Nantis

By FlorieC

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La jeunesse dorée, tel est le surnom qu'on leur donne. Il existe une rumeur qui sous-entend qu'on ne naît pas... More

[SAGA 1] L'arrogance des gens meilleurs
Chapitre 1 : If it makes you happy
Présentation : Noah Khan
Chapitre 2 : Take me as I am
Présentation : Ellie Lefevre
Chapitre 3 : Don't stop the party
Chapitre 4 : Too late
Chapitre 5 : Losing your memory
Présentation : Ethan Franck
Chapitre 6 : She drives me crazy
Chapitre 7 : Secrets
Chapitre 8 : Highway to hell
Chapitre 9 : How I needed you
Chapitre 10 : Miss misery
Chapitre 11 : Me and the devil
Présentation : Anna Joly
Chapitre 12 : Know your enemy
Chapitre 13 : Little talks
Chapitre 14 : You're not alone
Chapitre 15 : Love the way you lie
Chapitre 16 : Bad romance
Chapitre 17 : Teenage dream
Chapitre 18 : Don't wake me up
Chapitre 19 : My medicine
Chapitre 20 : Shut up and let me go
Chapitre 21 : Wicked Game
Présentation : Gabrielle Gallien
Chapitre 22 : Last Christmas
Chapitre 23 : Winter
Chapitre 24 : Let it be
Chapitre 25 : Happy New Year
[SAGA 2] L'éternité à tes pieds
Chapitre 1 : Bad day
Présentation : Jared Greggs
Chapitre 2 : The last to know
Chapitre 3 : When she believes
Chapitre 4 : Losing my religion
Présentation : Lucas Gallien
Chapitre 5 : Take control
Chapitre 6 : If you leave me know
Chapitre 7 : Stay
Chapitre 8 : Only if you run
Chapitre 9 : Just tonight
Chapitre 10 : Never let me go
Chapitre 11 : Fix you
Chapitre 12 : Damn you
Chapitre 13 : This is war
Présentation : Ruben Greggs
Chapitre 15 : Gives you hell
Chapitre 16 : Never say never
Chapitre 17 : Skinny love
Chapitre 18 : Alone
Présentation : Christelle Wertheimer
Chapitre 19 : Don't be a stranger
Chapitre 20 : We are young
Chapitre 21 : One Day
Chapitre 22 : Dark on fire
Présentation : Borja Escobar
Chapitre 23 : Like a virgin
Chapitre 24 : Better Together
Chapitre 25 : Happy Birthday
[SAGA 3] Dans la cour des grands
Chapitre 1 : The funeral
Chapitre 2 : Pursuit of Happiness
Chapitre 3 : Dark Paradise
Chapitre 4 : I want to break free
Chapitre 5 : A drop in the ocean
Chapitre 6 : Enjoy the silence
Chapitre 7 : Help
Chapitre 8 : I don't want to be
Chapitre 9 : Eye of the tiger
Chapitre 10 : Come back home
Chapitre 11 : Mirror
Chapitre 12 : Heartless
Chapitre 13 : Someone like you
Chapitre 14 : If I needed you
Chapitre 15 : You're not sorry
Chapitre 16 : Burn it down
Chapitre 17 : How you remind me
Chapitre 18 : Wrecking ball
Chapitre 19 : Just give me a reason
Chapitre 20 : Can you feel the love tonight
Présentation : Gautier Lantez
Chapitre 21 : People help the people
Présentation : Yanis Perrin
Chapitre 22 : Yesterday
Chapitre 23 : Hot and cold
Chapitre 24 : Kiss me
Chapitre 25 : Only wanna be with you
[SAGA 4] La réponse des faibles
Chapitre 1 : Collide
Chapitre 2 : The lonely
Chapitre 3 : Another love
Chapitre 4 : Protect me from what I want
Présentation : Ophélie Joly
Chapitre 5 : Big big world
Chapitre 6 : Don't lie
Chapitre 7 : Undisclosed desires
Chapitre 8 : You and I
Chapitre 9 : Another day in paradise
Chapitre 10 : Just can't get enough
Chapitre 11 : Sirens call
Chapitre 12 : Too close
Chapitre 13 : Love me again
Chapitre 14 : Demons
Chapitre 15 : You are the one that I want
Chapitre 16 : Sober
Chapitre 17 : What doesn't kill you
Chapitre 18 : Too many friends
Chapitre 19 : Monster
Chapitre 20 : Broken crown
Chapitre 21 : He is my son
Chapitre 22 : Talk to me
NANTIS EN LIVRES PAPIER !
Chapitre 23 : Try
Chapitre 24 : Everybody's Got To Learn Sometime
Chapitre 25 : Wonderful life
NANTIS en livres ♥

Chapitre 14 : Apologize

996 75 42
By FlorieC



                Anna attrapa ses livres dans son casier et les rangea dans son sac en chantonnant. La jeune fille avait ses écouteurs dans les oreilles et ne faisait guère attention à ce qui se passait tout autour. Elle n'aperçut donc pas Ethan Franck la rejoindre et s'écrier, joyeusement, bien qu'il fût neuf heures du matin et que tout le monde l'aurait bien claqué pour cette bonne humeur ostentatoire :

— Salut toi !

Face à l'absence de réponse de la jeune fille, il fronça les sourcils, d'un air étonné, puis remarqua ses oreillettes. Il lui tapota l'épaule doucement pour ne pas la surprendre et Anna se retourna vers lui. Elle esquissa un sourire tout en ôtant ses écouteurs de ses oreilles et Ethan réitéra sa tentative :

— Salut ! Ça va ?

— Oui pas mal, lui répondit la jeune fille en refermant la porte de son casier.

Puis ils commencèrent à marcher dans le couloir, côte à côte, jusqu'à ce qu'Ethan se décide à l'interroger :

— Je me demandais si ça te brancherait de sortir faire un tour avec le mec le plus craquant de ce lycée après les cours ?

