Nantis

By FlorieC

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La jeunesse dorée, tel est le surnom qu'on leur donne. Il existe une rumeur qui sous-entend qu'on ne naît pas... More

[SAGA 1] L'arrogance des gens meilleurs
Chapitre 1 : If it makes you happy
Présentation : Noah Khan
Chapitre 2 : Take me as I am
Présentation : Ellie Lefevre
Chapitre 3 : Don't stop the party
Chapitre 4 : Too late
Chapitre 5 : Losing your memory
Présentation : Ethan Franck
Chapitre 6 : She drives me crazy
Chapitre 7 : Secrets
Chapitre 8 : Highway to hell
Chapitre 9 : How I needed you
Chapitre 10 : Miss misery
Chapitre 11 : Me and the devil
Présentation : Anna Joly
Chapitre 12 : Know your enemy
Chapitre 13 : Little talks
Chapitre 14 : You're not alone
Chapitre 15 : Love the way you lie
Chapitre 16 : Bad romance
Chapitre 17 : Teenage dream
Chapitre 18 : Don't wake me up
Chapitre 19 : My medicine
Chapitre 20 : Shut up and let me go
Chapitre 21 : Wicked Game
Présentation : Gabrielle Gallien
Chapitre 22 : Last Christmas
Chapitre 23 : Winter
Chapitre 24 : Let it be
Chapitre 25 : Happy New Year
[SAGA 2] L'éternité à tes pieds
Chapitre 1 : Bad day
Présentation : Jared Greggs
Chapitre 2 : The last to know
Chapitre 3 : When she believes
Chapitre 4 : Losing my religion
Présentation : Lucas Gallien
Chapitre 5 : Take control
Chapitre 6 : If you leave me know
Chapitre 7 : Stay
Chapitre 9 : Just tonight
Chapitre 10 : Never let me go
Chapitre 11 : Fix you
Chapitre 12 : Damn you
Chapitre 13 : This is war
Présentation : Ruben Greggs
Chapitre 14 : Apologize
Chapitre 15 : Gives you hell
Chapitre 16 : Never say never
Chapitre 17 : Skinny love
Chapitre 18 : Alone
Présentation : Christelle Wertheimer
Chapitre 19 : Don't be a stranger
Chapitre 20 : We are young
Chapitre 21 : One Day
Chapitre 22 : Dark on fire
Présentation : Borja Escobar
Chapitre 23 : Like a virgin
Chapitre 24 : Better Together
Chapitre 25 : Happy Birthday
[SAGA 3] Dans la cour des grands
Chapitre 1 : The funeral
Chapitre 2 : Pursuit of Happiness
Chapitre 3 : Dark Paradise
Chapitre 4 : I want to break free
Chapitre 5 : A drop in the ocean
Chapitre 6 : Enjoy the silence
Chapitre 7 : Help
Chapitre 8 : I don't want to be
Chapitre 9 : Eye of the tiger
Chapitre 10 : Come back home
Chapitre 11 : Mirror
Chapitre 12 : Heartless
Chapitre 13 : Someone like you
Chapitre 14 : If I needed you
Chapitre 15 : You're not sorry
Chapitre 16 : Burn it down
Chapitre 17 : How you remind me
Chapitre 18 : Wrecking ball
Chapitre 19 : Just give me a reason
Chapitre 20 : Can you feel the love tonight
Présentation : Gautier Lantez
Chapitre 21 : People help the people
Présentation : Yanis Perrin
Chapitre 22 : Yesterday
Chapitre 23 : Hot and cold
Chapitre 24 : Kiss me
Chapitre 25 : Only wanna be with you
[SAGA 4] La réponse des faibles
Chapitre 1 : Collide
Chapitre 2 : The lonely
Chapitre 3 : Another love
Chapitre 4 : Protect me from what I want
Présentation : Ophélie Joly
Chapitre 5 : Big big world
Chapitre 6 : Don't lie
Chapitre 7 : Undisclosed desires
Chapitre 8 : You and I
Chapitre 9 : Another day in paradise
Chapitre 10 : Just can't get enough
Chapitre 11 : Sirens call
Chapitre 12 : Too close
Chapitre 13 : Love me again
Chapitre 14 : Demons
Chapitre 15 : You are the one that I want
Chapitre 16 : Sober
Chapitre 17 : What doesn't kill you
Chapitre 18 : Too many friends
Chapitre 19 : Monster
Chapitre 20 : Broken crown
Chapitre 21 : He is my son
Chapitre 22 : Talk to me
NANTIS EN LIVRES PAPIER !
Chapitre 23 : Try
Chapitre 24 : Everybody's Got To Learn Sometime
Chapitre 25 : Wonderful life
NANTIS en livres ♥

Chapitre 8 : Only if you run

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By FlorieC



— A quelle fréquence vous faites-vous vomir ?

Noah releva son visage vers le médecin qu'il avait en face de lui. Perdu dans la contemplation de la pièce dans laquelle il se trouvait, il avait oublié d'écouter ce qu'on lui demandait.

— Pardon ?

— A quelle fréquence vous faites-vous vomir ? Répéta le médecin en tentant de capter l'attention de son patient.

