Nantis

By FlorieC

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La jeunesse dorée, tel est le surnom qu'on leur donne. Il existe une rumeur qui sous-entend qu'on ne naît pas... More

[SAGA 1] L'arrogance des gens meilleurs
Chapitre 1 : If it makes you happy
Présentation : Noah Khan
Chapitre 2 : Take me as I am
Présentation : Ellie Lefevre
Chapitre 3 : Don't stop the party
Chapitre 4 : Too late
Chapitre 5 : Losing your memory
Présentation : Ethan Franck
Chapitre 6 : She drives me crazy
Chapitre 7 : Secrets
Chapitre 8 : Highway to hell
Chapitre 9 : How I needed you
Chapitre 10 : Miss misery
Chapitre 11 : Me and the devil
Présentation : Anna Joly
Chapitre 12 : Know your enemy
Chapitre 13 : Little talks
Chapitre 14 : You're not alone
Chapitre 15 : Love the way you lie
Chapitre 16 : Bad romance
Chapitre 17 : Teenage dream
Chapitre 18 : Don't wake me up
Chapitre 19 : My medicine
Chapitre 20 : Shut up and let me go
Chapitre 21 : Wicked Game
Présentation : Gabrielle Gallien
Chapitre 22 : Last Christmas
Chapitre 23 : Winter
Chapitre 24 : Let it be
Chapitre 25 : Happy New Year
[SAGA 2] L'éternité à tes pieds
Chapitre 1 : Bad day
Présentation : Jared Greggs
Chapitre 2 : The last to know
Chapitre 3 : When she believes
Chapitre 4 : Losing my religion
Présentation : Lucas Gallien
Chapitre 5 : Take control
Chapitre 6 : If you leave me know
Chapitre 7 : Stay
Chapitre 8 : Only if you run
Chapitre 9 : Just tonight
Chapitre 10 : Never let me go
Chapitre 11 : Fix you
Chapitre 12 : Damn you
Chapitre 13 : This is war
Présentation : Ruben Greggs
Chapitre 14 : Apologize
Chapitre 15 : Gives you hell
Chapitre 16 : Never say never
Chapitre 17 : Skinny love
Chapitre 18 : Alone
Présentation : Christelle Wertheimer
Chapitre 19 : Don't be a stranger
Chapitre 20 : We are young
Chapitre 21 : One Day
Chapitre 22 : Dark on fire
Présentation : Borja Escobar
Chapitre 23 : Like a virgin
Chapitre 24 : Better Together
Chapitre 25 : Happy Birthday
[SAGA 3] Dans la cour des grands
Chapitre 1 : The funeral
Chapitre 2 : Pursuit of Happiness
Chapitre 3 : Dark Paradise
Chapitre 4 : I want to break free
Chapitre 5 : A drop in the ocean
Chapitre 6 : Enjoy the silence
Chapitre 7 : Help
Chapitre 8 : I don't want to be
Chapitre 9 : Eye of the tiger
Chapitre 10 : Come back home
Chapitre 11 : Mirror
Chapitre 12 : Heartless
Chapitre 13 : Someone like you
Chapitre 14 : If I needed you
Chapitre 15 : You're not sorry
Chapitre 16 : Burn it down
Chapitre 17 : How you remind me
Chapitre 18 : Wrecking ball
Chapitre 19 : Just give me a reason
Chapitre 20 : Can you feel the love tonight
Présentation : Gautier Lantez
Présentation : Yanis Perrin
Chapitre 22 : Yesterday
Chapitre 23 : Hot and cold
Chapitre 24 : Kiss me
Chapitre 25 : Only wanna be with you
[SAGA 4] La réponse des faibles
Chapitre 1 : Collide
Chapitre 2 : The lonely
Chapitre 3 : Another love
Chapitre 4 : Protect me from what I want
Présentation : Ophélie Joly
Chapitre 5 : Big big world
Chapitre 6 : Don't lie
Chapitre 7 : Undisclosed desires
Chapitre 8 : You and I
Chapitre 9 : Another day in paradise
Chapitre 10 : Just can't get enough
Chapitre 11 : Sirens call
Chapitre 12 : Too close
Chapitre 13 : Love me again
Chapitre 14 : Demons
Chapitre 15 : You are the one that I want
Chapitre 16 : Sober
Chapitre 17 : What doesn't kill you
Chapitre 18 : Too many friends
Chapitre 19 : Monster
Chapitre 20 : Broken crown
Chapitre 21 : He is my son
Chapitre 22 : Talk to me
NANTIS EN LIVRES PAPIER !
Chapitre 23 : Try
Chapitre 24 : Everybody's Got To Learn Sometime
Chapitre 25 : Wonderful life
NANTIS en livres ♥

Chapitre 21 : People help the people

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By FlorieC



Comme un samedi matin normal, le bruit des cuillères dans les bols résonnèrent dans la cuisine de la famille Khan. Il était onze heures trente et les quatre adolescents venaient de se réveiller. Le nez encore dans leur bol, Noah et Anna semblaient les plus fatigués, ce qui se comprenait aisément vu la courte nuit qu'ils avaient eue. La joue encore gonflée, Noah avala ses miels pop d'un air blasé, lisant pour une énième fois la bande dessinée derrière son paquet de céréales, tandis qu'Anna luttait contre le sommeil de peur de s'endormir dans son bol. À l'opposé, Manon et Jonas arboraient un sourire jusqu'aux oreilles, probablement comblés par leur nuit de retrouvailles. En silence, donc, les quatre jeunes mangèrent leur petit déjeuner jusqu'à ce qu'ils entendent la porte s'ouvrir brusquement.

Il s'agissait de Paul Khan qui rentrait pour sa courte pause déjeuner. Posant sa mallette noire près de la porte d'entrée, il ôta sa veste de costard qu'il balança sur le dossier du canapé puis fit irruption dans la cuisine, nullement étonné d'y trouver son fils, puisque la cuisine était bien le seul endroit où il apercevait Noah le week-end.

— Déjà levés ? Ironisa-t-il à l'attention des jeunes qui ne prirent même pas la peine de relever leur visage dans sa direction, C'est étonnant avec la nuit calme que vous avez passée !

— Comment ça ? S'étonna Noah qui ne voyait pas comment son père pouvait être au courant pour leur excursion de cette nuit.

— Vous avez réveillé tout le monde à courir dans l'appartement, annonça Paul, sèchement, Franchement No', j'étais à deux doigts de me relever et je peux te dire que si je l'avais fait, ça aurait bardé pour toi.

— Ah oui ça, se rémora le garçon en replongeant vers son bol de céréales.

Cet événement lui semblait une futilité, vu ce qu'il s'était passé par la suite.

— Il était plus d'une heure du matin ! Enchaina son père, furieux de sa nonchalance, Une heure du matin ! Je travaille moi le samedi ! Vous vous êtes cru où ?!

Anna baissa la tête, mal à l'aise, sachant que tout était sa faute. Distraitement, elle reposa sa cuillère dans son bol et ôta la serviette qu'elle avait autour des cheveux pour les laisser sécher à l'air libre. Elle attrapa de nouveau sa cuillère pour continuer son petit déjeuner l'air de rien tandis que Paul enchaina, toujours aussi énervé :

—Et puis qu'est-ce que tu as à la joue ? Vous vous êtes vraiment battus dans le salon ?

— Mais non, souffla Noah, C'est rien, laisse tomber.

— Ah oui bien sûr, souffla son père en levant les yeux au ciel, Je ne dois rien dire à Monsieur parce que...

— Papa, tu peux juste te taire et te préparer à manger ? L'interrompit son fils qui n'avait vraiment pas la tête à discuter.

C'était un fait. Depuis toujours, Noah était un grand dormeur. Et il n'avait pas eu sa dose de sommeil pour être agréable aujourd'hui... Quoi que, même en l'ayant, il aimait se comporter comme un petit con.

— Oui c'est clair, j'ai autre chose à faire que de me prendre la tête maintenant, grinça son père en se dirigeant vers le frigidaire pour en sortir un Tupperware dans lequel résidait des restes du repas de hier soir.

Noah décida de ne pas relever et la sonnerie de la porte d'entrée résonna soudainement, faisant sursauter tout le monde.

— Ah ça doit être ta mère Anna, rétorqua Paul en se retournant vers la jeune fille, Je lui ai demandé de passer me rendre un dossier.

— Hein ? S'exclama la concernée en relevant enfin le nez de son bol, Mais elle ne sait pas que je suis ici !

Entendant une deuxième fois la sonnette, Anna se glissa brusquement sous la table de la cuisine sous le regard blasé de Noah qui n'arrivait même plus à s'étonner de son comportement.

— Elle est sérieuse ? Interrogea Paul, dubitatif, en portant un regard perplexe à son fils.

Mais avant que Noah n'eût le temps de lui répondre, la main d'Anna réapparut soudainement, tâtant la table jusqu'à trouver son bol qu'elle attrapa et apporta avec elle sous la table.

— J'hallucine, enchaina Paul, ahuri.

Il se dirigea vers la porte d'entrée pour ouvrir à Cécile, décidant d'ignorer la pauvre folle cachée dans sa cuisine. Bien que celle derrière la porte ne fût pas vraiment mieux, réalisa-t-il avant d'actionner la poignée.

Un tourbillon de cheveux teintés lui passa sous le nez, accompagnée d'une forte odeur de parfum. Les talons claquant bruyamment sur le carrelage, Cécile Joly pénétra dans l'appartement avec tant d'énergie qu'on aurait pu la croire dopée, ce qui – en réalité – était bien le cas.

— Alors Monsieur Métivier m'a bien recommandé de vous donner le dossier jaune avant la fin du week-end car il a besoin d'une photocopie pour la réunion prévue à midi lundi prochain, déclara-t-elle si rapidement que Paul ne réussit pas à comprendre tous les mots, Je vous ai mis le planning de la semaine dans la pochette noire, agrafée avec le bon de commande que vous m'avez demandé ce matin et je...

