Nantis

By FlorieC

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La jeunesse dorée, tel est le surnom qu'on leur donne. Il existe une rumeur qui sous-entend qu'on ne naît pas... More

[SAGA 1] L'arrogance des gens meilleurs
Chapitre 1 : If it makes you happy
Présentation : Noah Khan
Chapitre 2 : Take me as I am
Présentation : Ellie Lefevre
Chapitre 3 : Don't stop the party
Chapitre 4 : Too late
Chapitre 5 : Losing your memory
Présentation : Ethan Franck
Chapitre 6 : She drives me crazy
Chapitre 7 : Secrets
Chapitre 8 : Highway to hell
Chapitre 9 : How I needed you
Chapitre 10 : Miss misery
Chapitre 11 : Me and the devil
Présentation : Anna Joly
Chapitre 12 : Know your enemy
Chapitre 13 : Little talks
Chapitre 14 : You're not alone
Chapitre 15 : Love the way you lie
Chapitre 16 : Bad romance
Chapitre 17 : Teenage dream
Chapitre 18 : Don't wake me up
Chapitre 19 : My medicine
Chapitre 20 : Shut up and let me go
Chapitre 21 : Wicked Game
Présentation : Gabrielle Gallien
Chapitre 22 : Last Christmas
Chapitre 23 : Winter
Chapitre 24 : Let it be
Chapitre 25 : Happy New Year
[SAGA 2] L'éternité à tes pieds
Chapitre 1 : Bad day
Présentation : Jared Greggs
Chapitre 2 : The last to know
Chapitre 3 : When she believes
Chapitre 4 : Losing my religion
Présentation : Lucas Gallien
Chapitre 5 : Take control
Chapitre 6 : If you leave me know
Chapitre 7 : Stay
Chapitre 8 : Only if you run
Chapitre 9 : Just tonight
Chapitre 10 : Never let me go
Chapitre 11 : Fix you
Chapitre 12 : Damn you
Chapitre 13 : This is war
Présentation : Ruben Greggs
Chapitre 14 : Apologize
Chapitre 15 : Gives you hell
Chapitre 16 : Never say never
Chapitre 17 : Skinny love
Chapitre 18 : Alone
Présentation : Christelle Wertheimer
Chapitre 19 : Don't be a stranger
Chapitre 20 : We are young
Chapitre 21 : One Day
Chapitre 22 : Dark on fire
Présentation : Borja Escobar
Chapitre 23 : Like a virgin
Chapitre 24 : Better Together
Chapitre 25 : Happy Birthday
[SAGA 3] Dans la cour des grands
Chapitre 1 : The funeral
Chapitre 2 : Pursuit of Happiness
Chapitre 3 : Dark Paradise
Chapitre 4 : I want to break free
Chapitre 5 : A drop in the ocean
Chapitre 6 : Enjoy the silence
Chapitre 7 : Help
Chapitre 8 : I don't want to be
Chapitre 9 : Eye of the tiger
Chapitre 10 : Come back home
Chapitre 11 : Mirror
Chapitre 12 : Heartless
Chapitre 13 : Someone like you
Chapitre 14 : If I needed you
Chapitre 15 : You're not sorry
Chapitre 17 : How you remind me
Chapitre 18 : Wrecking ball
Chapitre 19 : Just give me a reason
Chapitre 20 : Can you feel the love tonight
Présentation : Gautier Lantez
Chapitre 21 : People help the people
Présentation : Yanis Perrin
Chapitre 22 : Yesterday
Chapitre 23 : Hot and cold
Chapitre 24 : Kiss me
Chapitre 25 : Only wanna be with you
[SAGA 4] La réponse des faibles
Chapitre 1 : Collide
Chapitre 2 : The lonely
Chapitre 3 : Another love
Chapitre 4 : Protect me from what I want
Présentation : Ophélie Joly
Chapitre 5 : Big big world
Chapitre 6 : Don't lie
Chapitre 7 : Undisclosed desires
Chapitre 8 : You and I
Chapitre 9 : Another day in paradise
Chapitre 10 : Just can't get enough
Chapitre 11 : Sirens call
Chapitre 12 : Too close
Chapitre 13 : Love me again
Chapitre 14 : Demons
Chapitre 15 : You are the one that I want
Chapitre 16 : Sober
Chapitre 17 : What doesn't kill you
Chapitre 18 : Too many friends
Chapitre 19 : Monster
Chapitre 20 : Broken crown
Chapitre 21 : He is my son
Chapitre 22 : Talk to me
NANTIS EN LIVRES PAPIER !
Chapitre 23 : Try
Chapitre 24 : Everybody's Got To Learn Sometime
Chapitre 25 : Wonderful life
NANTIS en livres ♥

Chapitre 16 : Burn it down

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By FlorieC



Noah Khan sortit du lycée rapidement, repositionnant sur son épaule la hanse de son sac de sport. Comme tous les jeudis, en fin d'après-midi, il se rendait à son entrainement de rugby. D'habitude, le garçon partait avec Yanis et Ethan car le père de ce dernier se proposait toujours de les emmener sur le terrain en voiture, leur évitant ainsi de traverser toute la capitale avec leurs affaires. Mais, bien sûr, depuis cette histoire avec Anna, il était exclu que Noah profite de nouveau des services de la famille Franck, et ce probablement jusqu'à la fin de sa vie. Pourtant, Noah ne s'était encore jamais vraiment inquiété de l'avenir de sa relation avec Ethan. Leur amitié avait connu des hauts et des bas – et plus particulièrement des bas ces derniers temps – mais ils avaient toujours fini par se réconcilier. Aujourd'hui était différent et Noah savait pertinemment que son baiser avec Anna ne passerait pas comme ça. Le garçon avait donc décidé de faire profil bas et en avait conclu qu'il valait mieux ne jamais aborder le sujet avec lui, histoire de se faire le plus discret possible jusqu'à ce qu'Ethan se décide enfin à lui reparler un jour... Si tant est ce que ce jour arrive avant sa mort.

— Hey Khan ! L'interrompit soudainement une voix dans ses pensées.

Rapidement, le garçon se retourna vers son interlocuteur et s'arrêta quelques instants, essayant de se remémorer d'où lui venait ce visage familier, en vain.

— Je peux te parler une seconde ? L'interrogea le garçon en face de lui.

— Non, je suis pressé, rétorqua Noah en continuant sa route.

— S'il-te-plait, c'est important !

— Comment ça pourrait l'être alors que je ne me souviens même pas qui tu es ? Explosa-t-il, furieux, en se retournant brusquement vers l'inconnu.

— Ruben, cracha le garçon, sèchement, On s'est vus plein de fois déjà !

— Le frère de Jared ? Questionna Noah alors qu'il se souvenait parfaitement de qui il s'agissait désormais.

— Au pire, on passe l'étape où tu fais semblant de te foutre de ce que j'ai à te dire et on en vient directement au sujet ? Ironisa Ruben sur le même ton.

— Qui a dit que je faisais semblant ?

— Tu es encore planté devant moi, argumenta-t-il.

— Pas faux, releva Noah en faisant glisser son sac de sport le long de son bras pour le laisser tomber sur le trottoir, Mais tu as de la chance car je pensais justement à me rouler une cigarette, enchaina-t-il en passant son sac à dos devant lui pour attraper son tabac à rouler, Tu as une minute.

— C'est à propos d'Anna, enchaina Ruben, Je sais que ça paraît fou de venir t'en parler à toi, mais j'ai vraiment besoin d'aide.

— Ça ne paraît pas fou, ça l'est, commenta Noah avant de positionner un filtre entre ses lèvres pour pouvoir rouler sa cigarette.

— Elle va très mal en ce moment.

— Hum, approuva-t-il car il ne pouvait pas vraiment parler davantage.

— Ok, continua Ruben, blasé de ce semblant d'indifférence.

Malgré tout ce qu'il s'était passé, le garçon se doutait bien que Noah se préoccupait un minimum d'Anna. Tout comme pour son frère ainé, Ruben le savait assez idiot pour être tombé dans le piège de son propre rôle.

