Aucun des deux ne décrocha le regard du corps de l'autre. La vue cocasse de cette scène avait provoqué un rire nerveux de la part de la jeune femme. L'héritier rougit de honte en remettant son caleçon et grogna pour masquer sa gêne évidente qui ne passa pas inaperçue aux yeux de la mendiante. C'est avec rage que Natsu tourna le dos à cette vulgaire étrangère mais une main lui effleura l'épaule.
- Ne me touche pas espèce de parasite ! Et dégage d'ici. Dit-il d'un ton glacial en lui refermant la porte au nez.
- Attendez ! S'il vous plait, je ne voulais pas me moquer... Je vous prie de m'excuser mais j'ai besoin de...
- Tu n'obtiendras rien de moi cria-t-il à travers la porte, va-t-en !
- Pitié, je veux juste m'abriter de la pluie... S'il vous plait ! L'implora-t-elle en tapant contre la porte.
Le jeune homme rentra dans sa bulle et ignora les plaintes qui provenaient de l'extérieur. Il s'accroupit contre la porte et se prit la tête dans ses mains. Jamais il n'avait eu à faire face à une situation pareille. Il ne savait pas comment réagir. Fallait-il la laisser dehors ? Ou bien la faire rentrer ?
Il n'avait aucune envie de faire ni l'une ni l'autre, il voulait juste suivre son train-train quotidien et rester tranquille. Et seul. Comme toujours et à jamais.
Pourquoi fallait-il que le destin s'acharne encore sur lui ? Il n'avait rien demandé. Encore une fois il fut la victime du hasard. Il tapa alors du poing contre le sol pour évacuer ce sentiment qui l'étouffait. Etant de nature colérique et impatiente, il ne supportait pas l'imprévu et se mettait en rogne pour pas grand chose.
N'entendant plus les cris de la femme, il se releva avec lenteur de peur qu'elle ne l'entende à travers la porte. Il jeta un coup d'œil à travers le judas puis quelques secondes après un sourire se dessina sur ses lèvres crispées. Il n'y avait plus aucune trace de l'intruse qui l'avait importuné. Il se précipita dans la pièce voisine, celle qui servait à la réception des invités.
Une immense table de marbre trônait au centre et qui pouvait accueillir jusqu'à trente personnes. Des sièges en bois d'ébènes taillés en faisaient le tour. Il y avait également une vieille cheminée qui n'avait pas été allumée depuis la disparition des parents de Natsu car celle-ci ravivait des souvenirs trop douloureux. D'autres bibelots étaient disposés ça et là de manière à remplir totalement la pièce ce qui la rendait obscure et sombre, on s'y sentait oppressé. C'était une autre raison pour laquelle Natsu ne venait plus ici.
Or, aujourd'hui n'était pas un jour comme les autres. Il rentra malgré lui dans cette pièce car seule elle pouvait offrir une vision panoramique de l'entrée de la demeure jusqu'au portail situé à quelques pas de là. Lorsqu'il ouvrit les épais rideaux rouges, son visage se ferma et ses sourcils se froncèrent.
Grâce à la fenêtre, il aperçu sous le portique la sale cape brune de la mendiante. En dessous de celle-ci, il devina le corps recroquevillé de la femme qui reposait contre un mur. Il resta ainsi pendant quelques instants le temps de réfléchir à ce qu'il devait faire. Il referma le rideau plongeant le reste de la pièce dans le noir en ne laissant qu'un faible rayon de lumière qui filtrait par couloir. Il marcha de long en large, parfois il s'arrêta et se caressa le menton d'un geste pensif puis reprit sa marche. Il pesait le pour et le contre, qu'aurait fait son père à sa place ?
C'est à ce moment qu'un scintillement près de la cheminée lui obligea à mettre une main devant ses yeux afin de ne pas être ébloui. Il se dirigea donc vers celle-ci, sur le rebord en marbre gris, de nombreux cadres étaient disposés harmonieusement. Le scintillement provenait d'un cadre en particulier.
Celui de son père.
On le voyait sourire les bras croisés et vêtu d'un costume bleu nuit. Cette photo était hypnotisante tant par la posture de cet homme que part le regard rempli de fierté que celui-ci portait à son fils. En effet dans le coin à droite on voyait une mèche de cheveux roses...