— Non, pas spécialement, répondit la jeune fille après un instant de réflexion, Mais avec toi, je veux bien par contre.

— Ah ah ! Ironisa le garçon en feintant un rire tandis qu'Anna esquissa un sourire, fière de sa répartie, Plus sérieusement, reprit Ethan, Tu veux faire un truc ?

— Je dois passer voir Lucas ce soir, désolée.

— Ok... Alors, ce week-end ? Tenta-t-il à nouveau.

— J'ai déjà une soirée de prévue, répondit la jeune fille, suspicieuse.

Après tout, Anna ne comprenait pas vraiment d'où venait ce soudain intérêt. Bien sûr, elle avait pardonné à Ethan et ils avaient décidé d'un commun accord de redevenir amis, mais hormi les moments qu'ils partageaient au théâtre, ils ne se parlaient pratiquement jamais.

— Tu fais quoi ? L'interrogea Ethan, curieux.

— Ruben, un pote à moi, m'a proposée une soirée, rétorqua-t-elle, vaguement, Je n'ai pas d'autres informations.

— Ruben, répéta le garçon en grimaçant, C'est le frère de Jared n'est-ce pas ?

— Oui, il sera là aussi.

Ethan s'arrêta en plein milieu du couloir et feinta un rire, tandis qu'Anna se retourna vers lui, sans comprendre.

— Quoi ? Lâcha-t-elle froidement.

— Tu m'as fait la gueule pendant cent ans parce que je t'ai laissée à une des soirées de Jared Greggs et, maintenant, tu y cours tous les week-ends ?!

— Oh ferme-la... Souffla-t-elle hilare en poursuivant son chemin.

Ethan rit à son tour, bien qu'il ne trouvât pas cela très drôle, et la rattrapa pour continuer :

— Je peux venir ?

— Hein ? S'étonna la jeune fille, Mais je ne peux pas t'inviter, ce n'est même pas ma soirée !

— Peu importe ! Souffla-t-il, Crois-moi, à ce genre de soirées, ils ne font pas de cartons d'invitations.

Anna l'observa en biais d'un air sceptique et il ajouta :

— Et puis, j'ai cru comprendre qu'il valait mieux ne jamais te laisser seule à ce genre de soirées.

— Oh je n'y crois pas ! Souffla la jeune fille, altérée, C'est Noah qui t'a dit ça ? Tu ferais mieux de ne pas le croire, ce mec est un menteur et un parasite.

— C'est une rumeur qui circule, rectifia-t-il.

— De toute façon, je ne serais pas seule, rétorqua-t-elle, Il y aura Ruben.

— ... Et Jared, grinça Ethan entre ses dents.

— Ce qui ne te regarde pas, commenta Anna.

Ethan se planta devant elle et plongea son regard dans le sien, avant d'ajouter d'une voix suppliante :

— S'il-te-plait, Anna, laisse-moi t'accompagner.

— Tu es aussi désespéré que ça ? Depuis quand c'est moi qu'on supplie pour aller à une soirée ?

— Je n'ai rien d'autre de prévu et j'ai envie de passer du temps avec toi.

La sonnerie de la reprise des cours résonna dans le couloir et les fit sursauter tous les deux. Rien à faire, cela faisait trois ans qu'ils entendaient cette sonnerie toutes les heures, mais elle avait toujours cet effet dévastateur pour leur pauvre cœur trop sensible.

— S'il-te-plait, répéta Ethan.

— Oh... D'accord ! S'exclama Anna en se retournant pour aller rejoindre sa salle de classe.

— A demain alors ! Rétorqua le garçon, ravi, en bifurquant à son tour pour aller à son cours d'économie.

***

Monsieur Kerman ouvrit la porte en bois de son bureau et observa sa jeune patiente, installée nonchalamment sur un des sièges de sa salle d'attente, les yeux rivés sur un magazine de mode, totalement inutile, qu'il laissait sur la table basse pour que ses clients passent le temps entre plusieurs rendez-vous.

— Je ne vous cache pas que votre appel d'hier m'a surpris Mademoiselle Lefevre, déclara-t-il pour attirer son attention.

Ellie releva les yeux vers le psychologue et esquissa un sourire :

— J'avais compris, murmura-t-elle en se relevant, Puisque vous m'avez demandée un rendez-vous en toute urgence.

Elle passa devant lui pour aller s'installer dans son bureau et il l'interrogea, en refermant la porte derrière elle :

— Pourquoi vous n'êtes pas à Orléans, Ellie ?

— Pas assez de lumière, trop exposée à l'ouest.

— Orléans est au centre de la France, l'arrêta-t-il, blasé.

— Ah oui peut-être... Je ne sais pas, je n'y suis jamais allée.

Monsieur Kerman leva les yeux au ciel. Elle n'avait pas changé.

— Et la vraie raison ? L'interrogea-t-il en s'installant dans le fauteuil en face de la jeune fille.

— On m'a demandé de rester et je le l'ai fait.

— Qui ça ? Noah ?

— Lui ne bougerait pas son petit doigt pour moi.

— Alors qui ? Votre grand-mère ?

— Non, Lucas.

— Votre ex petit ami ? La questionna-t-il, surpris, Je croyais qu'il ne vous parlait plus.

— C'est le cas. Du moins, il ne me parlait plus, il est revenu sur sa décision, il m'a demandée de rester, je l'ai fait, puis on s'est engueulés à nouveau et il ne me reparle plus, résuma-t-elle d'une traite.

— Pourquoi vous êtes vous disputés ?

— Sérieusement ? Pouffa Ellie, blasée, En quoi ça va vous servir ? J'ai plus l'impression de raconter ma vie à ma meilleure amie qu'à un médecin là ! On s'en fiche de toutes ces histoires, c'est des trucs de lycéens. Point barre.