— Elle va surement me tuer pour t'avoir dit ça, enchaina-t-il par ailleurs, Mais Anna veut se venger de son père et elle s'est mis dans la tête qu'elle le ferait souffrir en couchant avec un de ses professeurs.

Ruben esquissa un sourire en apercevant la main de Noah sursauter à la nouvelle, alors qu'il répartissait le tabac sur sa feuille. Pourtant, le visage toujours aussi impassible, le garçon répondit après avoir enlevé le filtre de ses lèvres :

— En quoi je devrais être préoccupé ?

— Elle est partie à fond dans sa vengeance, il faut que quelqu'un l'arrête !

— Pourquoi pas toi ? Ironisa Noah, Tu prétends être son meilleur ami, non ?

— Elle ne m'écoute pas du tout et, quand bien même, je ne suis pas au lycée avec vous. Je ne sais même pas de qui il s'agit.

— Moi non plus.

— Prof de théâtre, précisa Ruben.

— Oh ok, je vois, mais ne t'inquiète pas, elle n'a aucune chance.

Noah glissa sa langue sur le rebord de la feuille pour ensuite la faire rouler doucement avec ses doigts avant de porter la cigarette à ses lèvres et de l'allumer.

— Pourquoi tu dis ça ? S'intrigua Ruben, Elle m'a fait sous-entendre qu'ils se connaissaient bien.

— Anna connait tous les profs, relativisa le garçon, Ce n'est pas un scoop.

— Mais c'est aussi son prof de ju-jitsu, argumenta l'autre.

— Oui et c'est aussi un trentenaire beau gosse, souffla Noah, blasé, Sérieux, tu crois qu'Anna a sa chance avec un type comme lui ? Elle se fait des films, comme d'habitude.

— Sauf que Jared s'est aussi mis en tête de l'aider.

— Ton frère est un connard, ça non plus, ce n'est pas un scoop.

Ne pouvant pas vraiment le contredire, Ruben ne releva pas l'insulte, et Noah enchaina après avoir soufflé la fumée de sa cigarette :

— Et puis, dans tous les cas, pourquoi tu m'en parles à moi ? Je pense que je suis la dernière personne qu'Anna veut voir interférer dans sa vie. Ethan sera bien mieux que moi pour jouer au héros.

— Je ne pense pas qu'il sera ravi d'apprendre qu'elle essaye d'oublier leur rupture en couchant avec un autre type.

Pas faux, songea Noah en tirant de nouveau sur sa cigarette.

Il enchaina, curieux :

— Alors pourquoi tu n'en parles pas à Lucas ? Aux dernières nouvelles, ils se sont réconciliés.

— Je n'aime pas Lucas.

— Parce que moi, tu m'aimes bien peut-être ? Hallucina Noah, Hey, doucement, je ne suis pas du même bord que toi !

Blasé, Ruben l'incendia du regard tandis que Noah pouffa de rire, amusé par sa propre blague comme le serait un gamin de dix ans.

— Je te le demande à toi parce que tu es un relou par excellence Noah, reprit Ruben, Tu ne lâcheras pas l'affaire avant d'avoir fait tout foirer définitivement. Anna te détestera pour ça, mais, dans son cas, ça ne sera pas bien grave car tu es la personne dont elle a le moins besoin en ce moment. Même si je déteste Lucas, je ne peux pas lui demander de faire ça. Elle est trop heureuse d'avoir retrouvé son ami pour que je me permette de tout gâcher.

— Et c'est pour cette raison aussi que tu veux te débarrasser du sale boulot ? L'interrogea Noah, amusé, Pour qu'elle me déteste moi plutôt que toi ?

— Elle te déteste déjà, lui fit remarquer Ruben.

— Pas faux... Et c'est plutôt honnête de te part de m'avouer le fond de ta pensée.

— Alors tu vas m'aider ?

— Non, l'arrêta-t-il de suite, Parce que ça ne change en rien la mienne.

— Noah ! S'exclama Ruben, énervé, Qu'est-ce que ça peut te faire, bordel ? Anna te déteste déjà !

— Et ça ne sert à rien d'en rajouter une couche, cracha le garçon, Tu l'as dit toi-même ! La meilleure chose qui peut lui arriver en ce moment, c'est que je n'interfère plus dans ses histoires. J'ai assez d'Ellie dans ma vie pour comprendre ce que signifie ce genre de vengeance désespérée. Anna veut juste attirer l'attention sur elle, dépasser les limites pour qu'on vienne à son secours. Ne tombe pas dans son piège Ruben, parce que tant que tu refuseras de la laisser se rendre compte de sa connerie toute seule, elle continuera de plus en plus loin. Il y a un moment où il faut laisser les gens se sauver tout seul, sinon ça n'a plus de sens.

— Arrête, le seul sens que ça a pour toi, c'est de laisser les gens dans leur merde pour ne pas te salir les mains !

— Ce que tu fais très exactement à ce moment précis, puisque tu me demandes de faire le sale boulot à ta place, commenta Noah, ironique.

Ruben se tut, mal à l'aise, ne sachant quoi répondre, et Noah enchaina en lui tendant sa cigarette :

— Tu veux ma fin ?

— Non, j'essaye d'arrêter.

Esquissant un sourire pas le moins du monde sincère, le garçon la laissa tomber sur le sol et l'écrasa avec la semelle de ses chaussures, en profitant pour ramasser son sac de sport au passage. Il jeta ensuite un rapide coup d'œil à sa montre et grommela intérieurement. Il était définitivement en retard.

— Ne t'inquiète pas trop pour Anna, reprit-il avant de s'éloigner d'un pas, Elle est forte, elle s'en sortira, comme toujours.

— Je ne crois pas qu'elle soit aussi forte que ce qu'elle prétend.

— Je vais voir ce que je peux faire, murmura Noah, Mais je ne te promets rien.

— Je ne m'attendais pas non plus à une promesse, rétorqua Ruben, amusé, Il est courant par ici que tu ne les tiens jamais.

— J'ai pour principe de toujours tenir mes promesses, rectifia le garçon, sèchement, J'ai juste pris l'habitude de ne pas en faire, je n'aime pas me sentir obligé.

— Tu n'aimes pas grand-chose, lui fit remarquer Ruben, blasé.

— Oui, et à commencer par toi, donc fais-moi une faveur et disparais, siffla Noah en continuant sa route rapidement.

***

Ethan et Yanis s'arrêtèrent au même moment de courir, après un énième tour de terrain où ils n'avaient pas eu la force de sprinter, comme cela devait être pourtant le cas lors de leurs échauffements habituels. Dehors, la nuit commençait à tomber et les lampadaires du stade venaient de s'allumer. La température extérieure ne devait pas être loin des cinq degrés Celsius et une buée dense sortait de leurs lèvres bleuies par le froid.

— Allez, on ne se refroidit pas et on part en montée de genoux, leur hurla Éric Chaigneau en tapant dans ses mains protégées par d'épais gants en laine, Je ne veux voir personne par terre !

Les deux amis repartirent de nouveau, à petites foulées cette fois-ci, et Yanis enchaina à l'attention d'Ethan :

— Comment tu vas toi en fait ?

— Pourquoi cette question ?

Le garçon esquissa un sourire, légèrement mal à l'aise. Même s'ils étaient meilleurs amis depuis le collège, les deux jeunes hommes n'avaient jamais eu l'habitude d'être sentimental l'un envers l'autre et, par conséquent, ils se confiaient assez peu. Néanmoins, tout le monde au lycée était au courant de cette histoire entre Ethan, Noah et Anna. Yanis avait trouvé normal qu'il montre son intérêt pour la question.

— Non comme ça, répondit-il vaguement, Pour savoir.

Mais si Ethan n'avait pas envie de développer la réponse, Yanis n'allait pas insister davantage. De toute manière, il n'était pas vraiment doué pour réparer les peines de cœur. Ne serait ce parce que son histoire d'amour parfaite avec Rachel écœurait tout le monde, à commencer par Ethan qui avait du mal à reconnaître son meilleur ami parfois.

— Hey Khan ! Entendirent-ils soudainement la voix rauque d'Éric, Tu penses que tu peux arriver à l'heure que tu veux aux entrainements ?

