Nantis

By FlorieC

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La jeunesse dorée, tel est le surnom qu'on leur donne. Il existe une rumeur qui sous-entend qu'on ne naît pas... More

[SAGA 1] L'arrogance des gens meilleurs
Chapitre 1 : If it makes you happy
Présentation : Noah Khan
Chapitre 2 : Take me as I am
Présentation : Ellie Lefevre
Chapitre 3 : Don't stop the party
Chapitre 4 : Too late
Chapitre 5 : Losing your memory
Présentation : Ethan Franck
Chapitre 6 : She drives me crazy
Chapitre 7 : Secrets
Chapitre 8 : Highway to hell
Chapitre 9 : How I needed you
Chapitre 10 : Miss misery
Chapitre 11 : Me and the devil
Présentation : Anna Joly
Chapitre 12 : Know your enemy
Chapitre 13 : Little talks
Chapitre 14 : You're not alone
Chapitre 15 : Love the way you lie
Chapitre 16 : Bad romance
Chapitre 17 : Teenage dream
Chapitre 18 : Don't wake me up
Chapitre 19 : My medicine
Chapitre 20 : Shut up and let me go
Chapitre 21 : Wicked Game
Présentation : Gabrielle Gallien
Chapitre 22 : Last Christmas
Chapitre 23 : Winter
Chapitre 24 : Let it be
Chapitre 25 : Happy New Year
[SAGA 2] L'éternité à tes pieds
Chapitre 1 : Bad day
Présentation : Jared Greggs
Chapitre 2 : The last to know
Chapitre 3 : When she believes
Chapitre 4 : Losing my religion
Présentation : Lucas Gallien
Chapitre 5 : Take control
Chapitre 6 : If you leave me know
Chapitre 7 : Stay
Chapitre 8 : Only if you run
Chapitre 9 : Just tonight
Chapitre 11 : Fix you
Chapitre 12 : Damn you
Chapitre 13 : This is war
Présentation : Ruben Greggs
Chapitre 14 : Apologize
Chapitre 15 : Gives you hell
Chapitre 16 : Never say never
Chapitre 17 : Skinny love
Chapitre 18 : Alone
Présentation : Christelle Wertheimer
Chapitre 19 : Don't be a stranger
Chapitre 20 : We are young
Chapitre 21 : One Day
Chapitre 22 : Dark on fire
Présentation : Borja Escobar
Chapitre 23 : Like a virgin
Chapitre 24 : Better Together
Chapitre 25 : Happy Birthday
[SAGA 3] Dans la cour des grands
Chapitre 1 : The funeral
Chapitre 2 : Pursuit of Happiness
Chapitre 3 : Dark Paradise
Chapitre 4 : I want to break free
Chapitre 5 : A drop in the ocean
Chapitre 6 : Enjoy the silence
Chapitre 7 : Help
Chapitre 8 : I don't want to be
Chapitre 9 : Eye of the tiger
Chapitre 10 : Come back home
Chapitre 11 : Mirror
Chapitre 12 : Heartless
Chapitre 13 : Someone like you
Chapitre 14 : If I needed you
Chapitre 15 : You're not sorry
Chapitre 16 : Burn it down
Chapitre 17 : How you remind me
Chapitre 18 : Wrecking ball
Chapitre 19 : Just give me a reason
Chapitre 20 : Can you feel the love tonight
Présentation : Gautier Lantez
Chapitre 21 : People help the people
Présentation : Yanis Perrin
Chapitre 22 : Yesterday
Chapitre 23 : Hot and cold
Chapitre 24 : Kiss me
Chapitre 25 : Only wanna be with you
[SAGA 4] La réponse des faibles
Chapitre 1 : Collide
Chapitre 2 : The lonely
Chapitre 3 : Another love
Chapitre 4 : Protect me from what I want
Présentation : Ophélie Joly
Chapitre 5 : Big big world
Chapitre 6 : Don't lie
Chapitre 7 : Undisclosed desires
Chapitre 8 : You and I
Chapitre 9 : Another day in paradise
Chapitre 10 : Just can't get enough
Chapitre 11 : Sirens call
Chapitre 12 : Too close
Chapitre 13 : Love me again
Chapitre 14 : Demons
Chapitre 15 : You are the one that I want
Chapitre 16 : Sober
Chapitre 17 : What doesn't kill you
Chapitre 18 : Too many friends
Chapitre 19 : Monster
Chapitre 20 : Broken crown
Chapitre 21 : He is my son
Chapitre 22 : Talk to me
NANTIS EN LIVRES PAPIER !
Chapitre 23 : Try
Chapitre 24 : Everybody's Got To Learn Sometime
Chapitre 25 : Wonderful life
NANTIS en livres ♥

Chapitre 10 : Never let me go

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By FlorieC



Noah frappa de son poing la porte d'entrée de l'immense bâtisse devant lui. Comme il s'y était attendu pour une famille de cette importance, un employé de la maison lui ouvrit la porte après quelques minutes, l'observant d'un air suspicieux.

— Je suis là pour voir Jared, lâcha Noah, furieux.

— Monsieur Greggs dort encore.

— Et Ruben ?

— Il n'est pas rentré.

Le garçon leva les yeux au ciel. Cette famille était exaspérante, en plus d'être inutile.

— C'est important, s'il-vous-plait.

— J'ai pour ordre de ne pas faire déranger Monsieur Greggs.

— Il y a une fille avec lui. Et elle...

— Il y a toujours une fille avec Monsieur Greggs, fit remarquer l'homme, amusé.

— Sauf qu'elle est mineure, l'arrêta le garçon. Et je suppose que vous avez aussi comme ordre que ce petit con ne créé pas trop de problèmes à cette famille donc, s'il-vous-plait, est-ce que je peux entrer ?

L'homme sembla hésiter, quelques instants, mais, comme il connaissait bien le personnage de Jared Greggs, il réalisa que le garçon qu'il avait devant lui devait dire la vérité.

— D'accord, lâcha-t-il en le laissant entrer dans l'immense bâtiment.

— Où est sa chambre ? Interrogea Noah.

— Premier étage, deuxième porte à gauche.