Natsu prit le cadre dans ses mains.
Ses lèvres tremblèrent. Encore une fois, sa famille disparue lui délivrait un message, celui de ne pas abandonner. Il renifla bruyamment pour éviter ses pleurs de prendre le dessus ainsi que de peur de perdre ses esprits et de se laisser engloutir dans la peine et la désolation. Cette fois il ne devait pas flancher. Il reprit difficilement le contrôle de lui même et reposa doucement le cadre sur la cheminée. Il avait prit sa décision.
Il sortit de la pièce en prenant soin de refermer la porte à clef puis partit s'habiller avec une tenue descente. Il redescendit les escaliers à grande vitesse puis se dirigea vers l'entrée. Cette fois-ci il portait un costume. Quasiment le même qu'avait son père sur la photo à un détail près. Sur le sien était brodé une lettre d'or représentant un "D" enflammé au niveau de son col. Ce simple signe distinctif pour lui était très important car cette lettre symbolisait le lien des Dragneel. L'écart avec le cœur représente que peu importe la distance, les liens et les sentiments resteront toujours avec lui. En lui. Chaque battement de cœur fait battre à lui seul le sang des générations qui se sont succédées et continu à faire vivre celles présentes aujourd'hui. De plus, ce choix du col proche du cerveau et donc de l'esprit permet de ne pas oublier les proches disparus. Cette simple lettre est donc un élément quasiment vital. Son père ne la portait pas sur son costume certes, mais il la portait autour de son poignet avec sa montre. Sa mère l'avait autour du cou, sa grand-mère sur ses boucles d'oreilles et ainsi de suite.
Natsu porte ce costume car il veut montrer aux siens qu'il peut aller de l'avant même seul.
C'est avec une nouvelle détermination et une certaine tension qu'il ouvrit la porte d'entrée. La jeune femme sursauta et prise de panique elle trouva refuge sous un arbre qui l'abritait un peu de la forte pluie. Elle avait les yeux braqués sur le jeune homme, elle le détailla de la tête aux pieds cherchant une arme ou autre chose qui puisse pousser l'héritier à ré-ouvrir sa porte pour elle. Elle pensait qu'il allait la tabasser ou la frapper pour l'avoir mit en colère. En tout cas c'est ce que à quoi elle pensait car elle s'était déjà retrouvée dans cette situation de nombreuses fois et en était ressortie blessée. C'est pourquoi elle change de ville aussi souvent et s'était retrouvée par hasard dans celle-ci. Cependant la réalité fut toute autre.
- Entre dit-il calmement de sa voix puissante et grave.
La mendiante ne bougea pas, au contraire elle fit mine de s'en aller. Elle pensait que c'était une simple farce.
- Entre avant que je ne change d'avis reprit-il avec un ton un peu plus sec.
Elle tourna la tête et croisa son regard. Elle sut qu'il ne plaisantait pas et c'était peut être sa seule chance de trouver un refuge. Elle marcha droit vers lui d'un pas méfiant. Elle ne savait pas quoi penser. Jamais on ne l'avait acceptée, chaque fois on l'avait renvoyée dehors. Son esprit était tout embrouillé.
Elle essaya d'articuler un merci mais elle fut tellement embarrassée qu'elle ne lui accorda qu'un hochement de tête. Elle rentra dans cette maison de luxe sous le regard du jeune homme. Elle regardait partout autour d'elle. Jamais elle n'avait vu autant de richesses de sa vie. Elle reprit conscience quand on lui adressa la parole.
- C'est quoi ton nom ? Commença Natsu très familièrement et sans aucune gêne.
- Lucy...
- Ton nom en entier reprit-il en fermant la porte.
- Lucy Heartfilia... Répondit-elle angoissée en serrant le tissu de sa cape.
- Heartfilia ? Jamais entendu parler. Tu veux quoi ?
- Je cherche simplement un endroit où passer la nuit. Ensuite je vous promets de partir.
Le jeune homme ne fut pas tout à fait convaincu de la réponse de cette femme. Pour lui, les mendiants mentent. C'est leur nature. Il garda cette réflexion dans un coin de sa tête.