Mais depuis le début de ce premier rendez-vous, Noah avait le regard fuyant, comme s'il n'osait pas lui faire face. Peut-être cela rendait-il la chose trop réelle pour lui.

— Je ne sais pas, marmonna-t-il, Une ou deux fois par mois. Ça dépend de mon comportement. Il peut se passer un long laps de temps sans que je ne fasse rien et d'autres semaines qui sont plus... Difficiles.

— Comment ça ?

— Quand je suis énervé, j'ai cette sorte de nausée.

— Et vous faire vomir vous donne l'impression de vous en débarrasser ?

— Ce n'est pas vraiment une impression, rétorqua le garçon, C'est le seul moyen de m'en débarrasser.

Le médecin tapa quelques mots sur l'écran de son ordinateur et revint finalement à lui :

— Vos vomissements sont-ils toujours précédés d'une prise conséquente de nourriture ?

— Non pas toujours... Mais manger avant, ça m'aide.

— Est-ce que vous ressentez ça comme une crise ? Un besoin qui se déclenche brutalement ?

— Oui, répondit Noah en évitant une fois de plus son regard.

— Arrivez-vous à dater ces vomissements fréquents ?

— Il y a un peu plus d'un an.

— Avez-vous connaissance d'un événement qui aurait pu provoquer cela en vous ?

Noah releva son visage vers lui. Il avala sa salive, mal à l'aise, et rétorqua après quelques secondes d'hésitation :

— Non.

— Très bien.

Le médecin se réinstalla dans son fauteuil pour se replonger sur son écran d'ordinateur et Noah bifurqua à nouveau son regard dans la pièce autour de lui. Sur le mur, seul un cadre en bois contenant un diplôme venait prouver les compétences de la personne qu'il avait devant lui. Il retenu un rire intérieur. Lui qui avait l'habitude de consulter des spécialistes qui affichaient derrière leurs bureaux les dizaines de diplômes. Il trouva celui-ci très sobre en comparaison. Clara lui avait promis que le docteur Emmanuel Sarda était un excellent médecin, celui de son quartier, et qu'il avait soigné tous ses enfants jusqu'à maintenant. Au final, le nombre de diplômes n'y changerait rien. Noah savait qu'il n'était pas malade. Il était juste... mal, de temps à autre, pas besoin d'en faire une affaire d'état.

— Vous ne semblez pas être à un stade très avancé de la maladie, reprit le docteur Sarda, Si vous suivez bien le traitement que je vais vous prescrire, je pense que vous pourrez vous en sortir sans passer par la case hôpital et soins intensifs.

— Quel traitement ? Interrogea Noah, sceptique.

— Vous devrez me consulter une fois par semaine, je vérifierai votre poids, votre taux de glucides, manque de fer, vitamines... Si votre situation s'améliore, nous espacerons ces rendez-vous en espérant qu'ils ne soient plus utiles. Bien sûr, vous devez m'assurer de votre totale collaboration et arrêter à partir de maintenant de vous faire vomir. En compensation, je vais vous donner des comprimés anti-stress, je pense que vos nausées viennent d'une certaine anxiété. Ils auront une action positive sur vous. Quand je vous ai examiné tout à l'heure, j'ai senti un corps fatigué. Il faudra en prendre soin désormais. Lui donner les vitamines nécessaires, faire des nuits complètes... Dites-moi Noah, vous fumez ?

— Oui.

— Il serait important de réduire votre consommation... Et l'alcool ?

— Je ne bois pas.

Devant l'air sceptique du médecin, Noah ajouta :

— Je suis musulman.

— D'accord. Et la consommation de drogue ?

— Oui, ça m'arrive.

— Quel type ?

— Cannabis, principalement.

— A quelle fréquence ? Occasionnellement, fréquemment, régulièrement ?

Noah mit quelques secondes pour y réfléchir, mais pourtant la réponse était évidente.

— Régulièrement.

Le docteur Sarda griffonna quelques mots sur un papier dans le coin de son bureau et ajouta :

— Noah, je ne vais pas vous faire une leçon de morale sur les dangers auxquels vous vous explosez avec ce train de vie.

— Tant mieux, murmura le garçon, Je n'avais pas prévu de vous écouter.

— Faites juste... Attention, d'accord ? C'est important pour votre guérison.

Noah esquissa un sourire, l'air de dire qu'il comprenait bien ce qu'il lui disait, ce qui était totalement faux.

Le médecin continua de l'interroger :

— Vous avez une petite-amie ?

— Non.

— C'est dommage... Ça vous apprendrait à faire accepter votre corps et donc à vous respecter.

— Ne vous inquiétez pas, rétorqua le garçon, amusé, Il y a une chose chez moi que j'arrive plutôt bien à faire respecter.

— J'imagine que vous ne parlez pas de votre cerveau, murmura sceptique le docteur en se plongeant dans la paperasse de son bureau.

Noah esquissa un sourire. Il aimait bien qu'on essaye de lui tenir tête.

— Je peux y aller ?

— Dites-moi une date qui vous conviendrait pour nos rendez-vous hebdomadaires.

Le garçon grimaça en répondant :

— Je suis plutôt occupé. Je pense que ça va être difficile à établir. On ne pourrait pas faire ça par téléphone ?

Le docteur Sarda s'arrêta, sceptique. Essayait-il de plaisanter ?