— En attendant, il me semble que, justement, vous n'avez pas de meilleure amie à qui raconter « toutes ces histoires »... Rétorqua le psychologue, ironique, Et c'est souvent dans les détails les plus insignifiants qu'on apprend des choses sur les gens. Alors, je réitère ma question : pourquoi vous êtes vous fâchés ?

Ellie sembla hésiter une seconde, puis elle lâcha finalement :

— Noah, mon meilleur ami – ou du moins ce qu'il en reste – traine en ce moment avec une fille banale. Une intello un peu coincée. Il l'a manipule complètement bien sûr, c'est une évidence que j'ai l'impression d'être la seule à voir, au passage. Mais ça ne me pose pas de problème, en réalité, parce que je m'en fiche pas mal de cette gamine. Le truc, c'est qu'elle est amie avec Lucas. D'ailleurs, on doit avoir la même définition de l'amitié lui et moi, vu le peu d'intérêt qu'il accorde à sa soit disant « meilleure amie ». Bref, ce n'est pas le sujet. J'ai été dire à cette fille la vérité sur Noah et, forcément, Lucas l'a mal pris, car il considère que ce n'était que de la jalousie.

— Et ce n'en était pas ?

— Bien sur que non ! S'offusqua la jeune fille.

— C'était une simple question... Ne vous énervez pas.

— Je ne m'énerve pas.

— Presque, ironisa le médecin.

— Oh et peu importe, souffla Ellie, blasée, En réalité, je ne suis même pas venue vous voir par rapport à ça. J'ai une question à vous poser.

— Allez-y.

— Ma grand-mère est bizarre ces derniers temps... Commença-t-elle en croisant ses jambes sur l'épais fauteuil en velours, Elle mange moins, elle a l'air fatiguée, elle ne sort plus le soir avec Aline. J'ai fouillé dans ses affaires et j'ai trouvé des médicaments. Elle prend de la dixogine, vous savez ce que c'est ?

— Je ne suis pas médecin, Ellie.

— Vous êtes psy, c'est pareil !

— Absolument pas.

— Peu importe ! Vous savez ce que c'est ou pas ?

— Votre ami Google ne vous a pas donné de réponse ? L'interrogea-t-il, amusé.

— Je n'ai rien compris à la page Wikipédia, je sais juste que c'est en rapport avec le cœur.

— Oui, confirma-t-il, C'est un médicament qu'on prescrit contre les insuffisances cardiaques.

— Donc elle est malade ?

— On ne peut pas se procurer ce genre de médicament sans ordonnance, lui expliqua-t-il, Donc oui, je suppose qu'elle se fait suivre par un médecin.

— C'est grave ?

— Mais demandez-lui Ellie ! Répondit-il, pris au dépourvu, Comment voulez vous que je le sache ?

— Ma grand-mère est certainement la personne avec plus de fierté que moi, elle ne me le dira jamais si elle est malade. Elle aurait trop peur de reconnaitre qu'elle a besoin d'aide.

— Et avez-vous réellement envie d'avoir une réponse ? L'interrogea-t-il.

Ellie s'arrêta, mal à l'aise. Bien sûr que non, elle ne voulait pas le savoir.

— S'il lui arrive quelque chose, murmura-t-elle, Je ne m'en sortirais jamais, Monsieur. J'ai déjà perdu mes deux parents, mon meilleur ami et mon copain. Elle est tout ce qu'il me reste.

— Je sais, murmura-t-il doucement, Je sais tout ça.

— Et qu'est-ce que ça va changer ?

— Pas grand chose, lui accorda-t-il, Je suis psychologue Ellie, pas Dieu.

— Ça se saurait, ironisa la jeune fille.

— ... Je suis désolé, murmura-t-il, Mais il y a des malheurs dans votre vie qui dépassent mes compétences et, pour être honnête avec vous, qui me dépassent tout court.

— C'est marrant, murmura-t-elle en esquissant un sourire qui cachait assez mal sa peine, Parce que, moi aussi, ça me dépasse.

***

Noah rentra chez lui en trainant des pieds et posa son sac sur le sol, avant de se jeter dans le canapé.

— Bonjour Noah, entendit-il la voix de Chloé dans la cuisine, Tu as passé une bonne journée ?

— Comme un vendredi, répondit-il, blasé en ôtant ses baskets à l'aide de ses pieds.

— C'est très explicite tout ça, ironisa son père.

Derechef, Noah se retourna vers lui et s'arrêta, surpris. C'était la première fois que Paul rentrait si tôt un vendredi soir, d'autant plus qu'il avait toujours des choses à finir au bureau avant le week-end. Bien sûr, il se doutait que ce n'était pas pour lui qu'il avait fait cet immense effort, mais pour les deux imbéciles qui partageaient désormais son appartement.

— Chloé prépare le gouter, ajouta Paul avec le sourire niais qui ne le quittait plus depuis que sa copine avait emménagé, Tu as faim ?

— Papa, je ne prends plus le gouter depuis que j'ai dix ans, souffla-t-il en allumant la télévision.

— Mais je prépare des crêpes ! Rétorqua-t-elle de la cuisine, Tout le monde adore ça !

— Tu savais que Chloé avait des origines bretonnes ? Enchaina son père, ravi, bien que Noah ne vît pas vraiment en quoi l'information était pertinente pour lui.

— On ne parle pas d'origine pour une putain de région de France dont personne ne connait rien, rétorqua son fils, blasé, On parle d'origine pour les pays.

Aucun des deux parents ne répondit et il se replongea dans son émission télé, jusqu'à ce qu'il entende la porte de l'appartement s'ouvrir. Jonas venait de rentrer lui aussi du lycée et, à son plus grand soulagement, ils n'étaient pas inscrits dans le même. C'était d'ailleurs la seule chose intelligente qui était passée dans l'esprit de leur parent, ces derniers temps. Remarquant leur léger différent, ils avaient préféré séparer les deux garçons pour éviter d'attiser les tensions, déjà bien assez présentes. Jonas venait d'être scolarisé dans un lycée pour garçon dans le centre de Paris. Un autre établissement à la con du même genre que Saint Richard.