Les deux garçons se retournèrent dans la direction de Noah et Ethan détourna de suite son regard, retenant une envie de vomir.

— Désolé coach, souffla Noah qui avait visiblement couru pour venir jusqu'ici, Il y avait des embouteillages sur la route.

— Et bien, la prochaine fois, tu viendras en courant, ça t'évitera de faire le double de tour de terrains que les autres ! Clama l'entraineur sèchement, Allez, vingt tours !

— Vingt ? Explosa Noah, Autant rentrer chez moi en footing, ça fera la même chose !

— Je ne te retiens pas.

Ethan esquissa un sourire tout en continuant ses montées de genoux. Il adorait leur coach pour la même raison qu'il haïssait Noah : leur légendaire sarcasme.

— Et les autres, vous passez aux pas-chassés maintenant ! Enchaina Éric en se retournant vers le reste de l'équipe tandis que Noah commença ses tours de terrain sans rechigner davantage.

Yanis commença à effectuer l'exercice, jetant de rapides coups d'œil à son meilleur ami. Celui-ci était en train de suivre du regard Noah qui courrait au loin, la haine se lisant clairement sur son visage.

— Tu lui as reparlé depuis cette histoire ? Se décida-t-il à l'interroger.

— Pourquoi tu poses des questions aussi chiantes aujourd'hui ? Fustigea Ethan en bifurquant son regard vers Yanis, Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

— Rien, j'essaye juste de me comporter comme un ami.

Ethan sursauta légèrement, surpris par la réponse. Il plongea son regard dans celui de Yanis, un instant de doute au fond des yeux, comme s'il venait réellement de se remémorer leur amitié.

— Parce que c'est bien ce que je suis, n'est-ce pas ? Insista Yanis, légèrement troublé par son regard.

— Dans le sens où tu n'as jamais essayé de me piquer mes copines, j'imagine que oui, tu ressembles plus à un ami que ce qui composait mon entourage auparavant, rétorqua Ethan en lançant un regard noir à Noah qui continuait de courir au loin.

— J'étais ton entourage bien avant lui, précisa toutefois Yanis, clairement vexé.

— Oui je sais, excuse-moi, j'ai du mal à avoir les idées claires en ce moment.

— Tu peux m'en parler, proposa Yanis, Je sais que ça fait un peu gonzesse de dire ça, mais, je ne sais pas, apparemment ça marche bien.

— Qu'est-ce qui marche bien ?

— Et bien discuter de ses problèmes. Rachel dit que...

— Excuse-moi Yanis, mais je ne suis pas sûr que ce soit le moment de parler de ta petite-amie, l'arrêta Ethan, Je me passerais de...

— Très bien arrêtez-vous ! Les coupa soudainement leur entraineur, Venez devant moi s'il-vous-plait... Et Khan ! Hurla-t-il à l'autre bout du terrain, Rejoins-moi avant de perdre un poumon !

Le concerné avait, en effet, effectué ses tours de terrains en sprint pour s'en débarrasser plus vite et il semblait à deux doigts de l'évanouissement.

— Très bien, donc on va travailler un peu le gainage avant de commencer, reprit Éric en se retournant vers le reste de l'équipe, tandis que Noah traversa le terrain boueux pour les rejoindre, On va faire trente secondes chaque position, sans pause. Position classique, puis après vous faites le côté droit et gauche, comme d'habitude.

Les garçons s'allongèrent dans l'herbe mouillée, profitant des quelques secondes de répit qu'ils leur restaient avant la séance de torture, et Yanis enchaina en se retournant vers Ethan :

— Tu vas à la soirée chez Maxime samedi ?

— Je ne sais pas encore, répondit-il, Toi, tu fais...

Ethan s'arrêta au milieu de sa phrase, hébété de voir Noah s'installer juste à côté de lui pour l'exercice de gainage.

— Il déconne ? Souffla-t-il à l'attention de Yanis, mais la réponse de son ami fut coupée par la voix rauque de l'entraineur qui leur intima de commencer l'exercice.

Derechef, les trois garçons ancrèrent leur coude dans le terrain boueux et soulevèrent leurs abdominaux à la force de leurs bras pour rester le plus droit possible, la pointe des pieds toujours au sol.

— Je dois te parler, murmura Noah en se retournant vers Ethan.

— Quoi ? T'es sérieux ? Tu veux faire ça maintenant ?

— Et bien disons que tu ne peux pas bouger donc ça me facilite la tâche.

— Va te faire foutre, Khan.

Bien sûr, Noah savait que la dialogue s'avérerait compliqué, mais il enchaina tout de même :

— Elle m'a repoussé.

— Tais-toi, grinça Ethan.

— Je te jure qu'elle m'a repoussé, insista-t-il, Je l'ai embrassée. Pas elle.

— C'est gentil pour l'effort, mais je ne te crois pas, souffla Ethan la mâchoire serrée à cause de ses bras qui commençaient à fléchir.

— Mais je...

— C'est bon en fait, je peux lancer le chrono ? Les interrogea Éric, ce qui entraina un soupir d'exaspération collectif... Oh ça va je plaisantais, enchaina l'homme en riant, ravi de sa plaisanterie, Il reste quinze secondes, je ne veux voir personne bouger.

Les garçons se concentrèrent sur la fin de leur exercice, laissant leur nuque tomber vers l'avant pour baisser légèrement la tension dans leur corps.

Noah ferma les yeux, se concentrant sur sa respiration, tandis qu'Ethan se mit à compter les dernières secondes restantes.

—Sur le côté maintenant et personne ne repose ! S'écria l'entraineur.

Derechef, les deux amis firent pivoter leur corps sur un de leurs bras, le changement de position venant soulager quelque peu leurs muscles. Mais le soulagement fut de courte durée pour Ethan lorsqu'il réalisa qu'il venait de se retourner vers Noah qui lui faisait clairement face.

— Oh génial, grinça-t-il, furieux.

— T'es con de la larguer mec.

— Ferme-la Khan.

— Tu fais une grosse erreur.

— Toi aussi si tu continues de me parler, cingla Ethan en se retournant pour faire travailler son autre bras.

— Hey Franck, tu crois que je ne t'ai pas vu ! Explosa Éric, Je n'ai pas dit de changer de côté maintenant !

— Il y a trop de choses qui me dégoutent de l'autre côté, rétorqua le garçon, sèchement.

— Moi, ce qui me dégoute, c'est d'avoir des joueurs aussi cons, retourne-toi et finis l'exercice !

A contrecœur, Ethan changea de nouveau de côté, se retrouvant une fois de plus face à Noah qui cachait un sourire amusé.

— Je me passerai de tout commentaire de ta part.

— Je suis désolé, ok ? Lâcha Noah, Je n'aurais pas dû faire ça.

Ethan releva son regard vers lui, surpris. C'était la première fois qu'il l'entendait s'excuser.

— J'ai merdé avec Anna depuis le début, je le sais bien.

— Alors pourquoi tu m'as fait ça ? L'interrogea Ethan qui semblait enfin vouloir reprendre la conversation.

— Aucune idée, je crois que je n'ai pas réfléchi.

— De toute façon, je m'en doutais pour vous deux, souffla-t-il.

— Si tu t'en doutais alors pourquoi tu as attendu le pire moment pour la larguer ?

— Ne me fais pas l'affront de me juger Khan !

— Sauf que toi, tu as toujours prétendu être meilleur que moi, insista Noah, Et Anna...

— Changement de côté ! Les interrompit l'entraineur.

Les deux garçons se retournèrent, se retrouvant dans l'incapacité de se parler, et ils attendirent les trente secondes en serrant des dents.

— Allez, le calvaire est terminé, déclara Éric après un coup d'œil à son chronomètre, Tout le monde debout et on commence par les plaquages pour se mettre dans le bain.

L'équipe commença à s'engager sur le terrain, prenant place à leur position habituelle, et Noah rattrapa rapidement Ethan pour continuer :

— Et puis, je ne cherche pas à me donner des excuses, mais tu pourrais essayer de me comprendre. J'étais mal à ce moment-là.