Derechef, le garçon se précipita dans les grands escaliers de marbre et monta les marches quatre à quatre. Il se dirigea ensuite vers la porte en question et, sans se donner la peine de frapper au battant, il pénétra dans la pièce plongée à moitié dans l'obscurité. Les volets électriques n'étaient que légèrement baissés et laissaient passer les rayons du soleil de ce tout début de matinée. Ses yeux mirent donc peu de temps à s'habituer au noir et Noah lança un rapide coup d'œil autour de lui pour observer la chambre. Elle était composée de plusieurs pièces, puisqu'il ne semblait être que dans une sorte de salon. Il n'y avait pas de lit et une autre pièce, où la porte était entrouverte, apparaissait dans le fond. Finalement, il arrêta son regard sur un canapé qui trônait sur un coté du mur et où on pouvait deviner une forme allongée.

— Anna, murmura-t-il en la reconnaissant aussitôt.

Noah voulut s'approcher, mais il entendit une porte se refermer derrière lui et il se retourna, surpris. Jared venait d'entrer dans sa chambre et portait uniquement une serviette de douche autour de la taille. Des gouttes d'eau coulant de ses cheveux mouillés venaient descendre le long de son torse impeccablement musclé. Le visage de Jared se crispa lorsqu'il réalisa que son ennemi de toujours venait de s'infiltrer dans sa chambre pendant qu'il en était sorti. Il était fils d'un conseiller du gouvernement... La maison de fonction de son père n'était-elle pas censée être un tant soit peu protégée des parasites extérieurs ? Songea-t-il, exaspéré.

— Qu'est-ce que tu fais là, Khan ?

— Et elle, qu'est-ce qu'elle fout là, putain ? S'emporta Noah, Pourquoi tu l'as mis dans cet état ?

— Oh doucement, de qui tu parles ?

— Anna !

— Hey, mais calme-toi, l'arrêta Jared, frustré, Je n'ai rien fait de mal. On a bu hier soir et, quand j'ai vu qu'elle était mal, je l'ai gentiment raccompagné chez elle.

— Chez elle ? S'égosilla Noah, halluciné, Mais, putain, qu'est-ce qu'elle fout sur ton canapé pauvre con ?!

— Pardon ?!

Jared s'avança vers le canapé où la jeune fille était encore profondément endormie, malgré les cris qui fusaient dans la pièce. Il s'arrêta, dubitatif.

— Ah oui, c'est vrai... Réalisa-t-il, Je ne savais pas où elle habitait, alors, je l'ai ramenée ici.

— Tu ne pouvais pas m'appeler, crétin ? L'incendia Noah, fou de rage.

— Quand bien même j'y aurai pensé... Tu m'expliques pourquoi j'aurais dû t'appeler ?

— Parce que moi, je sais où elle habite, par exemple, fustigea Noah, Oh et puis casse-toi !

— Je suis chez moi, lui fit-il remarquer, blasé.

— T'as raison, on n'a rien à faire ici.

— On ? S'étonna Jared en observant Noah s'approcher du canapé.

Le garçon s'accroupit face à la jeune fille qui semblait encore colmater.

— Anna ?

La concernée grimaça dans son sommeil et donna un coup de pied dans la couverture qui la recouvrait. Celle-ci tomba par terre et laissa apparaître son corps. Elle ne portait plus que son tee-shirt et une culotte.

Noah se releva précipitamment pour se ruer vers Jared qui l'arrêta d'un geste de la main :

— Non, je ne l'ai pas touchée !

— Je vais te tuer.

— C'est elle qui s'est déshabillée pour dormir ! Je le jure !

Noah s'arrêta devant lui, sa main toujours serrée en un poing rageur, et il l'interrogea, sèchement :

— Qu'est-ce que vous avez fait hier soir ?

— On aidait Ruben.

— Alors pourquoi ton putain de majordome m'a dit qu'il n'était pas rentré ?

— Il n'est pas rentré ?! S'exclama Jared, éberlué, Mais comment on fait pour le perdre à chaque fois celui-là ?

— Je n'en ai rien à foutre de Ruben, grinça Noah entre ses dents, Et si tu mêles encore Anna à tes histoires, je te jure que tu auras à faire à moi.

— Oh qu'est-ce que tu vas me faire ?

— Pour commencer, dire à ton père comment son putain d'argent de poche vient nourrir le trafic de drogue de toute la capitale.

— Je crois savoir que mon trafic remplit tes poches de pantalon, connard.

— Ne t'inquiète pas pour moi, je trouverai bien un autre fils à papa dans ton genre qui n'a rien trouvé de mieux à faire dans sa vie pour déjouer l'autorité parentale. Il pleut des mecs pathétiques dans ton genre dans cette ville.

— Commence peut-être par te regarder dans un miroir.

Noah l'incendia du regard et tourna des talons pour rejoindre le canapé. Il ramassa la couverture sur le sol pour recouvrir la jeune fille.

— Elles sont où ses fringues ?

— Je n'en sais rien, cracha Jared dans son dos avant de rejoindre une autre pièce.

Il referma la porte derrière lui et Noah passa sa main sur le sol pour retrouver le vêtement. Il sentit un jean et s'en empara. Il posa sa main sur l'épaule de la jeune fille et réitéra sa tentative de réveil.

— Anna. Lève-toi, s'il-te-plait.

— Pourquoi ? Marmonna la jeune fille, encore dans les vapes.

— Je vais te ramener chez toi.

— Non, répondit-elle, la tête cachée dans l'oreiller, Ma mère ne doit pas me voir comme ça.

Son haleine empestait l'alcool et il devait reconnaître qu'elle avait raison sur ce point-là.

— Tu ne peux pas rester ici.

— Pourquoi ?

— Parce que Jared est un con. Allez, viens, je ne vais pas rester une éternité dans cette piaule.

Sans attendre sa réponse, il ôta l'oreiller, dans lequel elle avait caché sa tête, et le balança à l'autre bout de la pièce. La jeune fille grommela, mécontente, lorsqu'il la força à s'assoir sur le canapé. Une trace d'oreiller s'étendait sur l'intégralité de sa joue et ses cheveux qu'elle avait lissés commençaient à friser à certains endroits. Incapable de se réveiller complètement, elle se laissa tomber en avant, s'échouant sur l'épaule de Noah qui tentait de lui faire enfiler son jean.

— Oh, je t'en prie, souffla le garçon, Tu ne peux pas faire un effort. Je ne vais pas t'habiller.

