Nantis

Von FlorieC

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La jeunesse dorée, tel est le surnom qu'on leur donne. Il existe une rumeur qui sous-entend qu'on ne naît pas... Mehr

[SAGA 1] L'arrogance des gens meilleurs
Chapitre 1 : If it makes you happy
Présentation : Noah Khan
Chapitre 2 : Take me as I am
Présentation : Ellie Lefevre
Chapitre 3 : Don't stop the party
Chapitre 4 : Too late
Chapitre 5 : Losing your memory
Présentation : Ethan Franck
Chapitre 6 : She drives me crazy
Chapitre 7 : Secrets
Chapitre 8 : Highway to hell
Chapitre 9 : How I needed you
Chapitre 10 : Miss misery
Chapitre 11 : Me and the devil
Présentation : Anna Joly
Chapitre 12 : Know your enemy
Chapitre 13 : Little talks
Chapitre 14 : You're not alone
Chapitre 15 : Love the way you lie
Chapitre 16 : Bad romance
Chapitre 17 : Teenage dream
Chapitre 18 : Don't wake me up
Chapitre 19 : My medicine
Chapitre 20 : Shut up and let me go
Chapitre 21 : Wicked Game
Présentation : Gabrielle Gallien
Chapitre 22 : Last Christmas
Chapitre 23 : Winter
Chapitre 24 : Let it be
Chapitre 25 : Happy New Year
[SAGA 2] L'éternité à tes pieds
Chapitre 1 : Bad day
Présentation : Jared Greggs
Chapitre 2 : The last to know
Chapitre 3 : When she believes
Chapitre 4 : Losing my religion
Présentation : Lucas Gallien
Chapitre 5 : Take control
Chapitre 6 : If you leave me know
Chapitre 7 : Stay
Chapitre 8 : Only if you run
Chapitre 9 : Just tonight
Chapitre 10 : Never let me go
Chapitre 11 : Fix you
Chapitre 12 : Damn you
Chapitre 13 : This is war
Présentation : Ruben Greggs
Chapitre 14 : Apologize
Chapitre 15 : Gives you hell
Chapitre 16 : Never say never
Chapitre 17 : Skinny love
Chapitre 18 : Alone
Présentation : Christelle Wertheimer
Chapitre 19 : Don't be a stranger
Chapitre 20 : We are young
Chapitre 21 : One Day
Chapitre 22 : Dark on fire
Présentation : Borja Escobar
Chapitre 23 : Like a virgin
Chapitre 24 : Better Together
Chapitre 25 : Happy Birthday
[SAGA 3] Dans la cour des grands
Chapitre 1 : The funeral
Chapitre 2 : Pursuit of Happiness
Chapitre 3 : Dark Paradise
Chapitre 4 : I want to break free
Chapitre 5 : A drop in the ocean
Chapitre 6 : Enjoy the silence
Chapitre 7 : Help
Chapitre 8 : I don't want to be
Chapitre 9 : Eye of the tiger
Chapitre 11 : Mirror
Chapitre 12 : Heartless
Chapitre 13 : Someone like you
Chapitre 14 : If I needed you
Chapitre 15 : You're not sorry
Chapitre 16 : Burn it down
Chapitre 17 : How you remind me
Chapitre 18 : Wrecking ball
Chapitre 19 : Just give me a reason
Chapitre 20 : Can you feel the love tonight
Présentation : Gautier Lantez
Chapitre 21 : People help the people
Présentation : Yanis Perrin
Chapitre 22 : Yesterday
Chapitre 23 : Hot and cold
Chapitre 24 : Kiss me
Chapitre 25 : Only wanna be with you
[SAGA 4] La réponse des faibles
Chapitre 1 : Collide
Chapitre 2 : The lonely
Chapitre 3 : Another love
Chapitre 4 : Protect me from what I want
Présentation : Ophélie Joly
Chapitre 5 : Big big world
Chapitre 6 : Don't lie
Chapitre 7 : Undisclosed desires
Chapitre 8 : You and I
Chapitre 9 : Another day in paradise
Chapitre 10 : Just can't get enough
Chapitre 11 : Sirens call
Chapitre 12 : Too close
Chapitre 13 : Love me again
Chapitre 14 : Demons
Chapitre 15 : You are the one that I want
Chapitre 16 : Sober
Chapitre 17 : What doesn't kill you
Chapitre 18 : Too many friends
Chapitre 19 : Monster
Chapitre 20 : Broken crown
Chapitre 21 : He is my son
Chapitre 22 : Talk to me
NANTIS EN LIVRES PAPIER !
Chapitre 23 : Try
Chapitre 24 : Everybody's Got To Learn Sometime
Chapitre 25 : Wonderful life
NANTIS en livres ♥

Chapitre 10 : Come back home

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Von FlorieC


                Ellie sursauta au moment où la sonnerie des cours se mit à retentir dans la classe, la tirant par la même occasion de son demi-sommeil. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas entendu ce son détestable, puisqu'elle n'était pas retournée au lycée depuis la fin des vacances des février, il y avait deux semaines de cela.

Les élèves autour d'elle commencèrent à ranger leurs affaires pour se rendre dans le cours suivant et la jeune fille suivit le mouvement. Elle ferma son cahier dans lequel elle n'avait rien écrit et l'enfourna dans son sac à dos.

Ellie releva ensuite son visage vers la sortie et aperçut sa meilleure amie l'attendre près de la porte. Rapidement, donc, elle fit coulisser la fermeture éclair de son sac et se dépêcha de rejoindre Gabrielle. Mais alors qu'elle était en train de traverser la classe, elle entendit la voix de sa professeure de mathématique l'appeler.

Blasée, elle se retourna lentement vers la vieille femme et celle-ci enchaina :

— Mademoiselle Lefevre, vous voulez bien rester avec moi quelques minutes ? J'ai à vous parler.

— J'ai cours de physique, l'arrêta la jeune fille.

— Peu importe, je vous ferai un mot d'excuse.

Sentant qu'elle n'avait pas vraiment le choix, Ellie se retourna vers Gabrielle et lui fit signe de ne pas l'attendre. Elle bifurqua ensuite son regard vers le bureau de sa professeur principale, Madame Corinne Leblanc, et s'y rendit pour s'y adosser tandis que celle-ci était en train d'essuyer les équations inscrites sur le tableau.

— Je suis ravie de constater que vous êtes de retour parmi nous. Votre absence commençait à devenir inquiétante.

— J'ai eu... Pas mal de problème.

— Je sais, murmura Corinne Leblanc en se retournant vers elle, Le lycée est au courant de tout cela.

— Alors qu'est-ce que vous voulez me dire ?

— Vous êtes une bonne élève, mais malheureusement vous ne venez pas assez en cours. Je sais que deux semaines dans une vie peuvent paraître complètement insignifiantes, mais deux semaines dans une année de baccalauréat c'est beaucoup. Beaucoup trop... Vous avez pris du retard sur tous vos camarades, spécialement dans cette classe qui avance très vite dans les matières scientifiques. Je ne vous cache pas que le rattrapage va s'annoncer compliqué.

— Et je ne vous cache pas que je ne compte pas vraiment rattraper, commenta la jeune fille.

— Très bien, commenta sa professeure, Alors nous nous reverrons l'année prochaine.

— Avec plaisir ! Ironisa Ellie, car, de toute manière, il était hors de question qu'elle redouble sa terminale dans ce lycée de faux cul.

Sans d'autres commentaires, la jeune fille s'empara de son sac qu'elle avait laissé tomber sur le sol et sortit de la salle de classe en refermant brutalement la porte derrière elle. Elle traversa le couloir à vive allure, attrapant sa longue chevelure brune pour s'en faire un chignon au-dessus de la tête, et remonta les manches de son pull en laine gris. A la vue des cicatrices sur son bras gauche, elle les redescendit aussitôt en se maudissant d'oublier ce détail à chaque fois. Les médecins lui avaient promis que le plus gros des cicatrices auraient disparus dans un an, maximum deux. Elle avait donc tout intérêt de garder ça cacher, au moins pour la fin du lycée.