— Vous jouez à un jeu dangereux Noah, l'arrêta-t-il sèchement, clairement pas ouvert à une plaisanterie.

— J'aime jouer.

— Sauf qu'ici, il n'y a pas d'enjeu. Le perdant, ce sera toujours vous, parce que, ne rêvez pas, vous ne combattrez jamais la maladie en faisant comme si elle n'existe pas.

L'existence de cette maladie, c'était bien ça que Noah avait toujours remis en cause.

— Ok, souffla le garçon en s'enfonçant dans sa chaise, Dites-moi quand vous êtes disponible.

— Jeudi après vos cours ?

— J'ai entrainement de rugby.

— Nous sommes jeudi là, lui fit remarquer le docteur.

— Je suis arrêté en ce moment car je me suis cassé le bras il n'y a pas longtemps, mais je ne vais pas tarder à reprendre.

Le médecin approuva d'un signe de tête, le nez plongé dans son agenda, et il ajouta finalement :

— Le lundi soir alors ?

— Hum... D'accord.

— 18h ? Ce sera bon ?

— 18h30, rectifia Noah, Il me faut bien vingt minutes pour descendre dans ce quartier.

Il aurait bien voulu rajouter « de misère », mais il réussit à se retenir. Emmanuel Sarda ne semblait pas répondre favorablement à ces tentatives de provocation. Il se leva de sa chaise et serra la main fermement du médecin avant de quitter son bureau. Dehors, les rayons du soleil s'échouèrent sur son visage et il ferma les yeux un instant. Il était soulagé que ce rendez-vous soit terminé, bien qu'il prît conscience peu à peu qu'il allait devoir s'en taper un chaque semaine. Tant pis, songea-t-il, Il avait fait une promesse et c'était la contrepartie du silence de Clara. A sa pensée, il ouvrit les yeux pour voir si elle était toujours là. C'était elle qui l'avait amené, il y avait maintenant une heure. Sans surprise, la vieille femme était assise sur un banc en face du cabinet et Noah se dirigea vers elle en l'interrogeant :

— Pourquoi tu es encore là ? Ce n'est pas ton jour de congé ?

— Instinct maternelle, répondit-elle en se relevant pour lui faire face.

— Je n'ai pourtant rien d'un fils.

— Ça, c'est à moi de le dire... Faut croire qu'il reste encore un espoir.

— Je ne veux pas te décevoir, mais, non, je ne pense pas, rétorqua Noah en esquissant un sourire.

Clara leva les yeux au ciel en souriant à son tour et l'interrogea :

— Comment ça s'est passé ?

— Pas trop mal, mentit-il, Je devrais pouvoir supporter ça.

— C'est bien, murmura-t-elle, Tu vas où là ? Tu veux que je te dépose quelque part ?

— Non, c'est bon, je dois rentrer au Palace. Faut que je fasse les derniers préparatifs de la salle pour ce week-end.

— Fais attention à toi.

— Pour rentrer ?

— Tu sais très bien ce que je veux dire, l'arrêta-t-elle, Allez, file avant que l'envie de te foutre une baffe ne me reprenne !

Noah pouffa de rire et la quitta après un rapide signe de la main. Il attrapa ensuite son téléphone portable dans sa poche et sélectionna le numéro d'Anna.

— Allô ? Répondit la jeune fille après deux sonneries dans le vide.

— Yo', ça te dit de me rejoindre au Palace pour m'aider dans la décoration de la salle ?

— A quelle heure ?

— Dans une demi-heure.

— Je vais au club théâtre du lycée là, mais je peux être là dans une heure.

— Ok, dans une heure, à toute !

Noah raccrocha sans attendre sa réponse et se dirigea vers l'abri de bus. Le véhicule était déjà arrivé et il entra donc rapidement pour s'installer dans le fond. Il sélectionna sa musique sur son portable et arrangea son casque pour le mettre sur ses oreilles tout en collant son front contre la vitre. Il observa le paysage pendant quelques secondes lorsque le moteur se mit enfin à démarrer, venant bercer doucement l'arrière du bus. Soudainement, il aperçut deux personnes arriver en courant, les mains en l'air dans l'espoir d'arrêter le véhicule qui venait de repartir.

Noah esquissa un sourire en réalisant de qui il s'agissait : Jared et son frère, Ruben. Ils rêvaient s'ils pensaient sérieusement qu'il irait arrêter le bus pour eux, songea Noah, moqueur en bifurquant son regard pour ne pas avoir à les regarder plantés comme des cons sur la route. Il s'arrêta, hésitant. Mais qu'est-ce qui pouvait être plus jouissif que cette scène ? Derechef, il se retourna vers la vitre du fond et les observa en riant. Les deux frères étaient en train de se disputer au milieu de la route. Rassasié par sa vengeance personnelle, Noah se réinstalla dans le fond du siège tandis qu'un passager s'installa à ses côtés et il ferma les yeux le temps du trajet.

***

— Pourquoi on est ici déjà ? Souffla Ruben en trainant des pieds.

— On fait ça pour toi, je te signale, l'arrêta son frère, blasé de l'entendre râler depuis le début de l'après-midi.

— Mais ça ne sert à rien ! Je t'ai dit qu'on ne le retrouvera pas ! C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin... Tu sais, je me demande de plus en plus s'il a réellement existé.