Anna grommela de nouveau, signe qu'une partie de son cerveau était encore en mode sommeil, et elle se recula de l'épaule de Noah pour attraper son jean et l'enfiler. Noah se retira pour chercher le reste de ses affaires et les fourrer dans son sac. La jeune fille faufila ensuite sa deuxième jambe dans le slim et se releva en titubant du canapé pour remonter son pantalon jusqu'à ses hanches. Elle tangua de gauche à droite en tentant de refermer sa fermeture éclair et Noah posa ses deux mains autour de son visage pour la faire revenir à lui.

— Hey, ça va ?

Anna hocha de la tête, malgré ses yeux fermés à cause de la fatigue et de son mal de crane.

Elle murmura, la voix pâteuse :

— Je crois que j'ai trop bu hier soir.

— Tu veux vomir ?

— J'ai déjà vomi, répondit-elle tandis que ses yeux se refermaient tout seul.

— Oh tu n'es pas possible... Souffla Noah en lui faisant enfiler son manteau.

— Tu ne me ramènes pas chez moi, hein ? Murmura-t-elle en titubant, Ma mère va me tuer.

— Je sais, tu vas venir chez moi, la rassura-t-il en posant une main autour de ses épaules pour l'aider à marcher.

Noah se retourna vers le fond de la pièce où il se sentit observé. Jared était désormais habillé et nonchalamment vautré contre le battant de la porte.

— Tu n'es pas crédible mec, lâcha-t-il, dédaigneux, Je ne sais pas ce que tu fais avec cette fille, mais le rôle du pseudo héros protecteur, sérieux, ce n'est pas crédible.

— Je t'emmerde, mec.

Les deux hommes s'observèrent l'espace d'une seconde, probablement qu'ils se demandaient à l'instant comment ils avaient seulement pu être amis, un jour. Car, aujourd'hui, leur amitié était belle et bien enterrée et ce, définitivement.

***

— Déjà levé le garçon ? Interrogea Ellie joyeusement, en s'approchant du terrain de basket sur lequel Lucas était en train de s'entrainer aux lancées.

— Et toi, toujours pas couchée, je suppose ? Murmura-t-il en esquissant un sourire à l'attention de la jeune fille.

Ellie Lefevre portait ses chausses à talons dans les mains et avait encore sur le dos une petite robe fine, bleu foncé, de la vieille. Elle avait enfilé par-dessus un épais gilet gris en laine et ses collants noirs étaient déchirés d'avoir marché pieds nus jusqu'ici.

— Tu sors tout juste du Palace ? Enchaina Lucas, surpris, après un rapide coup d'œil à sa montre.

— Et toi, tu fais du sport à cette heure-là ? Un dimanche matin !

Il ne répondit pas et marqua un panier sous le regard blasé de la jeune fille qui ironisa, avant de se laisser tomber sur le sol en béton du terrain :

— Trop facile, franchement.

— Va te coucher El', tu ne tiens pas debout.

La jeune fille s'allongea de tout son long sur le sol et Lucas la rejoignit en riant.

— Alors, Noah ne t'a pas tuée, finalement ?

— J'ai à peine pu lui parler, marmonna Ellie, les yeux toujours clos, Il était trop préoccupé par cette fille là... Elle est dans ta classe, je crois.

— Anna ? L'interrogea Lucas, suspicieux, Il était avec Anna ?

— Oui, cette connasse ! S'exclama-t-elle, exaspérée, en se relevant soudainement.

Et Lucas la suspectait d'être encore bourrée.

— Ellie... Tu as conscience que tu parles d'une de mes meilleures amies ?

— Tu as des amis ?

Il lui jeta un regard noir, avant de répondre, blasé :

— Oh ne fais pas cette tête... Pas toi qui a pour meilleur ami Noah Khan. Franchement, tu n'as rien le droit de dire. Anna est une gentille fille.

— Oui, c'est généralement ce qu'on dit pour qualifier les moches sans intérêt qui n'ont rien demandé, ironisa Ellie.

— Anna n'est pas moche ! S'exclama le garçon, choqué, Elle est juste... Pas comme toi.

— Et moi, je suis comment ? Une bombe sexuelle ?

— Ouais... Et modeste par-dessus le marché.

Ils rirent tous les deux, puis Ellie se passa les mains sur le visage, comme pour se tenir encore éveillée.

— En tout cas, reprit-elle, Il faut que je fasse quelque chose. On ne peut pas laisser Anna et Noah ensemble.

— Oh non, s'empressa d'ajouter Lucas en suivant le mouvement, Ça sent le plan foireux.

— Mais non, ne t'inquiète pas...

— Ellie, la coupa-t-il, plus sèchement cette fois-ci, Tu as déjà blessé ma petite-sœur, tu ne songes pas sérieusement à blesser ma meilleure amie ?

— Crois-moi, je ne vais faire que l'aider, lui assura la belle brune, Noah est un connard avec les filles.

— Non pas moyen, je ne veux pas que tu te mêles de ça.

— Mais tu le connais ! Explosa la jeune fille, sans comprendre sa réticence soudaine, Noah se sert d'elle contre moi. Il se fiche totalement de cette fille, crois-moi, je vais juste lui faire entendre raison. Je te promets que je ne serai pas méchante avec elle, mais tu ne peux pas la laisser dans les mains de Khan. C'est un manipulateur né.

— Alors pourquoi tu cherches absolument à lui prouver quelque chose ? L'interrogea Lucas, dubitatif, Laisse-le tranquille si c'est ce que tu penses réellement de ce type.

Ellie resta silencieuse, un instant, elle savait pertinemment qu'il avait raison, mais elle ne voulait pas l'entendre de cette oreille.

— Lucas, je t'en prie ! Laisse-moi parler à Anna, s'il-te-plait !

— Non, répéta-t-il, catégorique, Je ne veux pas que tu sois impliquée. Si Anna fait une erreur en lui faisant confiance, alors tant pis pour elle, tu n'as pas à intervenir dans leur histoire.

— Mais pourquoi ? Comment tu peux être aussi égoïste ? Tu préfères que ta meilleure amie souffre plutôt que je me réconcilie avec Noah ! Réalisa-t-elle, horrifiée, Car tu préfères voir Anna à ses côtés plutôt que moi.