— Alors, mon chéri, comment était cette journée ? L'interrogea tendrement sa mère.

— Sérieusement ? Souffla Noah du salon, Vous allez nous poser la question tous les soirs ?

— Jusqu'à ce que tu répondes un truc intelligent peut-être, ironisa son père, Ce qui ne risque pas d'arriver.

— Ah ah, commenta Noah, d'une voix totalement neutre pour lui faire comprendre que sa plaisanterie tombait à l'eau.

— J'ai passé une bonne journée, répondit finalement Jonas en s'installant à une chaise du bar qui séparait la cuisine du salon, Mais je vais avoir un peu de mal à m'habituer, je pense.

— Jonas était dans un lycée public, se tenta de préciser Paul à l'attention de son fils, qui n'en avait strictement rien à faire.

— Et puis, il n'y a que des gars, ajouta le concerner.

— Pauvre chat, murmura Noah.

Mais tout le monde décida de l'ignorer.

— Tu es joli garçon, murmura Chloé tendrement, Tu trouveras d'autres moyens pour rencontrer des filles.

— J'ai déjà une copine, cracha-t-il.

— Oui, elle est juste à des centaines de kilomètres d'ici, ironisa Noah.

— Au moins, lui, il a une copine, lui fit remarquer Paul.

Son fils lança un rapide coup d'œil derrière lui pour savoir s'il était sérieux et répliqua, blasé :

— Je ne veux pas avoir de copines.

— Et Anna ? Interrogea Paul.

— Comment tu connais son nom ? L'interrogea Noah, surpris.

— C'est Clara qui m'en a parlé.

— Ok... C'est encore plus flippant que tu connaisses le sien aussi.

— Connaître quoi ?

— Le prénom de la femme de ménage. J'ai mis trois mois à le retenir et je vis pratiquement avec elle.

— Quand tu donnes ton fric tous les mois à une personne, tu retiens forcément son prénom, lui fit remarquer Paul.

— Pas faux, réalisa Noah en se relevant de sa position assise.

— Tu viens manger ? S'emballa son père, ravi.

— Non, je monte dans ma chambre.

— Allez, viens ! Insista Chloé qui était en train de faire cuire les crêpes, Je peux t'en faire une au chocolat.

— Pas faim, marmonna Noah en montant les marches de son escalier.

De quel droit pensaient-ils qu'ils allaient former une famille parfaite, juste parce qu'ils l'avaient décidé du jour au lendemain ? Songea-t-il, altéré, en montant les dernières marches pour rejoindre sa chambre.

Il entendit son père dans son dos :

— Sinon, quand tu arrêteras d'être con, tu pourras peut-être redescendre et rester un peu avec nous ?

Non, ça ne risquait pas d'arriver, pensa-t-il avant de claquer la porte de sa chambre.

***

Anna grimpa rapidement ses escaliers pour rejoindre sa chambre, discrètement. Elle en avait marre de se faire passer un savon tous les soirs, donc, désormais, elle montait directement dans sa chambre après sa journée de cours et y restait toute la soirée. Pour le diner, elle prétextait un manque d'appétit ou un mal de ventre pour y échapper. Cela marchait bien puisqu'en réalité, ni Cécile, ni Ophélie, n'avaient réellement envie de partager leur repas avec elle. Alors, Anna redescendait pendant la nuit grignoter l'assiette que sa mère lui avait laissé dans un coin du frigidaire, ce qui laissait clairement supposer que Cécile avait bien compris son petit manège pour les éviter et qu'elle y adhérait totalement. C'était triste, mais Anna n'était plus à ça près. Sa vie était pathétique au possible, ces derniers temps.

La jeune fille ouvrit la porte de sa chambre et laissa son sac de cours sur le sol, avant de s'effondrer sur son lit et de s'enfoncer dans son matelas. Elle ferma les yeux un instant pour se reposer, puis son portable se mit soudainement à vibrer dans sa poche et elle décrocha après avoir lu le nom qui s'affichait sur l'écran :

— Ouais Ruben ?

— Salut Anna, écoute, j'ai bien eu ton texto et je pense qu'il n'y a pas de problème pour que Ethan vienne demain soir, en plus c'est un pote à Jared.

— D'accord... De toute façon il n'attendait pas particulièrement son accord.

— Oui j'imagine, pouffa Ruben à l'autre bout du fil, Mais comment ça se fait qu'il vienne ? Vous vous parlez encore vous deux ?

— Vaguement, répondit-elle, En fait, on fait du théâtre ensemble, mais ça s'arrêtait là. Depuis quelque temps, il vient plus souvent me parler, c'est bizarre.

— Tu ne penses pas que s'est lié au fait que Noah ne te parle plus ?

— Comment ça ? L'interrogea Anna.

— Qui va à la chasse perd sa place ! S'exclama-t-il, tandis que la jeune fille leva les yeux au ciel de l'entendre utiliser une expression aussi vieillotte.

Essayait-il de rendre encore plus cliché le fait qu'il était gay ?

— Ouais, peut-être, marmonna-t-elle, Enfin, peu importe. On verra bien comment ça se passera. Si tu veux mon avis, Gabrielle n'est pas très loin dans l'histoire.

— Tu as la faculté de te mettre dans des histoires compliquées toi !

— Tu déconnes, j'espère ? L'interrogea son amie, outrée, « Monsieur je veux retrouver un type qui m'a tabassé à la sortie du lycée et qui renie son homosexualité ».

— C'est un peu long comme sarcasme, ironisa-t-il, Et puis, Borja ne m'a pas frappé.