— Ralentissez Cécile, l'interrompit Paul en la rejoignant dans son propre salon, Je n'ai rien compris.

Blasée, elle lui lança un regard outré, signe qu'elle avait clairement la flemme de recommencer et Paul enchaina :

— Pour commencer, est-ce que vous avez amené le dossier que je vous ai demandé ?

— Quel dossier ?

— Sérieusement ? Souffla-t-il, exaspéré, Cécile je vous ai demandé de...

— Attendez ! Le coupa-t-elle, sèchement, en reniflant bruyamment.

— Mais qu'est-ce que vous faites encore ? L'interrogea Paul, ahuri.

Cécile Joly renifla de nouveau, fronçant ses sourcils minutieusement épilés, puis elle se retourna soudainement vers la cuisine où Noah, Jonas et Manon l'observaient, perplexes.

Elle s'approcha d'un pas, reniflant à nouveau, puis déclara :

— Anna est ici.

— Quoi ? Explosa Noah, hébété.

— Anna est ici, répéta Cécile en pénétrant dans la cuisine, Je sens son shampoing à des kilomètres à la ronde.

— Mon shampoing ?! S'exclama Anna en sortant de dessous la table, son bol encore dans la main, Tu es sérieuse ?!

— Jeune fille ! S'offusqua sa mère en écarquillant les yeux de stupeur, Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Tu m'avais dit que tu dormais chez une amie hier soir !

Furieuse, Cécile se retourna vers Paul qui venait de les rejoindre et celui-ci précisa à son attention :

— Oh ne me regardez pas comme ça, je ne suis au courant de rien, à part qu'ils ont fait du bruit hier soir.

— Du bruit ? Scanda Cécile en portant sa main à son cœur, Oh mon Dieu, quelle horreur.

— Quoi ? Mais non pas ce genre de bruit ! S'exclama Paul, confus, Enfin voyons !

— Mon shampoing ? Répéta Anna, ahurie, Tu as vraiment senti mon shampoing ?!

— Comme quoi telle mère, telle fille, commenta Paul en se laissant tomber contre le frigidaire de la cuisine, Vous, vous empestez le parfum toute la journée ! S'indigna-t-il en se retournant vers Cécile, Mais comment vous faites ? Vous vous videz une bouteille dessus tous les matins ?

— Je mets du parfum pour cacher l'odeur amer de votre indifférence, rétorqua-t-elle, sèchement.

Cécile se retourna vers sa fille ainée, avançant vers elle d'un air sévère, pour ajouter à son attention :

— Je n'ose pas croire que tu m'aies menti ! Surtout pour...

Sa mère s'arrêta au milieu de sa phrase, lançant un regard dédaigneux à Noah qui – jugeant que la conversation ne l'intéressait plus vraiment – venait de continuer son petit déjeuner l'air de rien.

— ... Lui, cracha-t-elle avec une grimace de dégout.

— Est-ce que vous êtes en train d'insinuer que mon fils est laid ? Scanda Paul, choqué.

— J'insinue qu'il n'est pas mon genre, et certainement pas celui de ma fille.

— Maman, souffla Anna, honteuse, Tais-toi. Tu ne sais pas de quoi tu parles.

— On ne sort même pas ensemble, ajouta Noah, On est amis.

— Mais bien sûr ! Pouffèrent les deux parents à l'unisson.

— Quoi ? Enchaina Noah en lâchant sa petite cuillère dans son bol de céréales, Mais pourquoi plus personne ne croit en l'amitié garçon / fille de nos jours ?

— C'est en toi que personne ne croit, jugea bon de relever son demi-frère.

Offusqué, Noah se retourna vers lui pour le tuer du regard tandis que Cécile enchaina à leur attention :

— Vous vous tournez autour depuis bien trop longtemps pour que ce soit une simple amitié. Je ne suis pas si idiote !

— Ça, je n'en mettrais pas ma main à couper, commenta Paul, toujours avachi contre son frigidaire.

— Avec des expressions aussi vieillottes, je ne vous le conseille pas, ironisa Cécile en se retournant vers lui, Vous n'avez pas appris le français en arrivant ici ? Ça fait des siècles qu'on n'utilise plus cette expression !

— Vous êtes racistes ou vous jugez bon de relever mes origines à chacune de nos conversations ?

— N'importe quoi, souffla Cécile, blasée.

Un silence s'imposa dans la pièce et Anna en profita pour terminer son bol de lait, le portant jusqu'à sa bouche. Elle le reposa sur la table, un trait blanc au-dessus des lèvres qu'elle ne remarqua pas, et sa mère reprit, sèchement :

— Et sinon personne ne me sert de café dans cet appart ? Quelle famille de radin !

— J'adore ta mère Anna, grinça Noah en se relevant de sa chaise pour s'emparer de son bol et du sien qu'il posa dans l'évier.

— J'ai entendu, commenta Cécile.

— Tant mieux, c'était fait pour, ajouta-t-il en se dirigeant vers la cafetière, D'ailleurs, je vais même cracher dans votre tasse. Ça aussi vous l'avez entendu j'espère ?

— Merci fiston de traiter cette personne comme elle le mérite, souffla son père, soulagé, Je me sens moins seul.

Noah s'occupa de lui remplir une tasse de café tandis que Cécile porta un regard outré à Anna, attendant qu'elle la défende, ce qu'elle ne fit pas.

— Tenez, enchaina Noah en lui tendant sa tasse.

— Tu as craché dedans ? L'interrogea-t-elle, dubitative, sans oser la prendre entre ses mains.

Noah leva les yeux au ciel, l'air de dire qu'elle était paranoïaque, et Cécile l'attrapa hésitante tandis qu'il ajouta, amusé :

— Bonne dégustation.

— Noah tu as vraiment craché dedans ? S'indigna Anna lorsqu'il se réinstalla à sa chaise.

— Mais non ! Ça va, je n'ai plus deux ans !

— Ça veut dire qu'il a craché dedans, commenta Paul.

— Mais de quel côté es-tu bon sang ? S'exclama son fils en se retournant vers lui en un bond.

Préférant ne pas leur faire confiance, Cécile Joly reposa sa tasse sur le bar ce qui provoqua un rire chez Paul Khan. Se souvenant brusquement de ce qu'il faisait ici, Paul se dirigea vers le micro-onde pour faire réchauffer son repas du midi.

— Pour en revenir au sujet de base, vous n'avez pas apporté le dossier que je vous avais demandé ? Enchaina-t-il.

— Non.

— Alors expliquez-moi pourquoi vous êtes venu déjà ? Ironisa-t-il en se retournant vers elle.

— J'ai emmené les autres dossiers, se défendit-elle, vexée, Et croyez-le ou non, mais mon intuition maternelle me disait que votre fils faisait une connerie avec ma fille.

Intuition maternelle, songea Anna, C'était presque drôle.

— On n'est pas ensemble ! Répéta Noah.

— Tant mieux, commenta Paul en sortant son Tupperware du micro-onde, J'aimerais bien réussir à manger mon plat ce midi.

— Est-ce que vous insinuez que ma fille ne serait pas assez bien pour votre fils ?

— Est-ce que vous n'avez pas insinué que mon fils ne serait pas assez bien pour votre fille ?

— Bien sûr ! S'exclama Cécile, C'est écrit sur son front que c'est un charmeur manipulateur.

— C'est bien écrit sur le vôtre que vous êtes une pauvre folle, ironisa Paul.

Pourtant, il ignorait encore à quel point il avait raison.

— Oh ! S'indigna Cécile, outrée, Anna, on s'en va !

— Quoi ? S'exclama sa fille, perplexe.

— On s'en va tout de suite !

— Où est-ce que vous comptez aller ? L'interrogea Paul, Vous travaillez pour moi.

— Mais je...

— Maman, je t'interdis de démissionner, l'interrompit Anna.

— Oui et bien on y va quand même ! Enchaina Cécile, Dépêche-toi !

— Vous plaisantez ? Vous venez d'arriver ! S'exclama Paul, outré.

— Et alors ? Je prends ma pause déjeuner.

— L'intérêt d'une pause, c'est d'avoir travaillé avant, l'interrompit-il, blasé.

— Et l'intérêt d'une pause déjeuner, c'est de manger, ce que je n'ai pas encore fait à cause de votre dossier à la con !

— Dossier que vous avez oublié, commenta-t-il... Mais pourquoi je vous paye ? Hallucina-t-il ensuite.

De peur que la conversation ne parte plus loin, Anna se releva de sa chaise et déclara pour couper court à cette situation absurde :

— D'accord on y va, laisse-moi prendre mes affaires !

— Je t'en prie chérie, ne me laisse pas cinq minutes de plus avec cet abruti, souffla Cécile en se retournant vers sa fille qui s'éloignait dans le couloir.

— Abruti ? Répéta Paul, choqué, Dois-je vous rappeler que je suis votre patron ?

— Mais comment pourrais-je l'oublier ne serait-ce qu'une seule seconde ? Souffla Cécile en se retournant vers lui.

N'entendant plus leur conversation, Anna pénétra dans la chambre de Noah et attrapa son sac qui trainait sur le sol. Elle entra dans sa salle de bains, mettant la serviette de toilette qui était toujours posée sur ses épaules à sécher sur un portant et récupéra son savon qu'elle avait laissé dans la cabine de douche.

Anna se retourna ensuite vers le miroir au-dessus du lavabo pour se donner un coup de peigne et elle s'arrêta, exaspérée. Elle avait une fine trace blanche de lait au-dessus de la lèvre et personne n'avait jugé pertinent de la prévenir. Quelle bande d'abrutis, songea-t-elle en passant sa main sous l'eau froide du robinet pour ôter la marque disgracieuse.