— Oui d'accord, c'est profondément égoïste, lui accorda-t-il, Mais tu es exactement pareil. Ne me fais pas croire que tu te préoccupes du sort d'Anna. Tu t'en fiches complètement qu'il l'utilise. La seule chose que tu veux, c'est être la seule personne pour laquelle Noah existe. Alors oui, tu m'excuseras, mais ça me rend malade alors je ne laisserai pas ça arriver ! Jamais !

— Donc tu préfères sacrifier ta meilleure amie ? Résuma Ellie d'une traite, d'un air réprobateur.

— Oh c'est bon ! Souffla Lucas, exaspéré, Je ne l'ai pas envoyé là-bas non plus. Anna, elle y est allée toute seule voir ce type et, pourtant, je l'avais mis en garde. Maintenant, c'est son problème. Je ne te perdrai pas toi pour une erreur de jugement qu'elle a commise toute seule.

Ellie leva les yeux au ciel, exaspérée. Elle n'avait pas la force nécessaire pour entrer dans ce débat maintenant et puis, de toute façon, elle savait pertinemment qu'elle ne l'écouterait pas. Elle n'écoutait jamais personne et, quand elle avait une idée en tête, on ne la déviait pas de son objectif.

— Je devrais aller dormir, enchaina-t-elle pour couper court à la conversation.

— Et te laver aussi. Tu pues.

— Merci.

— Ce n'était pas vraiment un compliment, lui fit-il remarquer.

— Ce n'était pas vraiment un remerciement non plus, ajouta Ellie en reprenant ses mots.

Puis elle passa tendrement sa main dans les cheveux de Lucas pour les ébouriffer et murmura en se rapprochant de ses lèvres : 

— Au fait, toi aussi, tu pues.

Elle quitta le terrain de basket, ses chaussures encore dans les mains, et un sourire étalé sur son visage de garce.

***

— Je t'ai cherché hier soir, déclara Noah à l'attention d'Anna qui semblait maintenant bien réveillée.

Craignant qu'elle ne vomisse dans le taxi, Noah avait préféré faire le chemin à pied et le vent frais de ce début de matinée avait permis de tenir la jeune fille debout. Sortant peu à peu de son demi-coma, Anna avait fini par réaliser tout ce qu'il venait de se passer. La soirée de la vieille revenue en mémoire, elle l'interrogea, sèchement :

— Ah oui ? Quand ça ? Avant ou après avoir baisé avec Esther ?

— Attends... Tu connais Esther ? S'exclama-t-il, surpris.

— Elle est dans ma classe, crétin. Car oui, au cas où tu l'aurais oublié, nous sommes tous dans le même lycée et il n'est pas si grand.

— Je n'ai pas couché avec elle, lui répondit-il, Du moins pas hier soir.

La subtilité de cette remarque lui fit lever les yeux au ciel et Noah ajouta, hilare :

— Oh Anna, je t'en prie ! Si tu veux être mon amie, il va falloir t'habituer à ce genre de choses.

— Qui a dit que je voulais être ton amie ?

— Je te sauve tout le temps. Tu m'es redevable pour le restant de tes jours.

— Parce que c'est comme ça que tu te fais des amis ?

— Très franchement, oui.

— Alors, j'aimerais bien savoir ce que tu as fait à Ellie pour qu'elle soit à tes pieds de cette manière, enchaina Anna, sceptique.

— Non tu ne veux pas le savoir.

Et le ton sur lequel il l'avait dit laissait clairement présager qu'il avait raison. Anna préférait ignorer ce lien qui les unissait tous les deux, probablement parce qu'il était aussi malsain que leur amitié.

— On est arrivés, enchaina Noah en se plantant devant le Palace.

— Est-ce que je vais enfin réussir à entrer dans cet endroit sans qu'il ne m'y arrive une merde à la fin ? L'interrogea Anna, la plus sérieuse au monde.

— Personne ne t'a forcé à quitter ma soirée, lui fit remarquer le garçon, blasé.

— C'est vrai... Songea-t-elle, Mais, d'ailleurs... Comment tu as su que j'étais avec Jared et Ruben ? S'alarma Anna, d'un seul coup, Je n'en ai parlé à personne quand je suis partie !

Il esquissa un sourire, sans répondre à sa question, et monta les quelques marches de marbre sous le regard choqué de la jeune fille.

— Tu m'as suivie ?!

— C'était ma soirée d'anniversaire, l'arrêta-t-il, sèchement, Tu crois vraiment que je serais parti juste pour toi ?

— Alors tu m'as fait suivre par quelqu'un d'autre ?

— Ou tu es parano ? Proposa-t-il.

Il pénétra dans le bâtiment et Anna se résolut à le suivre, sans rien ajouter. De toute évidence, il n'avait pas l'intention de lui dire la vérité. Ils montèrent donc en silence jusqu'au dernier étage de l'immeuble pour rejoindre la suite particulière de la famille Khan et pénétrèrent à l'intérieur de la pièce en silence. Arrivés dans le salon, ils s'arrêtèrent, surpris de trouver Paul Khan en train de boire son café. Bien sûr, c'était le matin et il partait au travail, comme tous les jours de la semaine, y compris les dimanches.

— Salut, lâcha Noah.

Paul observa son fils de bas en haut puis s'arrêta plus longuement sur la jeune fille, extirpant même une grimace de dégout, à peine cachée.

— Bonjour monsieur, murmura Anna, mal à l'aise.

— Bravo fils, déclara-t-il sèchement à l'attention de Noah en prenant soin d'ignorer la jeune fille, Je ne pensais pas que tu avais besoin de ramener des filles dans cet état pour pouvoir les mettre dans ton lit.

— Pardon ? S'exclama Noah, choqué, Qu'est-ce que tu viens de dire ?

— Tu as très bien compris la première fois. Ne me fais pas répéter, ce ne serait qu'une deuxième humiliation pour le déchet humain que tu viens de ramener.

— Tu as conscience au moins que tu parles de quelqu'un qui est juste devant toi ? L'interrogea Noah, hébété du comportement de son père.

Car il ne l'avait jamais vu manquer de respect à personne, encore moins aux femmes.

— Peu importe, ce que tu fais est pitoyable.

— Je n'ai rien à te devoir.