— Ellie ! S'exclama une voix dans son dos.

Sursautant, elle reconnut d'instinct la voix de son meilleur ami et elle se retourna vers lui en l'interrogeant, blasée :

— Tu n'es pas en cours Khan ?

— Toi non plus, lui fit-il remarquer en la rejoignant pour continuer le chemin avec elle.

— Mais j'y vais là.

— Moi aussi, ajouta de nouveau le garçon en souriant.

La jeune fille ne voulut pas répondre. Elle continua donc son chemin en silence et Noah continua sur ses pas :

— Alors tu t'es calmée depuis hier ?

— Non, je suis toujours énervée, grinça-t-elle entre ses dents, Ça se voit, non ?

— Ok fais-moi la gueule tant que tu veux, mais dis-moi juste si...

Remarquant qu'elle ne l'écoutait pas du tout, Noah augmenta ses foulées de façon à se mettre devant elle pour lui barrer le chemin et il répéta plus fermement cette fois-ci :

— Dis-moi juste si tu as pris la pilule du lendemain ? Qu'on limite les risques, au moins.

— Hum, marmonna-t-elle en le contournant.

Derechef, le garçon s'empara de son bras ce qui l'obligea à se retourner de nouveau vers lui et il s'exclama :

— Ellie, putain, tu ne l'as même pas prise !

— Oui et bien j'ai oublié avec tout ça ! S'emporta-t-elle en dégageant son bras de son étreinte.

— Oublier ?! Répéta-t-il, ahuri, Mais tu n'avais que ça à penser ! Sérieux, t'arrive vraiment à avoir autre chose en tête que ce qui est en train de nous arriver en ce moment ?!

— Oui, lui assura-t-elle, Excuse-moi, mais je ne suis pas Anna. Je ne pense pas H24 à toi !

— Je ne parle pas de moi, mais de ça ! Grinça Noah sèchement en désignant son ventre.

— Chut, siffla sa meilleure amie en jetant un coup d'œil paniqué autour d'elle, Mais t'es malade ! Tu veux que quelqu'un nous entende ?!

— Viens avec moi, déclara-t-il en attrapant sa main.

— Quoi ? Mais où ça ?

— A la pharmacie ! Explosa Noah, On ne va pas attendre plus longtemps ! Je t'emmène !

— Non, s'offusqua la jeune fille en retirant sa main, J'ai cours de physique !

— T'as loupé deux semaines, chérie, ce n'est pas une pauvre heure de cours qui va changer ton année. De toute façon, tu n'auras jamais ton bac !

— Toi non plus crétin, car même en assistant à tous tes cours, tu restes un complet abruti !

Habitué par ses sarcasmes, Noah s'empara de nouveau de sa main et déclara :

— Un abruti qui à autre chose à foutre de sa vie que d'être papa donc on y va maintenant. Ce n'était pas une question.

— Je t'emmerde.

— Pardon ?

— Si ce n'était pas une question, moi, j'avais quand même une réponse, l'incendia-t-elle en passant devant lui, lâchant sa main par la même occasion.

— Je te hais Ellie.

— Moi aussi, lui assura la jeune fille.

Pour assurer son affirmation, Ellie ouvrit en grand les imposantes portes du lycée Saint-Richard et descendit les marches d'un pas déterminé pour rejoindre la petite cour, à l'entrée du bâtiment.

Noah la rattrapa rapidement avant de la prendre par les épaules et de murmurer :

— Arrête de me faire la gueule El', je n'aime pas ça.

Incapable de résister à sa voix mielleuse, Ellie attrapa la main du garçon, posée sur son épaule gauche, et elle déposa ses lèvres tendrement dans sa paume avant d'ajouter :

— Je suis incapable de te faire la gueule No', tu le sais très bien... Alors arrête, je t'en prie, avec ton charme à deux balles.

— Mon charme à deux balles ? Répéta-t-il, vexé, Avoue que tu craques complètement quand je te fais ce regard-là.

Ellie bifurqua son regard vers lui, observant amusée ses yeux de chiens battus, et rétorqua :

— Oui d'accord, mais arrête de faire ça, je ne peux pas t'embrasser ici ! C'est de la torture.

— Ici non, mais là-bas... Enchaina le garçon espiègle en lui désignant une petite rue sombre qui contenait des conteneurs à poubelle.

— Ah oui, minauda la jeune fille en esquissant un sourire, Mais on ne devrait pas d'abord chercher cette foutue pilule avant de pondre un deuxième gosse ?

— Oui c'est vrai, se raisonna Noah en leur faisant changer de direction pour rejoindre la pharmacie à l'angle de la rue, Il ne faut pas exagérer... Deux fœtus café au lait dans le bide, on ne sait jamais, ils pourraient se réunir et finir complètement noir !

— Tu te fous de ma gueule là ?

— Un peu, lui accorda-t-il en déposant un baiser sur sa tempe.

***

Ruben et Gautier sortirent du lycée en observant le ciel plutôt ensoleillé pour ce moment de l'année. Profitant de leur pause déjeuner, les deux garçons avaient décidé d'aller manger à l'extérieur, dans un fast-food du quartier. Une fois qu'ils furent sortis de leur établissement, Ruben attrapa son paquet de cigarettes dans la poche externe de son sac à dos. Il en prit une qu'il coinça entre ses lèvres et tendit son paquet à Gautier qui refusa poliment d'un signe de la tête.

— Je ne fume pas.

— C'est bien, commenta Ruben, impressionné, en rangeant son paquet dans son sac qu'il replaça ensuite sur son dos, Je devrais prendre exemple sur toi.

— Combien de temps que tu as commencé ?

— Seconde, répondit-il en mettant sa main en barrage contre le vent pour allumer sa cigarette, Pour faire comme tout le monde.

Gautier se contenta d'esquisser un sourire, amusé que le garçon ne cherche même pas à cacher ce que tout le monde refusait de reconnaître.

Ruben ajouta après avoir soufflé la fumée dans les airs :

— Déjà que j'étais gay, j'ai préféré me fondre dans le moule, ne pas attirer l'attention.

— T'es con.

— Mais c'est tout à ton honneur de ne jamais avoir commencé ! Se reprit-il en se tournant vers lui, Je ne dis pas que tu es bizarre ou quoi que ce soit.

— Je fumais avant, l'interrompit Gautier, Avant que mon père ne meure d'un cancer des poumons.

Il s'arrêta un instant, se retourna vers Ruben, et observa sa cigarette avant d'ajouter :

— Ça m'a coupé l'envie d'avaler du goudron.

— Oh, murmura le garçon, mal à l'aise, Désolé, je l'ignorais... Tu préfères que je l'éteigne ?

— Non, non, pas du tout ! S'exclama Gautier en riant, Je ne disais pas ça pour ça. C'est un choix personnel, après tu fais ce que tu veux.

— Ouais enfin, clairement, tu préférerais que je ne fume pas ? L'interrogea Ruben.

— On ne sort pas ensemble, lui rappela Gautier, Tu ne me dois rien de particulier.

— Pas encore...

— Quoi ?

— On ne sort pas encore ensemble, murmura Ruben un sourire en coin.

Il était lui-même surpris d'avoir fait cette insinuation sans aucune gêne.

— Car si on sortait ensemble, tu serais capable d'arrêter de fumer pour moi ? Le questionna Gautier, après un instant de silence.

— On verra quand la situation se posera, lui répondit Ruben en laissant tomber sa cigarette sur le sol pour l'écraser avec la semelle de ses chaussures, Mais, en attendant, je pense être capable de me contrôler quand tu seras là.

— Tu es trop généreux, commenta Gautier, Je peux supporter la fumée, tu sais, ça ne me dérange pas.

— Ouais et je suis surtout trop con, pouffa-t-il en observant la cigarette presque entière qu'il venait d'écraser sur le trottoir, Ça coute trop cher, ces conneries. Je n'aime pas balancer de l'argent par les fenêtres.