- Pour l'instant t'es juste en train de dégueulasser ma maison grogna-t-il.
Une petite flaque s'était formée sous les pieds de Lucy et grossissait à vu d'œil.
- Je vous prie de m'excuser, murmura-t-elle aussi poliment que possible.
Il ne releva pas sa réponse et lui tendit une serviette blanche pour qu'elle s'essuie et nettoie son bazar. Elle comprit le message et s'exécuta. Elle enleva sa cape brune qu'elle laissa tomber à ses pieds révélant ses formes généreuses et le peu de tissu qui couvrait sa peau. Elle se sécha ses cheveux du mieux qu'elle put avant de s'attaquer à sa peau.
Natsu observait la scène. Il ne tenait pas à la laisser sans surveillance. Elle pourrait voler quelque chose où pire, le poignarder pendant qu'il aurait le dos tourné... C'était sa vision des pauvres en tout cas.
- Ça fait combien de temps que tu traînes dans les rues ?
- Pas mal de temps, je dirai quatre ou cinq ans...
- Pourquoi tu ne recherches pas de travail ?
- J'ai essayé mais les agences m'ont toutes refusé à cause de mon apparence.
- Et l'industrie du X ? Avec des formes pareilles tu devrais pouvoir gagner beaucoup d'argent.
- Excusez-moi, mais je ne veux pas m'abaisser à un travail comme celui-ci. J'ai encore de l'honneur.
- Quel honneur ? Dit-il en riant à gorge déployée. Tu vides les poubelles comme un rat et tu parles d'honneur ?
Lucy se braqua face à la méchanceté gratuite de cet homme. Elle lui tendit simplement la serviette et le regarda en attendant la suite des événements.
- Suis-moi reprit-il en regagnant son sérieux.
Il la conduisit dans la cuisine et lui offrit un verre d'eau qu'il lui tendit. Les doigts de la mendiante frôlèrent les siens et immédiatement il les plaça sous l'eau chaude en prenant soin d'enlever la "saleté" apparente. Même choquée, la jeune femme ne dit rien de peur d'être mise à la porte, elle reporta son attention sur le verre d'eau qu'elle but d'un trait.
- Il faut faire quelque chose pour tes vêtements dit Natsu d'un ton méprisant. Je ne peux pas supporter ça plus longtemps.
- Vous auriez quelque chose d'autre à manger s'il vous plait ? Rétorqua-t-elle en ignorant son insulte.
- Tu demandes de la bouffe ? Tu m'as bien regardé ? C'est comme si je donnais de la confiture aux cochons.
A ce moment précis, le ventre de la jeune femme émit un grondement qui signifia qu'elle pourrait avaler n'importe quoi.
Excédé, Natsu souffla et ouvrit le réfrigérateur plein à craquer de nourriture.
- Prends ce que tu veux.
- Merci infiniment.
Elle se précipita sur le trésor que refermait ce frigo. De la viande, du fromage, des produits laitiers, des légumes... Elle ne savait pas quoi choisir.
- On a pas toute la journée la rappela-t-il à l'ordre. Soit tu choisis soit tu te casses.
Elle prit une pomme et un morceau de fromage ainsi qu'un peu de lait et engloutit le tout. Encore une fois, elle avait laissé derrière elle des miettes et donc de la saleté. Or Natsu déteste le désordre fait par autre que lui. Mais avant qu'il puisse faire une remarque cinglante, Lucy prit un torchon qu'elle avait vue en entrant un peu plus tôt et nettoya. Une fois sa besogne faite, elle rougit en reposant le torchon sale sur le bord de l'évier puis regarda l'héritier droit dans les yeux.
Ne sachant pas comment réagir, le jeune homme fit claquer sa langue et partit sans demander son reste.
Ce n'est qu'une fois à l'embrasure de la porte qu'il l'appela.
- Bon tu te dépêches ? Pour rester chez moi il va falloir que tu changes tes habits abominables.
Il respira un grand coup et lâcha un juron. La jeune femme avança de quelques pas vers lui avant d'entendre une nouvelle remarque de sa part.
- Et un bain aussi, putain ça empeste !
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Hey ! Hey !
J'espère que cette petite aventure vous plaira ! On se retrouve bientôt !