— A moi non...

— Je n'ai rien fait de mal ! Pesta Noah, furieux, Je l'ai ramenée à la maison seulement pour l'aider. Je n'ai pas de mauvaises intentions.

Paul détourna son regard à nouveau vers la jeune fille et l'observa, blasé.

— Je ne te crois pas, Noah.

Trop énervé pour répondre, le garçon décida de laisser tomber et il murmura à l'oreille de la jeune fille qui semblait tout aussi hébétée que lui :

— Ne l'écoute pas, je vais te chercher un médicament pour ton mal de tête.

Anna hocha de la tête, en silence, incapable d'aucune autre action. Noah quitta la pièce tandis que son père se dirigea vers le hall. Il ouvrit un placard dont il en sortit une paire de chaussure noire, à pointe. Anna l'observa longuement, sans rien dire, incapable de quitter son regard de l'homme qui venait de la traiter comme une merde.

Puis, elle lâcha :

— Vous avez tort de penser cela de votre fils. Il ne va pas profiter de moi.

— Pardon ?

— Vous m'avez jugée sans me connaitre.

— Je ne vous connais pas, reconnut-il, Du moins, je ne vous ai vu que deux fois. Une première au commissariat avec mon fils pour ivresse sur la voie publique. Une deuxième dans mon salon, manifestement ivre vue l'odeur que vous dégagez. Excusez-moi, mademoiselle, mais vous ne me donnez pas envie d'en apprendre plus sur vous.

— Ne lui parle pas ! S'énerva Noah qui revenait dans la pièce avec un verre d'eau dans la main et une boite de médicament dans l'autre.

— En effet, j'ai autre chose à faire, clama son paternel en s'emparant de son manteau.

Puis Paul Khan sortit de l'appartement en retenant un soupir d'exaspération. Furieux, il referma les quelques boutons de son manteau et plongea sa main à l'intérieur d'une de ses poches pour récupérer son téléphone. Il s'arrêta en pestant. Sa poche était vide. Il avait dû oublier son portable sur le comptoir de la cuisine. Avec une lenteur exagérée, il bifurqua et fit demi-tour, actionnant la poignée de la porte d'entrée pour se glisser dans l'appartement discrètement. Il n'avait pas envie de se taper une deuxième dispute.

Il pénétra dans le hall, puis se stoppa net par l'image qu'il avait sous les yeux. Noah se tenait devant cette fille qu'il avait incendiée, plus tôt. Elle tenait un verre d'eau rempli d'un médicament effervescent qui faisait des bulles à la surface. Son fils, quant à lui, se tenait devant elle en la couvant du regard. Paul fut incapable de s'échapper de ses yeux. Il n'avait encore jamais vu son fils regarder quelqu'un de cette manière. Même avec sa meilleure amie, il n'avait jamais eu ce genre de petite attention. Quand Noah regardait Ellie, il avait, bien sûr, une lueur au fond de ses pupilles, mais ce n'était pas du même genre. Avec Ellie, c'était une lueur d'espièglerie, d'admiration quelque fois, de fascination presque. Une lueur ambiguë à l'image de leur relation. Ici, c'était différent. C'était une lueur de tendresse, un sentiment de pureté, de vérité. Peut-être que cette fille avait eu raison, au final, peut-être qu'il l'avait mal jugée.

Paul ravala sa salive, mal à l'aise, et observa Noah reprendre le verre que la jeune fille avait fini par ingurgiter. Son fils se dirigea vers le comptoir de la cuisine pour reposer l'ustensile et Paul aperçut à cet instant que son téléphone portable était bien resté sur le meuble. Incapable d'avancer pour autant, Noah bifurqua soudainement son regard vers lui, se sachant observer.

Les deux hommes restèrent silencieux. Paul se sentit honteux d'avoir assister à cette scène, sans avoir fait signe de sa présence, tel l'aurait fait un voyeur... Ce qu'il avait d'ailleurs été, réalisa-t-il, mal à l'aise.

— J'ai oublié mon portable, murmura-t-il pour répondre à la question silencieuse de son fils.

Noah reporta son regard sur l'objet posé sur le comptoir avec un air dédaigneux et il releva ses yeux vers son père pour l'observer de cette même indifférence froide et calculatrice. Sans toucher au téléphone, il tourna les talons et s'éloigna pour rejoindre la jeune fille. Paul s'avança vers la cuisine et attrapa l'objet rapidement pour ne pas avoir à croiser le regard de deux jeunes gens encore dans le salon. Il enfonça le téléphone dans la poche de son manteau et partit sans même se retourner vers eux.

***

Rachel s'étira de tout son long et poussa un soupir de bien-être lorsque les muscles endoloris de son dos se déployèrent. Yanis, allongé à côté d'elle, dormait encore et elle posa un baiser sur sa joue, furtivement. Le garçon se réveilla en sursautant et elle étouffa un rire, tandis qu'il venait de s'emparer de sa taille pour la coller contre son corps.

— Bonjour, susurra-t-il en camouflant son visage dans les cheveux de la jeune fille.

— Bien dormi ? Murmura Rachel en se laissant porter par les caresses de son petit-ami.

La soirée de la vieille leur avait permis d'officialiser leur couple. Et ce n'était pas trop tôt, songea Yanis en déposant un baiser dans le cou de la jeune blonde. Depuis le temps qu'ils se tournaient autour, tous les deux, s'en était presque devenu malsain comme relation. Bien sûr, le garçon avait conscience que l'annonce de leur couple n'allait pas passer facilement, notamment auprès de Gabrielle qui avait développé cette sorte de protection familiale, dont personne ne savait d'où elle venait. Après tout, Rachel n'avait jamais représenté une grande importance pour sa cousine, Gabi ne parlait d'ailleurs jamais d'elle. Qui sait, peut-être que sa rupture avec Ethan l'avait réellement plongée dans une solitude si intense qu'elle s'était mise en tête de défendre corps et âme sa petite protégée, qui, en réalité, aurait préféré qu'on lui foute la paix.

— Tu as faim ? Murmura Yanis dans son oreille.