Gautier leva les yeux au ciel en riant puis passa son bras autour de ses épaules pour qu'ils continuent d'avancer. Ils se connaissaient depuis peu tous les deux, pourtant, le garçon avait l'impression de le connaître depuis toujours. Il aimait la manie de Ruben de se passer une main dans les cheveux toutes les trente secondes, il aimait ses expressions françaises ridicules, il aimait la façon dont il parlait d'Anna et de Jared, il aimait son look de bourgeois et aimait plus que tout que, malgré cette apparence, il n'en ressemblait en rien.

— Tu veux faire quelque chose ce week-end ? L'interrogea-t-il, Un ciné ? Une patinoire ? Un bowling ?

— Un film chez toi ? Proposa Ruben.

— Euh oui aussi, si tu veux.

Alors que Gautier allait énumérer les DVD de sa collection, une voiture noire teintée se gara sur le trottoir. Ils s'arrêtèrent tous les deux face au véhicule.

— Mais qu'est-ce qu'il fait, ce con ?! S'étrangla Ruben qui avait bien failli se faire écraser les pieds, Il ne peut pas faire gaffe ?! Les parisiens conduisent vraiment comme des pieds !

La portière de la voiture s'ouvrit et un homme en costard s'en extirpa, laissant échapper au garçon un cri de stupeur.

— Papa ?!

— Bonjour mon garçon, rétorqua Boris pour simple réponse en se plantant devant les deux jeunes hommes.

— C'est quoi le plan ? Cracha son fils, hébété, Me virer de la maison ne te suffit pas ? Tu veux me tuer maintenant ?

— Ne raconte pas n'importe quoi, le gronda l'homme de son regard sévère, Et puis, je te rappelle que je ne t'ai pas viré, tu es parti avec ton frère.

— Vous n'avez rien fait pour nous retenir non plus, ironisa le garçon en passant une main dans ses cheveux, ce qui amusa Gautier, bien que la situation ne fût pas réellement plaisante.

Mais c'était plus fort que lui, il adorait le voir jouer avec sa touffe de boucles brunes.

— Écoute, reprit son père, Avec ta mère, on a peut-être fait une erreur, mais nous allons réparer ça.

— Comment ?

— Pour commencer, nous irons te chercher chez les Joly ce soir. Après le lycée on te laissera le temps de faire tes bagages et de dire au revoir, puis on te ramènera à la maison.

— Et tu penses vraiment que je vais vous suivre sans rien dire ? Hallucina Ruben, pas certain de comprendre comment son père avait pu élaborer ce programme, sans même se poser cette question, Je ne reviendrai pas à la maison !

— Sauf que tu n'as pas le choix, lui fit remarquer Boris, Ton frère ne te veut plus à sa charge et j'ai cru comprendre que les Joly étaient en plein divorce. Ça fait déjà trois semaines que tu es là-bas, il est peut-être temps de laisser cette famille tranquille.

— Pardon ? Bégaya Ruben, Qu'est-ce que tu viens de dire ?

— Que tu devrais les laisser régler leurs problèmes et que...

— Non, pas ça, l'interrompit-il, sèchement, Qu'est-ce que tu viens de dire sur Jared ?

— Tu n'es pas au courant ? S'étonna son père, Je pensais qu'il te l'avait dit. Il est venu nous voir hier. Il voulait que tu rentres à la maison. Il a dit qu'il en avait assez de s'occuper de toi.

— N'importe quoi, souffla Ruben, Jared n'aurait jamais dit ça !

— Fils.

— NON ! Répéta le garçon en se reculant d'un pas, Tu ne crois quand même pas que je vais te croire ?! Tu veux juste me monter la tête contre lui !

— Écoute, mon garçon, ce soir, ta mère et moi, on va te chercher. Pas de discussion possible. Béatrice a déjà contacté Cécile Joly pour l'en informer et s'excuser de tous les préjudices qu'on a pu causer à cette famille qui m'a l'air tout à fait respectable.

Clairement, Boris Greggs n'avait aucune idée de ce dont il parlait. Car s'il avait appris que Marc avait mis une étudiante en cloque et que Cécile était une dépressive sous calmants, Ruben n'était pas certain que le qualificatif « respectable » serait le premier à être sorti de sa bouche.

— Tu en parleras avec ton frère en rentrant du lycée, mais il n'y a pas de négociation possible. Tu rentres à la maison, ce soir.

— Et Jared ? L'interrogea-t-il, Lui, il va rester chez Anna sans moi ? Ça n'a aucun sens, c'est ma pote !

— Non, il ne va pas rester chez cette jeune fille non plus, lui assura Boris, Il part aussi. Cette famille a besoin de régler ses problèmes sans vous avoir dans les pattes. C'est mieux comme ça.

— Et Jared est d'accord pour rentrer à la maison ? Le questionna Ruben, sceptique.

— Non, il ne veut pas.

— Alors moi non plus ! Explosa le garçon en se reculant de nouveau.

— Tu n'as pas le choix ! Répéta Boris, plus fermement cette fois-ci, C'est l'année du bac. On doit faire ce qui est mieux pour toi et ton avenir !

— Mais je peux rester chez Anna ! Elle aussi, elle passe le bac ! On peut travailler ensemble !

— Vous êtes amis, ce n'est pas une ambiance de travail très sérieuse.

— Mais papa...

— Non Ruben, on a laissé passer avec ta mère ta crise d'adolescence. Tu as fugué quelques semaines, tu es content, tu en as profité, maintenant, tu rentres.

— Je suis toujours gay, lui fit remarquer le garçon, Au cas où ce détail t'échapperait encore.

— On parlera de ça plus tard, grinça Boris en jetant un coup d'œil à Gautier qui se tenait toujours à côté de son fils sans rien dire, Ce n'est pas le moment.

— Il est gay aussi.

— Ah, vous...

— Le fils de ta collègue de boulot, enchaina Ruben, un sourire ironique aux lèvres, Celle à qui tu as demandé des informations me concernant. Le hasard fait bien les choses, tu ne trouves pas ?

Le sourire sur le visage de Boris Greggs se décomposa à l'instant où il comprit qu'il avait formé un couple à son insu, et pas des moindre qui plus est, et il avala sa salive en détourant le regard des deux jeunes hommes. Manifestement, il ne savait plus où se mettre, constata son fils, ravi de l'avoir remis à sa place.

— Bref, murmura finalement Boris en se reculant d'un pas pour rejoindre sa voiture, On passe te prendre ce soir. Ne créé pas de problème.

Ruben ne répondit pas et observa la voiture de son père rejoindre la route pour quitter les lieux. Lorsque le véhicule fut assez loin pour disparaître de la circulation, il se retourna vers Gautier et enchaina en tenant d'avoir une voix calme et posée :

— Alors on va manger ?

— Tu es sûr que tu ne veux pas en parler ?

— Non, je ne veux pas du tout en parler.

— Mais qu'est-ce que tu vas faire pour ce soir ? L'interrogea de nouveau Gautier, Tu vas rentrer chez toi ?

— Je vais envoyer un message à Anna et Jared, pour tirer ça au clair, après je verrais.

— Ok, souffla le garçon en se rapprochant de lui, Si tu as besoin de moi, je suis là.

— Oui je sais, murmura Ruben en esquissant un sourire, Maintenant, on va manger ?

Gautier accepta d'un signe positif de la tête et ils continuèrent d'avancer en silence, jusqu'à ce que Ruben se décide à rompre le blanc :

— Je crois que je vais arrêter de fumer.

— Tu fais ça pour me plaire ? Plaisanta Gautier, Parce que tu sais que tu me plais déjà assez, même en fumant du goudron... Tu n'as pas à changer ou à devenir quoi que ce soit pour moi. Juste... La seule chose que je te demande, c'est de ne pas sortir avec moi pour faire chier tes parents, Juste... Pas ça.

— Quoi ? Mais non, non pas du tout ! Pourquoi tu dis une chose pareille ?

— Je préfère le dire, c'est tout.

— Tu sais, si je veux faire chier mes parents j'ai juste à rester moi-même, lui fit remarquer Ruben.