— Oui, il t'a juste regardé te faire frapper ! Scanda Anna.

— Hey ! S'exclama Ruben, vexé, Tu as accepté de venir avec moi à cette soirée, donc ça veut dire, qu'implicitement, tu me soutiens dans cette aventure suicidaire.

— Au moins, tu reconnais qu'elle est suicidaire.

— Et alors ? Il faut bien prendre des risques dans la vie, sinon on n'avancera jamais à rien.

— Il y a les « risques » et les « missions impossibles », lui fit remarquer Anna.

— Et comment connaître la limite entre les deux si tu restes là sans rien faire ? L'interrogea-t-il, Comme toi, qui préfère ne plus parler à Noah Khan, plutôt que de comprendre pourquoi il t'a menti.

— Je me suis déjà expliquée avec lui, réfuta derechef la jeune fille, Crois-moi, je n'ai pas envie d'en savoir plus.

— Vu ce que tu m'as raconté, ce n'était pas vraiment une explication, mais plutôt une engueulade.

— Je rêve ou tu le défends ?

— Je ne défends pas ce type, rectifia-t-il, J'arrive juste à faire la part des choses, ce que tu devrais penser à faire d'ailleurs !

— Pardon ?

— D'accord, Noah t'a menti sur une grande partie de sa vie, mais il me semble que ce n'était pas non plus primordial pour toi de savoir tout ça. Il ne t'a pas caché qu'il avait une petite-amie par exemple, c'était à propos de choses qui ne te concernaient pas.

— Mais je me fiche pas mal du contenu de ces mensonges, s'expliqua Anna, C'est sur le principe que je ne suis pas d'accord.

— Quel principe ? Est-ce que tu lui as dit que ton père ne t'avait pas appelé depuis des mois ? Est ce que tu lui as dit que tu étais complètement isolée dans ta famille ?

— Bien sûr qu'il le sait, je l'ai déjà évoqué pleins de fois avec lui.

— Oui, comme tu le fais avec moi, sur le ton de la plaisanterie ! S'exclama Ruben, Sauf que moi, je suis assez proche de toi pour savoir que ça te blesse énormément. Et je ne pense pas que tu te sois confiée à lui, tout comme il ne l'a pas fait à propos de sa famille. Je veux dire, c'est normal, Anna, vous ne vous connaissez pas beaucoup pour le moment.

— Ruben, tu es bizarre, murmura la jeune fille, sceptique.

— Noah n'est pas aussi mauvais que tu le dis et, malgré toi, tu le sais très bien.

— J'essaie seulement de me protéger, bafouilla Anna, prise au dépourvue, Je ne vais pas aller crier sur tous les toits mes problèmes de famille.

— Et il ne va pas crier sur tous les toits que sa mère l'a abandonné, compléta le garçon.

On a tous un ami qui donne l'impression de comprendre mieux que tout le monde. Pour Anna, cet ami, c'était Ruben Greggs.

—Ok, je dois y aller, marmonna-t-elle pour abréger la conversation.

— Ouais, d'accord, désolé d'avoir été lourd sur le sujet, répondit-il, Je ne voulais pas être désagréable, mais j'avais envie que tu y réfléchisses un peu.

— C'est déjà fait, l'arrêta-t-elle, Et crois-moi... J'ai tiré une croix définitive sur Noah Khan.

— Ok je te laisse... Bonne nuit Anna.

— Bonne...

La jeune fille s'arrêta au milieu de sa phrase et fronça les sourcils d'un air interloqué, avant de rectifier :

— Mais il est dix-neuf heures, Ruben.

— Oui et bien peu importe ! Pouffa le garçon avant de raccrocher.

Anna lança son téléphone sur sa table de chevet et poussa un long soupir en se frottant les yeux. On était vendredi soir et elle n'avait pas réellement envie de commencer ces leçons maintenant, et encore moins de descendre regarder la télévision avec Cécile et Ophélie.

Elle se releva du lit, adoptant une position assise, et observa son ordinateur en silence. Elle n'était pas très inspirée pour regarder un film et ne trouvait jamais rien à faire sur les réseaux sociaux.

Anna poussa un deuxième soupir, blasée par la perspective de la soirée qui s'offrait à elle, et jeta un rapide coup d'œil dans sa chambre. Elle s'arrêta sur un bouquin posé sur son bureau depuis des mois et qu'elle n'avait pas encore touché. Elle se releva du lit pour l'attraper et observa la couverture écorchée. Il s'agissait de Anna Karenine, le livre qui lui avait envoyé son père à Noël. Elle retourna l'épais volume et commença à lire le résumé. Jugeant que l'histoire était à son goût, elle ouvrit la première page et laissa tomber une lettre sur le sol.

Elle la ramassa et déplia le papier avec curiosité.

***

Noah laissa sa tête tomber contre le dossier du canapé et il ferma les yeux. Le programme qu'il regardait à la télévision était soporifique et il était tout simplement en train de s'endormir... Ce qui était pathétique pour un vendredi soir. En réalité, son père lui avait proposé d'aller au cinéma avec Chloé et Jonas. Une fausse proposition, par ailleurs, car s'il refusait, il lui était interdit de sortir autre part. Noah avait tout naturellement refusé, préférant rester cloitré chez lui plutôt que de passer du temps avec cette nouvelle famille qu'il détestait plus que tout.

Il jeta un rapide coup d'œil autour de lui, observant l'immense suite d'hôtel qui était plongé dans le noir et se demanda à l'instant pourquoi il ne déjouait pas l'autorité parentale. Après tout, Noah était complètement seul et il pouvait très bien sortir comme il le voulait, ne serait que pour descendre quelques étages et se retrouver dans la boite de l'hôtel. Pourtant, même s'il adorait désobéir à son père, il n'avait pas très envie de sortir ce soir.