Puis elle attrapa sa brosse dans son sac, démêla rapidement ses cheveux de peur que Paul et Cécile ne s'entretuent pendant son absence, puis referma son sac à dos.

Voulant retourner dans la chambre, elle tomba nez à nez avec Noah qui venait de la rejoindre et elle s'exclama, surprise :

— Tu as laissé nos parents tout seul dans la cuisine ! Tu es malade !

— Ils ne sont pas tout seuls, précisa Noah, Il y a Jonas et Manon encore.

Face au regard plein de sous-entendus de la jeune fille, le garçon ajouta, un sourire au coin des lèvres :

— Oui d'accord, ça ne change pas grand-chose.

Anna le contourna en riant pour attraper son pull qu'elle avait laissé sur sa chaise de bureau et elle l'enfila par-dessus son tee-shirt. Elle se laissa tomber sur le lit pour mettre ses chaussures et enchaina :

— C'est fou à quel point ils se détestent, on dirait nous au début de notre relation.

— On n'a plus qu'à espérer que la leur n'évolue pas comme la nôtre, commenta-t-il en s'asseyant à ses côtés.

— Pourquoi ça ? S'étonna la jeune fille, Ça ne serait pas plus mal qu'ils soient amis.

Noah l'observa dans les yeux pendant un quart de seconde. Visiblement, ce n'était pas à cela qu'il pensait.

— Bref, il faut que j'y aille ! Continua Anna en se relevant brusquement du lit, On se voit au lycée lundi ?

— Ouais, répondit-il en s'allongeant de tout son long sur son lit, étirant ses bras.

Si bien que son tee-shirt se releva légèrement, laissant apparaître le bas de son ventre, et Anna détourna le regard, gênée.

— Par rapport à hier soir, murmura-t-elle avant de sortir la pièce, Je voulais te dire...

— On oublie, l'interrompit-il en relevant son regard vers elle, On oublie Anna.

— Tout ? L'interrogea-t-elle.

Parce que ce qu'elle avait en mémoire, ce n'était pas le carnage de la soirée, mais bien les lèvres de Noah qui avait frôlé les siennes avant que le garçon ne retourne dans le bâtiment.

— Oui tout.

— Ok, déclara-t-elle en refermant la porte de sa chambre, effaçant cette image de sa mémoire par la même occasion.

***

— Non Belen, souffla Ruben en se laissant tomber sur le bureau de la jeune fille, Tu refais toujours la même erreur.

— Mais je ne comprends rien ! S'emporta la belle brune en donnant un coup de poing rageur sur sa feuille d'exercice, Je déteste la géométrie !

— Ce n'est pas compliqué pourtant, grinça le garçon, C'est une théorie. Tu l'apprends par cœur et tu l'appliques !

— Mais pourquoi t'es aussi désagréable ?

— J'ai eu une sale soirée, répondit Ruben en fermant les yeux, la tête toujours avachie sur son bureau, Je suis fatigué Belen.

— Alors pourquoi tu es venu quand même ? L'interrogea la jeune fille, Tu aurais pu décaler l'horaire ou même reporter le cours à un autre jour. Ça aurait été plus utile que de te voir dormir sur mon bureau.

— J'avais besoin d'aller dans le quartier aujourd'hui de toute façon, s'expliqua le garçon.

— Pour voir mon frère ? S'emballa Belen.

— Non, le mien... Qui doit être dans un sale état d'ailleurs.

Belen fronça des sourcils, se demandant si elle voulait en savoir plus. Réalisant que la réponse était négative elle ajouta en refermant son classeur :

— Va voir ton frère, de toute façon, tu n'as pas la tête à m'expliquer le théorème de Thalès aujourd'hui.

— Oui c'est clair, murmura-t-il en se relevant, passant ses mains sur son visage pour tirer sur ses traits fatigués, Je suis désolé Belen, mais je crois que je vais y aller.

— Pas de problème, lui assura la jeune fille, C'est toi le tortionnaire dans l'histoire, pas moi.

— Ah, ah, ironisa-t-il en s'emparant de son manteau posé sur le lit de Belen qu'il enfila rapidement, Je suis un bon tuteur, ne le nie pas.

— Oh non, je n'oserai pas.

Belen esquissa un sourire pour lui montrer qu'elle plaisantait et Ruben leva les yeux au ciel tout en lui faisant un signe de la main.

— Et tu peux continuer les exercices sans moi, précisa-t-il avant de refermer la porte de sa chambre.

Le garçon se dirigea vers le salon pour rejoindre la sortie, tombant par inadvertance sur Borja qui était affalé dans son canapé devant la télévision. Visiblement, il venait de se réveiller car il portait un short de sport et un vieux tee-shirt sponsorisé d'une compétition quelconque.

— Hey ! S'exclama celui-ci en apercevant Ruben, Je me demandais si tu étais avec Belen aujourd'hui.

— Comme tous les samedi matin, grinça le garçon sans même relever son regard vers lui.

— Tu pars tôt ?

— J'ai quelqu'un à voir, répondit-il sur le même ton.

— Ton frère ? Comprit Borja de suite.

— Oui.

— Tu sais où habite Amine au moins ?

— Oui, il m'a envoyé un SMS tout à l'heure, rétorqua Ruben, Je peux y aller où tu vas me faire un interrogatoire ?

— Ton copain sait que tu es ici ? Enchaina Borja en se relevant, décidant d'ignorer sa question précédente.

— Et pourquoi est-ce que je lui mentirais ? Souffla Ruben lorsque le garçon se planta juste devant lui.

— Et bien c'est justement ma question... Pourquoi est-ce que tu lui mens ?

Lentement, le visage de Ruben se décomposa, comprenant peu à peu qu'il avait dû se passer quelque chose entre lui et Gautier lorsqu'il était parti rejoindre son frère hier soir.

— Qu'est-ce que tu lui as dit ?! S'énerva-t-il, se retenant toutefois de ne pas le frapper vu qu'il n'était pas bien costaud face à Borja, Qu'est-ce que t'as fait ?

— Calme-toi. Comment je pouvais savoir que c'était un secret ?

— Quel secret ? Mais de quoi tu parles putain ? S'emporta Ruben.

— Les cours que tu donnes à ma sœur ! Répondit Borja, halluciné par l'emportement du garçon, Je lui ai juste dit que tu venais chez nous pour lui donner des cours tous les samedi matin. Détends-toi putain !

Le cœur de Ruben ralentit dans sa poitrine. Bien sûr, Gautier n'était pas au courant qu'il se rendait en banlieue pour faire du soutien à la petite-sœur de son « pseudo ex », mais c'était largement pardonnable. Il avait surtout eu peur que Borja en dise plus sur leur relation. Déjà que Gautier lui en voulait encore pour hier soir, il préférait oublier toute l'histoire entre lui, Borja et Jared de ces derniers mois.

— Ne lui adresse plus la parole, se reprit-il, Jamais.

— Ça ne serait pas arrivé si tu ne l'avais pas emmené avec toi à la soirée, lui fit remarquer Borja, amusé.

— La soirée ? Répéta Ruben, Ah oui la soirée... Tu veux qu'on en reparle justement de cette putain de soirée ? Tu es vraiment un lâche.

— Pardon ? S'offusqua le garçon.

— T'es sérieux Borja ? Tu t'es vraiment barré ?

— Non, je t'ai cherché, se défendit-il.

— Quand ça ? Ironisa Ruben, Quand un de ces types m'a plaqué contre le mur ?

— Je t'ai vu au moment où Noah est venu t'aider et tu es parti juste après, ne me reproche pas d'avoir fait pareil !

— Sauf que tu m'avais dit que tu aiderais mon frère.

— Ils étaient quatre contre lui ! Explosa Borja.

— Oui quatre ! Et lui tout seul ! Vous étiez où toi et tes potes ? Il n'y avait qu'Amine !

— Amine adore se battre, l'interrompit-il, C'est la seule raison pour laquelle il y était et tu sembles oublier que ces types sont nos patrons. Je deal pour eux, je prends des risques pour eux et c'est eux qui me payent et qui me permettent d'avoir une vie un peu moins misérable dans cette banlieue de merde ! Et si Jared a le courage de leur cracher dessus, c'est juste que lui, il n'en a pas besoin de tout ce fric ! Alors moi, j'aurais dû tout gâcher pour lui peut-être ?

— Mais alors pourquoi tu as prétendu vouloir l'aider à la base ? L'interrogea Ruben, Pourquoi tu m'as appelé pour venir à cette soirée en sachant très bien que tu ne voudrais pas agir ?

— Non, moi, je voulais juste empêcher que tout le monde se tape dessus, je n'ai pas réussi et je me suis barré, fin de l'histoire. Et ne te la ramène pas trop Ruben parce que je ne vois pas vraiment pourquoi c'est Noah qui est revenu défendre ton frère pendant que toi, tu l'attendais dehors... Parce que, ça aussi, c'était plutôt lâche.

Ruben resta silencieux, ne sachant quoi lui répondre, puis il tourna finalement des talons pour sortir de la pièce. Il se rua sur la porte furieusement et rejoignit le couloir de l'immeuble. Amine était le voisin de Borja et vivait donc à l'étage du dessous. Rapidement le garçon s'y rendit et s'arrêta devant la porte de son appartement après avoir vérifié le numéro sur le message que lui avait envoyé son frère. Il frappa deux coups secs et attendit jusqu'à ce qu'il entende derrière la porte :

— C'est qui ?

— Ruben.

Pas de réponse.

— Le frère de Jared, précisa-t-il, exaspéré.

La porte s'ouvrit sur le visage d'Amine, son œil avait presque triplé de volume, si bien qu'il ne parvenait pas à l'ouvrir complètement.