— Ah oui et je peux savoir pourquoi ?

— C'était après la mort de Betty, j'ai vu Anna pour me changer les idées et j'ai dérapé.

— Après la mort de Betty ? Répéta Ethan, consterné.

Noah sentit de suite dans son ton qu'il venait de faire une grosse connerie.

— Ou avant peut-être, tenta-t-il de se rattraper, mal à l'aise, Je ne me souviens plus vraiment.

— Vous vous êtes embrassés plusieurs fois ?! Beugla le garçon, ahuri, Bande de salauds ! Mais vous êtes pires que ce que je pensais... Et pourtant, je ne pensais pas du bien, tu peux me croire !

Désormais ce n'était plus une hypothèse, Noah avait vraiment le don pour tout foutre en l'air.

— D'accord prends-en-toi à moi si tu veux, mais laisse Anna en dehors de ça, elle n'en a vraiment pas besoin en ce moment. Elle ne va pas tarder à se foutre en l'air.

— Qu'elle le fasse, je n'en ai plus rien à foutre ! Scanda Ethan, énervé, en s'éloignant pour rejoindre Yanis à l'autre bout du terrain, Et toi, ne me regarde même plus dans les yeux ! Enchaina-t-il en fusillant du regard son ex meilleur ami.

— Oh Khan qu'est-ce que tu fous au milieu ? S'exclama la voix d'Éric en fond, Mets-toi sur ta ligne !

Sortant de son immobilisme, Noah se retourna vers le reste de son équipe et remarqua à l'instant que tout le monde l'attendait. En courant, il rejoignit la ligne qui venait de se former. Il se plaça à l'extrémité, cherchant du regard son partenaire dans la ligne d'en face. Son sourire se crispa alors qu'il comprit qu'Ethan aussi était arrivé dernier dans la formation de la file et qu'ils se retrouvaient donc tous les deux.

— Très bien, enchaina Éric lorsque tout le monde fut prêt, Au coup de sifflet, vous courrez l'un vers l'autre et la personne du côté gauche plaque celle du côté droit.

Au loin, Noah cru apercevoir un sourire sur le visage d'Ethan, probablement ravi d'apprendre qu'il allait pouvoir lui foncer dedans.

Le bruit strident du sifflet se mit à résonner dans la nuit et les deux rangées se mirent à courir l'une vers l'autre. Se sentant déjà fatigué, et peu rassuré par la force qu'Ethan allait mettre dans son plaquage, Noah commença à ralentir ses foulées en voyant le garçon approcher. Et alors qu'Ethan se penchait déjà pour pouvoir lui attraper les jambes au passage, il se releva soudainement, positionnant son avant-bras au niveau de la gorge de Noah et fonça sur son ancien ami sans s'arrêter. Avec la vitesse, son coude s'écrasa au niveau de la trachée du garçon qui tomba à la renverse à cause du choc. Le coude d'Ethan avait, en effet, tapée sur son cou avant de glisser vers le bas de sa mâchoire, lui faisant se mordre la lèvre supérieure.

— FRANCK ! Hurla la voix du coach, DEHORS !

Noah ferma les yeux et n'arriva pas à entendre la suite de la conversation, sentant déjà le goût du sang se répandre sur ses lèvres et sa langue. Il crut comprendre néanmoins des insultes en provenance de son entraineur. Éric devait être probablement surpris qu'Ethan se comporte ainsi, lui qui avait souvent été son joueur le plus exemplaire. D'ailleurs, même s'il concevait mériter ce traitement, Noah ne s'était pas attendu à tant de violence de sa part.

— Hey Noah, ça va ? S'enquit son entraineur en arrivant vers lui à vive allure, une bouteille d'eau froide à la main, Non attends ne bouge pas, l'arrêta-t-il en forçant le garçon à se rallonger sur le sol.

Éric dévissa le bouchon de la bouteille et fit couler l'eau le long de ses lèvres pour évacuer le sang qui s'y accumulait. L'entraineur grimaça légèrement en apercevant sa lèvre doublée de volume. Noah ne s'était pas loupé en se mordant.

— Putain, quand je vous dis de mettre un protège dent aussi, fustigea-t-il, furieux, en faisant couler de nouveau un jet d'eau sur ses lèvres.

— On faisait des plaquages, rétorqua Noah malgré la douleur, Il n'était pas censé me frapper à ce niveau-là.

— Oui, je sais. Il est exclu de l'équipe.

Génial, songea le garçon en silence, Déjà qu'Ethan le détestait, cela ne risquait pas de s'arranger désormais.

— Je le méritais, murmura Noah en se relevant.

— Je n'en doute pas une seconde, rétorqua Éric, Mais mon terrain n'est pas un ring de boxe. Vous faites ce que vous voulez en dehors d'ici, mais pas avec moi.

Noah se remit debout, cracha encore un peu de sang sur le sol, puis se retourna vers son entraineur qui souleva sa lèvre pour observer les dégâts.

— Bon, ça va te faire un peu mal pour manger et boire, mais ça devrait passer. Tu te sens de continuer ?

— Oui.

— Ok, recommencez tous une deuxième fois sans vous entre-tuez, je reviens.

Éric Chaigneau s'éloigna du terrain pour rejoindre les vestiaires où il venait d'apercevoir Ethan entrer. Frappant deux coups à la porte, il l'ouvrit sans attendre la réponse du garçon et se laissa tomber contre l'encadrement tout en observant son jeune joueur.

— Quoi ? Cracha le garçon.

— Je me fiche de ce qu'il se passe avec Noah. Il a peut-être tort... D'ailleurs, ça ne m'étonnerait pas que ce soit lui en faute, remarqua-t-il, Mais je ne peux pas tolérer ce genre de comportement sur mon terrain. Tu comprends Ethan ?

— Je suis exclu combien de temps ?

— Tu comprends Ethan ? Répéta-t-il plus sévèrement.

— Pour être honnête, murmura le garçon, Il le méritait et je ne regrette pas de l'avoir fait.

— Deux mois.

— Quoi ?

— Je t'exclus pendant deux mois.

— Mais vous n'avez pas le droit ! J'ai payé ma licence comme tout le monde ! S'emporta Ethan furieux, La dernière fois qu'on s'est battus avec Noah, vous ne nous avez pas exclu aussi longtemps !

— Oui la dernière fois, répéta Éric, ironique, Tu ne trouves pas que ça commence à faire beaucoup pour vos conneries ? Ce n'est même plus une histoire de fille là, c'est juste un problème d'égo. Et des gars comme ça dans l'équipe, je n'en veux pas.

L'entraineur referma la porte du vestiaire derrière lui sans rien ajouter de plus. Ethan se laissa tomber sur le banc derrière lui, se prenant la tête entre ses mains pour camoufler ses larmes. D'ailleurs, à l'instant où il en sentit une couler le long de sa joue, il l'essuya derechef avec le revers de sa main, levant les yeux au ciel pour empêcher ses autres larmes de venir couler à leur tour. Il ferma les yeux, ignorant par ailleurs qu'il se trouvait dans la pièce où Noah et Anna avaient échangé leur second baiser. Et même si cela aurait rendu l'instant plus poignante, il était préférable qu'il l'ignore.

***

Ruben et Anna se dirigèrent tous les deux vers la porte d'entrée de la maison des Gregg. A la suite de sa discussion avec Noah, Ruben avait attendu la fin du cours de théâtre de la jeune fille pour qu'ils puissent rentrer ensemble. Après sa dépression de lundi soir, le garçon avait proposé à sa meilleure amie de venir s'installer chez lui pour la semaine, vu que ses parents étaient partis en Belgique. Anna avait de suite accepté, d'autant plus que cela la rapprochait de l'endroit où elle travaillait, ce qui n'était pas un luxe sachant qu'elle terminait la plupart du temps à minuit. Bien sûr, Gautier avait moins apprécié la proposition, car cela signifiait que leur petite semaine en amoureux avait été vite oubliée. Mais, d'un autre côté, le garçon était content d'avoir enfin pu rencontrer Anna. D'après ce qu'il avait vu depuis quelques soirs, elle était aussi folle que ce qu'il avait cru comprendre à la base.