Machinalement, il attrapa la télécommande et zappa sur plusieurs chaines avant de s'arrêter sur un épisode d'une série policière qu'il connaissait par cœur. Tant pis, songea-t-il, il n'avait rien de mieux à faire.

Soudainement il entendit une porte s'ouvrir derrière lui et s'étonna qu'ils soient rentrés si tôt. Ces moments de solitude étaient-ils si courts qu'ils paraissaient être de simples secondes ? S'interrogea Noah en se retournant vers le hall pour les voir entrer.

Pourtant, une seule ombre se devinait dans le noir de la pièce et il interrogea, étonné :

— Qui est-ce ?

— Anna.

Derechef, Noah se releva du canapé et éteignit la télévision avant de se rapprocher de la jeune fille qui avait enfin osé avancer vers lui. Elle avait les yeux rouges, gonflées, les lèvres tremblantes et bleuies tandis que tout son corps frissonnait.

— Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ? L'interrogea Noah, ébahi, Tu n'as même pas de manteau ?

— Je suis sortie par la fenêtre de ma chambre, s'expliqua la jeune fille en tremblant.

— Mais pourquoi ? Enchaîna Noah de plus en plus abasourdi, Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que tu viens faire ici ?

— Je comprends, murmura la jeune fille.

— Tu comprends quoi ?

— Pourquoi tu m'as menti à propos de ta mère, de ta famille. Je comprends. Tu sais, j'aurais préféré le savoir mort plutôt que d'avoir à lire cette lettre un jour.

— Quelle lettre ? L'interrogea Noah qui n'y comprenait rien.

La jeune fille lui tendit une lettre pliée en quatre et il l'attrapa timidement, de peur peut-être que ce petit bout de papier ne lui fasse le même effet que sur Anna. Il releva son regard vers elle, observant ces yeux gonflés de larmes et se dirigea vers le salon pour allumer la lumière, avant de l'inviter à venir s'asseoir sur le canapé. Elle le suivit sans rien dire, se laissant enfoncer dans les coussins moelleux, et ferma les yeux. Noah bifurqua son regard vers la lettre qu'il commença à déplier, lisant la première ligne.

— Lit-la à voix haute, s'il-te-plaît, murmura Anna dont les yeux étaient toujours clos.

Noah jeta un coup d'œil suspicieux à la lettre, elle était tachée de larmes et froissée. Il l'interrogea, mal à l'aise :

— Anna, tu es sûre ?

— J'ai besoin de l'entendre en vrai, répondit-elle sans rouvrir les yeux, Sinon je n'arriverai jamais à y croire.

— D'accord.

Le garçon lissa la lettre le mieux qu'il put et commença sa lecture, craignant déjà de comprendre ce qu'elle contenait :

Anna, ma princesse. Je n'ose imaginer ce que tu penseras de moi après avoir lu cette lettre, mais tu mérites de connaître la vérité. Même si tu auras du mal à y croire après ça, je veux que tu saches que tu resteras la personne la plus importante à mes yeux. Je sais ce que les gens diront de moi... Que je ne suis qu'un lâche qui a abandonné sa famille et ils auront raison. Dans quelques temps, je ne répondrais plus à vos coups de téléphone, mais vous ne devrez pas vous inquiéter, j'irais bien. Je pars Anna...

Noah arrêta sa lecture, une boule venait de lui tordre le ventre en imaginant ce qu'elle avait pu ressentir en lisant ceci, et il se retourna vers elle lentement.

Anna avait toujours les yeux fermés, comme si elle essayait réellement de retenir ses larmes, et une grimace de douleur se devinait sur ses traits.

— Je peux...

— Non, l'arrêta-t-elle, sèchement, Continue.

Noah reporta son regard sur la lettre, hésitant, et Anna répéta plus sûre d'elle, cette fois-ci :

— Continue, s'il-te-plaît.

Je pars Anna, reprit Noah en se concentrant à nouveau sur l'écriture qui était légèrement effacée à cause des larmes de la jeune fille, Dans un endroit bien trop loin pour que tu puisses m'y retrouver un jour, mais assez prêt pour espérer ne pas disparaître de ton esprit. Je sais que tu ne comprendras pas mon geste, je sais que tu me haïras pour ce cruel abandon, mais je sais aussi que tu es la personne la plus courageuse que je n'ai jamais rencontrée et que tu le resteras toute ta vie. Tu t'en sortiras sans moi, Anna, tout simplement car tu n'as pas besoin de ton vieux père égoïste. Tu es forte, intelligente, et tu sais te surpasser pour les gens que tu aimes... Autant de qualité qui ne semble plus me qualifier, malheureusement. Je ne te demande pas ton pardon car je sais que je ne l'aurai pas et je le comprends. Je sens en moi que ma vie n'est pas ici et que cette famille est trop loin de ce dont j'ai besoin. Je te promets que je reviendrai un jour. Et si tu me veux encore dans ta vie à ce moment-là, je serais là pour toi et nous rattraperons le temps perdu.

Noah marqua une pause, avalant sa salive et termina presque en chuchotant :

Je t'aime, ne l'oublie jamais. Marc.

Il se retourna vers Anna tout en posant la lettre sur la table basse devant lui et observa ses poings serrés, les traits qui plissaient son front et le coin de ses yeux, et sa respiration saccadée qui soulevait sa poitrine si brutalement que ça devait en être douloureux.

— Anna ? Murmura-t-il doucement.

— Comment on peut abandonner la personne la plus importante à ses yeux ? L'interrogea-t-elle en gardant les yeux clos, comme si elle refusait encore de voir la vérité, Ça n'a aucun sens.

— Non, ça n'en a pas, chuchota-t-il en se rapprochant de la jeune fille, Si tu étais la personne la plus importante à mes yeux, je ne partirais jamais.

Tendrement, il posa sa main sur sa joue et la laissa quelques secondes, comme pour la réchauffer, car la jeune fille était gelée.

