuscules minutes, grogna l'accusé. Je pense que mes heures supplémentaires seront un point assez convainquant pour que ton oncle me le pardonne.
Deux putain de minutes. Il avait manqué l'ouverture d'à peine deux insignifiantes minutes, et ça suffisait à ce crétin, bouffeur de lait à la fraise, pour le sermonner. Alors qu'il n'était même pas fichu de tenir une seringue correctement ? Mais c'était à se demander dans quel monde il avait atterri...
- Ben écoute tu resteras deux minutes de plus ce soir, histoire d'être clean au niveau de tes horaires, se moqua son collègue avant de partir poser son derrière sur les coussins du fauteuil de la caisse.
L'apprenti retint de justesse une remarque acerbe, partant vers les vestiaires en grommelant ses pensées bouillonnantes. Et alors qu'il troquait son blouson d'hiver bien trop vieux contre une blouse autrefois blanche, la voix disgracieuse de son patron l'appelait déjà pour sa première corvée de la journée. Ça promettait d'être long...
Ses pieds le traînèrent pratiquement toute la journée d'un bout à l'autre de la boutique. Les rayons, et leurs étagères trop pleines, semblaient d'ailleurs se liguer contre lui tant la poussière qu'ils abritaient était importante. Ici, à défaut d'être un apprenti vétérinaire, Jimin devenait le larbin de service, effectuant toutes les tâches possibles et imaginables. Nettoyer les rayons, ranger les nouveaux arrivages, passer le balais devant l'entrée... Toutes ces corvées, qu'il n'était pas censé faire au début, mais que son employeur avait pris un malin plaisir à lui ajouter, rythmaient sa journée pénible.
Pourtant à chaque tintement de cloche, Jimin ne pouvait s'empêcher de prier pour qu'un mystérieux jeune mentholé vienne à son secour. Ses yeux se dirigeaient tant bien que mal vers l'entrée, désireux de croiser ce visage si attractif qu'il espérait revoir. Depuis qu'il était reparti avec ce petit chiot dans les bras, le rouquin attendait vainement son retour. Et ses soupirs désespérés à chaque déception avaient tendance à attirer l'agacement de son adorable embaucheur. Après presque une semaine d'attente, l'apprenti avait fini par laisser l'entrée sans surveillance, ses pensées bien trop sans dessous-dessus pour continuer à espérer en vain. Malgré les encouragements de Jungkook, son moral avait fini dans ses chaussettes, et son optimisme semblait partie en vacances avec sa patience.
La routine et le quotidien reprenaient doucement leurs droits dans la vie maussade du jeune étudiant. Et aujourd'hui ne semblait pas vouloir faire exception à la règle.
- Jimin, tu feras l'inventaire du rayon felin, avait beuglé son collègue de travail.
Seul un bredouillement agacé lui répondit. Ce qui lui valu la énième remontrance de la journée.
Dieu ce qu'il haïssait ce travail.
- J'y vais, j'y vais, avait-il fini par lâcher sur un ton agacé.
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- Douze sachets de croquettes pour chat... Alors, un, deux... Huit, neuf.... Douze. Ok.
D'un geste habitué, il cochât la case sur l'affreux calepin jaune du centre, ne faisant même plus attention au énième tintement de cloche qui résonnait à l'entrée de la boutique. Le soleil embrasait doucement le dos du danseur alors qu'il se décalait d'un pas pour continuer son inspection.
Il avait les sourcils froncés, concentré sur son labeur, les yeux jonglant entre le carnet jaunâtre et le rayons encore poussiéreux du magasin.
Bien trop plongé dans son activité, il ne remarqua que trop tard la boule de nerf qui lui fonçait littéralement entre les jambes, averti bien trop tardivement par ses jappements joyeux.
- Mais qu'est-ce- WOow !
Malgré toute la volonté du monde à retarder l'échéance, les fesses de notre adorable apprenti se retrouvèrent belle et bien au sol, accompagnées par une demi douzaine de boîtes de pâtée pour chat et de produits pour l'hygiène féline.