— Ouille, commenta le garçon qui ne put empêcher une grimace de douleur sur son visage.

— Ton frère est dans un pire état que ça.

— Je peux le voir ?

Amine laissa le garçon passer et Ruben s'engouffra dans l'appartement qui sentait le renfermé. Les volets n'avaient pas été ouverts et tout était plongé dans le noir. A tâtons, et aidé par les néons de la cuisine, Ruben pénétra dans une grande pièce qu'il supposa être le salon. Reconnaissant une forme humaine allongée sur le canapé, il s'approcha doucement et murmura pour ne pas brusquer son frère qui semblait dormir :

— Jared ? C'est moi.

— Hum, grinça le garçon dans son sommeil.

— Tu es sûr que tu ne veux pas que j'appelle un médecin ?

— Non, le coupa-t-il en se retournant vers lui.

Un grincement s'échappa des lèvres de Ruben. En effet, son frère avait une sale tête.

— C'est ridicule, souffla-t-il, aberré par son comportement, Mais pourquoi tu as provoqué cette bagarre, abruti ?

— Il fallait bien que je te défende.

— Oh non arrête, ne me mets pas ça sur le dos, ça fait des semaines qu'ils m'ont tabassé. Pourquoi tu aurais réagi seulement maintenant ?

— Mieux vaut tard que jamais.

— N'utilise pas des expressions pour tenter de m'amadouer, le gronda son frère.

— Avoue que ça a marché.

— Un peu, lui accorda Ruben en souriant.

Il se laissa tomber sur le sol, s'asseyant sur le tapis pour avoir sa tête au même niveau que son frère, puisqu'il semblait dans l'impossibilité de se mouvoir davantage.

— Pourquoi t'as fait ça Jared ? Souffla-t-il, la gorge nouée, A quoi ça servait ?

— Je n'en sais rien, murmura-t-il, mal à l'aise, Je n'en sais rien frérot. Je fais n'importe quoi ces derniers temps.

— Ces derniers temps ? Répéta Ruben, Ces derniers temps durent depuis qu'Ellie a rompu avec toi, mec. Ressaisis-toi.

Ne trouvant rien de particulier à répondre, Jared ferma les yeux pour avaler sa salive bien que sa mâchoire le lançât douloureusement.

Il ajouta en bifurquant son regard vers son petit-frère :

— Je suppose que tu as été voir Borja ce midi ?

— C'est sa sœur que je vais voir, pas lui.

— Mais il était là ?

— Oui, lui accorda Ruben.

— Ne joue pas avec le feu, Gautier te mérite bien plus que lui.

— Depuis quand tu aimes Gautier ? L'interrogea son frère, Et puis pourquoi tu utilises mes expressions ? Tu veux vraiment te racheter ?

— Non, c'est juste ta connerie qui est communicative, l'arrêta Jared.

Ruben pouffa de rire, se retenant de lui donner un coup au passage vu le piteux état dans lequel il était déjà, et il enchaina :

— Pour en revenir à Gautier, ne t'inquiète pas, Borja ne peut pas nous atteindre.

— Il l'a déjà fait, en quelque sorte, lui fit pourtant remarquer son frère.

— Comment ça ? S'intrigua Ruben en fronçant des sourcils.

— Borja savait pertinemment que je n'aurais pas changé d'avis hier soir. Il savait que je voulais me venger par rapport à toi et non pour le trafic de drogue, donc ta présence n'y aurait rien changé... Alors demande-toi pourquoi est-ce qu'il voulait que tu viennes ?

— Ça n'a pas de sens, Borja savait que j'étais avec Gautier.

— Non, il ne le savait pas, l'interrompit Jared, Il était persuadé que tu viendrais sans lui... Et crois-moi, ce n'était pas pour enfiler des perles qu'il voulait que tu sois là.

— Je ne comprends pas, murmura Ruben, hébété, Il n'assume pas. Je finis même par me demander s'il est vraiment homo ce type.

— Il l'est, lui confirma-t-il, Suffit de voir comment il te regarde pour comprendre qu'il l'est. J'ai peut-être été abruti par mon histoire d'amour avec Ellie, mais je peux te jurer que certains regards ne trompent pas.

— Alors qu'est-ce que je dois faire ?

— Éloigne-toi de ce type, rétorqua Jared, catégorique, Laisse tomber tes cours avec sa sœur, ne reviens plus ici, ne refais aucune soirée avec lui et reste avec Gautier.

— Mais...

— Reste avec Gautier, répéta Jared en détachant bien chaque syllabe, Voilà ce que tu dois faire si tu ne veux pas être aussi pathétique que moi. Ce n'est pas compliqué Ruben.

— C'est peut-être un peu trop simple justement, grinça le garçon.

— Ne te complique pas la vie pour un type qui n'en vaut pas la peine. Borja est un lâche qui ne s'assumera jamais. Il ne peut rien t'apporter de bon.

— Je ne suis pas plus courageux que lui, commenta Ruben, Hier soir, je t'ai laissé te faire frapper, j'ai envoyé Noah à ma place. Moi j'attendais comme un con, ce qui est exactement ce que je lui ai reproché la dernière fois que ces types m'ont tabassé.

Jared poussa un soupir d'exaspération, bifurquant légèrement son visage vers le plafond de l'appartement, puis il souffla, hébété :

— Pourquoi est-ce que tu cherches absolument à lui trouver une excuse ?

— Je ne lui trouve pas d'excuse, rétorqua Ruben, J'essaye juste de comprendre.

— Ce que tu dois comprendre, c'est qu'il ne t'aime pas assez pour changer.

— Mais tu viens juste de dire qu'il m'aimait ! Explosa le garçon qui n'y comprenait plus rien, Tu as dit que ça se voyait dans son regard !

— Non ! Il t'aime comme... Comme... Se perdit Jared dans ses mots, Comme Noah et Ellie aiment les gens... D'une façon égoïste et malsaine. Il t'aime comme si le simple fait de t'aimer lui donnait tous les droits sur toi. Comme si tu lui appartenais. C'est comme ça qu'ils aiment les gens. C'est comme ça que Borja t'aime. Ne lui donne pas raison. Prouve-lui que tu vaux mieux que ça.

— Comment ?

— Sois inaccessible. Distant. Ne rentre pas dans son jeu.

— Mais...

— Et, au passage, le coupa Jared, Touche en deux mots à Anna. Noah ne va pas tarder à faire la même chose avec elle.

Ruben avala sa salive, mal à l'aise. Jared était allongé sur un canapé miteux dans un appartement qui l'était tout autant. Il avait un œil au bord noir, des bleus partout sur le visage et avait vraisemblablement du mal à aligner trois mots sans grimacer de douleur. Tout ça parce qu'il avait provoqué une bagarre avec des types bien plus baraqués que lui. Et pourtant, comme d'habitude, Jared parvenait à demeurer le plus raisonné des deux frères.

***

Catherine Franck jeta un énième coup d'œil à son reflet dans le miroir du hall de leur appartement, ce qui provoqua une fois de plus l'exaspération de son fils unique. Pour célébrer leurs quinze ans de mariage, Stéphane et Catherine Franck avaient décidé de s'offrir une soirée en amoureux, laissant par la même occasion la maison à Ethan.

— Tu as des lasagnes dans le frigo si tu veux, lui rappela sa mère. Et tu peux commander une pizza si tu as encore faim !

— J'imagine que ça fera office de gâteau, ironisa son fils, amer.

— Oh arrête Ethan, souffla son père, exaspéré, On t'a déjà dit qu'on fêterait ton anniversaire le week-end prochain. Il n'y a pas mort d'homme ! Et puis, tu as dit toi-même que tu ne voulais faire aucune fête.

— J'ai dit que je n'avais personne à inviter, c'est différent ! S'énerva le jeune homme.

— Et le résultat est le même, conclut son paternel complètement indifférent à l'insociabilité de son fils. Tu es prête ? Demanda-t-il à sa femme, ravi de cette soirée qui s'offrait à eux.

— Oui, c'est bon, répondit-t-elle avec un sourire radieux sur les lèvres.

Sourire qui, par ailleurs, ne faisait que tendre celui d'Ethan de plus en plus vers le bas.

— Bisous mon chéri, murmura-t-elle en l'embrassant tendrement sur la joue, Joyeux Anniversaire.

— A demain matin ! Ajouta son père en s'engouffrant dehors, suivi de près par sa mère.

Hébété par cette rébellion parentale vis à vis des traditions familiales si populaires chez les Franck - et manifestement, si vite oubliées quand lui-même en était le centre - Ethan ne put s'empêcher de rester prostré devant sa propre porte d'entrée. Il avait dix-huit ans aujourd'hui et il était réduit à garder la maison pendant que ses parents allaient s'amuser librement, et surtout sans lui. Ethan avait l'âge de conduire, de voter, de fumer, de boire et de rentrer en boîte de nuit légalement... Et voilà qu'il allait se retrouver à fêter sa majorité assis sur un canapé devant un programme de télévision abrutissant et surement du même niveau que celui de Noah Khan. A cet instant précis, Ethan ne put s'empêcher de penser que sa vie ne pouvait être plus pathétique qu'elle ne l'était déjà.

Niveau pathétisme, d'ailleurs, cette année avait surement été la pire. Pour commencer, il avait rompu avec la fille qu'il avait toujours aimée, tout ça pour un moins que rien de comédien qui avait très vite disparu de la circulation. Enfin, ce moins que rien avait surement sauvé le peu d'honneur qui lui restait, vu qu'il avait appris, peu de temps après, que Gabrielle avait la fâcheuse tendance à être infidèle - ce que tout le monde semblait déjà savoir, au passage. Car en plus d'avoir été largué pour un mec sorti de nulle part, il avait fallu qu'Ethan endosse le rôle du cocu puisque son ex petite-amie l'avait trompé avec son meilleur ami quand ils étaient ensemble. Même si, certes, cette aventure n'avait été découverte qu'après leur rupture.