— Ouvre les yeux, s'il-te-plaît.

— Non, déclara-t-elle, catégoriquement.

— Ouvre les yeux Anna, répéta Noah doucement, Et regarde-moi.

— Non.

— Tu n'es pas venue jusqu'ici pour te terrer dans ce mutisme, rétorqua-t-il en posant sa deuxième main sur sa joue, de manière à encadrer totalement son visage, Ouvre les yeux, répéta-t-il.

— Je ne peux pas.

— Pourquoi ?

— Je ne veux pas que tu me voies comme ça.

— Alors pourquoi es-tu venu ?

— Je ne sais pas, grimaça-t-elle, les yeux toujours clos.

Lentement, le garçon parcourut de ses mains son visage enfantin, dessinant avec ses pouces la courbe de ses sourcils, puis il descendit le long de ses joues et s'arrêta plus longuement sur ses lèvres. Il avait envie de l'embrasser. Une putain d'envie qui parcourrait tout son corps et venait tambouriner dans son cerveau, comme une sorte de promesse qu'il était incapable de tenir. Mais ce n'était pas le bon moment et il n'était pas la bonne personne.

— Anna, reprit-il, Je sais ce que tu ressens.

— C'est affreux, l'interrompit-elle, sans même lui laisser le temps de terminer sa phrase, C'est tellement, tellement... Affreux. Comment est-ce que tu peux vivre avec ça ?

— Je te promets que tu y arriveras.

— J'ai accusé ma mère de tous les problèmes qu'il y avait dans ma famille, alors que la seule et unique personne qui a toujours tout gâché c'est ce putain de connard égoïste de merde qui...

Elle ne réussit même pas à terminer sa phrase, car elle venait de porter sa main à sa bouche pour empêcher un cri de douleur de s'échapper de sa gorge.

Noah enchaîna :

— Pleure, Anna. Ça te fera du bien.

La jeune fille lui fit un signe négatif de la tête, les yeux toujours clos, la main collée à ses lèvres, et il répéta :

— Il n'y a personne ici. Je ne le raconterai pas.

— Je ne veux pas pleurer pour lui, lui expliqua-t-elle en retirant sa main de ses lèvres, Ça n'a rien à avoir avec toi... C'est juste qu'il ne le mérite pas.

Elle voulut reporter sa main à sa bouche, mais Noah l'en empêcha en l'attrapant brutalement. Il entrelaça ses doigts au sien et il cracha, sèchement :

— Il ne mérite même pas que tu sois sa fille, on est d'accord. Alors, pleure une bonne fois pour toute et oublie-le.

Anna resta silencieuse. Elle était incapable de se laisser aller, car elle avait peur de sa propre réaction. Si elle s'autorisait à pleurer maintenant, elle n'était même plus sûre d'y survivre tant elle avait mal. Rien n'avait jamais été aussi douloureux.

— Anna, répéta Noah comme pour la faire revenir à lui, Tu m'entends ?

— Oui, murmura la jeune fille.

— Tu sens que je suis là ? Continua-t-il en resserrant la pression qu'il exerçait sur sa main.

— Oui.

— Tu as confiance en moi ?

— Oui.

— Alors tu me crois si je te dis qu'il ne se passera rien si tu relâches la pression ? Tu vas juste te sentir mieux.

— Je vais juste mourir, rectifia-t-elle en serrant sa main dans celle du garçon, J'ai peur Noah, je n'ai pas envie de me dire que c'est réel, qu'il est parti pour toujours.

— Je suis là, murmura-t-il en posant son front contre le sien, Moi, je ne pars pas.

Elle ne répondit pas tout de suite et, une fois de plus, il dû se faire violence pour ne pas poser ses lèvres sur les siennes. Mais que lui prenait-il bon sang ? Anna était pratiquement au bord du suicide, ce n'était vraiment pas le moment de se la jouer romantique.

— Merci... Murmura-t-elle en dégageant sa main qui était entrelacée dans celle de Noah.

— Anna ? S'étonna-t-il.

Lentement, la jeune fille remonta sa main libre vers l'épaule du garçon et l'arrêta dans le creux de son cou, quelques secondes, avant de la poser au milieu de son dos. Brutalement, elle le colla contre lui et enfonça son visage dans son cou où elle explosa en sanglots, laissant ses larmes la submerger.

Noah resserra derechef son étreinte autour de son corps et tremblant. Il posa une de ses mains au sommet de son crâne et murmura des « ça va aller » à son oreille, tout en sachant que c'était totalement faux. Sa main descendit le long de sa nuque, frôlant ses cheveux, puis le bas du dos, en un geste qu'il supposa réconfortant, mais insuffisant. Il était plutôt bien placé pour savoir qu'une caresse dans le dos ne représentait en rien une consolation pour avoir perdu un être cher, mais c'était mieux que rien. Mieux que ce silence qui entourait le départ de sa mère, celle dont on ne parlait plus jamais.

— Je suis désolée, souffla Anna entre ses sanglots.

— Pourquoi tu t'excuses ?

— Pour tout ce que je t'ai dit la dernière fois... Murmura la jeune fille en se dégageant de son étreinte, Je ne le pensais pas du tout.

Elle ouvrit les yeux à l'instant où elle prononça cette phrase et le cœur de Noah eut un raté.

— J'étais énervée et je me suis emportée, je suis vraiment...

— Chut, l'interrompit-il en posant une main sur ses lèvres qu'il dévorait du regard, C'est fini, maintenant, on ne va pas revenir là-dessus. Moi aussi, j'ai dit des choses que je ne pensais pas.

Lentement, il passa ses pouces sous les yeux de la jeune fille pour écarter ses larmes qui continuèrent de couler le long de ses doigts et il plongea son regard dans le sien. La tentation de toucher ses lèvres se faisait de plus en plus criante et il avança doucement vers son visage, incapable de se contrôler davantage.