Jared se retourna vers lui, hébété, et Ruben enchaina :

— Après tout, j'étais bourré. C'était peut-être un rêve.

— Oui, c'est vrai, ça explique la photo sur ton Iphone, se moqua son grand frère.

Ruben se retourna vers lui et le garçon enchaina :

— Arrête de te plaindre, putain ! Je te signale qu'on fait tout pour le retrouver ce type, alors, aie confiance.

— Comment avoir confiance quand on traine depuis deux heures dans la banlieue parisienne ?

— Tous mes amis viennent de la banlieue, répondit Jared, C'est ici qu'il faut chercher.

— Et c'est quoi ton plan ? Faire tous les quartiers jusqu'à ce qu'on tombe par hasard sur lui ? Ironisa Ruben.

— Euh... Oui, lui avoua-t-il, conscient, en effet, que ça s'annonçait peu efficace.

— Je ne veux pas passer toute mon année à le chercher. Si ça se trouve, il a déjà un copain en plus.

— Sinon tu peux essayer d'être moins défaitiste ?

Ruben leva les yeux au ciel. Mais pourquoi Jared était-il si obstiné à retrouver ce type du Nouvel An ? Ce n'était pas comme s'ils s'entendaient et avaient une quelconque relation fraternelle. Ils étaient si différents tous les deux. Jared, le grand frère rebelle qui dealait à ses heures perdues, faisant tout pour pourrir leur père et trainant avec les cas sociaux de Paris. Et lui, le gentil petit garçon à ses parents, bien au chaud dans le moule qu'on lui avait confectionné. Mis à part le fait qu'il cachait son homosexualité, rien ne venait perturber son existence bien parfaite. Entre eux deux, il y avait bien plus qu'une différence de personnalité. C'était plutôt une différence de point de vue. Un se complaisait de leur monde bien rangé, l'autre y étouffait et faisait tout pour le faire exploser. C'était probablement la raison qui poussait Jared à agir ainsi, songea Ruben, Peut-être qu'aider son frère à assumer son homosexualité était la seule solution qu'il avait trouvée pour faire exploser leur famille bien sous tous rapports. Peut-être cherchait-il simplement à se servir de lui contre leur père. C'était affreux, certes, mais du Jared Greggs tout craché.

— Écoute Jared, commença-t-il en se retournant vers lui, avant de s'arrêter, blême.

— Ruben, qu'est-ce qu'il se passe ? S'enquit son grand frère, perplexe.

Le garçon n'arriva même pas à ouvrir la bouche, les yeux écarquillés de stupeur et le cœur explosé. A l'autre bout de la rue, ce type du Nouvel An, ce beau brun à la peau mate, il venait de pénétrer dans un bus stationné à un arrêt.

— Là-bas, souffla-t-il abasourdi en désignant de son doigt tremblant l'arrêt de bus.

— Quoi là-bas ? L'interrogea Jared en se retournant vers le véhicule sans comprendre.

— Le gars.

— Quel gars ? ... Oh attend LE gars ? Mais où ça ?

Jared jetait des coups d'œil de tous les côtés, tandis que son frère resta prostré, et il répéta de plus en plus précipitamment :

— Mais où ça putain ?! Dis-moi !

— Bus, bégaya Ruben, encore abasourdi.

C'était la première banlieue qu'ils avaient fait tous les deux. Quelles étaient les probabilités qu'ils tombent sur lui par pur hasard en se promenant dans le quartier ? Ruben n'était pas très superstitieux, mais, à cet instant précis, il avait bien envie de croire à une sorte de destin.

— Dans le bus ? Enchaina Jared, Mais qu'est-ce qu'on attend ! Il va partir !

Derechef, les deux frères partirent en courant vers le véhicule qui commençait à démarrer, mais ils furent bientôt trop loin pour le faire arrêter. Lançant des signes de mains à l'ombre qui les regardait à l'intérieur du bus, ils s'arrêtèrent finalement, s'avouant vaincus.

— Putain, il y a vraiment des cons sur terre ! S'époumona Jared.

— Pourquoi ? L'interrogea Ruben essoufflé en arrivant à ses côtés.

— Un crétin dans le bus qui nous regardait sans rien dire, souffla-t-il, blasé, Enfin, peu importe. Comment on a pu le louper comme ça ?!

Ruben l'observa, étonné. Il n'en revenait pas que son frère soit limite plus énervé que lui. Ne s'agissait-il pas de son histoire d'amour ?

— Pourquoi tu t'impliques autant ? Lâcha-t-il, Qu'est-ce que ça peut te faire ?

— Je t'aide, c'est tout.

— Oh je t'en prie, pas à moi ! Tu me détestes ! Pourquoi tu voudrais m'aider ?

— Je ne te déteste pas, s'offusqua Jared, Pourquoi tu dis ça ?

Ruben resta silencieux, mal à l'aise, et son grand frère reprit :

— Écoute-moi, sale gosse... Et crois en mon expérience. C'est déjà très difficile de trouver une personne bien sur cette terre et les femmes... Ce n'est pourtant pas ce qui manque ici. Alors, un homo bien... Je te souhaite bonne chance pour en trouver un si tu laisses celui que tu as déjà te filer sous le nez sans rien faire.