Rachel acquiesça d'un signe de la tête et l'embrassa sur les lèvres tendrement. Après l'erreur Noah Khan, qu'elle préférait oublier, Yanis était donc son premier véritable petit-ami. Et bien plus respectueux que son imbécile d'ami, lui n'avait pas tenté d'abuser d'elle dès la première nuit et n'avait rien tenté de faire. Ils s'étaient simplement endormis dans les bras l'un de l'autre après la soirée de Khan. Une relation saine qu'elle avait amplement méritée, après ses quelques déboires.

— Alors suis-moi ! S'exclama Yanis en se relevant subitement du lit, Je vais faire du café.

— Je ne bois pas de café, l'informa Rachel en le suivant.

Le garçon s'arrêta, un instant, l'observant plus longuement. Réalisait-il à l'instant qu'il avait dix-sept ans et elle seulement quatorze ? Pouvait-il être impliqué dans une sorte d'affaire de détournement pour mineur ? S'interrogea-t-il, inquiet, avant de réaliser qu'il l'était encore lui aussi et donc que la question ne se posait pas. En plus, il était né en fin d'année, il avait donc encore tout le temps de se poser cette question quand le moment viendrait.

— Qu'est-ce qu'il y a ? L'interrogea Rachel, Le fait que je ne boive pas de café te perturbe ?

— Non, murmura-t-il, Moi non plus, je n'en bois pas. Mais je trouvais ça plus classe de te proposer du café, plutôt qu'un chocolat chaud.

— Je préfère un chocolat chaud.

— Moi aussi.

Ils rirent tous les deux et sortirent de la chambre du garçon, se ruant vers la cuisine.

— Tes parents sont là ? L'interrogea Rachel en réalisant qu'elle portait un des tee-shirts du garçon et qu'il lui tombait juste sous les fesses.

— Oh non, ne t'inquiète pas, répondit Yanis en riant, Ils font des randonnées tous les dimanches matin.

— Il y a sérieusement des personnes qui font ça à Paris ? Murmura la jeune fille, dubitative, Tu m'expliques comment on peut faire une randonnée dans cette ville ?

— Parce que tu crois réellement qu'ils font une randonnée ? S'esclaffa la voix d'Esther dans leur dos.

Ils se retournèrent tous les deux vers la demi-sœur de Yanis. La jeune fille venait de débarquer à son tour dans la cuisine et Rachel baissa le tee-shirt qui lui servait de pyjama sur ses cuisses, mal à l'aise. Elle avait oublié qu'ils vivaient sous le même toit, tous les deux.

— Pardon ? L'interrogea Yanis.

— Tu penses que nos parents font réellement de la randonnée le dimanche matin ? Répéta Esther, hilare.

— Alors où est-ce qu'ils iraient ?

— S'envoyer en l'air dans un hôtel, par exemple ?

— Ils ne se gênent pas vraiment pour le faire ici... Lui fit-il remarquer avec une grimace de dégout.

— C'est vrai, approuva-t-elle, Alors, peut-être qu'ils vont dans un club échangiste ?

— Mais où est-ce que tu vas chercher des trucs pareils ? S'écria Yanis, dégouté, Tu réalises que tu parles de ton père avec ma mère ?

— Et toi, tu réalises que tu es en train de les imaginer dans un sentier en train de se promener tranquillement ? Ironisa Esther, en levant les yeux au ciel, Tu es vraiment trop naïf Yanis.

— Et toi, complètement dérangée.

Rachel resta silencieuse, ne sachant où se mettre, et le garçon enchaina :

— Et puis, qu'est-ce que tu fais là, toi ? Tu n'as trouvé aucun type peu regardant pour t'accueillir dans son lit pour une fois ?

— Ce crétin de Khan m'a lâchée au dernier moment, grinça Esther entre ses dents.

Rachel se demanda pourquoi elle venait de leur avouer quelque chose qui la rendait encore plus pathétique que son frère ne le pensait.

— Tu croyais encore avoir une chance avec ce type ? L'interrogea-t-il, hébété, Sérieux, Esther, laisse-le tomber, même toi, tu mérites mieux que ça.

— Oh même moi ? Répéta-t-elle en feintant le remerciement, Mais alors, dans ce cas, éclaire-moi, Yanis. Qui est-ce que je mérite ? Tu peux me le dire ? Parce qu'il me semble qu'aucun « type peu regardant » a jugé bon de m'accueillir dans son lit.

— « Peu regardant » ne signifie pas sans amour propre, ironisa-t-il, Tu es un véritable déchet, Esther, et ta réputation te précède. Ce n'est pas de ma faute si tu attises plus le dégout que la pitié.

Sa demi-sœur ne prit même pas la peine de répondre et quitta la cuisine. Rachel resta perplexe par la manière dont Yanis semblait se foutre totalement de sa demi-sœur. Esther, quant à elle, ne l'était pas le moins du monde. Elle savait très bien que Yanis avait tendance à réagir de cette manière quand ils étaient tous les deux. Et heureusement pour lui, d'ailleurs, songea la jeune fille en remontant les marches des escaliers pour terminer son petit-déjeuner dans sa chambre. Car, si Yanis avait eu la soudaine envie de se comporter en grand-frère protecteur, elle ne serait véritablement pas un cadeau.

***

Noah poussa la porte de sa chambre et laissa Anna s'y engouffrer. Après l'altercation avec son père, ils avaient préféré se réfugier dans la chambre du garçon, là où personne n'irait les embêter.

— Désolé pour ce qu'a dit mon père tout à l'heure, murmura-t-il lorsque la jeune fille posa son sac sur le sol de sa chambre, Il est con.

— Pas grave, répondit Anna en portant un rapide coup d'œil autour d'elle, Il n'avait pas vraiment tort... J'ai une sale tête. Je ne dois pas inspirer confiance.

Puis la jeune fille tourna sur elle-même pour observer plus longuement la chambre de Noah, avant de pousser un soupir de surprise :

— Waouh, c'est... Froid.

— Comment ça ? Interrogea Noah, Tu as froid ?

— Non, je veux dire, cette chambre est ... Vide, s'empressa-t-elle de préciser, Aucune décoration sur les murs, aucune photo, rien de personnel... Tu vis vraiment là-dedans ?

— Je n'occupe pas si souvent cette pièce.

— Tu n'y ramènes pas tes conquêtes ?

— Non. Personne d'autre que moi ne rentre dans cette chambre.