Amusé par sa propre infortune, Ethan leva les yeux au ciel. En fait, il fallait reconnaitre que le rôle lui allait à merveilles puisque ce même « meilleur ami » lui avait piqué sa seconde copine, ce qui constituait une ultime raison à la médiocrité de son existence.

Ethan s'installa sur son canapé et décida d'allumer la télévision, chose qu'il aurait été amené à faire à un moment de sa soirée, vu l'absence d'amusement qui s'offrait à lui. Noah Khan, pensa-t-il tout en serrant sa main rageusement autour de la télécommande. C'était d'ailleurs encore à cause de lui qu'il s'était fait renvoyer de l'équipe de rugby.

Mais comment Anna pouvait-elle être amoureuse de ce type ? Pensa-t-il, ahuri. Il n'était qu'un manipulateur égocentrique qui n'avait aucune morale. Le garçon enfouit sa tête dans ses deux mains tout en soupirant d'exaspération. Comment, même absent, ce type pouvait-il encore lui gâcher ses soirées ? Non, se ressaisit-il brusquement. Aujourd'hui, il avait dix-huit ans, il fallait qu'il arrête de se prendre la tête pour ce genre de personnes qui n'en valait pas la peine. Après tout, il était célibataire et il ne voyait plus vraiment ce que Noah pouvait lui piquer d'autre... A part son amour propre, si tant est qu'il en eut encore un.

L'année était bientôt finie, se rassura-t-il. L'année prochaine, ils ne se reverraient même plus. Ethan allait entrer à Science-po – sous réserve de réussir son concours, ce dont il ne doutait pas en réalité - et il allait enfin pouvoir rencontrer de nouvelles personnes, tandis que Noah resterait surement en terminal à Saint-Richard vu le peu d'effort qu'il fournissait pour ses études. Et puis, plus tard, ils se reverraient par hasard à un coin de rue et évoqueraient leur année de lycée avec un sourire amusé sur les lèvres, l'air de rien. Comme le font leurs parents, ils joueront à qui à mieux réussi sa vie, et ce sera seulement là, qu'Ethan Franck pourra enfin prendre sa revanche sur Noah Khan.

La sonnette de la porte d'entrée se mit soudainement à retentir et le garçon sursauta sur son canapé. Ses parents avaient-ils commandé une pizza pour lui ? S'interrogea-t-il, surpris que quelqu'un vienne le déranger à cette heure de la soirée. Et avec le peu de chance qu'il avait, il réalisa que si ce fut le cas, ses parents avaient probablement dû lui commander la pizza marinière, celle qu'il détestait par-dessus tout.

Blasé et s'apprêtant à claquer la porte au nez au pauvre livreur qui n'avait rien demandé, Ethan actionna la poignée et marqua un arrêt lorsqu'il remarqua qui se tenait devant lui.

— JOYEUX ANNIVERSAIRE ! S'exclamèrent d'une traite Gabrielle, Esther et Yanis.

Hébété, Ethan porta un regard à ses trois amis devant lui et un sourire se devina sur ses lèvres. Gabrielle était au milieu, tenant dans ses mains une petite tartelette aux fraises avec une bougie allumée.

— Souffle, insista-t-elle en lui mettant presque le gâteau sous le nez.

Amusé, Ethan se recula d'un pas en rigolant puis il souffla sur la bougie qui s'éteignit aussitôt. Ses trois amis l'applaudirent et le garçon enchaina, perplexe :

— Mais qu'est-ce que vous faites là ?

— Tes parents m'ont appelé ce matin, lui répondit Yanis, Ils m'ont dit que tu n'avais rien prévu pour tes dix-huit ans et il voulait qu'on improvise un anniversaire surprise.

— Du coup, il leur a précisé que tu n'avais plus d'amis, ajouta Esther, toujours aussi franche, Mais comme nous on arrive encore à te supporter, on s'est portés volontaires. Sympa, non ?

— Mais ta gueule, pouffa-t-il, C'est moi qu'on devrait féliciter pour te supporter !

— Ah, ah, ironisa la jeune rousse en s'engouffrant dans son appartement, sans même attendre l'invitation, Ne parle pas trop vite garçon !

— Pourquoi ça ? S'étonna Ethan en se retournant vers elle.

— J'ai apporté de quoi nous occuper, rétorqua la jeune fille en sortant de son sac à main une bouteille de vin, Je l'ai volé dans la cave de mon père donc j'espère qu'elle est bonne... Enfin à ce prix-là, il y a plutôt intérêt, clama-t-elle en posant la bouteille en question sur la table du salon.

Ethan se retourna vers ses deux autres amis qui étaient restés devant l'entrée, se reculant pour les laisser passer, puis il referma la porte derrière eux.

— Vous voulez faire quoi ? Les interrogea-t-il en les suivant dans le salon, Je suis désolé, je n'ai rien prévu, je ne pensais pas que vous viendriez.

— Si tu as d'autres alcools dans tes placards ça devrait suffire, rétorqua Esther en se laissant tomber sur le canapé.

— Alcoolique, commenta son demi-frère en s'asseyant à côté d'elle, Dis Ethan, on peut fumer dans l'appart ?

— Oui, vas-y, on ouvrira les fenêtres, lui assura le garçon en s'installant sur un pouf autour de la table basse... Alors, on l'ouvre cette bouteille ou quoi ?

***

Anna s'enfonça dans le canapé de son salon, zappa rapidement les chaines télévisées avec la télécommande, puis posa ses pieds sur la table basse du salon. Avec son travail au McDonald, et depuis qu'elle s'était réconciliée avec Noah, la jeune fille avait eu assez peu de temps pour elle et ne saurait dire à quand remontait sa dernière soirée tranquille devant la télévision. Tombant par hasard sur une vieille série de son enfance, elle décida de rester sur cette chaine et augmenta le volume.

Attirée par les voix en provenance du salon, Cécile Joly sortit de la cuisine et observa avec envie l'écran de la télévision. Se ressaisissant, elle bifurqua de nouveau son regard vers la tonne de dossiers qu'elle avait face à elle. Paul Khan lui avait demandé de tous les classer avant la fin de la semaine et le travail lui semblait interminable. Tant pis, songea-t-elle en repoussant finalement les papiers plus loin sur la table, elle continuerait demain matin.

Sur cette bonne résolution, Cécile se releva de sa chaise et attrapa une tablette de chocolat au lait dans le frigidaire. Elle se rendit dans le salon, s'installant à côté de sa fille ainée, tout en prenant une barre de la tablette qu'elle reposa ensuite sur la table basse.

— Pourquoi tu me mets du chocolat sous le nez ? Grinça Anna, Tu ne me trouves pas assez grosse ?

— Tu es magnifique ma chérie, rétorqua Cécile sans même se retourner vers elle.

— Tu pourrais au moins essayer d'être sincère.

— Pourquoi ? Tu ne me croirais pas de toute manière, souffla sa mère indifférente au sarcasme de la jeune fille.

Trouvant inutile d'entrer dans ce débat maintenant, Anna ne lui répondit pas, se concentrant sur la série qui défilait devant ses yeux.

Elle sentit son téléphone vibrer dans la poche de son jogging et le sortit pour lire son message :

« En fait, quand j'ai dit on oublie 'tout' à propos de hier soir je parlais seulement du Roi Lion et de la bagarre, que ce soit clair ».

Un sourire s'étala sur le visage d'Anna, en même temps que son cœur qui venait de bondir dans sa poitrine, et sa mère l'interrogea, blasée :

— Laisse-moi deviner, c'est Noah.

— Non, mentit la jeune fille, vexée de se faire griller aussi facilement, C'est juste Ruben.

— Mon cul, rétorqua Cécile en s'emparant d'une nouvelle barre de chocolat.

— Maman ! S'offusqua Anna, Je ne sors même pas avec Noah. Et puis qu'est-ce que ça peut te faire de toute façon ?

— Je connais ce genre de garçon, murmura Cécile, Il te fera du mal.

— Je sais... Mais tout ce qu'il se passera avant qu'il ne le fasse, ça vaut le coup, non ?

Cécile Joly se retourna vers sa fille ainée. Aucun sarcasme ou ironie dans la voix, Anna était réellement en train d'engager la conversation avec elle, lui demandant des conseils. Émue, elle l'observa pendant une seconde qui sembla interminable et Anna reprit pour la faire revenir à la réalité :

— Maman, ça va ?

— Euh oui, murmura Cécile, encore abasourdie.

— Alors ? Ça vaut le coup ou pas ?

— Quand tu aimes vraiment quelqu'un, ça vaut toujours le coup, lui répondit sa mère après un instant, Ton père est le pire des connards, mais tout ce que j'ai vécu avec lui, votre naissance à toi et Ophélie, tout ça valait le coup.

Anna esquissa un sourire timide, reportant son regard sur son téléphone où elle répondit finalement :

« A quoi est-ce que tu fais allusion Khan ? ».

Elle reposa son portable sur la table basse du salon, légèrement stressée. Bien sûr, Anna savait vaguement de quoi il parlait, mais elle préférait être sûre, avec Noah Khan, il y avait toujours de mauvaises surprises.

— Qu'est-ce qu'il te demandait ? L'interrogea Cécile, curieuse.

— Rien de spécial.

— Arrête, tu as vu ton sourire ! La nargua sa mère, Dis-moi !

— Où est Ophélie en fait ?

— Anna ne change pas de conversation, la gronda sa mère, Dis-moi ce qu'il t'a dit, je veux...