Son petit-frère l'observa en esquissant un sourire. Bien sûr, Jared faisait allusion à son histoire avec Ellie Lefevre. Jamais une fille ne l'avait fait autant souffrir que cette sale peste. Ruben se referma aussitôt, il se sentait mal d'avoir fait des conclusions aussi hâtives. Son frère n'était pas que cet être égoïste qui ne cherchait qu'à se venger de leur père pour leur avoir offert cette vie qu'il n'était pas foutu de supporter. Peut-être qu'il voulait réellement que Ruben vive l'histoire d'amour qu'il n'avait jamais eue la chance de vivre.

***

Anna entra dans le Palace, ne sachant où donner de la tête. Elle n'était jamais entrée dans cet immense bâtiment de jour et il en était d'autant plus impressionnant. Tout était si brillant autour d'elle qu'elle n'osait toucher les objets dorés. Le hall d'entrée était grouillant de monde. Les employés étaient tous vêtus d'un uniforme classe, comme dans les films, et les riches hommes d'affaires en costume discutaient autour d'un verre dans le bar de l'hôtel. Elle resserra davantage son sac de cours sur son épaule, Anna se sentait toujours mal à l'aise dans ce genre d'ambiance. Pas étonnant que Noah soit si tordu, songea la jeune fille, A vivre dans ce monde de paillettes, la réalité devait lui paraître bien loin désormais.

— Mademoiselle, je peux vous aider ?

Elle sursauta, comme à chaque fois qu'on s'adressait à elle alors qu'elle était dans ses pensées, et se retourna subitement vers l'homme habillé en costard.

— Euh... Je cherche Noah Khan, s'il-vous-plait.

— Noah ? Répéta l'homme, surpris, en la toisant de bas en haut, Pourquoi donc ?

— C'est un... Ami, lâcha-t-elle en ignorant ce qu'elle devait répondre d'autre.

Paul Khan avait-il réellement engagé un homme pour filtrer l'entourage de son propre fils ? Anna s'arrêta, altérée par l'imbécilité de sa question. Noah trainait avec toute la pourriture parisienne, heureusement que son père n'avait jamais engagé quelqu'un, sinon son inefficacité ne serait un secret pour personne.

— Un ami, répéta l'homme, manifestement sceptique, Bien... Suivez-moi.

Faisant semblant de ne pas être vexée par ce ton dédaigneux, Anna avança dans ses pas et il la conduisit à travers les immenses couloirs. La soirée qu'elle avait passé au Palace pour Halloween remontait maintenant à quelques mois et, pourtant, elle ne se souvenait pas avoir fait un trajet aussi long pour rejoindre la boite de nuit.

— Où va-t-on ? L'interrogea-t-elle, curieuse.

— Dans l'arrière salle, répondit l'homme, Noah est avec l'électricien.

Sans rechigner davantage, elle le suivit en silence et ils arrivèrent devant la salle en question. L'homme en costume lui ouvrit la porte, sans même esquisser un sourire dans sa direction, et Anna lâcha ironique en passant devant lui :

— Merci, c'est trop aimable.

Il referma la porte derrière elle sans répondre et elle s'arrêta, blasée. Encore un autre trait de caractère de Noah qui s'expliquait ici. S'il avait vécu toute sa vie avec des personnes qui tiraient la tronche, il n'y avait rien d'étonnant que la politesse ne lui soit pas naturelle.

Anna pénétra dans la salle, observant des ouvriers enroulés des kilomètres de câbles électriques jusqu'à ce qu'elle distingue enfin Noah sur un côté de la salle.

— Hey ! S'exclama-t-elle en arrivant vers lui.

— Anna ? Mais tu aurais dû m'envoyer un message en arrivant.

— C'est ce que j'ai fait, ironisa la jeune fille, J'ai dû te laisser une douzaine de messages.

Il grimaça en sortant son téléphone portable de sa poche et observa les appels en absence.

— Ok désolé, ajouta-t-il en le rangeant dans sa poche, Comment tu m'as trouvé ?

— Un type à la limite du suicide m'a emmené jusqu'ici.

— Ah Jeff ? Il travaille pour mon père depuis des années.

— Et il n'a jamais essayé de sauter du toit depuis tout ce temps ? Parce que, franchement, je n'ai jamais vu quelqu'un aussi blasé de faire son job.

— Il est foutrement trop bien payé pour se jeter du toit, crois-moi, rétorqua le garçon en lui souriant.

Noah avança vers une nouvelle porte et enchaina :

— Alors, on commence oui ou non ?

— On commence quoi ? L'interrogea Anna qui, après tout, ne savait même pas ce qu'elle fichait ici.

— La décoration de la salle pour samedi, ce sont mes dix-huit ans, je te rappelle.

— Ça, j'avais compris, ironisa la jeune fille, Mais pourquoi je devrais t'aider pour la décoration ? Tu ne payes pas des gens pour ça ?

— Si, réalisa-t-il, Mais je voulais que tu me donnes ton avis.

— Pourquoi moi ?

— Je ne sais pas, tu es littéraire, la musique, la décoration, tout ça, c'est ton domaine quoi.