Soudainement, la porte d'entrée s'ouvrit avec en écho les rires de son père et de Chloé. Il se recula d'un bond tandis que la jeune fille tenta de sécher ses larmes avec ses mains tremblantes. Quelques secondes plus tard, sa famille pénétra dans le salon et s'arrêta, surprise, devant les deux jeunes gens.

— Bonsoir, murmura Paul à l'adresse d'Anna.

— Bonsoir Monsieur, répondit celle dont la voix s'étranglait encore.

— Vous allez bien jeune fille ? S'enquit-il, inquiet.

— Ça va papa, l'arrêta son fils, Je gère.

— Il est minuit, Noah. Est-ce que tu veux que je la ramène chez elle ?

— Elle habite en dehors de Paris.

— Peu importe, on ne va pas la laisser rentrer en bus dans cet état.

— Elle peut dormir ici, proposa Noah.

— La chambre d'amis est prise par Jonas, murmura son père.

— Dans ma chambre.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, l'arrêta Paul.

Ils restèrent silencieux, tandis qu'Anna continuait de calmer sa crise de larmes.

Jonas ajouta :

— Je peux laisser ma chambre si vous voulez, je dormirai dans le canapé.

— C'est gentil, chéri, murmura Chloé en passant une main sur l'épaule de son fils.

— Mais pas nécessaire, compléta Paul, Cette jeune fille a visiblement besoin de dormir et je pense que sa chambre sera le meilleur endroit pour ça.

— Oui, je ne veux pas vous déranger, participa enfin Anna, confuse.

— Tu ne nous déranges pas, l'arrêta Noah, Tu peux dormir avec moi.

— Votre mère est-elle au courant que vous êtes sortie ? L'interrogea Paul.

— Non.

— Alors la question ne se pose pas, rétorqua-t-il en enfilant le manteau qu'il venait à l'instant de poser sur le bar de la cuisine, On y va.

Noah n'avait pas la force de tenir tête à son père, ce soir, et il savait, au fond de lui, que Paul avait raison. Anna avait besoin de sommeil et si elle en était venue à rester dormir dans son lit, il ignorait s'il aurait eu la force de se contrôler. C'était d'ailleurs probablement la raison qui poussait son père à ramener Anna chez elle. Peut-être avait-il senti que Noah n'était pas loin de tout gâcher et qu'il essayait tant bien que mal de sauver leur semblant de relation.

— Je reviens tout de suite, chérie, murmura-t-il à l'attention de Chloé, avant de l'embrasser furtivement sur les lèvres.

Anna se retourna vers Noah, intriguée, et il murmura à son oreille :

— Je t'expliquerai plus tard.

Il attrapa son manteau qu'il enfila et tendit une autre de ses vestes à Anna qu'elle posa sur ses épaules pour se réchauffer. Ils sortirent tous les trois de l'appartement afin de rejoindre la voiture de Paul.

— Je suis désolée de vous causer autant de soucis, murmura la jeune fille, mal à l'aise, Mon dernier bus passe à une heure, je peux le prendre et...

— Pas question, l'interrompit le père de Noah, Je ne veux pas que vous preniez le bus toute seule.

Ils pénétrèrent tous les trois dans le garage et Paul activa l'ouverture automatique des portes, afin que les deux jeunes se glissent à l'arrière de la voiture. Puis il ajouta en s'installant à la place du conducteur :

— C'est dommage, vous auriez attendu un petit mois de plus, Noah aurait pu vous ramener chez vous.

— Tu vas déjà passer ton permis ? S'étonna la jeune fille en se retournant vers le concerner, Tu viens juste d'avoir dix-huit ans.

— J'ai commencé le code à seize ans et il ne me reste plus que quelques heures pour terminer la conduite, lui répondit-il.

Noah observa Paul à travers le rétroviseur de devant et il esquissa un sourire. Il savait que son père essayait de détendre l'atmosphère en changeant le sujet de conversation.

— Et vous Anna, ce permis ?

— J'aurais dix-huit ans en mars, mais je n'ai pas encore commencé, pas même le code.

— Ah si ce n'est pas malheureux ça, plaisanta Paul, A votre âge, je ne pensais qu'à conduire ma propre voiture pour aller là où j'avais envie.

— Tu parles, ironisa son fils, Tu n'avais aucun endroit où aller, vu que tu passais ton temps à travailler.

— Ce n'est pas en claquant des doigts qu'on entre à HEC, fils, lui fit-il remarquer.

— Pas faux... Mais encore faut-il avoir envie d'y aller.

Son père marqua une pause, montrant son mécontentement, et ajouta finalement :

— Et toi, Anna, tu as des projets après le lycée ?

Noah leva les yeux au ciel. Son père avait-il réellement l'intention d'aborder tous les sujets chiants pendant le trajet ?

— Je voulais aller en littérature à la Sorbonne pour être avec mon père qui était professeur là-bas, murmura la jeune fille.

Elle s'arrêta un instant et reprit froidement :

— Mais il s'avère, qu'en réalité, il est un connard fini qui nous a abandonné pour une pouffiasse d'étudiante et une plage à la con dans le sud de la France... Et comme seul souvenir, il m'a laissée un bouquin de merde écrit par un russe dont personne n'arrive à prononcer le nom. Son livre préféré soi-disant... Il aurait choisi mon nom par rapport à l'héroïne de l'histoire. D'ailleurs, ça me fait me poser pas mal de questions, parce qu'Anna Karenine n'est qu'une salope qui trompe son mari.

Noah esquissa un sourire, amusé. Si Anna arrivait à plaisanter de ce qui lui arrivait, alors elle avait passé la pire étape.

— Ah, commenta Paul qui ne voyait pas très bien quoi dire d'autre.

Et le reste du trajet se passa dans un silence absolu.


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