Cécile Joly s'arrêta soudainement au milieu de sa phrase, réfléchissant. Elle jeta un coup d'œil à l'horloge au-dessus de la télévision et reprit, perplexe :

— Mais oui où est Ophélie ?! Il est vingt heures !

— Elle ne t'a pas dit qu'elle sortait ce soir ? Enchaina Anna, surprise.

— Non, elle m'a dit que...

Mais Cécile fut de nouveau coupée par le téléphone portable d'Anna qui vibra bruyamment sur la table. Les deux femmes se retournèrent vers l'objet, puis – comprenant ce que sa mère avait en tête – Anna s'écria en se jetant sur la table basse :

— NON MAMAN !

Trop tard cependant, car Cécile avait été plus rapide et venait de s'emparer du téléphone, courant à l'autre bout de la pièce.

— Rends-le-moi !

— Dis-moi ce qu'il t'a dit où je lis le message, la menaça Cécile, un sourire espiègle dessiné sur le visage.

— Tu es folle, commenta Anna, Tu n'oseras pas.

— On pari ?

Sa fille ainée l'observa avec dédain, une pointe de défi dans le regard, et Cécile reporta son regard vers l'écran du téléphone, tiraillée entre l'envie d'ouvrir le message et l'envie de se comporter comme une mère normale.

— Si je te le rends, tu me diras ce qu'il t'a dit ? Questionna-t-elle timidement.

— Maman, c'est du chantage.

Cécile s'arrêta, perplexe. Dire qu'Anna avait tout juste commencé à se confier, elle avait encore tout gâché à cause de sa folie.

— Désolée, murmura-t-elle en revenant finalement à elle.

Elle se rapprocha de sa fille, lui tendant l'objet qu'Anna attrapa précipitamment, trop curieuse de savoir ce que Noah lui avait répondu.

« La prochaine fois, je viserai juste ».

Son cœur s'emballa dans sa poitrine. Non, il n'avait pas oublié qu'il l'avait presque embrassé. La jeune fille répondit, malgré ses doigts tremblants d'excitation.

« J'allais finir par croire que tu te rates à chaque fois ».

Elle rangea son téléphone dans la poche de son jogging. Reportant son regard vers sa mère, Anna remarqua que Cécile avait retrouvé son visage grave des mauvais jours, se maudissant surement de ce qu'elle avait fait.

— Je devrais peut-être retourner travailler, enchaina-t-elle en se rendant dans la cuisine.

— Maman, l'arrêta Anna.

Cécile se retourna alors vers elle et sa fille continua :

— Noah a failli m'embrasser hier soir. Il vient de me dire que la prochaine serait la bonne.

Son portable vibra de nouveau dans sa poche et Anna le sortit rapidement.

« Non pas à chaque fois ».

Un énième sourire se devina sur ses lèvres, même si les souvenirs de leurs précédents baisers ne s'étaient pas réellement conclus comme elle l'aurait souhaitée. Il ne fallait pas qu'elle oublie qu'il s'agissait de Noah Khan, et que comme il le lui avait bien rappelé, un baiser ne voulait rien dire.

— Alors vous êtes ensemble ? Interrogea Cécile.

— Non, l'arrêta Anna, Noah n'est pas...

Elle fut interrompue par des bruits de pas dans l'escalier. Surprises de ne pas être seules dans leur propre maison, Anna et Cécile se retournèrent précipitamment vers le hall d'entrée. Hébétées, elles aperçurent Ophélie, suivie d'un jeune garçon rejoindre le rez-de-chaussée.

— Tu étais là ? Scanda Anna.

— Avec quelqu'un ? Enchaina sa mère sur le même ton.

— Oui, pourquoi ?

— Qu'est-ce que vous faisiez ? S'intrigua Cécile en se rapprochant du jeune homme pour pouvoir l'observer plus minutieusement.

— Maman, si tu pouvais éviter de reluquer tous les invités, l'arrêta Ophélie en lui lançant un regard noir.

— Je ne le reluquais pas, mentit-elle, vexée, en s'éloignant d'un pas.

— Aymeric doit rentrer de toute façon, rétorqua sa cadette en lui ouvrant la porte, Il faut qu'il rentre diner chez lui.

— Diner ? Répéta Cécile, enthousiaste, Mais quelle bonne idée ! Il n'a qu'à rester manger avec nous !

— Non, murmura Ophélie, Non, non, non.

— Mais si ! Insista sa mère, ravie, Je vais mettre la table !

— Non ! Non, Anna fait quelque chose ! S'exclama Ophélie en se retournant vers sa grande-sœur.

— On a fait un gâteau, rétorqua-t-elle, Ce serait dommage qu'il ne puisse pas gouter...

— Le gâteau !!! S'exclama Cécile en se précipitant dans la cuisine.

Offusquée, Ophélie se retourna vers sa grande-sœur qui se retenait d'exploser de rire. Probablement ravie que l'attention de sa mère soit reportée vers sa jeune sœur.

— Aymeric ! Clama Cécile en revenant dans le salon, Venez par là mon garçon !

— Maman laisse-le tranquille, souffla Ophélie, sèchement.

— Oui c'est vrai que je devrais rentrer, murmura le garçon timidement, osant enfin ouvrir la bouche.

— Pas question ! Et puis il fait nuit, vous n'allez pas rentrer tout seul !

— J'ai mon vélo.

— Justement, c'est dangereux ! Allez ne faites pas d'histoire, enchaina Cécile en se rapprochant du garçon pour le prendre par les épaules et l'emmener avec elle, On va manger rapidement et je vous ramènerai en voiture.

— Mais mon vélo, rétorqua Aymeric.

— Vous le récupérerez plus tard, lui assura Cécile en le forçant à pénétrer dans la cuisine, Appelez votre mère pour qu'elle ne se fasse pas de soucis et dites-moi ce qui vous ferait plaisir comme plat principal. On a du poulet curry ou alors de la...

La conversation se fit plus indistincte à mesure qu'ils s'enfonçaient dans la cuisine.

Amusée, Anna pouffa de rire face à sa sœur qui était restée prostrée au milieu du salon.

— Tu es fière de toi ? L'interrogea Ophélie, cinglante.

— Plutôt oui.

— Connasse.

— Oh allez, souffla sa grande-sœur, hilare, Pour un fois que maman est heureuse. Tu sais qu'elle adore rencontrer tes petits-copains.

— Et bien la prochaine fois, tu donneras le tien comme cobaye, tu verras si c'est aussi amusant que ça... Parce que je doute que Noah tiendra aussi longtemps que le mien.

— Noah ne vient jamais ici, lui rappela la jeune fille, Et dans tous les cas, maman le déteste.

— Raison de plus pour qu'elle l'invite aussi à diner, elle peut faire péter des plombs à n'importe qui et elle le sait très bien.

Les deux jeunes filles restèrent silencieuses pendant un instant, s'observant dans le blanc des yeux, jusqu'à ce qu'elles entendent leur mère s'écrier de la cuisine :

— Tu veux du jus de pomme Aymeric ? Parce que tu ne bois pas encore d'alcool, n'est-ce pas ? C'est mal de boire.

— Oh mon Dieu, souffla Ophélie en se dirigeant vers la cuisine, Je me vengerai Anna !

— On verra ça, ironisa sa sœur en la suivant.

Anna s'arrêta sur le pas de la porte, sortant son téléphone de sa poche puisqu'elle réalisa ne pas avoir encore répondu à Noah. Elle relut le message, cherchant ce qu'elle pouvait bien lui écrire, mais à court d'idée, elle décida de changer de conversation.

« Tu fais quoi ce soir en fait ? ».

—Allez mettez-vous à table, enchaina Cécile, Aymeric est pressé.

— Alors pourquoi tu l'as obligé à rester ? Ironisa Ophélie en s'asseyant à sa place habituelle.

— Mais non, il est ravi de rencontrer notre famille, n'est-ce pas mon garçon ?

— Euh oui, répondit Aymeric sans réellement cacher le fait qu'il ne pouvait pas répondre le contraire.

— Tu vois ? S'enthousiasma Cécile en se retournant vers sa cadette, Tu n'as pas à avoir honte !

Ophélie ne prit même pas la peine de répondre. Sa mère était complètement bipolaire, passant de la dépression totale à une joie outrancière.

— Allez à table, insista-t-elle.

Anna s'installa à sa place en sortant son téléphone car Noah lui avait répondu.

« Je suis au Palace avec Manon et Jonas, c'est horrible ».

— Anna, range ton téléphone on mange, la gronda Cécile.

— Deux secondes, grinça-t-elle en pianotant rapidement sur les touches.

« Pourquoi ? Le rôle de la chandelle ne te convient pas ? ».

— Donc Aymeric, qu'est-ce que vous faites dans la vie ?

— Maman, la coupa Ophélie, Il est au collège. On ne fait rien de notre vie.

« Je suis bon pour attiser la flamme... Mais sérieusement, tu ne veux pas me rejoindre ? Je me fais trop chier ».

— Oh mais non, souffla Cécile, Tu fais sûrement des activités ? De la musique ? Du sport ? Un club d'échecs peut-être ?

— Maman ça n'existe même plus, rétorqua Ophélie, blasée.

« Mais pourquoi tu traines avec eux d'abord ? Tu ne pouvais pas les laisser pour leur dernière soirée en amoureux avant que Manon ne reparte ? »

— De la planche à voile, répondit Aymeric.

— De la planche à voile, répéta Cécile, émerveillée, Jared faisait de la planche à voile ! N'est-ce pas Anna ?

« Non c'est eux qui voulaient découvrir une soirée au Palace... Mais ils passent leur temps à se bécoter. Ça me soule. Enfin tu sais ce que je pense des couples. Alors tu peux venir ou pas ? »

— Anna ? L'interpella Cécile en fronçant des sourcils.