Elle ne répondit même pas, altérée d'entendre quelque chose d'aussi cliché, et Noah continua, imperturbable :

— Moi, je m'occupe des chiffres, des invités... Pas des fleurs et tout le bordel.

— Pourquoi je m'occuperais d'une soirée dont je ne suis même pas invitée ?

— Quoi ? Tu n'as pas reçu l'invitation Facebook ?

— Non.

— Tu as mis ton vrai nom sur ton profil ?

— Non.

Noah leva les yeux au ciel, résigné. Il détestait les gens qui faisait ça. N'étaient-ils pas capables d'assumer que, maintenant, tout était toujours contrôlé quand on était sur internet ? Qu'on mette son putain de vrai nom ou pas... Et puis, quand bien même, ce n'était pas ses petits êtres insignifiants qui allaient être contrôlés par des espions américains. Ces gens-là avaient sérieusement besoin de revenir sur terre, songeait-il souvent en faisant toutefois abstraction d'exprimer le fond de sa pensée à cet instant précis.

— Bon, souffla-t-il, Alors, tu es invitée officiellement. On peut y aller maintenant ?

La jeune fille esquissa un sourire et lui fit un signe positif de la tête, tout en le suivant dans la deuxième pièce. Cette fois-ci, elle reconnut instinctivement l'endroit où elle avait passé Halloween, une des pires soirées de sa vie, au passage. Elle avança vers le centre de la piste de danse, observant les multiples scènes installées sur des barres pour gogo danseuses et le nombre de bars impressionnants qui trônaient tout autour. Une grande toile sur laquelle était projetée des vidéos de la soirée s'étendait sur un large mur et la zone du DJ sur-plantait toute la piste de danse.

— Je ne me souvenais pas que c'était aussi grand, murmura la jeune fille, ébahie.

— Parce que tu es déjà venue ? L'interrogea Noah, surpris.

Bien sûr, il ne se souvenait même pas d'elle. Et, pourtant, ils avaient tous les deux assistés au pétage de câble d'Ellie Lefevre cette soirée-là. Noah avait été manifestement occupé par autre chose. Bien qu'il eût trouvé le temps de la traiter de mocheté, mais ce n'était qu'un détail.

— Peu importe, souffla la jeune fille alors que le visage du garçon montrait qu'il était encore en train d'y réfléchir, En quoi est-ce que je peux t'aider ?

— En fait, reprit Noah qui décida de laisser tomber sa tentative de souvenir, Je pensais mettre des cracheurs de feu, tu vois, un peu partout sur les différentes scènes, en hauteur bien sûr. Ça va donner de la couleur, faire de la lumière dans le noir, et puis ça va donner un côté ... Passion. Tu en penses quoi ?

— Je pense qu'un crétin bourré va forcément se bruler en se jetant sous les flammes, rétorqua Anna en riant.

Noah s'arrêta, dubitatif, et l'interrogea :

— Tu pensais à moi en disant ça, n'est-ce pas ?

— Oui.

Ils rirent tous les deux et la jeune fille ajouta :

— Non, plus sérieusement, c'est une bonne idée Noah. Mais pense aux paramètres de sécurité.

— Je n'y manquerai pas, répondit-il, ravi que son idée plaise, Et si mes cracheurs de feu étaient à moitié nus, ça passerait bien aussi non ?

— Tu comptes transformer cet endroit en boite de striptease ?

— Presque... Murmura-t-il en esquissant un sourire, Je voudrais un lieu de débauche, tu vois ? Un endroit où il n'y a pas de limites, pas de règles, pas de normes préétablies, un endroit où tu te laisses dévorer par le plaisir de la chair.

— Une boite de striptease quoi, ironisa Anna.

Il leva les yeux au ciel, tel un incompris, et la jeune fille ajouta :

— Ton père est d'accord pour que tu transformes sa boite de riche en refuge pour pervers ?

Noah souriait, touché par sa naïveté :

— Chérie. Les riches de cette ville sont les pires pervers que tu ne rencontreras jamais. Ils viennent déjà au Palace.

— Et tu m'invites dans cet endroit sordide ? Lança-t-elle, vexée, Tu sais bien que ce n'est pas mon genre.

— Je peux te protéger. Si tu restes à côté de moi, tu es sûre que personne ne t'approchera.

— Genre... Souffla-t-elle, blasée, en le contournant pour continuer son introspection de la salle, Je n'ai pas besoin de toi pour rejeter les relous. Je sais me débrouiller toute seule.

— Bien. Ruben doit être ravi de ne pas avoir à te surveiller à chacune de vos soirées.

Bien sûr. Briser une atmosphère complice en évoquant le petit-ami absent. La spécialité de Noah ces derniers vingt-quatre heures. Certes, Ruben n'était pas vraiment son petit-ami, mais son mensonge avait pris de telle proportion qu'Anna ne pouvait plus revenir en arrière désormais, donc c'était tout comme.

— Tu n'as pas besoin d'évoquer Ruben tout le temps, lui reprocha-t-elle.

— C'était juste un moyen subtil de te rappeler que tu as choisi ce crétin.

— Pas si subtile que ça, non, lui fit-elle remarquer.

Noah esquissa un sourire, amusé, et enchaina :

— En fait, tu as reparlé à Ethan ?

— Non, pourquoi ? L'interrogea Anna, suspicieuse.