— Alors tu as conclu ton affaire avec « Monsieur j'ai vingt ans de plus que toi » ? L'interrogea Ruben alors qu'ils étaient presque arrivés à la porte d'entrée.

— David a onze ans de plus que moi.

— Oh je t'en prie, souffla son meilleur ami, dégouté, Ne l'appelle pas par son prénom !

— Il m'en a donné l'autorisation, murmura la jeune fille, espiègle.

— Je ne le connais pas, mais il me répugne déjà, grinça Ruben en enfonçant sa clé dans la serrure.

Cependant, alors qu'il voulut la tourner dans le loquet, il s'aperçut paniqué que la porte était déjà ouverte.

— Oh putain, bégaya-t-il surpris en refermant la porte illico.

— Mais qu'est-ce que tu fais ?

— Il y a quelqu'un à l'intérieur, chuchota le garçon, comme s'il avait vraiment peur qu'un micro soit en train de les enregistrer, Je ne prends pas le risque de rentrer là-dedans.

— Mais c'est quoi ton délire Ruben ? L'interrogea Anna en passant devant lui pour ouvrir la porte, Ça doit être Gautier qui a ouvert !

— Non ! L'arrêta-t-il derechef en refermant de nouveau la porte juste sous son nez, Il m'a envoyé un texto tout à l'heure et il m'a dit qu'il ne serait là qu'à dix-neuf heures !

— Et il est dix-neuf heures, souffla Anna, blasée.

— Sauf que, pour lui, ça veut dire vingt heures, il est toujours en retard.

Comme pour appuyer son affirmation, Ruben attrapa le poignet de la jeune fille pour l'obliger à reculer de la porte. En soupirant, Anna le suivit de quelques pas avant de reprendre, en secouant son bras pour qu'il la lâche :

— Et c'est quoi ton plan ? Attendre dehors comme des idiots ?

— Oui.

— Ruben ! S'exclama Anna, Pour une fois que je ne bosse pas aujourd'hui, j'aimerais bien profiter de ma soirée !

— Ne pas te faire tuer entre dans ta définition de « profiter de ta soirée » ? L'interrogea-t-il en retour.

— J'hallucine, souffla la jeune fille, Tu es complètement parano !

— Vigilant, rectifia-t-il.

Anna l'observa d'un air attristé, réalisant qu'elle n'avait encore jamais rencontré quelqu'un d'aussi peureux que lui.

— Oh attends ! S'exclama-t-il soudainement, Il faut que je vérifie un truc !

Puis il se rapprocha à nouveau de la porte d'entrée, tapant sur le bouton d'un petit boitier noir qui se trouvait juste en dessous de la sonnette.

— Oh mon Dieu, souffla-t-il, blême, Viens voir.

— Voir quoi ? L'interrogea Anna en observant le boitier à son tour sans comprendre de quoi il s'agissait.

— Le code de sécurité a été désactivé. Tu comprends ce que ça veut dire ?

— Qu'on va mourir tous les deux, murmura-t-elle, blême.

Bien sûr, elle l'avait fait exprès pour se moquer de lui, mais Ruben était parti tellement loin qu'il ne parvint même pas à déceler l'ironie dans sa voix.

— Oui, lui répondit-il, Ça veut dire que le cambriolage a été prémédité, il s'agit peut-être même d'un kidnapping pour une rançon... Ou un meurtre.

Anna lui porta un regard consterné. Son meilleur ami avait toujours eu le chic de tout exagérer.

— Si ça se trouve c'est juste Jared qui a désactivé l'alarme pour pouvoir entrer.

— Tu plaisantes ? Il ne connait même pas ma date d'anniversaire. Comment veux-tu qu'il se souvienne du code ? Et puis, il a encore ses clefs de toute façon, ça n'a aucun sens !

— Très bien, souffla la jeune fille, Alors qu'est-ce que tu proposes ?

— On s'en va, déclara-t-il catégorique.

— Et pour aller où ? C'est ta maison Ruben ! Tu ne veux pas savoir ce qu'il se passe ?

— Et toi, tu veux te retrouver découpée en morceaux dans ma cuisine ?

— Ruben... Tu es vraiment sérieux ?

— Tu es au courant que ce genre de choses arrive ?

— Tu es au courant que la télévision te monte à la tête ? Enchaina-t-elle sur le même ton.

Fatiguée de toute cette histoire, Anna ouvrit la porte de la maison et s'engouffra l'intérieur sous le regard paniqué de Ruben.

— Si tu veux jouer à l'héroïne, je ne te suivrais pas ! La menaça-t-il.

— Très bien, répondit-elle, indifférente, en s'enfonçant plus loin dans la maison.

— Non, attends-moi !

Amusée, Anna l'entendit arriver dans son dos. Elle alluma la lumière et se retourna vers le garçon qui regardait dans tous les coins de la pièce.

— Tu vois tu n'avais pas à...

La jeune fille s'arrêta soudainement au milieu de sa phrase car un bruit de pas à l'étage venait de faire craquer le parquet. Paniqués, les deux amis s'observèrent dans le blanc des yeux pendant une seconde qu'ils crurent la dernière.

— Oh putain, souffla Ruben, blême, Je te l'avais dit.

— Calme-toi, rétorqua Anna, bien qu'elle ne fût pas plus rassurée que lui, Je suis sûre que ce n'est rien.

— Et moi, je te dis qu'il y a une couille dans le pâté.

Ne comprenant pas vraiment le sens de l'expression, Anna passa outre la remarque et releva son visage vers la cage d'escalier pour écouter si le bruit continuait à l'étage.

— On devrait aller voir, suggéra-t-elle, bien qu'elle eût conscience que ce n'était pas la meilleure idée du monde.

— Alors tu passes devant.

— Quoi ?! Pourquoi moi ?

— Tu fais des arts martiaux, argumenta Ruben.

— Depuis deux semaines ! S'offusqua-t-elle.

Mais face au regard larmoyant du garçon, Anna ajouta en soupirant :

— D'accord, j'y vais.

La jeune fille grimpa donc quelques marches jusqu'à ce que son meilleur ami l'interrompe de nouveau :

— Et si jamais son complice est en bas à m'attendre ?

— Ruben, tu me soules.

— Très bien, lança-t-il, sèchement, en la suivant dans les escaliers, Mais tu auras ma mort sur ta conscience.

— Et c'est censé me traumatiser ?

Brusquement, un second bruit en provenance de la salle de bains se fit entendre et ils se figèrent tous les deux. Les poings serrés, Anna avança à tâtons en mettant ses bras en rempart et Ruben l'observa faire avant de l'interroger en chuchotant :

— Je croyais que c'était moi le parano ?

— On n'est jamais trop prudent.

La jeune fille donna un énorme coup de pied dans la porte de la salle de bains, celle-ci s'ouvrit soudainement et un hurlement s'échappa de la pièce. Paniqués, Ruben fit marche arrière et repartit en courant dans les escaliers tandis qu'Anna se précipita à l'intérieur, reconnaissant de suite la voix de son propriétaire.

— Jared ?!

— Putain ! S'écria le garçon en se frottant le menton qui était couvert de mousse à raser rougeâtre, Mais vous êtes malades de me faire sursauter comme ça !

— Qu'est-ce que t'as ?

— Je viens de me couper en me rasant ! Grimaça-t-il de douleur en rinçant la mousse pour nettoyer la plaie, Pourquoi t'as ouvert la porte comme ça, putain ?!

— Calme-toi ! Comment on pouvait savoir que c'était toi d'abord ? L'interrogea Anna, On pensait qu'il s'agissait d'un voleur.

— On ? S'étonna le garçon en observant la jeune fille désespérément seule dans la salle de bains.

Anna jeta un rapide coup d'œil autour d'elle.

— Sérieux ? Souffla-t-elle, exaspérée, Ruben, tu m'aurais abandonné comme ça ?

— Non pas du tout, mentit le garçon en faisait apparition dans la pièce, J'étais parti chercher...