— C'est triste.

— Ouais... Ouais, c'est triste, lui accorda-t-il avant de reprendre la marche.

***

— Je n'en reviens toujours pas ! Souffla Anna en sortant de sa salle de cours pour rejoindre son petit-ami qui l'attendait dans le couloir, Je n'ai pas arrêté d'y penser toute la journée... C'est genre, graver dans ma tête !

— Ma puce, ce n'est pas si grave, murmura Ethan tendrement en prenant la jeune fille par les épaules pour les diriger vers la cour du lycée Saint-Richard.

— Cette connasse est enceinte de mon père ! Explosa-t-elle, Tu m'expliques ce qui pourrait être plus grave que cela ?

— Que ta sœur ait un accident de voiture, qu'on découvre que ta mère a une leucémie, qu'une bombe explose dans le lycée, énuméra-t-il songeur, Qu'un virus décime la moitié de l'humanité et qu'on devienne des zombies, qu'une météorite...

— Stop ! L'arrêta la jeune fille en riant, Je crois que j'ai compris.

Ethan esquissa un sourire et posa un baiser sur sa tempe tandis qu'Anna l'interrogea, lorsqu'ils descendirent les escaliers de leur lycée :

— Et toi alors ce week-end ? Je ne parle que de moi depuis ce matin, désolée. Comment s'est passé le mariage ?

— Mal, très mal.

— Comment ça ?

— Il n'y a pas eu de mariage. Antoine l'a annulé au dernier moment.

— Quoi ? Mais qu'est-ce que vous avez fait alors ? Tu es bien rentré hier pourtant ?

— Ouais mes parents ont décidé de rester là-bas pour consoler mes grands-parents, ils étaient anéantis. T'aurais dû voir ça, c'était trop drôle !

— Oui j'aurais bien aimé, lui fit-elle remarquer, Mais c'est toi qui ne m'a pas invitée.

— Mes parents voulaient seulement la famille proche, marmonna le garçon, mal à l'aise, Et puis, de toute façon, tu travaillais.

— Oh la bonne excuse, grimaça la jeune fille avant de l'embrasser sur les lèvres pour lui faire comprendre qu'elle plaisantait.

Ethan s'empara de son visage, posant ses mains sur ses joues rebondies, et prolongea leur baiser en glissant sa langue dans la bouche de sa partenaire.

— Tu m'as manqué pendant ce week-end.

— Je vois ça.

— Quand est-ce que tu viens dormir à la maison ?

— Jeudi et vendredi soir ? Proposa la jeune fille en glissant ses deux mains derrière la nuque du garçon, Je bosse du soir, comme ça je pourrais filer directement chez toi. Ça m'évitera de passer des heures dans les transports en commun.

— Ok, déclara-t-il avant de l'embrasser une nouvelle fois, Tu sais que tu peux dormir chez moi tous les soirs où tu travailleras. Je n'aime pas te savoir rentrer seule, de toute manière.

— Et tes parents vont dire quoi ? L'interrogea la jeune fille, Je travaille quand même trois soirs par semaines, minimum.

— Et bien... Il est temps que tu les rencontres, non ?

— Tu es sûr ?

— Anna, ça te stresse ? L'interrogea-t-il taquin en frottant le bout de son nez contre le sien, Tu sais que mes parents sont largement moins barges que les tiens, tu n'as pas à t'inquiéter pour eux !

— Justement ! Explosa la jeune fille en riant, Je ne sais plus me comporter normalement avec tout ce qu'il m'arrive en ce moment.

— Arrête, la coupa-t-il en posant ses lèvres sur les siennes pour l'empêcher d'ajouter quoi que ce soit, Ils vont t'adorer.

— Je passe après Gabrielle, c'est elle qu'ils adoraient.

— Ne stresse pas, répéta Ethan, sans pour autant la contredire.

Ils se séparèrent, réalisant qu'ils étaient encore stationnés dans l'escalier à gêner tous les autres élèves qui voulaient sortir du bâtiment pour profiter de leur récréation. Ils descendirent les dernières marches avant de s'arrêter dans le hall. Ethan remarqua Gabrielle qui discutait avec Esther et Étienne et il esquissa un sourire dans sa direction. Sourire qui se figea à l'instant où la belle blonde l'incendia du regard. Manifestement, elle n'avait pas digéré ce qu'il s'était passé ce week-end. Et, d'un côté, il y avait de quoi, songea Ethan en glissant sa main dans celle d'Anna. Sentant de la résistance de son côté, il se tourna vers sa petite-amie et aperçut des rides de frustrations sur son front alors qu'elle était en train de lire un message sur son portable.

— Hey ça va ? L'interrogea-t-il, inquiet.

— Hein ? Se réveilla la jeune fille en relevant le nez vers lui, Qu'est-ce qu'il y a ?

— C'est quoi ton message ? Pourquoi tu fais cette tête ?

— Euh c'est... murmura-t-elle en se replongeant sur son mobile, Ruben. Il me dit qu'il doit partir de chez moi, je ne comprends rien.

— Comment ça partir ? S'intrigua Ethan, Il avait l'air bien installé avec son frère.

— Oui c'est bizarre, je ne comprends pas... Attends, je vais l'appeler. Je reviens.

Anna sortit dans la cour, son téléphone portable à l'oreille, et Ethan se retourna vers le hall. Manifestement Esther et Étienne venaient de quitter Gabrielle, puisque la jeune fille attendait toute seule près du panneau d'information. Décidant qu'il était temps de s'excuser, le garçon avança vers elle même si, à mesure qu'il s'approchait, le regard de Gabrielle se faisait de plus en plus incendiaire.

— Qu'est-ce que tu me veux ? Cracha-t-elle avec dédain lorsqu'il arriva juste devant elle.

— Parler.

— De comment tu m'as humiliée devant toute ta famille ? Ironisa-t-elle, Tu crois que j'ai vraiment envie d'en parler ?

— Je suis désolé Gabi, ce n'était pas du tout prémédité, mais avoue que le parallèle entre la situation d'Antoine et la nôtre était troublante... J'ai eu l'impression de me sentir piégé et j'ai voulu m'en sortir. Je n'ai pas pensé à ce que ça représenterait pour toi.

— Le parallèle ? S'étrangla-t-elle, Mais tu sais où je vais te le mettre ton parallèle ?!

— Oh Gabi, ne sois pas vulgaire !

— Mais, putain, Ethan, tu te rends compte de ce que tu m'as fait au moins ? Explosa la jeune fille, Tu n'as pas l'air de réaliser ! Je te signale que c'est toi qui m'a demandé de me faire passer pour ta petite-amie ! Tu n'avais pas le droit de m'insulter devant toute ta famille pour te venger ! Je faisais ça pour toi ! Tu m'as planté un couteau dans le dos !

— Je te le répète, je suis désolé pour tout ça... Mais dis-toi que ça ne fait pas plus mal que de savoir que tu as couché avec mon meilleur ami, lui rappela-t-il grinçant.

— Mais arrête avec ça bon sang ! S'emporta Gabrielle.

— Non, non, je ne vais pas arrêter, tu as fait une erreur et tu dois l'assumer.

— Je l'assume ! Vociféra-t-elle, Mais toi, arrête de te cacher derrière cette histoire pour justifier ton comportement.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Noah n'est même pas ton meilleur ami, cracha-t-elle, Tu le détestes. Ce mec est juste ton rival depuis que tu l'as rencontré. Et la seule raison pour laquelle tu souffres du fait que j'ai pu coucher avec lui, c'est que ta putain de fierté en a pris un coup !

— Oui... Oui c'est vrai, lui reconnut-il après un instant.

— Tu sais pourquoi Noah a toutes les filles qu'il veut contrairement à toi ? Enchaina Gabrielle, incapable de se calmer, Parce que toi, tu n'as aucun charme à côté de lui. Tu es trop mou Ethan, trop plat, trop parfait, trop gentil. Tu ne fais vibrer personne, mon gars. Je suis désolée de te l'apprendre, mais tu ne vends pas du rêve. Et, tout comme moi, Anna va bien finir par s'en rendre compte à son tour. Si ce n'est pas déjà trop tard, bien sûr.