— Je ne vois pas vraiment pourquoi, s'esclaffa la jeune fille, Ce n'est pas comme si tu avais quelque chose à cacher. Je n'ai jamais rien vue d'aussi impersonnel. On se croirait dans un magasin de meubles.

Elle s'approcha ensuite de son bureau où était posés deux paquets de gâteaux au chocolat vides, c'était l'unique preuve que cette pièce était habitée.

Elle enchaina tout en glissant sa main sur le bureau en verre qui était encore recouverts des miettes écrasées :

— Rassure moi, tu l'utilises pour autre chose que manger quand même ?

Il pouffa de rire à son tour et Anna enchaina, de plus en plus hébétée :

— Non mais, sérieusement, tu n'as aucune photo ?

— Elles sont dans mon tiroir, répondit-il vaguement en désignant un meuble en bois noir.

— Quel intérêt ?

— Je ne les regarde que quand j'en ai envie.

— Autrement dit jamais ?

— C'est à peu près ça, oui.

Anna se dirigea vers le meuble en question et entrouvrit le premier tiroir. Si l'extérieur de sa chambre était incapable, l'intérieur était une sorte de fourre-tout : plusieurs paquets de cigarette, des briquets, des broutilles inutiles, des lunettes de soleil et une pile de photographies entassées portaient encore des morceaux de scotch sur les coins. La jeune fille plongea sa main à l'intérieur et en sortit une petite vingtaine qu'elle parcourut rapidement. La plupart de ces images semblaient dater du secondaire, elles représentaient Ellie, Ethan, Gabrielle, Esther et Yanis. Leur célèbre petite bande qui n'en était plus une. Elle s'arrêta plus longuement sur une photo qui avait dû être prise lors d'un voyage scolaire car on apercevait dans l'arrière fond le Colisée. Noah et Ellie étaient au milieu en train de faire une grimace à la personne qui prenait la photographie, personne qu'elle supposa être Ethan, vu qu'une partie de son doigt apparaissait sur un coin de l'image et que la jeune fille le connaissait piètre photographe. Les photos suivantes ne concernaient qu'Ellie. La belle brune était dans la rue, en pleine nuit, et seule la lumière de la fontaine du Trocadéro éclairait son visage de poupée. Une dizaine de clichés portait le même décor, mais la jeune fille avait une position différente à chaque fois.

— C'était quoi ça ? L'interrogea-t-elle, Un professionnel l'a utilisée comme modèle pour une séance photo ?

— Non, c'est moi qui les ai prises.

Anna se retourna vers lui, surprise. Les photographies étaient superbes. Elle ne lui connaissait pas cette fibre artistique.

— Oh tu te la joues artiste maintenant ?

— J'aime prendre de belles photos, marmonna-t-il, vexé par le ton qu'elle venait de prendre, Avec un modèle comme Ellie c'est facile... Elle est magnifique.

— Ouais, approuva Anna, Dommage qu'elle soit aussi conne.

Noah esquissa un sourire, sans relever sa remarque, et la jeune fille reposa les photos dans le tiroir qu'elle referma. Continuant son introspection de la pièce, elle se dirigea vers une étagère et observa les livres qui y étaient sagement rangés.

— J'imagine qu'eux aussi sont là pour la déco ? Plaisanta la jeune fille en parcourant les titres des grandes classiques de la littérature française, Tu les as déjà lus, au moins ?

— Non, je ne lis pas, lui avoua-t-il, sans gêne, Du moins, je n'en ai lu qu'un seul sur cette étagère.

Elle s'arrêta à l'instant même sur le livre en question et se retourna vers Noah sans répondre. Elle resta silencieuse pendant quelques secondes, l'observant, incrédule, et murmura finalement :

— Le Coran ?

Il approuva sa remarque d'un geste affirmatif de la tête et la jeune fille enchaina :

— Excuse-moi de te poser cette question mais... Tu y crois vraiment ? Je veux dire... En Dieu ?

Et sa voix venait de s'étrangler sans qu'elle l'ait vraiment voulu.

— Tu sais, murmura le garçon en se laissant tomber sur son lit, Ce n'est pas qu'une question de croire ou non. La religion est une part de moi. Pour vous, le christianisme a forgé votre nation, vos coutumes, vos jours fériés, même si aucun d'entre vous ne veut y voir une explication religieuse désormais. Tout ça te paraît naturel, parce que tu es née dedans et, même si tu ne t'en rends pas compte, tout ça te définit. Ton passé fait de toi ce que tu es aujourd'hui. Je n'ai pas le même passé que vous, je n'ai pas la même histoire, pas la même culture. Et moi, j'en ai besoin ici de mon identité. Tout ce à quoi j'obéis, ce n'est pas qu'une question de religion, ce sont juste... Des principes, une forme de respect pour ma communauté. L'interdit d'alcool, de porc, la prière, tout ça vous paraît futile et imbécile, parce que vous n'en avez pas besoin pour exister, pas dans un monde dans lequel vous vous reconnaissez déjà.

— Tu ne t'y reconnais pas toi ?

— Des fois j'ai l'impression de ne pas avoir ma place. Mon grand-père a fui l'Inde avec sa famille pendant la guerre de sécession. Certains ont émigré aux Etats-Unis, comme mon oncle, d'autres en Angleterre, mon père en France et certains sont retournés au Pakistan. Je n'ai pas de pays, en fait. La communauté musulmane est ma seule patrie.

— La France est ton pays.

— Pas quand tu as l'impression de ne pas y avoir été invité.

— Arrête ! Souffla-t-elle, exaspérée, Tu n'es pas un pauvre immigré à qui on refuse un boulot à cause de ses origines ! Tu fais partie des plus importantes richesses du pays et ton père possède le plus grand hôtel de Paris. Comment tu veux être plus intégré que ça ?

— Comme quoi l'argent ne fait pas forcément la culture.

La jeune fille ne trouva rien à répondre à cela et ôta ses chaussures pour reposer ses pieds endoloris.

— Tu veux dormir ? L'interrogea Noah en l'observant s'assoir sur le bord de son lit pour se masser la voute plantaire.

— Ouais... Et toi ?

— Moi, je vais regarder un film, rétorqua le garçon.

Il se leva de son lit pour s'emparer de son ordinateur Apple qui trainait sur son bureau et retourna à sa place initiale, tandis que la jeune fille venait de s'étaler de tout son long de l'autre côté du lit.