- Mince ! Tout va bien ?! Seigneur... Suga ! Mais qu'as-tu fait ?!
Un sursaut de stupeur figea à nouveau l'employé tandis que la voix étrangement aiguë du nouvel arrivant venait secouer ses tympans. Ses yeux clairs se baladèrent quelques secondes sur la fine silhouette du nouveau venu, finissant leur course sur la touffe verte qui lui faisait office de chevelure.
C'était lui. Aucun doute possible.
- Je... Je suis confus, bredouilla le mentholé en tendant la main en guise d'aide. Il me faudrait une meilleure poigne avec lui.
Son sourire désolé ensoleilla la journée du danseur.
- Ce n'est pas grave, s'empressa-t-il d'ajouter. Et puis vous finirez par vous habituer à son dynamisme, j'en suis sûr.
- J'adorerai y croire autant que vous, ria l'autre.
L'odeur agréable que dégageait le nouvel arrivant donnait du fil à retordre à la conscience professionnelle de Jimin. Aussi indélicate était sa pensée, elle semblait pourtant persister, poussant ses lèvres à prononcer les mots "rendez-vous" de façon inopinée. Le rouquin réussit tout de même à retenir ses désirs disproportionnés, les enfermant au fond de son être en compagnie de son obsession inadéquate.
- Alors, Mr. Min, qu-
- Yoongi, le coupa-t-il aussitôt, faisait naître un sourire sur le visage de son vis-à-vis.
Un sourire qu'il s'appliquait tant bien que mal à garder raisonnablement dimensionné.
- Yoongi, repris doucement l'apprenti. Qu'est ce qui vous emmène par ici ? Suga n'a pas l'air malade, du moins à première vue.
Un bref coup d'œil à la frimousse méfiante du chiot -qui reniflait les boites de pâtée au sol- lui affirma d'ailleurs ses impressions.
- Il ne l'est pas, affirma le réalisateur. En réalité, je venais pour vou-
- Park Jimin, grogna une voix dans son dos. Qu'est ce que c'est que ce bordel ?! S'exclama-t-elle une demi-seconde après.
Les boîtes de pâtée pour chat éparpillées sur le sol avaient fait leur effet apparemment...
- À quel moment je t'ai demandé de saccager MON magasin ?! S'emporta le vieil homme.
Et tandis qu'une grimace s'installait peu à peu sur le visage gêné de Jimin, il finit par se recevoir un coup de canne bien placé, transformant les rires discrets de Yoongi en sursaut de stupeur.
Bien entendu, les remontrances physiques de l'employeur n'étaient pas plus douloureuses que ça. À vrai dire, elles ne valaient même pas les fessées dramatiques d'un papa en colère. Mais la honte occasionnée égalait toutes les douleurs du monde à cet instant.
- Je vais ramasser papi, protestait Jimin en se protégeant des coups comme il le pouvait.
- Petit artiste fainéant ! Beuglait l'autre. Et en plus tu importunes les clients !
- Il n'importunait personne, s'empressa de le couper Yoongi.
Joignant le geste à la parole, il tira Jimin derrière lui, faisant ainsi barrière à la folie passagère du vieux commerçant. Devant eux, le petit chiot s'était mis en position d'attaque, prêt à déchiqueter les lacets du grand-père un peu trop bruyant. Ses tentatives de grognement furent néanmoins un cuisant échec, ressemblant d'avantage à une symphonie aiguë de mauvaise qualité qu'à un son menaçant.
- C'est à cause de mon petit chien que votre employé s'est retrouvé dans cette position délicate, repris finalement le plus vieux. Le seul fautif c'est bien moi. Je ne l'ai pas encore correctement éduqué.
- "Dressé", chuchota doucement son protégé, toujours dissimulé derrière le corps svelte du mentholé.
- Oui voilà, dressé. Se rattrapa-t-il, le visage faussement neutre.