— Là, tu deviens blessante.

— Parce que tu crois que toi, tu ne m'as pas blessée, samedi ?

— D'accord, grinça Ethan, Tu as eu ta vengeance, on n'en parle plus.

La sonnerie de fin de la pause se mit à résonner dans le hall et Gabrielle rectifia en se tournant vers le garçon :

— Non, on ne se parle plus.

Puis elle tourna des talons pour rejoindre sa salle de classe tandis qu'Ethan passa ses mains sur son visage, comme pour revenir à la réalité. Il poussa un soupir, désespérant déjà de ses deux heures d'économies qui l'attendaient avant de terminer sa journée de cours.

Il aperçut Anna entrer dans le hall. Il se dirigea vers elle et l'interrogea alors qu'il arriva à sa hauteur :

— Alors qu'est-ce qu'il se passe avec Ruben ?

— Il rentre chez ses parents, marmonna-t-elle, énervée.

— Quoi ? Pourquoi ?

— Je...Je ne sais pas, soupira-t-elle en se retournant vers lui, Je n'ai pas envie d'en parler pour le moment.

Sur ce, Anna posa ses lèvres sur les siennes avant de le quitter pour rejoindre sa salle de cours à son tour.

***

Allongé sur le ventre d'Ellie, Noah appréciait la sensation des doigts de la jeune fille qui parcouraient ses cheveux délicatement. La musique qu'elle était en train d'écouter sur son Ipod sortait de ses oreillettes et le garçon reconnaissait vaguement une mélodie de Coldplay, même s'il n'arrivait pas à retrouver le titre de la chanson. Fermant les yeux, il apprécia ce moment de tranquillité avec Ellie qu'il n'avait pas eu depuis longtemps. Après être passés à la pharmacie, les deux jeunes avaient, d'un commun accord, décidé de ne pas retourner au lycée. Ils s'étaient donc réfugiés dans l'appartement d'Ellie et avaient regardé des séries toute la journée sur son ordinateur portable. Bien sûr, ils se doutaient déjà qu'ils allaient tous les deux se faire tuer par leurs parents, mais peu importait, cette journée rien que tous les deux était devenu trop rare pour ne pas en profiter. Sentant son estomac gargouiller, Noah se releva de sa position allongée et s'étendit de tout son long, lorsqu'il se retrouva debout.

— Tu vas où ? L'interrogea Ellie, suspicieuse.

— Je vais grignoter un truc en bas avant que tes parents ne reviennent et me tue pour être ici, plaisanta le garçon, Tu veux que je te ramène quelque chose ?

— Je veux surtout que tu restes là, bougonna la jeune fille en faisant des yeux de chiens battus.

Noah pouffa de rire, avant de s'arrêter aussitôt qu'il remarqua qu'elle ne plaisantait pas. Pourtant, il était rare qu'Ellie Lefevre joue à ce genre de niaiseries amoureuses.

— El'... Qu'est-ce qui ne va pas ? L'interrogea-t-il, inquiet, en s'agenouillant à côté du lit pour se mettre à la hauteur de sa tête.

— Et si j'étais vraiment enceinte ?

— Oh Ellie ! S'exclama Noah, exaspéré, Arrête de te faire des films ! On n'en sait rien pour l'instant !

— Mais c'est une possibilité ! S'exclama la jeune fille en se relevant, Et on n'en a jamais parlé !

— Parce qu'il n'y a rien à dire tant qu'on ne sait pas de quoi on parle.

— Noah, s'il-te-plait, reprit-elle plus calmement, Peux-tu juste répondre à ma question, le plus sincèrement possible ?

— Oui, vas-y.

— Si, et je dis bien « si » j'étais enceinte de toi. Tu voudrais de ce gamin ?

— Non, répondit-il de suite.

Ellie resta silencieuse un instant, appréciant sa sincérité. De toute manière, Noah ne lui avait jamais menti sur ses sentiments.

— Et toi ? Ajouta le garçon, Toi, qu'est-ce que tu voudrais faire ?

— Avorter, répondit-elle à son tour directement, Je suis contente qu'on tombe d'accord.

— Tu es sûre ? L'interrogea-t-il en posant une main sur sa jambe, Tu ne dis pas ça parce que je t'ai dit que je ne voulais pas le garder ?

— Noah... Je suis tellement égoïste que je ne sais même pas si je serais capable d'aimer ce gosse, alors imagine m'en occuper.

Noah esquissa un sourire avant de poser ses lèvres sur les siennes puis il se releva car, au final, il était toujours autant affamé.

— Tu es sûre que tu ne veux rien manger ? S'assura-t-il une dernière fois avant de quitter la pièce.

— Non, je te jure, j'ai mal au ventre là, je vomis si j'avale quoi que ce soit.

Le visage du garçon se décomposa alors qu'il avait encore la main sur la poignée et il bégaya, paniqué :

— On est quel jour El' ?

— Lundi, pourquoi ?

Derechef, Noah jeta un coup d'œil à sa montre et se rua en dehors de la chambre en courant.

— Je dois partir ! Hurla-t-il à sa meilleure amie comme simple explication.

Aussi vite qu'il le pu, il sortit de l'appartement puis de l'immeuble avant de se ruer vers un taxi qui passait sur la route. Son rendez-vous chez le médecin commençait dans dix minutes et il était bien à une bonne demi-heure du cabinet. En posant sa main sur la poignée du véhicule, il réalisa qu'il serait probablement plus rapide en métro et il continua sa course sans même prendre la peine de s'excuser auprès du chauffeur de taxi qui venait de s'arrêter pour lui.

S'engouffrant dans la première bouche de métro qui se présenta à lui, Noah lança un rapide coup d'œil au plan et enregistra les changements de lignes qui seraient les plus rapides avant de se lancer à l'intérieur des couloirs souterrains. Il avait bien en tête les menaces du docteur Sarda et savait que s'il loupait pour la troisième fois son rendez-vous hebdomadaire, le médecin avertirait un centre hospitalier pour troubles alimentaires. Et, bien sûr, il était hors de question qu'une telle chose se produise.

Pénétrant dans la rame de métro qui était déjà arrêté, il sentit les portes se refermer juste derrière lui et se félicita intérieurement. Réalisant toutefois que ce n'était pas non plus un exploit, puisque tout parisien qui se respecte savait sauter dans le métro au dernier moment.

Essoufflé de sa course, Noah se laissa tomber contre les parois et songea qu'il aurait mieux fait d'appeler son médecin pour le prévenir de son retard, plutôt que de courir comme un forcené pour traverser tout Paris. Tant pis, songea-t-il en constatant qu'il ne lui restait plus que cinq minutes, il était trop tard pour appeler maintenant, puisque les portables captaient mal sous la terre.

Le temps défila lentement, tandis qu'il continua sa course pour rejoindre une deuxième ligne, puis il arriva finalement à destination. Sortant à l'air libre, il jeta un coup d'œil à sa montre. Il avait un quart d'heure de retard, il n'y avait pas mort d'homme non plus.

Il pénétra dans le cabinet médical et se dirigea de suite vers le bureau du docteur Sarda, sans passer par le secrétariat. Il frappa à la porte et, quelques secondes plus tard, l'homme vint lui ouvrir et poussa un soupir d'énervement en l'apercevant.

— Vous êtes en retard, Monsieur Khan.

— Oui désolé, s'excusa Noah en pénétrant dans le bureau, J'ai encore failli oublier.

— Vous êtes boulimique, l'interrompit l'homme, sèchement, Comment pouvez-vous, sincèrement, passer votre temps à l'oublier ?

— Disons qu'en plus d'être boulimique, je risque d'être papa dans quelques mois, lança le garçon en se laissant tomber sur la chaise en face du bureau, Ça perturbe légèrement l'esprit.

— Étant donné vos problèmes de santé, ce serait une mauvaise nouvelle, lui fit remarquer en grimaçant le docteur qui s'installa dans son fauteuil.