« Non je ne peux pas, je n'ai pas récupéré de la soirée d'hier, flemme de ressortir. »

— Tu te fiches de moi ? Enchaina sa mère, exaspérée face au mutisme de sa fille.

« Allez ! On se couchera tôt, promis. »

— Anna ! S'écria Cécile, J'ai dit pas de portable à table !

Revenant à la réalité, la jeune fille sursauta en se retournant vers sa mère qui enchaina, sèchement :

— Range ton téléphone et dis à Noah qu'on mange.

— Noah ? S'intrigua Ophélie en se retournant vers sa sœur d'un air espiègle, On devrait l'inviter à diner lui aussi.

— Ah non je ne te suis pas sur ce coup, l'arrêta Cécile, Je déteste ce garçon.

Anna esquissa un sourire en direction de sa sœur et leur mère enchaina, l'air de rien :

— Le pré-pubère que tu nous as ramené est bien plus gentil en comparaison.

— Maman ! S'offusqua Ophélie en levant les yeux au ciel.

— Merci, grimaça Aymeric en reportant son attention sur ce qu'il avait dans son assiette.

La jeune fille se retint de pouffer de rire, puis profitant de l'inattention générale, elle continua à écrire sur son téléphone sous la table :

« Je ne peux vraiment pas ce soir, ma mère a invité le copain de ma sœur à manger et c'est juste trop drôle de se foutre d'eux ».

— Tu en veux d'autre Aymeric ? Proposa Cécile à l'attention du garçon.

— Non merci, je n'ai pas très faim.

« Comme tu veux... Bonne soirée alors, à lundi ».

Anna fronça des sourcils. Elle commençait à connaître Noah et savait que lorsqu'il abrégeait les conversations SMS de cette façon, c'était qu'il était vexé. La jeune fille repensa au coup de téléphone de Ruben plus tôt dans l'après-midi. Son meilleur ami lui avait reporté sa conversation avec Jared et elle était plutôt d'accord avec la théorie de ce dernier. Moins elle montrerait sa totale adoration à Noah, moins il la considérait comme une chose déjà acquise.

« Ok salut ! », écrivait-elle, le portable toujours caché sous la table.

— Est-ce que tu penses sérieusement que je ne te voie pas ? L'interrogea Cécile, sèchement.

— Oh c'est bon ! Souffla Anna, exaspérée, en se retournant vers sa mère, Il n'y a plus aucune règle dans cette famille, ne fais pas semblant d'avoir des principes juste devant ce pauvre garçon qui n'a rien demandé.

— Aymeric n'est pas un pauvre garçon, s'offusqua Cécile, C'est le petit-ami de ta sœur. !

— Plus pour longtemps maintenant qu'il a découvert les tarées que j'ai pour famille, ironisa Ophélie au bout de table.

— Non je t'assure ça va, murmura Aymeric en se retournant vers sa petite-amie.

— Alors pourquoi est-ce que ton regard me supplie de te sortir de cet enfer ? Ironisa celle-ci.

— Quel enfer ? Répéta Cécile, outrée, Ophélie n'exagère pas voyons ! Aymeric, enchaina-t-elle en se retournant vers lui, Tu es à l'aise, non ? Tu ne me prends pas pour une folle ?

Sentant tous les regards braqués sur lui, le jeune homme avala sa salive en se retenant de ne pas trembler, ce qu'il rata magistralement car il faisait bouger sa jambe si rapidement que son genou droit vint frapper bruyamment le dessous de table. Lâchant sa fourchette dans son assiette par la même occasion, il se retourna vers Ophélie et déclara d'une traite :

— Je t'en prie, sors-moi de cet enfer.

Derechef, la jeune fille se leva de sa chaise, attrapant la main de son petit-ami pour les faire sortir de la pièce, et elle clama, sèchement :

— Famille de merde !

Ophélie claqua la porte derrière son passage, laissant mère et fille hébétées dans la cuisine... Quoi qu'il n'y eût que Cécile qui fut réellement surprise puisqu'Anna avait d'ores et déjà deviné que ça se terminerait ainsi.

A l'instant, la jeune fille se demanda pourquoi elle n'avait pas essayé d'arrêter sa mère alors que Ophélie l'avait explicitement supplié de l'aider. Anna ignorait depuis quand elle avait acquis cette indifférence froide et cynique qui la faisait réellement ressembler à tous ceux qu'elle avait méprisés pendant des années. L'hypocrisie de Gabrielle Gallien, la cruauté d'Ellie Lefevre, la fausse honnêteté d'Ethan Franck et l'égocentrisme de Noah Khan, tout ce qu'elle avait toujours haït le plus au monde lui était de moins en moins insupportable et, tragiquement, de plus en plus familier.

***

— Allez, cinquième tournée ! S'exclama Gabrielle complètement ivre en remplissant les shooters de ses trois amis avec la fin de la bouteille de vodka qu'elle avait dans les mains.

Sur le sol, la bouteille de vin qu'avait apportée Esther était désormais vide et celle de vodka ne tarda pas à la rejoindre. Il était une heure du matin et les quatre amis n'avaient toujours pas bougé de place. Ils étaient encore installés autour de la table basse du salon de la famille Franck et seul leur taux d'alcoolémie avait monstrueusement grimpé.

— Encore ? S'esclaffa Yanis, hilare.

— Allez, ne fais pas le rabat-joie ! Scanda sa demi-sœur en attrapant son verre de shooter.

Rapidement, Ethan, Yanis et Gabrielle s'emparèrent du leur et le portèrent à leurs lèvres, avalant le liquide avec une grimace de dégout. Puis ils reposèrent leur verre sur la table basse brusquement tout en s'essuyant la bouche.

— C'est dégueulasse, grinça Ethan qui se retenait de ne pas tout dégurgiter sur le tapis du salon.

— Putain, ça fait trop longtemps qu'on n'a pas été comme ça tous les quatre, souffla Gabrielle nostalgique en laissant sa tête tomber sur les coussins du canapé juste derrière elle, Je crois que ça va me manquer au final.

— Pourquoi tu parles comme si tu allais mourir demain ? L'interrogea Esther, tout aussi ivre que son demi-frère, qui était d'ailleurs à deux doigts de s'endormir sur la table basse du salon.

— Dans quelques mois, c'est la fin du lycée, murmura la belle blonde en fermant les yeux, On va chacun partir de notre côté, ajouta-t-elle ensuite en passant le joint qu'elle avait dans ses mains à son amie.

— Arrête, on vit pratiquement tous dans le même quartier, rétorqua Ethan en se retournant vers la jeune fille, A part les Perrin qui sont perdus dans le vingtième arrondissement, mais eux, on s'en fout, au pire.

— Hey on t'emmerde Franck, rétorqua Yanis qui semblait se réveiller soudainement, Au moins, nous, on n'est pas emmerdés avec les touristes du premier arrondissement !

— Mais taisez-vous, reprit Gabrielle, Le meilleur, c'est le seizième de toute façon.

— Tu parles, pouffa Ethan en levant les yeux au ciel, Avoir Ellie et Noah comme voisins, bonjour le cadeau.

— Oui j'avoue, commenta la jeune fille en constatant qu'elle aurait mieux fait de se taire.

Le lycée Saint-Richard et le Palace, les deux endroits qu'elle haïssait le plus au monde, faisaient partie de ce fameux quartier qu'elle réalisa détester à l'instant.

— Heureusement que je vais bientôt partir d'ici, murmura-t-elle.

— Partir ? Répéta Esther en portant le joint à ses lèvres.

— Oui, ce que je voulais dire tout à l'heure, à la fin du bac, je vais partir de Paris.

— Pour aller où ? S'alarma Ethan, surpris.

— Etats-Unis, murmura Gabrielle, légèrement honteuse de ne pas leur avoir avoué avant, Avec mes parents, on a fait mon dossier pour que j'aille dans un lycée là-bas, refaire une terminale pour avoir le bac américain.

— Et bien, souffla Esther, impressionnée, Tu vas aller dans quel lycée ?

— Je n'ai pas encore la réponse, mais j'ai demandé Washington en premier vœu.

— Ce serait... Murmura Ethan, encore sous le choc... Une super opportunité pour toi.

— Oui, comme je ne sais pas encore ce que je veux faire, je me suis dit que ça me ferait un an pour réfléchir, s'expliqua Gabrielle en plongeant son regard dans celui troublé du garçon, Et c'est la seule option que mes parents voulaient envisager car il n'était pas question de parler d'année sabbatique pour eux.

— Putain, souffla Yanis, Un à Science-po, l'autre aux Etats-Unis. Qu'est-ce qu'on va devenir nous ? Interrogea-t-il ensuite sa demi-sœur.

— Hey je n'ai pas encore passé le concours, lui fit remarquer son meilleur ami, Ne parle pas trop vite.

— On sait tous que tu vas l'avoir.

— On est obligés de parler des trucs chiants maintenant ? Les interrogea Esther, blasée, en soufflant la fumée de son joint.

Son avenir était loin d'être sa préoccupation première, sachant que la jeune fille se demandait encore comment elle allait pouvoir réussir son bac.

— On est amis depuis le collège, lui répondit Gabrielle, Il y a bien un moment où on devra parler du moment où on se séparera.

— Merci de le faire pendant mon anniversaire d'ailleurs, ironisa Ethan, De toute façon, c'était mal parti donc autant déprimer ensemble.

— Moi, ça ne me déprime pas, rétorqua la jeune rousse en écrasant le joint dans le cendrier devant elle, J'en ai marre de ce lycée et je suis sûre qu'on continuera à se voir. Et puis, il y en a deux qui, franchement, ne vont pas me manquer.