Ruben s'arrêta au milieu de sa phrase pour réfléchir à un objet plausible, mais son grand frère termina à sa place :

— Ta dignité ?

— Je t'emmerde... Et puis qu'est-ce que tu fous ici d'abord ?

— Je me rasais tranquillement avant qu'une folle vienne jouer avec ma vie, répondit Jared, ironique.

— Putain, vous avez vraiment un problème avec l'exagération dans cette famille, souffla Anna, blasée, Je suis sûre que tu n'as rien du tout.

— Et moi, je suis sûr qu'il va me falloir des points de suture ! Rétorqua Jared en observant sa plaie dans le miroir au-dessus du lavabo... Enfin non, peut-être pas, d'ailleurs, remarqua-t-il en touchant sa coupure si peu profonde qu'elle avait déjà arrêté de saigner.

— Tu n'as pas répondu à ma question, enchaina Ruben, Qu'est-ce que tu fais ici ? Je croyais que tu ne voulais pas rentrer à la maison ? Et puis, depuis quand tu connais le code pour désactiver l'alarme ?

— Merci d'insinuer que je suis un abruti, commenta son frère en s'essuyant le bas du visage avec une serviette de toilette, Et pour répondre à tes questions précédentes, j'ai appris que nos chers parents adorés étaient partis en Belgique pour la semaine donc je me suis dit que j'allais en profiter pour avoir un peu de confort.

— Et tu n'as pas pensé que nos chers parents regarderaient les caméras de surveillance quand ils verront que le code d'entrée a été désactivé ? L'interrogea-t-il, Pourquoi tu n'as pas utilisé tes clefs ?

— Je trouvais ça plus drôle de m'infiltrer comme ça, et pour info, j'ai aussi éteint toutes les caméras.

— De mieux en mieux, souffla Ruben, Qu'est-ce que je suis censé leur dire moi quand ils verront ça ? Papa est au courant que Gautier va passer la semaine ici, qu'est-ce qu'il va penser quand il croira que j'ai éteint les caméras à ton avis ?

— Par pitié, épargne-moi ce genre de pensées, grimaça Jared en feintant un vomissement.

— Oh ça va, pour une fois que c'est moi qui sort ce genre d'insinuations douteuses ! S'amusa le garçon face au regard dégouté de son grand-frère.

— Justement... C'était trop sincère pour être une plaisanterie.

Et Ruben ne chercha même pas à le contredire.

— Bref, continua Jared en passant devant les deux meilleurs amis pour sortir de la salle de bains, Je vais faire quelques lessives et après je me casse.

— Tu sais comment fonctionne la machine à laver au moins ? L'interrogea Ruben.

— Oui... Enfin, non, pas vraiment, si tu veux bien me montrer.

Blasé, le garçon leva les yeux au ciel et suivit Jared jusqu'à la buanderie. Comme à leur habitude, après chaque dispute, les deux frères avaient besoin de quelques jours l'un sans l'autre pour ensuite se revoir et faire comme si rien ne s'était jamais passé, excluant donc la possibilité de trouver le moindre accord. Ainsi, Ruben savait que Jared ne lui reparlerait jamais plus d'Anna. Avait-il pour autant pris en compte sa mise en garde ? Il en doutait fortement.

***

Ellie Lefevre appuya avec son index sur la sonnette de l'appartement et attendit quelques secondes sur le palier. Finalement, la porte s'ouvrit et le visage de Jonas apparut à elle, s'assombrissant par ailleurs à sa simple vue.

— Oh la folle, commenta-t-il, ironique, en ouvrant la porte pour la laisser entrer dans l'appartement.

— Oh le campagnard, ajouta-t-elle en retour en passant devant lui, La récolte a été bonne cette année ?

— Ah, ah, feinta-t-il, blasé des clichés que les parisiens pouvaient véhiculer sur la Province.

Puis, sans même attendre son invitation, Ellie s'engouffra dans le salon puis dans la cuisine où Chloé était en train de préparer à manger pour le diner.

— Bonsoir.

— Tiens bonsoir Ellie, ça faisait longtemps qu'on ne t'avait pas vu ici ! Tu veux rester pour diner ? L'interrogea la femme tout sourire.

— Non merci, j'ai assez de mes parents pour les comédies familiales à la con, lâcha Ellie, sans vraiment réaliser qu'elle sous-entendait que le sourire dessiné sur les lèvres de Chloé cachait très mal la réalité de leur famille recomposée.

Et elle le pensait, par ailleurs.

— Enfin bref, Noah est là ? L'interrogea-t-elle pour couper court à la conversation.

— Dans sa chambre, murmura Chloé, abasourdie par le sarcasme de la jeune fille.

Sans même s'excuser, Ellie sortit de la cuisine et percuta le torse d'un homme qu'elle devina être celui de Paul Khan.

— Oh doucement ! S'exclama celui-ci en attrapant ses épaules pour la faire reculer, Qu'est-ce que tu fais ici Ellie ?

— Je dois parler à Noah.

— No' ! Hurla son père à l'attention du couloir, Ellie pour toi.

Un silence, puis un bruit de chaise se laissa entendre jusqu'à ce que, quelques secondes plus tard, Noah débarque dans le salon d'un air étonné. Il portait un jogging gris qui lui tombait sur les hanches et un sweat noir à capuche. Il venait vraisemblablement de prendre sa douche car ces cheveux étaient mouillés et qu'une serviette de toilette était encore posée autour de son cou.

— El', qu'est-ce que tu fais là ? Murmura-t-il, surpris de voir la jeune fille dans son salon.

Après tout, ils ne s'étaient pas reparlés depuis qu'Ellie avait su qu'il avait couché avec Christelle la semaine dernière... Et la jeune fille n'était pas du genre à faire le premier pas, loin de là.

— Je suis venue pour te parler.

— Désolé mais on va bientôt manger, grinça Paul qui était toujours planté devant eux deux, loin d'apprécier la présence de la jeune fille.

Paul était bien le premier à avoir remarqué son absence de cette semaine. D'habitude, Ellie était toujours chez eux, si bien qu'on pouvait se demander si ses parents étaient réellement revenus de leur voyage.

— Je n'ai pas faim, répondit Noah après un regard noir pour son père, Vous pouvez manger sans moi.

— Je prends sa part ! S'écria Jonas installé devant la télévision.

Noah s'empressa de poser sa main sur l'épaule de sa meilleure amie pour l'éloigner de son père :

— Tu veux qu'on aille discuter dans ma chambre ?

La jeune fille fit « oui » de la tête et ils rejoignirent la pièce rapidement. Noah referma la porte derrière lui et Ellie s'installa sur sa chaise de bureau. Bureau, par ailleurs, complètement artificiel puisqu'il n'y faisait jamais ses leçons. Le garçon, quant à lui, s'allongea sur son lit, en observant la jeune fille d'un air suspicieux.

— Je croyais que tu ne voulais plus me parler, lâcha-t-il pour lancer la conversation.

Même s'il réalisa à l'instant que sa remarque tendait plus à la clore qu'autre chose.

— J'ai réfléchi, murmura Ellie.

— Première nouvelle.

Sa meilleure amie l'incendia du regard pour simple réponse et Noah ajouta un esquissant un sourire :

— Ok, je t'écoute.

— Je sais qu'on s'était mis d'accord sur une relation libre, reprit Ellie en s'amusant à tourner sur son siège, Je n'aurais pas dû te reprocher d'avoir couché avec Christelle. Tu en avais le droit.

— Je ne l'aurais pas fait si j'avais su que ça t'aurait mis dans cet état, murmura Noah en se relevant de sa position allongée pour s'asseoir sur son lit, Je ne voudrais te blesser pour rien au monde.

— Je sais Noah, murmura sa meilleure amie, Et puis, j'ai repensé à toute cette histoire et à ce que m'a dit Lucas.

— Lucas ? Répéta-t-il, contrarié de savoir qu'elle lui parlait encore.

— Ce concept de relation libre, enchaina Ellie sans même remarquer son mécontentement, C'est encore une façon de se cacher.

— Se cacher de quoi ?

— De ce qu'on veut vraiment.

— Je ne comprends pas.