— Ce serait une mauvaise nouvelle tout court, Monsieur.

Le docteur Sarda releva son regard vers lui et observa le jeune homme en face de lui. Ses cheveux étaient en bataille au-dessus de sa tête, ses yeux creusés par des cernes et il avait l'allure typique d'un adolescent à problèmes.

— Pour l'enfant, en effet, ajouta-t-il en n'osant imaginer ce pauvre gosse vivre avec un père pareil, Mais passons. Vous me tiendrez au courant pour cette histoire. En attendant...

Il sortit de son bureau un calepin sur lequel il prenait des notes à chacun de leur rendez-vous et relut rapidement les dernières pages avant de se retourner vers Noah pour l'interroger :

— A quand remonte la dernière fois où vous avez vomi ?

— La semaine dernière, je crois.

— Noah...

— Si ça peut aider, sachez que je l'ai fait uniquement parce que j'ai retrouvé ma meilleure amie les veines coupées dans sa salle de bains... Ça m'a un peu retourné l'estomac.

— Non, murmura l'homme le regard absent, Non, ça n'aide pas Noah, pas du tout.

Le garçon esquissa un sourire, conscient de passer pour un véritable paumé.

— Ça ne me fais pas rire. Je ne suis pas votre psychologue, mais pas besoin de lui pour comprendre que tout ce qui vous arrive sans cesse ne va pas vous arranger.

— En réalité, monsieur, j'ai fini par ne plus m'étonner de tout ce qui m'arrive. Je souris juste parce que j'ai l'habitude.

— Non, le coupa le médecin, Vous souriez, parce que vous êtes mal à l'aise et vous n'avez pas l'habitude, puisque vous vous faites encore vomir.

Noah se tassa dans son siège, ne trouvant rien à rétorquer. Pour une fois qu'il arrivait à le remettre à sa place, songea Emmanuel Sarda en se retenant tout de fois de sourire. Après tout, il n'était pas question qu'il se mette à agir comme son jeune patient, à sourire à tout va dès qu'il avait l'impression de maitriser un tant soit peu la conversation.

— Vous savez, reprit finalement Noah après un instant de réflexion, Plus j'y pense et plus je me dis qu'en fin de compte... Mon problème, c'est qu'une façon comme une autre de se détruire. Certains choisissent l'alcool ou la drogue. Moi, j'ai choisi la nourriture.

— Le problème, justement, c'est que vous n'avez pas choisi... Murmura le médecin en plongeant son regard dans celui de son patient, Vous souffrez des trois Noah.

— Je suis musulman. Je ne bois pas d'alcool.

— Vous fumez et vous vous droguez, c'est déjà bien assez.

Le médecin griffonna ensuite quelques mots sur son calepin, avant de relever la tête vers le garçon pour continuer à l'interroger :

— Noah, est-ce que vous avez vraiment envie de vous en sortir ?

— Pourquoi je serais ici dans le cas contraire ?

— Parce qu'on vous a obligé, rétorqua le médecin, On vous l'a obligé, Noah. Mais vous ne vous en sortirez pas si vous avez l'impression qu'on vous impose ces séances. Vous êtes majeur maintenant et j'ai passé l'âge de jouer au papa poule. Mon métier, ce n'est pas de vous courir après pour vous obliger à vous soigner. Je ne vais pas vous appeler chaque semaine et vous menacez de prévenir votre père pour que vous veniez me voir. Je n'ai pas envie de jouer à ça Noah. Vous ne voulez pas guérir ? Alors ne guérissez pas et ne me faites pas perdre mon temps. J'en ai vu des malades dans ma vie, et j'en vois toujours. Ce n'est pas votre cas insignifiant qui va m'empêcher de m'endormir ce soir. J'ai pleins de patients, certains ont des cancers, des maladies qui les empêchent de se rendre au travail, de conduire, j'ai des patients qui perdent la vue, qui ont des problèmes cardiaques, des problèmes respiratoires. Et tous ses patients qui occupent mes journées, ils ont envie de s'en sortir, ils ont envie de vivre comme avant. Et moi, mon métier, c'est de les aider à réaliser ça, à rendre leur vie moins pénible, et j'y consacre mon énergie. Elle est précieuse cette énergie Noah, je ne vais pas la gaspiller pour un petit con de dix-huit ans qui se croit trop fort pour moi. Vous voulez vous débrouiller tout seul ? Levez-vous de cette chaise, dirigez-vous vers la porte, sortez de ce cabinet, et ne revenez pas.

Noah ne répondit pas et baissa les yeux, mal à l'aise, tandis que le docteur ajouta d'une voix calme, mais autoritaire :

— Maintenant, je vais vous reposer la question. Est-ce que vous avez envie de vous en sortir ?

— Oui, murmura-t-il du bout des lèvres.

— Quand avez-vous vomi pour la dernière fois ?

— Hier.

Emmanuel Sarda s'arrêta, avalant sa salive d'un air absent, et enchaina en se rapprochant de son jeune patient :

— Admettez-vous que vous êtes malades et que vous avez besoin d'un traitement Noah ?

Le garçon releva son visage vers lui, suppliant l'homme du regard de ne pas l'obliger à dire ceci à voix haute. Depuis toujours, Noah avait refusé de qualifier le mal qui le rongeait de « maladie ». Tant qu'il avait été capable de ne pas mettre de mot sur ce qu'il lui arrivait, cela lui avait paru moins réel. Mettre un mot sur sa boulimie, c'était reconnaître pour la première fois qu'elle existait.

— Noah, reprit le médecin, Vous êtes boulimique. Ce n'est pas une honte, c'est une maladie. Une vraie maladie. Et elle se guérit seulement si vous en avez assez conscience pour ne pas la laisser évoluer et prendre le dessus sur vous.

— Oui, je sais.

— Alors dites-le.

— Je ne peux pas.

— Dites-le, sinon on n'avancera pas.

Noah se tut de nouveau, baissant son regard vers ses doigts qu'il était en train de faire craquer sous le bureau du médecin.

— Je reste... Sous secret médical, n'est-ce pas ? Bégaya le garçon en continuant de torturer ses phalanges.

— Bien sûr, lui assura Emmanuel Sarda, Tout ce que vous direz ici ne sortira pas de ses murs.

— Ok... Souffla-t-il en tentant de reprendre son calme, Ok...

— Prenez votre temps, l'apaisa l'homme en s'affaissant dans le dossier de son siège en cuir, Je comprends que...

— Je suis boulimique, le coupa Noah sans même écouter la fin de sa phrase, C'est arrivé juste après la mort de mon oncle, enfin non avant. En fait, je ne sais plus trop. Je suis parti avec mon père aux Etats-Unis parce qu'il était malade. Il a eu un cancer de l'estomac qui s'est généralisé par la suite. C'était il y a deux ans à peu près... Quand on est arrivés là-bas, il était déjà très mal en point. Ses organes ne fonctionnaient plus, et ses reins aussi... Il était jaune quand on est entrés dans la chambre. Un jaune, répéta le garçon en avalant sa salive avec dégoût, Je m'en souviens encore. Une couleur immonde et... Sale. Puis il était maigre aussi, d'une maigreur à faire peur... Je n'avais jamais vu ça. C'était... C'était un cadavre encore en vie, c'était étrange comme sensation. La seule chose de vraiment vivant qu'il y avait en lui, c'était ses yeux qui me regardaient, et encore même dans son regard on arrivait à lire la peur de la mort. Moi aussi, j'étais effrayé.

Noah arrêta son discours, réalisant soudainement qu'il avait sorti ce qu'il avait eu sur le cœur pendant si longtemps qu'il n'avait encore jamais osé le révéler. Il releva son regard vers le médecin qui l'observait – pour la première fois depuis leur rencontre – avec tendresse et sympathie.

— D'accord, murmura-t-il en reprenant la parole, Donc depuis cette vision de votre oncle, vous vous faites vomir ?