Un silence s'imposa comme si chacun approuvait intérieurement ce qui venait d'être dit. Noah et Ellie avaient débarqué dans leur bande en seconde puisqu'ils s'étaient rencontrés au lycée Saint-Richard. Noah partageant la classe de Gabrielle et Ellie celle de Yanis et Ethan. Rapidement, ils s'étaient constitués en un cercle très fermé où seulement quelques personnes pouvaient y avoir leur place de temps en temps : Étienne car il était le meilleur ami d'enfance d'Esther, Christelle lorsqu'elle sortait avec Noah, Jared aussi y avait eu sa place au moment où il était le petit-ami d'Ellie. Cette année, c'était Rachel et Anna qui avaient été intégrées partiellement grâce à Yanis et Ethan. Partiellement, car il était très important que les personnes qui accédaient au droit de partager le quotidien de ce petit cercle d'amis prétentieux devaient toujours ressentir leur adhésion comme un privilège, ce qui leur permettaient d'avoir un certain pouvoir sur ces mêmes personnes qu'ils prétendaient être leurs amis.

— Non, on est méchants, commenta Yanis, Il faut reconnaître qu'on a quand même passé de bons moments avec eux deux.

— Oui au début, ajouta Ethan, Mais ils nous ont quand même bien pourris cette année.

— J'avoue que tu as pris cher toi, pouffa Esther.

— Tu peux parler ! S'exclama son demi-frère en se retournant vers elle, Ça fait trois ans que Noah te laisse croire qu'il va se passer quelque chose entre vous.

— Il s'est déjà passé quelque chose, rétorqua la jeune rousse, vexée, Et d'ailleurs je ne suis pas la seule ici...

— Tu es obligée de le rappeler ? Souffla Gabrielle, en l'incendiant du regard, On était en train de se souvenir à quel point on était bien sans eux, pas besoin de nous diviser maintenant.

Ethan voulut lui rétorquer que c'était bien facile de dire ça lorsqu'on était en faute, mais il fut coupé par le bruit de la porte d'entrée de l'appartement qui s'ouvrit soudainement.

Paniqué, il jeta un coup d'œil aux bouteilles vides à côtés de la table et se crispa à la forte odeur de joint qui régnait dans la pièce.

— Merde, souffla-t-il lorsque ses parents pénétrèrent dans le salon, une expression outrée sur leur visage.

— Ethan, murmura Catherine, perplexe, Ne me dis pas que c'est ce que je pense.

— Maman, rétorqua le garçon en se relevant pour leur faire face.

Mais cela faisait si longtemps qu'il ne s'était pas mis debout qu'il se mit à tanguer dangereusement et sa mère enchaina, outrée :

— Oh mon Dieu, mais regarde-toi. Tu me fais de la peine.

— Chérie, commenta Stéphane en lançant un coup d'œil à sa femme, Il a dix-huit ans, laisse-le s'amuser.

— En fumant de la drogue ? S'offusqua-t-elle.

— De l'herbe, précisa Ethan.

— C'est la même chose ! S'exclama Catherine, furieuse.

Elle laissa tomber son sac à main sur le sol, se retournant vers son mari d'un air exaspéré, avant d'ajouter :

— Stéphane, tu penses que c'est possible qu'on lui ait pondu une moitié de cerveau tous les deux ?

— Non impossible, rétorqua son mari, Il en aurait un entier dans ce cas-là.

— Merci, grinça leur fils tandis que ses amis explosèrent de rire derrière lui.

Ethan se retourna vers eux, les incendiant du regard, tandis que Stéphane enchaina à leur attention :

— Vous pouvez rester dormir ici si vous voulez, mais pas trop de bruit, on va se coucher.

— Que-Quoi ? Bégaya Catherine, hébétée, On va les laisser se droguer dans notre propre salon ?

— Ça va, ils ne vont pas se piquer non plus ! Ironisa son mari en levant les yeux au ciel.

— Pas encore, commenta-t-elle, sèchement.

— Chérie, tu pourrais peut-être légèrement dédramatiser ?

— Et toi légèrement te préoccuper de notre fils peut-être ? Enchaina Catherine, cinglante.

— Notre fils, répéta Stéphane en se rapprochant de sa femme, Notre fils a dix-huit ans aujourd'hui et il n'avait personne à inviter pour sa soirée d'anniversaire, donc je pense me préoccuper de lui lorsque je permets aux seuls amis qu'il a encore de rester avec lui ce soir.

— Euh je suis encore là, commenta Ethan, ahuri.

— Tais-toi chéri, je parle avec ton père là, l'arrêta Catherine avant d'enchainer à l'attention de Stéphane, Et tu penses que c'est une bonne solution de lui permettre de régler ses problèmes en fumant de l'herbe ?

— Mais je n'ai pas de problèmes ! S'indigna Ethan, outré, Arrêtez de me traiter comme si j'étais profondément dépressif !

— Arrête d'exagérer, souffla Stéphane en incendiant sa femme du regard, Je n'ai pas dit que c'était une bonne solution, mais il a quand même le droit de se détendre un petit peu.

— Je ne suis pas malade, cracha leur fils en détachant bien chaque syllabe.

Mais il n'y avait rien à faire, il n'avait jamais été aussi transparent.

— Oui ça commence par un petit joint, puis deux, trois, enchaina Catherine en comptant sur ses doigts, Et après il termine comme le fils ainé des Greggs, c'est ça que tu veux Stéphane ?

— Je t'en prie Ethan est loin d'avoir la tête d'un drogué !

— Je laisse tomber, soupira le garçon, excédé, Montez-vous la tête tout seul.

Ethan se retourna vers ses amis tandis que ses parents continuaient à débattre sans même remarquer leur présence. Blasé, le garçon attrapa les deux bouteilles d'alcool vides sur le sol pour aller les jeter à la poubelle puis il enchaina à l'attention des trois autres jeunes :

— Venez, on va continuer la soirée dans ma chambre.

— Mais tes parents, bégaya Yanis, encore hébété, Ils vont...

— Ne t'inquiète pas, l'arrêta Ethan en se dirigeant vers sa chambre, Ils en ont pour encore deux heures. Vous allez voir, dans quelques minutes le ton va encore monter, ils vont s'engueuler sur un truc qui n'aura absolument rien à voir avec la conversation de départ, puis ils vont se mettre à crier, ma mère va pleurer, disant que tout est sa faute.

Ethan ouvrit la porte de sa chambre, s'engouffrant à l'intérieur, puis il laissa ses amis entrer. Son chien Volvic se rua soudainement sur lui et le garçon se mit à le caresser tout en continuant d'un air morne :

— Après mon père va la consoler. Ils vont parler de leur couple, de leur relation, de la raison pour laquelle ils ont changé. Donc là Stéphane Franck va faire son éternel discours sur comment la fin de sa carrière politique a été un bouleversement dans sa vie. Puis, pour se rassurer, ils vont commencer à évoquer leur bon moment ensemble, genre leur premier voyage en Égypte, le mariage de ma tante, puis ils en viendront à ma naissance, se souviendront soudainement de la raison pour laquelle ils se fâchaient à la base. Donc ils vont en reparler plus calmement, trouver un terrain d'entente, puis venir me voir pour en parler. Généralement cela arrive aux à l'entours de deux heures du matin, lorsque je dors déjà et que je n'en ai strictement rien à foutre de parler avec eux.

— Oh, souffla Esther, Moi qui trouvait nos parents chiants, enchaina-t-elle en se retournant vers son demi-frère.

— Nos parents sont niais, précisa Yanis, C'est différent.

Esther acquiesça d'un geste de la tête tandis que Gabrielle se laissa tomber sur le lit d'Ethan. Fermant les yeux, elle n'écouta que d'une oreille la suite de leur conversation.

Un sourire se devina sur ses lèvres. Cela faisait longtemps que la jeune fille ne s'était pas sentie aussi bien, normale, comme avant, en quelque sorte. Cette soirée entre amis n'avait rien eu d'exceptionnel, mais elles étaient si rares depuis cette année qu'elle réalisa à quel point tout cela lui manquait : Ethan, qui avait été son copain et son meilleur ami pendant des années était aujourd'hui presque relégué à la catégorie des connaissances à laquelle elle disait bonjour rapidement chaque matin lorsqu'elle les croisait dans les couloirs du lycée. Esther, qui avait été – bien avant Ellie Lefevre - sa meilleure amie et sa confidente était aujourd'hui une tout autre personne, obsédée par Noah Khan et toutes ces conneries de popularité. Et Yanis, songea-t-elle... Non, Yanis n'avait pas vraiment changé, en réalité. Lui et Gabrielle n'étaient déjà pas très proches au collège et le lycée ne les avait que séparés encore un peu plus. C'était d'ailleurs regrettable, réalisa la jeune fille, Yanis était vraisemblablement celui qui était resté le plus naturel d'entre eux tous. Il n'avait jamais trahi personne et était resté fidèle à Ethan tout du long, se fichant de tenir tête à Noah Khan bien qu'il l'avait toujours redouté... Et qu'il le redoutait encore d'ailleurs, songea-t-elle, Vu à quel point il maintenait sa cousine à l'écart de ce type.

Consciente d'être inutile et totalement absente de la conversation, Gabrielle rouvrit les yeux pour s'installer en tailleur sur le lit, portant un regard à ses trois amis qui étaient en train de préparer un jeu de carte sur la moquette de la chambre d'Ethan.

La jeune fille allait tous les quitter dans quelques mois, ce n'était vraiment pas le moment de s'exclure. D'ailleurs, il était temps qu'elle cesse enfin toutes ses disputes infantiles et se concentre sur l'essentiel.

Son regard s'arrêta sur Ethan et elle sentit son cœur se resserrer dans sa poitrine. Un essentiel qu'elle avait laissé filé, détruit, et trompé à plusieurs reprises. Ethan aurait-il la force de lui pardonner un jour ? S'interrogea-t-elle en silence, tout en réalisant que c'était à elle de tout faire pour que ce jour arrive.  

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