N'importe qui aurait pu applaudir le ridicule de cette scène, Bomi la première d'ailleurs. Elle qui se ventait souvent d'avoir eu son "rôle gagnant" dans un drama comique. Elle racontait souvent que c'était grâce à lui que sa carrière avait décollé, la projetant sous le feu ardent des projeteurs.
«''Danse complex'' a été, et restera, mon porte bonheur d'actrice», ne cessait-elle de répéter.
Et pour tout avouer, Yoongi aurait approuvé mille fois que ce qui se passait là, rentrait dans le thème de son drama ridicule.
- Et c'est également votre chien qui l'a empêché de ramasser les dégâts dans la seconde qui suivait ? Interrogea le vieillard, croisant les bras sur sa poitrine avant de relever un sourcil, l'air sceptique.
- Je... J'imagine que non...
- Alors taisez-vous ! S'empourpra l'autre. Et non de Dieu Park pourquoi n'êtes-vous pas encore en train de FAIRE votre BOULOT !
- Euh... Oui ! Oui m'sieur !
Voilà.
Une comédie au summum du burlesque.
Alors sans trop savoir comment, Yoongi s'était finalement retrouvé à quatre pattes, aidant son mystérieux danseur à ramasser ces maudites boîtes de conserve qui traînaient encore sur le sol.
Mal à l'aise, Jimin n'avait cessé de s'excuser, évitant de croiser le regard rieur de son sauveur du jour. De tous les scénarios qu'il avait pu imaginer pour son retour, celui-ci se trouvait au plus bas de l'échelle de ses fantasmes. Une véritable catastrophe. À tel point que Jimin ne doutait pas qu'en racontant son calvaire à Jungkook, ce dernier opterai pour une réponse radical. Déménager en Sibérie par exemple...
- Je suis... vraiment désolé, répéta l'apprenti pour la énième fois.
La moue qu'il faisait inconsciemment avait le don de décrocher un sourire chez son voisin, qui se contenta de répéter la même réponse. Réponse que Jimin ne semblait pas entendre correctement d'ailleurs.
- PARK ! C'est pas l'endroit pour discuter alors va au chenil et fait ton boulot ! Clama l'employeur à l'autre bout du magasin.
À cet instant, Jimin le soupçonna de faire de la magie vaudou.
- Il n'a pas tord, vous savez.
Du vaudou en puissance dix, bon sang.
- D-De quoi...? Bégaya le danseur en posant ses yeux sur Yoongi, emplis d'un désespoir soudain.
Ça y est. Son mystérieux fantasme avait développé un sentiment négatif à son égard. Il ne viendrait plus jamais dans la boutique, ne s'arrêterait plus jamais dans la rue. Fini les espoirs payant et les prières insistantes.
- Ce n'est pas l'endroit pour discuter. Affirma simplement le réalisateur.
Le cœur de Jimin se serra. Et son intérieur s'auto-insulta une vingtaine de fois d'abrutis, persuadé d'avoir fait quelque chose de travers. Ou alors d'avoir trop pensé, trop espéré. Après tout le pourcentage qu'il soit attiré par les hommes restait minime, notamment dans un pays aussi arriéré en therme d'ouverture d'esprit. Et quand bien même il l'aurait été, qui pouvait certifier que Jimin était bel et bien son genre ? Personne.
Absolument p-e-r-s-o-n-n-e.
- Un restaurant me semble plus approprié, continua le mentholé, jonchant la réaction de Jimin avec attention.
Avec des rayons X, il aurait certainement vu l'explosion multiple qu'endurait le fort intérieur du danseur.
- P-Pardon ?
- Un restaurant, répéta le mentholé, essayant vainement de paraître sûr de lui. J'aimerai vous inviter. Au restaurant. P-Pour discuter.
Le silence le poussa à toussoter d'un air gêné.
- Et manger aussi, cela va de soit.
ㅅㅇㅅㅇㅅㅇㅅㅇㅅㅇㅅ
Ça faisait longtemps ❤️
[Chapitre corrigé par Lilandra-chan ]