— Tu m'as dit qu'il voulait que vous redeveniez amis, répondit-il, Je me demandais où ça en était cette connerie.

— Cette connerie ?

— Appelle-la comme tu veux, mais tu ne m'enlèveras pas l'idée que c'est une connerie.

— Pourquoi ça ?

— Depuis que je connais Ethan, chacune de ces motivations, la moindre de ses actions, elles ont toujours été tournées vers Gabrielle, pour attirer son attention. Il est fou amoureux de cette fille. Redevenir ton ami n'est qu'un moyen de la rendre jalouse et de la récupérer. Crois-moi, tu vas encore te faire avoir.

Anna s'arrêta un instant avant de rétorquer :

— Oh excuse-moi, je ne suivais plus, tu disais ? Me faire avoir... Par Ethan ou par toi ?

Noah l'incendia du regard, tentant de lui faire comprendre que sa plaisanterie qui n'en était pas une ne le faisait pas rire.

Il murmura en se rapprochant d'elle doucement :

— Ça non plus, Anna, ce n'était pas très subtil.

***

— But ! S'exclama Ellie en levant les bras en signe de victoire.

Elle se retourna fièrement vers Lucas pour savoir s'il avait vu son exploit et elle ne put empêcher son cœur de ressentir un pincement lorsqu'elle l'observa rire aux éclats. Le garçon portait un short noir et un débardeur blanc qui laissait apparaître ses bras musclés par le basket. De petites gouttes de sueurs perlaient de son front et il s'approcha de la jeune fille avec un regard complice, tout en murmurant :

— On dit un « panier » au basket.

Ellie pouffa de rire à son tour et le ballon retomba sur le terrain en goudron pour rebondir bruyamment à leurs côtés. Lucas plongea son regard dans le sien et continua :

— Mais je dois reconnaître que c'était un beau lancé.

— Merci, susurra la belle en lui rendant son sourire éclatant.

La nuit commençait à tomber sur le terrain de sport qui bordait leur lycée. Les deux jeunes s'y étaient retrouvés à la fin de la journée. Ellie n'avait pas été au lycée aujourd'hui, elle ne se sentait pas encore prête à affronter les questions de tout son entourage alors qu'elle avait clamé haut et fort qu'elle se barrait d'ici. Elle allait encore passer pour la peureuse de service, incapable d'aller au bout de ses convictions, mais peu importait puisqu'elle avait Lucas à ses côtés.

Le jeune homme s'empara du ballon de basket qui venait d'arriver à ses pieds et dribbla jusqu'à l'autre bout du terrain. Il marqua un panier et recommença plusieurs fois tandis qu'Ellie l'observait, amusée, replongeant dans ses pensées. Comment allait-elle dire à Noah qu'elle était toujours en ville ? Après ce qu'elle lui avait balancé il y a trois jours, il ne risquait pas d'avoir envie de la revoir.

— A quoi tu penses ? L'interrogea Lucas en la rejoignant.

— A Noah, lui avoua-t-elle sans même y réfléchir.

— Sympa, rétorqua-t-il en lui balançant le ballon de basket qu'il avait dans les mains.

Par chance, elle réussit à le rattraper au vol, évitant de se le prendre en pleine face, ce qui l'aurait largement discrédité à ses yeux.

— Et à quoi tu penses à propos de Noah ? Enchaina Lucas plus insistant.

— Qu'il ne me pardonnera jamais.

— Ce serait cruel de te dire que je suis content de l'apprendre ?

Ne sachant répondre à cette question, Ellie observa mal à l'aise le ballon qu'elle tenait toujours entre ses mains. Alors, la jeune fille commença à dribbler, ne voyant pas quoi faire d'autres.

— On joue ? L'interrogea-t-elle en partant à vive allure.

Derechef, Lucas la suivit en sprintant, arrivant derrière elle à la vitesse et l'éclair, et il s'empara du ballon sans une once de difficulté. Et avant qu'elle n'eût le temps de s'en apercevoir, il avait fait demi-tour, rejoignant l'autre bout du terrain, où il marqua un panier.

— J'arrête de jouer, marmonna Ellie, vexée.

— Tu es une mauvaise joueuse ! S'esclaffa Lucas hilare en la rejoignant en courant.

La jeune fille ne répondit pas et quitta le terrain, le garçon sur ses pas.

— Sérieux ? Tu vas partir parce que tu viens de perdre ?

— Non, ce n'est pas ça, souffla-t-elle exaspérée en attrapant son sac qui trônait sur le bord du terrain, C'est juste que... Je n'aurai pas dû venir.

— Pourquoi ?

— Parce que toi et moi... Ça ne pourra pas aller plus loin que de l'amitié.

— Ellie, l'arrêta le garçon en attrapant son visage entre ces deux mains.

— Lâche-moi.

— Mais, putain, ça me tue !

Lucas laissa ses mains retomber dans le vide et donna un coup de pied rageur dans le ballon de basket qui fut projeté en dehors du terrain.

— Pourquoi ? Enchaina-t-il, furieux, Pourquoi tu n'arrives pas à me pardonner à moi ? Après tout ce que Noah t'a fait subir, pourquoi est-ce que je n'ai pas le droit au même pardon ?