— Écoute, reprit-elle, gênée, Je crois qu'on sait tous les deux pourquoi est-ce qu'on s'est mis ensemble. Je voulais oublier la mort de Betty et toi, tu...

— Je ? La coupa-t-il sans comprendre.

— Toi, tu avais peur que ça aille plus loin avec Anna.

Le garçon marqua un sursaut de surpris. Visiblement, il ne s'y attendait pas à celle-là.

— Qu'est-ce que tu veux me dire Ellie ?

— Je veux te dire que tu as le droit.

— Le droit de quoi putain ?

— De sortir avec elle ! S'exclama la jeune fille, fatiguée qu'il soit aussi borné.

— Pardon ? Bégaya-t-il, surpris, Mais il n'est pas du tout question de ça pour moi ! Tu dis n'importe quoi ! Je ne veux pas...

— Qu'est-ce qu'il t'est arrivé à la lèvre ? L'interrompit soudainement la jeune fille en remarquant qu'elle était légèrement plus gonflée que d'habitude et qu'il avait du mal à parler, Comment tu t'es fait ça ?

— Au rugby, ce n'est rien. Et puis, ce n'est pas le problème ! Qu'est-ce qui te fait dire que je voudrais être avec Anna ?

— Elle n'est plus avec Ethan désormais.

— Oui... Mais elle me déteste.

— Comme d'habitude, commenta Ellie, Et ça ne durera pas longtemps si tu veux mon avis.

— Peut-être, songea-t-il, Mais je ne comprends pas ce revirement de situation. Je croyais que tu détestais cette fille ?

— C'est le cas. Tout comme tu as détesté Jared, Lucas, et même tous mes petits-amis depuis qu'on se connait. Tu les détestais, mais, à chaque fois, tu m'as laissé vivre mon expérience. Je n'ai pas le droit de t'en empêcher, ce ne serait pas juste.

— Lucas, c'est différent des autres et je n'ai jamais accepté de te laisser avec lui, l'arrêta Noah, Et ralentis. Je n'ai aucunement l'intention de sortir avec Anna.

— Arrête Khan, tout le monde le voit ! Ça fait des mois que vous vous tournez autour tous les deux !

— Tu te trompes, je joue, c'est tout. Je l'ai juste embrassé, ça ne veut rien dire pour moi !

— C'est faux Noah, le coupa Ellie, amusée, Tu tiens à elle plus que tu ne le penses... Parce que si on y réfléchit vraiment, les deux seules personnes que tu n'as encore jamais osé toucher, c'est moi et elle. Enfin, excepté la fois où on ne s'en souvient pas pour nous deux, mais je ne doute pas que si tu avais été dans ton état normal, il ne se serait rien passé. Et puis avec Anna, je suis sûre que tu as déjà eu des centaines d'occasion pour passer à l'acte mais tu ne l'as jamais fait. Pourquoi ?

— Mais je n'en sais rien ! S'exclama-t-il, contrarié par ses insinuations, Ce n'est pas venu, c'est tout.

— En fait, tu as une logique inverse à celle des gens normaux, continua Ellie, imperturbable, Quand tu refuses d'aller plus loin avec une fille, c'est parce que tu tiens à elle.

— Et pourquoi je ferais ça ?

— Parce que tu as peur Noah, t'as peur de ne pas être à la hauteur et tu n'as pas l'habitude d'être confronté à ça. Tu sais, je crois que tu es bien plus romantique que tu ne l'imagines.

— Tu délires, l'arrêta-t-il, fermement, Je crois que tes séances chez le psy te montent à la tête, ne m'analyse pas, c'est ridicule.

— Pas plus que de rester aussi borné que toi, cracha Ellie, Franchement No', t'es capable de croire en Dieu à une époque où la religion est juste une énorme blague pour tout le monde, mais tu n'es pas foutu de t'engager dans quoi que ce soit, avec moi ou même avec elle !

— Mais c'est quoi votre putain de rapport ? Explosa le garçon, consterné.

— Que ce soit clair, reprit-elle sans répondre à sa question, Je n'essaye pas de te pousser dans les bras de cette fille. Pour moi, Anna n'en vaut clairement pas la peine. Je ne comprends même pas pourquoi tu lui as parlé à la base.

— Alors pourquoi est-ce qu'on a cette discussion ?!

— Parce que c'est le principe qui m'énerve. J'en ai marre de te voir comme ça. Comment est-ce que je pourrais faire confiance à un type qui ne s'engage jamais dans rien ?

— Tu déconnes ? Souffla-t-il, estomaqué, Qui était complètement bourrée dans une fontaine il y a quelques semaines de cela pour hurler au monde entier qu'il fallait vivre dangereusement ?

— Mais toi, tu ne vis pas dangereusement, rétorqua Ellie, Tu vis lâchement.

— Je vis exactement comme toi, précisa Noah, froidement.

— Non, moi je suis sortie avec Jared, puis avec Lucas. J'ai pris des risques.

— Alors pourquoi tu n'es plus avec eux aujourd'hui ? Tu n'es pas foutu de t'engager dans la durée toi non plus. Ne me juge pas.

— Mais toi, tu n'as même pas essayé !

— Quel intérêt si c'est pour finir comme toi ? Lâcha-t-il, sourdement, Tu es tellement pathétique quand tu es amoureuse.

— Pardon ?

— J'ai repensé à ce que tu m'as dit un jour, qu'on perdait toujours ce qu'on ne méritait pas. Je crois que ça marche dans l'autre sens aussi... Toi, enchaina Noah, Tu aimes seulement ce que tu penses avoir mérité : Jared, Lucas. Tu tombes amoureuse des mecs qui te font du mal, parce que tu ne penses pas mériter mieux qu'eux.

— C'est une pensée très profonde pour quelqu'un qui ne supporte pas la psychologie, ironisa la jeune fille en se rapprochant de lui, Quelle conclusion en est ressortie ?

— Je me suis dit que tu avais peut-être raison de fonctionner comme ça, murmura Noah alors qu'elle continuait à se rapprocher, Après tout, c'est vrai, je ne vois pas qui pourrait vraiment te supporter à par eux.

— Va te faire foutre ! Scanda sa meilleure amie en le frappant à l'épaule.

Le garçon se recula en riant, puis il s'arrêta pour regarder la jeune fille dans les yeux.

— Putain, tu m'as manqué, souffla-t-il en esquissant un sourire.

— Toi aussi, connard, rétorqua Ellie en le serrant dans ses bras.

***

Ruben attrapa les œufs un à un, les cassant dans son saladier tout en regardant d'un mauvais œil Anna et Jared qui discutaient du plan de la jeune fille pour coucher avec David Miller depuis déjà une demi-heure. Ils étaient tous les deux installés autour de la table de la cuisine pendant que lui préparait tout seul le repas de ce soir. Furieux de les entendre discuter de ce plan absurde sans même se préoccuper de sa réticence, Ruben cassa brusquement le dernier œuf entre ses doigts et des coquilles tombèrent dans la pâte.

— Et merde, pestiféra-t-il, furieux.

— Tu as besoin d'aide ? L'interrogea Anna en se retournant vers lui.

— J'ai surtout besoin que vous arrêtiez de parler de ce plan à la con, grinça le garçon en essuyant ses mains pleines d'œuf sur un torchon, Et Jared, qu'est-ce que tu fiches encore ici ? Je croyais que tu devais juste laver tes fringues.

— Elles sont en train de sécher, rétorqua son grand-frère, Et j'en ai marre de manger des kebabs tous les soirs. Je pense que je vais rester un peu plus longtemps finalement. Tu prépares quoi ?

— Un gâteau, si vous en voulez, vous feriez mieux de m'aider au lieu de discuter de quelque chose qui n'arrivera jamais.

— Tu sous-estimes Anna, lança Jared en se relevant de sa position assise pour aller jeter un coup d'œil à la recette de Ruben, Je pense qu'elle peut le séduire.

— Je ne la sous-estime pas, cracha le garçon, Au contraire, c'est plutôt toi qui le fait en l'encourageant à se prostituer !

— Vous êtes au courant que je suis dans la pièce ? Interrogea Anna.