— Tu ne veux toujours pas me dire comment tu as su que j'étais chez Jared et Ruben ? L'interrogea Anna en se blottissant en boule sous la couverture moelleuse.

— Tu m'as appelé, idiote, murmura-t-il moqueur en posant son ordinateur sur ses jambes.

— Quoi ? S'exclama Anna en se retournant brutalement vers lui, Mais qu'est-ce que j'ai dit ?

— Je n'ai pas tout compris. Tu m'as appelé vers cinq heures, mais je dormais déjà, donc je n'ai pas décroché. J'ai juste entendu le message sur mon répondeur en me réveillant. Tu disais que tu étais saoule, avec Jared... Tu délirais sur les gays et les bagarres dans les bars, une connerie dans le genre. Tu as dit que tu ne savais plus comment rentrer chez toi et que... Tu m'aimais.

— C'est faux, l'arrêta la jeune fille, sans même laisser transparaitre sur son visage une seule seconde de doute.

— Tu le pensais si fort que ça faisait mal aux oreilles, même à travers mon répondeur.

— Dans tes rêves, rétorqua-t-elle en se retournant à nouveau pour se mettre dos à lui.

Noah resta silencieux, un instant, sélectionnant un film sur son ordinateur. Mais il enchaina pour ne pas lui laisser le temps de s'endormir :

— Pourquoi es-tu persuadée de ne pas m'avoir dit que tu m'aimais si tu ne te souviens de rien ? Parce que, au fond, c'est bien le cas. Nous le savons tous les deux.

Il entendit Anna rire, malgré son visage camouflé dans un oreiller, et elle répondit après un instant :

— Ce n'est pas possible que je te l'ai dit, sinon tu ne serais jamais venu me chercher.

— Pourquoi ? Tu ne t'es jamais dit que je voulais à tout prix que tu tombes amoureuse de moi ?

— Mais c'est ce que tu veux, lui accorda-t-elle, Seulement, au moment précis où cela arrivera... Tu en auras fini avec moi. Donc, tu ne serais pas venu me chercher.

Il ne répondit pas et elle ajouta, en reprenant ses mots :

— Nous le savons tous les deux.

— Perspicace, grimaça-t-il.

Anna laissa échapper un bâillement, puis elle l'interrogea, curieuse :

— Tu vas regarder quoi comme film ?

— Je ne sais pas, j'ai déjà vu tous ceux que j'ai sur mon ordinateur.

— Tu n'as qu'à regarder un film sur Moise, proposa-t-elle, les yeux clos.

— Moise, c'est pour les juifs Anna, l'arrêta-t-il, choqué.

— Je sais, pouffa la jeune fille, C'était pour t'embêter.

Il doutait qu'elle ait plaisanté, mais ne releva pas sa remarque. Sélectionnant un film au hasard, il le laissa défiler rapidement avec le curseur de la souris, puis décida d'abandonner. Rien ne le tentait ce matin et il devait reconnaître qu'il était plutôt fatigué. Il referma l'écran en soupirant et posa l'ordinateur sur le sol de sa chambre, avant de s'allonger sous les couvertures à son tour.

— Anna ? Interrogea-t-il.

— Hum ? Marmonna la jeune fille endormie.

— Tu sors vraiment avec Ruben ?

— Non.

Et il ne fut pas surpris par cet aveu.

— Pourquoi tu m'as menti ?

— Pour rire.

— Ça ne m'a pas fait rire, lui fit-il remarquer.

— Moi non plus... Pas trop, en fait.

Ils pouffèrent de rire tous les deux et Noah ajouta après un instant d'hésitation :

— Est-ce que tu peux me promettre quelque chose ?

— Ne plus faire semblant de sortir avec un gay ? Ironisa-t-elle.

— Oui ça, si tu veux, pouffa-t-il, Mais autre chose.

— Dis-moi.

— Je t'apprécie, Anna, alors, s'il-te-plait... Ne tombe pas amoureuse de moi.

Un silence pesant s'installa et la jeune fille toussa, mal à l'aise.

— Anna ?

— J'essaye, lui assura-t-elle.

— Je peux aider ?

— Tu peux commencer par arrêter de venir me sauver, murmura-t-elle en refermant ses yeux.

— Non, pas ça.

— Alors, ne dors pas si près de moi.

— Non plus, rétorqua-t-il en se rapprochant davantage.

— Laisse-moi sortir de nouveau avec Ethan ?

— Tu vas de pire en pire ou tu le fais exprès là ?

Anna pouffa de rire, puis elle ajouta en se retournant vers lui :

— Je ne tomberai pas amoureuse de toi, Noah, relax. Je plaisantais.

— Tu es sûr ? L'interrogea-t-il, sceptique.

— Tu n'es pas mon genre.

— Je suis le genre de tout le monde.

— Donc, pas le mien, ironisa Anna.

— Genre, la meuf, c'est l'exception à la règle...

— J'hallucine, souffla la jeune fille en se retournant vers lui, Tu prétends incarner la beauté universelle et JE suis narcissique ?! T'as un sérieux problème, Noah !

Il esquissa un sourire et se rapprocha d'elle, dangereusement, collant son front contre le sien.

Puis il ajouta, mielleux :

— Et là, tu es toujours sûre ?

— Que tu es un gros malade ? Le questionna-t-elle, Oui j'en suis sûre.

Lentement, il remonta son visage, de sorte que ses lèvres se posent sur son front, et il l'embrassa furtivement, avant d'ajouter :

— Tant mieux.

Noah se retourna pour se mettre dos à elle et enfonça sa tête dans son oreiller. Ils restèrent silencieux pendant quelques minutes, puis le garçon s'exclama, brusquement :

— Attends... Tu as dit que Ruben était gay ?

— Oh merde, grinça Anna entre ses dents, Moi qui pensais que tu avais loupé l'info. C'est sorti tout seul, en plus.

— Vu la tronche qu'il a, ça ne me surprend pas plus que ça, marmonna-t-il.

— La ferme, Noah.

Il pouffa de rire puis décida de laisser tomber. Après tout, Anna avait bien mérité de dormir un peu. Il ferma les yeux et se laissa à son tour emporter par le sommeil.



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