— Oui, au début, j'étais juste dégouté, j'avais cette image sous les yeux et, dès que j'avalais quelque chose, je sentais mon estomac se tordre et... Des gouttes de sueur coulaient sur mon front, j'avais chaud. Vomir me soulageait. Je crois que ça m'est resté. Je veux dire, juste le geste. L'image, j'ai fini par ne plus y penser, je l'ai enfoui dans ma mémoire. Mais l'habitude est restée, le mal de ventre, les bouffées de chaleur, tout est resté sauf l'image.

Le médecin poussa un soupir qui, pour la première fois depuis le début de leur conservation, ne paraissait pas exaspéré. C'était plutôt un soupir de soulagement, de satisfaction, comme si le mur qui l'avait séparé de son jeune patient était enfin tombé pour lui montrer qui il était vraiment.

— Merci Noah, vous avez été sincère. C'est bien.

— Ce n'est pas assez.

— C'est un début, lui assura le médecin en lui faisant un sourire réconfortant, Est-ce que quelqu'un est au courant de votre problème ?

— Mon ancienne femme de ménage.

— Personne d'autre ? Famille ? Amis ? Copine ?

— Non, l'arrêta Noah, Rien de tout ça.

— Il n'y a personne de confiance à qui vous pourriez vous confier ? L'interrogea Emmanuel Sarda, Je pense que ça pourrait vous aider. Vous gardez beaucoup sur le cœur. Il va finir par exploser.

— Justement, murmura le garçon, tristement, Je préfère que personne ne soit là quand ça va arriver. Ce ne sera pas jolie à voir.

— Quand quelqu'un vous aime vraiment, il est capable de tout supporter, lui assura le médecin, Je suis sûr que certaines personnes vous aiment assez pour ça.

— Vous avez tort, les gens aiment en moi seulement ce que je laisse paraître. Ils aiment le garçon prétentieux, arrogant et hautain que je représente.

— Ou ils le détestent plutôt ? Proposa Emmanuel, Et ça vous arrange bien.

Noah esquissa un sourire. Oui, ça l'arrangeait bien, en réalité. Ça l'arrangeait que personne n'attende de lui ce qu'il était incapable de donner. Ça l'arrangeait de ne pas devoir se plier constamment aux espérances des autres. Et ça l'arrangeait surtout de passer pour le garçon sans cœur, puisque de cette manière, personne ne cherchait à le lui prendre.

***

— Non, s'il-te-plait, reste ici ! Supplia Anna en s'accrochant désespérément au sac à dos de Ruben qui sortait de la chambre qui avait été la sienne pendant ces courtes semaines, Je t'en prie, chaton, reste avec moi !

— Chaton ? Explosa de rire Ruben, Hey, c'est moi qui t'appelle comme ça d'habitude !

— Reste ! Insista-t-elle de nouveau, Pourquoi vous devez partir après tout ?

— Demande à mon frère, grinça le garçon, sèchement.

Anna se retourna vers Jared et enchaina, furieuse :

— Pourquoi est-ce que tu es allé chercher tes parents aussi ?

— Écoute, on n'allait pas rester ici jusqu'à la fin de l'année, de toute façon ! Soupira-t-il excédé car, peu importait les excuses qu'il leur avait données, les deux jeunes refusaient de comprendre, Il fallait bien que quelqu'un arrête ça et si on t'avait attendu Ruben, on serait encore ici dans un an !

— Et alors où serait le problème ? L'interrogea Anna, On se marre bien, tous ensemble !

— Reviens à la réalité, la coupa Jared, Ça n'aurait pas continué ainsi. On aurait fini par se marcher dessus et ne plus se supporter du tout ! Je préserve votre amitié en faisant ça.

— Oui, bien sûr ! Ironisa son petit-frère, Est-ce que les couteaux plantés dans le dos sont intégrés dans ta définition de l'amitié ?

— Nous, on n'est pas amis, mais frère, l'interrompit-il, Peu importe que ça ne te plaise pas, il est préférable que tu rentres à la maison.

— Avec des parents fachos ?! Explosa Ruben qui sentait les larmes lui monter aux yeux, Je préfère encore dormir sous les ponts !

Son grand frère poussa un soupir. Il connaissait assez bien Ruben pour savoir que le garçon ne tiendrait même pas deux heures dans la rue. Il avait connu trop de confort pour supporter une seule seconde la vie de Jared.

— D'ailleurs, s'étonna Anna, Où est-ce que tu vas aller, toi ?

— Chez des copains, marmonna le garçon vaguement, bien qu'en réalité, il n'en avait aucune idée.

Depuis cette histoire avec son frère et Borja, Jared s'était fâché avec ses amis de banlieue et il n'avait donc plus réellement de roue de secours pour un hébergement. Tant pis, songea-t-il, il parviendrait bien à improviser, comme toujours.

— On devrait y aller, ajouta-t-il après avoir jeté un coup d'œil à sa montre, Nos parents vont arriver bientôt.

— Ils ont l'adresse ? Interrogea Anna.

— Oui, notre bon Jared leur a envoyé un message tout à l'heure, grinça Ruben en descendant son sac dans les escaliers.

Décidant de ne pas relever la provocation, son grand-frère le suivit dans les marches et il enchaina, Anna sur ses pas :

— En fait, tu remercieras ta mère pour nous. C'est dommage qu'elle ne soit pas là, j'aurai préféré lui dire au revoir.

— Elle t'aurait sauté dessus et accroché à son lit, Jared, l'arrêta la jeune fille en suivant les garçons jusqu'à la porte d'entrée, Il est peut-être préférable qu'elle ne soit pas là.

— Elle est où ? S'intrigua Ruben.

— Aucune idée.

— Et Ophélie ?

— Encore au collège probablement.

— Remercie-la aussi, enchaina Jared, Votre famille a vraiment été super tout du long. Merci encore.

— Revenez quand vous voulez, murmura Anna tristement en les observant tenir tous les deux leurs bagages sous le bras, Vous ne serez jamais de trop ici. La maison va paraître tellement vide sans vous.

— Je t'aime mon chaton, s'étrangla Ruben en serrant la jeune fille dans ses bras, Merci de tout mon cœur.

— Hey ça va, les calma Jared en levant les yeux au ciel, exaspéré, Vous allez encore vous voir, on ne part pas à l'autre bout du monde !

— Ta gueule, grincèrent les deux amis à l'unisson.

Anna et Ruben se séparèrent en s'embrassant une dernière fois sur les joues. Le garçon passa ensuite ses mains dans ses cheveux bouclés et attrapa son sac avant de sortir de la maison pour laisser son frère dire au revoir à son tour. Il en voulait à Jared de les obliger à partir, mais il savait, au fond de lui, que son grand-frère avait raison. Les moments passés dans la famille Joly avaient été géniaux et il avait adoré chaque instant passé avec sa meilleure amie, mais ils étaient de trop avec Jared. Ils ne faisaient pas partie de leur famille. Il l'avait toujours su, mais avait souvent préféré l'ignorer, aujourd'hui, la réalité lui revenait en plein figure.

Sortant dehors, il laissa son sac tomber sur le trottoir et observa la rue déserte. Leurs parents n'étaient pas encore arrivés. Il se retourna donc vers la porte d'entrée et s'arrêta, un instant. Jared était planté devant Anna et ils se regardaient tous les deux en silence.

Ruben resta incrédule pendant quelques secondes, la raison de leur départ ne semblant plus aussi évidente qu'auparavant.

— Prends soin de toi, murmura Jared à Anna en faisant glisser son gros sac de sport sur son épaule, Tu es vraiment quelqu'un de bien... Et je ne le dis pas à beaucoup de monde, tu sais.

— Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que c'est un adieu ? Où est ce que tu pars Jared ?

— Pas loin, lui assura-t-il en souriant.

— Alors pourquoi tu fais comme si on n'allait jamais se revoir ?

— Tu es la meilleure amie de mon petit-frère, lui répondit le garçon, Est-ce qu'on a vraiment une raison de se revoir ?

— Tu es mon ami aussi, l'arrêta la jeune fille, Je te considère comme mon ami.