— Se prostituer ? Répéta Jared en ignorant la jeune fille, Excuse-moi mais tu es celui qui fait des choses dégueulasses – sexuellement parlant – dans cette pièce.

— Quand tu auras fini avec ton homophobie, tu pourras peut-être atterrir dans notre siècle ? Ironisa Ruben en l'incendiant du regard.

Il reposa son fouet sur le plan de travail pour pousser son livre de recette vers son frère et il ajouta, sèchement :

— Occupe-toi plutôt des proportions.

Blasé, Jared lu rapidement la recette et chercha les aliments dans la cuisine, tandis qu'Anna se décida finalement à relancer la conversation :

— Ruben, ce n'est pas une question de prostitution, il n'y a absolument pas d'argent en jeu.

— Coucher pour obtenir quelque chose, c'est de la prostitution, l'arrêta-t-il.

— Un homo avec une morale ? Interrogea Jared dans le fond, On aura tout vu.

Le garçon devait probablement se rapprocher très exactement de la définition du mot « lourd ». Face à l'absence de réponse des deux meilleurs amis, il ajouta, vexé :

— Je plaisantais.

— Qu'est-ce que tu fiches avec toutes ces petites cuillères dans les mains ? Le questionna son frère, décidant de ne pas relever la remarque précédente.

— Je ne sais pas, sur la recette, il est marqué qu'il faut six cuillères à café de sucre roux, répondit-il en les étalant sur le plan de travail.

— Tu déconnes ? Souffla Ruben hébété tandis qu'Anna explosa de rire.

— Mais oui, je déconne ! Pouffa Jared en les ramassant, Putain, je ne suis pas si con.

— Permets-moi d'en douter.

Le garçon incendia Ruben du regard tout en rangeant les cuillères dans le tiroir de la cuisine.

Puis Jared ajouta, tristement :

— Tu m'offenses quelques fois tu sais.

— Qui fait des blagues homophobes ici ? L'interrogea son frère en retour.

— Et bien ! S'exclama Gautier en faisant soudainement irruption dans la pièce, Vous vous entendez toujours aussi bien vous deux, ça fait plaisir !

— Oui et bien ce n'est pas ta gueule de con qui va arranger les choses.

— Jared ! S'exclama Ruben avant de se faire embrasser par son petit-ami, ce qui coupa court à toute insulte de sa part.

— Salut Anna, enchaina Gautier, nullement vexé par la remarque, Tu vas bien aujourd'hui ?

— Si tu arrêtais de me poser la question tous les jours sur ce ton, j'aurais moins l'impression d'être une pauvre folle déprimée, lui répondit la jeune fille, sarcastique, Mais oui, sinon ça va.

Ruben lança un regard plein de sous-entendu à sa meilleure amie et son frère. A trop trainer ensemble, ils étaient presque devenus aussi cons l'un que l'autre.

— Vous faites quoi ? Les interrogea Gautier qui préférait ne pas relever la mauvaise humeur ambiante.

— Un gâteau pour ce soir.

— Cool, commenta-t-il en venant déposer un baiser sur la joue de son petit-ami, sous le regard inquisiteur de son grand frère.

Ruben se retourna vers Gautier pour pouvoir l'embrasser de nouveau sur les lèvres, caressant les joues froides du garçon.

— Il va bien ton petit neveu ?

— Oui il commence à ressembler à quelque chose, plaisanta Gautier, Tu devrais venir le voir un soir.

— Oui avec plaisir j'ai...

— Comment vous vous êtes rencontrés tous les deux ? Les coupa soudainement Jared dans leur conversation.

— Parce que ça t'intéresse ? Lança Ruben, surpris.

— Bien sûr.

— On s'est rencontrés au lycée, lui répondit Gautier, Ma mère travaille dans le même cabinet que votre père et ils ont parlé de nous, enfin de notre homosexualité. Ma mère m'a dit que ça se passait mal entre Ruben et ses parents donc je suis venu lui parler de mon expérience et voilà.

— Hum, commenta-t-il, Et vous êtes ensemble depuis combien de temps ?

— Une semaine à peu près.

— Et tu dors déjà ici ? Souffla Jared, hébété, C'est un peu rapide je trouve.

— Depuis quand ma vie sexuelle t'intéresse ? L'interrogea Ruben.

— Vie sexuelle ?! Répéta-t-il, amusé, S'il-vous-plait, on peut être sérieux deux minutes ?

— Je peux le frapper ? Proposa Anna qui n'avait pourtant pratiquement pas participé à la conversation.

— Oui, répondit le couple à l'unisson.

Anna passa donc sa main derrière le crane du garçon dont la tête fut projetée en avant brutalement.

— Hey ! S'offusqua-t-il, Je plaisantais !

— Comme d'habitude, grinça Ruben, Quand est-ce que tu te rendras comptes que tu n'es pas drôle ?

— Quand tu sauras ce qu'est le véritable humour je suppose... Enfin bref, enchaina Jared en se relevant, Je me sens légèrement de trop ici, je crois que je vais aller manger un kebab finalement.

— On ne te retient pas, lâcha son frère, sèchement.

Jared sortit de la pièce, attrapant son manteau dans le salon, et commença à l'enfiler avant de s'écrier :

— Ah merde mon linge !

Ruben l'entendit se rendre dans la buanderie et il cria à son attention :

— Heureusement que ta tête est accrochée à ton corps, tu l'oublierais !

Le visage de Jared réapparut soudainement dans l'entrebâillement de la porte et il répondit, estomaqué :

— J'ai honte de toi, parfois.

— Attends-moi deux minutes ! S'exclama Anna en suivant le garçon qui était reparti vers la buanderie.

La jeune fille s'arrêta au pas de la pièce qui sentait la lessive à plein nez et elle ajouta à l'attention de Jared qui était accroupi devant le sèche-linge pour récupérer ses affaires.

— Dis, cette histoire avec David, tu trouves toi aussi que ça va trop loin ?

— Comment ça ?

— C'est peut-être une mauvaise idée finalement.

— C'était la tienne, l'idée, commenta Jared en se relevant pour lui faire face.

— Et ça ne change en rien le fait qu'elle soit mauvaise.

— Pas faux.

— Tu penses que je devrais laisser tomber ? Le questionna Anna, Je crois que je me suis accrochée à cette histoire pour ne pas voir la réalité.

— Quelle réalité ?

— Que je suis toute seule, répondit-elle, tristement, Ethan m'a largué et je suppose que ce n'est qu'une question de jours pour qu'il se remette avec Gabrielle, Ruben est en harmonie parfaite avec Gautier, mon père s'est trouvé quelqu'un, et même les deux personnes les plus insociables de cette ville sont en couple.

Devant le regard interloqué de Jared, Anna précisa avec une grimace de dégout :

— Noah et Ellie.

— Évite de me le rappeler, s'il-te-plait, j'essaye de l'oublier.

— Je crois qu'en fait, je voulais juste plaire à quelqu'un, reprit Anna pour revenir à leur conversation de base, Et je suis tellement désespérée que j'espérais que ça vienne de mon prof de théâtre.

— Je comprends, murmura Jared en fronçant des sourcils, l'air de réaliser quelque chose d'important.

Parce qu'au fond, n'était-ce pas ce qu'il faisait, lui aussi ? Chercher à tout prix à plaire à la meilleure amie de son petit-frère, uniquement pour oublier qu'il était complètement seul ?

Le visage du garçon s'assombrit lorsqu'il posa son regard sur Anna. Et enfin, il comprit. Il comprit qu'il commençait à tomber amoureux d'une fille paumée, malheureuse et follement amoureuse d'un type qu'il haïssait par-dessus tout. La comparaison était si flagrante qu'il se demanda à l'instant pourquoi il n'avait pas réalisé plus tôt qu'Anna n'était que le reflet d'Ellie. Peu importe leur différence physique, morale, intellectuelle, elles partageaient cette même base destructrice : une famille incomplète, un manque cruel d'attention, un semblant de confiance en soi et un désir incompréhensible pour l'homme qui incarnait tous ses défauts : Noah Khan. 

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