Jared lui sourit, mais ne répondit pas. Sentant son cœur se resserrer comme dans un étau, le sourire sur le visage d'Anna disparut et elle enchaina, terriblement vexée :

— Attends... Tu ne me considères pas comme ton amie ?!

Refusant encore de répondre, le garçon se contenta de se pencher vers elle pour la serrer dans ses bras fermement.

— Alors tu vas partir comme ça ? S'étrangla Anna alors qu'elle était dans le creux de ses bras, Sans rien me dire ?

— Oublie Noah, murmura-t-il seulement à son oreille, Oublie Noah et je répondrai à ta question.

Cette fois, ce fut Anna qui resta sans réponse et Jared se recula doucement sans la quitter des yeux.

— Oublie-le, s'il-te-plait, réussit-elle à lire sur ses lèvres alors qu'il recula d'un pas.

Puis Jared se retourna vers la porte pour sortir de la maison, la refermant derrière lui. La main encore sur la poignée, il inspira une bouffée d'air frais comme pour se ressaisir et avança vers son petit-frère qui l'observait d'un air suspect.

— Qu'est-ce que tu lui as dit ? L'interrogea-t-il derechef lorsque Jared se planta devant lui.

— Rien de spécial.

— Alors pourquoi elle faisait cette tête ?

— Quelle tête ? S'intrigua Jared.

— La tête qu'elle ne devrait pas faire en te regardant.

— Il ne se passe rien Ruben, l'arrêta son grand-frère, Calme-toi.

Décidant d'accepter ses explications, Ruben l'observa avec dédain et s'empara de son sac pour aller attendre plus loin sur le trottoir.

— Mec ! Souffla Jared, exaspéré, Tu vas arrêter de me faire la gueule ! Tu sais bien que j'ai raison de faire ça !

— Qu'on arrête de taper l'incruste chez Anna, d'accord ! Explosa Ruben en se retournant vers lui, Mais me laisser tout seul chez nos parents, ça, je n'accepte pas ! Je t'en prie, rentre avec moi ! Je vais péter un plomb tout seul là-bas !

— Non, je n'y retourne pas. Hors de question.

— Alors pourquoi tu m'obliges à y retourner ?

— Parce que toi, tu es encore mineur et que tu as un bac à passer. Et puis, tu seras plus près du lycée.

— Oui si tu veux, mais ça ne change en rien le fait que tu peux vivre avec moi ! Tu vas aller où ? Je suis sûr que tu n'as aucun endroit où dormir !

— C'est faux, mentit Jared, Et puis nos parents ne veulent pas de moi, de toute manière. Ils sont bien trop contents que le fils prodige rentre à la maison, je ne vais pas aller gâcher le tableau de famille !

— N'importe quoi.

— Arrête, c'est bon, tu sais très bien que j'ai toujours été le raté de la famille et toi, le préféré !

— Non, c'est toi qui t'ai donné ce rôle du raté, l'arrêta son frère, sèchement, Tu rates tout ce que tu entreprends juste pour prouver à papa et maman que tu te fiches de ce qu'ils pensent. Le pire, c'est que je suis persuadé que tu pourrais y arriver si tu essayais vraiment. Sauf que t'as tellement peur que quelqu'un porte un quelconque espoir en toi que tu préfères tout faire foirer pour que plus personne n'espère te voir réussir ! Tu fais pitié Jared. Ok, tu n'as pas eu ton bac, mais tu n'es pas le seul, tu sais. Tu vas avoir 21 ans, t'as encore toute la vie devant toi ! Tu peux trouver des formations professionnelles, ou je ne sais pas moi, il y a tellement de choses que tu n'as pas encore essayées ! En plus, pour toi, ce n'est même pas un problème d'argent, mais seulement de motivation. T'as tellement de chance Jared, par rapport à ceux qui se perdent en banlieue et qui n'ont aucun avenir. Toi, tu pourrais tout avoir, nos parents te payeraient n'importe quelle formation, mais tu refuses ! Tu préfères ne rien faire et trainer avec tes amis de banlieusards toute la journée pour éviter de te reprendre en main.

— Waouh, souffla Jared, impressionné, après un instant de silence, Je ne pensais pas que tu pourrais avoir le même discours que nos vieux. Ils sont comme nous là-bas, tu sais, juste un peu moins hypocrites. Et ça fait du bien de rencontrer des gens comme ça. Et peut-être que si tu l'avais mieux compris, Borja ne t'aurait pas rejeté aussi brutalement ! Tu dis qu'il n'assumait pas de sortir avec un mec, mais toi, de ton côté, tu n'as jamais assumé non plus de sortir avec un raté !

— Oh stop ! S'écria Ruben, vexé, Je ne l'ai jamais considéré comme un raté !

— Bien sûr, ironisa Jared en levant les yeux au ciel, Borja ne fait pas de grandes études, il traine avec sa bande de potes toute la journée. Il est exactement comme moi Ruben, arrête de te mentir. Tu nous considères comme des ratés. Pour toi, il n'y a pas de vie en dehors des études... Assume-le. Tu vois, je préfère encore les types comme Noah qui nous regarde de haut en nous méprisant plutôt que les types comme toi, bien condescendant mais qui n'en pensent pas moins. On n'est pas comme ton parfait Gautier dont tu ne fais que de parler ! On n'a pas tous son intelligence, sa classe, sa culture, on ne correspond pas à l'image que tu te fais de la réussite... Mais ce n'est pas pour ça que tu dois nous considérer comme de la merde.

— Jared tu... Tu vends de la drogue à des paumés qui auraient vraiment besoin d'autre chose, cracha son frère, Tu passes ton temps à faire des soirées dans des immeubles désaffectés, tu te bats, et tu traines avec des jeunes qui rackettent les lycéens pour se payer leurs cigarettes.

Ruben s'arrêta, un instant, plongeant son regard dans celui de son frère, puis il continua, sèchement :

— Tu as tort. Je pense qu'on peut avoir une vie en dehors des études, mais si c'est ça ta vie, Jared, je crois que tu es assez grand pour comprendre par toi-même qu'il n'y a pas que moi qui te considère comme de la merde. Tu le penses aussi. En fait, tu le penses si fort que tu as décidé d'y retourner, pour t'en convaincre encore un peu plus. Tu m'abandonnes moi, tu abandonnes Anna, les deux seules personnes qui t'ont donné l'impression d'être un peu moins seul qu'auparavant. Tu abandonnes les seules personnes qui auraient pu t'aider à t'en sortir. Et tu sais pourquoi ?

Son grand-frère refusa de répondre tandis que ses yeux se brouillaient légèrement et Ruben répondit à sa propre question :

— Parce que tu ne veux pas t'en sortir.

Une voiture noire s'arrêta devant la maison des Joly et les deux garçons se retournèrent vers le véhicule. Sans rien ajouter de plus, Ruben se dirigea vers le coffre de la voiture qu'il ouvrit et balança son sac à l'intérieur avant de le refermer brutalement. Il rejoignit ensuite la portière avant, côté passager, et s'engouffra à l'intérieur du véhicule sans même se retourner vers son paternel qui était au volant. Ruben accrocha sa ceinture sous le regard de son grand-frère et il entendit soudainement derrière lui :

— Jared, tu veux qu'on te dépose quelque part ?

— Non, c'est bon, je vais me débrouiller, marmonna le garçon en se rapprochant de la vitre ouverte de la voiture pour répondre à son père.

Ruben bifurqua son regard vers le pare-brise, l'empêchant ainsi de voir son frère qui était à quelques centimètres de lui.

— Tu as quelque part où aller au moins ? S'assura Boris avant de redémarrer le moteur.

Son fils ne lui répondit pas et il se retourna vers lui pour continuer :

— Tu es sûr que tu ne veux pas rentrer à la maison, Jared ?

Le garçon posa son regard sur son petit-frère qui s'était retourné vers lui et il murmura du bout des lèvres sans réussir à le quitter des yeux, répondant implicitement à sa question précédente :

— Non, je ne le veux pas.

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