— Je suis désolée, murmura Ellie, Mais l'amitié est tout ce que je peux te donner pour le moment.

— Non, tu peux me donner plus.

Ellie sentit son cœur se serrer et ses yeux se brouiller.

— Je t'aime, putain, pardonne-moi, je t'en supplie, enchaina Lucas.

— On est amis ou on n'est rien du tout.

Cet ultimatum lui faisait autant de mal qu'à elle, mais il semblait nécessaire au vu de la situation.

— Sérieusement ? L'interrogea-t-il en joignant à sa question un rire ironique.

— Sérieusement, répéta-t-elle en soutenant son regard.

Lucas leva les yeux au ciel, exaspéré, tout en ruminant tandis qu'Ellie baissa la tête, mal à l'aise :

— Je devrais y aller.

Elle voulut sortir du terrain, mais le garçon la rattrapa en empoignant son bras, ce qui la força à se retourner vers lui.

— D'accord, on est amis, déclara-t-il, Je ne supporterai pas qu'on ne soit plus rien.

— Moi non plus.

Ils s'arrêtèrent tous les deux, sans savoir quoi ajouter de plus, et Lucas enchaina :

— Tu devrais dire à Noah que tu n'es pas partie. Plus tu attendras, plus ce sera difficile. Et ce n'est qu'une question d'heures pour qu'il l'apprenne. Je suis sûr que des élèves nous ont déjà vu en sortant du lycée.

— ... C'est vrai, répondit-elle après un moment d'hésitation, Je devrais faire ça maintenant.

— Appelle-moi si tu as besoin.

Ellie approuva d'un signe de tête et déposa tendrement un baiser sur sa joue, avant de murmurer à son oreille :

— Si jamais je n'en sors pas vivante... Adieu, ce fut un plaisir de te connaitre.

Le garçon pouffa de rire, doutant pourtant qu'elle plaisantait, et il ajouta :

— Dis-lui que s'il te touche... Il est mort.

— Je n'y manquerai pas, ironisa la jeune fille en sortant du terrain.

Lucas l'observa partir en silence. Il n'avait pas reparlé à sa petite-sœur depuis qu'il était parti chercher Ellie à la gare. D'ailleurs, il doutait même l'avoir croisé depuis hier. Et il devait reconnaitre qu'il n'était pas vraiment pressé de la revoir. Comment allait-elle encore réagir ? Rachel avait hérité de sa cousine pour ce qui était de l'impulsivité et des réactions excessives. Lucas ne donnait pas cher de ce qu'il allait devoir subir en conséquence. Mais il s'en fichait. Il n'avait encore jamais eu l'impression qu'une erreur valait autant le coup d'être vécue.

***

Attendant devant l'entrée du haut bâtiment, Ellie se lança d'avant en arrière, observant les gens qui entraient et sortaient du Palace. Elle avait conscience d'être profondément ridicule à rester plantée là, sans rien faire, mais elle n'arrivait pas à trouver le courage pour entrer dans ce foutu hall et parler à Noah Khan. Elle lança un dernier coup d'œil à sa montre et poussa un soupir d'exaspération. Voilà maintenant un quart d'heure qu'elle attendait de l'autre côté de la route comme une idiote. Elle inspira un grand coup et posa un pied devant, cela ne servait plus à rien de reculer. Elle effectua un deuxième pas et s'arrêta nette au milieu du trottoir. Son cœur s'accéléra d'un seul coup et, instinctivement, elle recula jusqu'au mur derrière elle tandis qu'elle observa Noah sortir du Palace avec une fille, celle qui était sortie avec Ethan Franck. Comment s'appelait-elle déjà ? S'interrogea Ellie en les scrutant tous les deux. Noah semblait perdu dans une conversation palpitante car elle le voyait bouger les bras dans tous les sens tandis que la jeune fille rigolait aux éclats. Il devait encore être en train de faire son numéro de charme, réalisa Ellie bien qu'elle ne comprît toujours pas pourquoi il l'effectuait pour cette pauvre cloche. Essayait-il réellement de la remplacer par cette gamine prétentieuse ?

Finalement, Noah se rapprocha de la jeune fille pour lui faire la bise et la petite brune continua son chemin. Il resta planté un instant devant les portes du Palace, l'observant partir, et Ellie poussa un soupir, résignée. Allait-il réellement attendre qu'elle tourne au coin de la rue ? C'était impensable, songea Ellie, altérée. Elle n'était partie que depuis quelques heures... Et il devenait déjà complètement con. Heureusement qu'elle était toujours là, réalisa la jeune fille en retenant un rire. Alors, elle se rendit compte qu'il ne lui faisait plus aussi peur qu'avant et elle traversa rapidement la route pour le rejoindre sur le trottoir d'en face.

— Comme c'est romantique... Susurra-t-elle en faisant irruption dans son dos.

Ellie vit le garçon se raidir d'un seul coup et, sans même se retourner vers elle, il lâcha :

— Qu'est-ce que tu fais là, toi ?

— Tu traines encore avec cette fille ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

— Qu'est-ce que tu fais là ? Répéta Noah, plus sèchement.

— Ce n'était pas ma question.

— Mais c'est la mienne, la coupa-t-il, Alors, qu'est-ce que tu fais là, Ellie ?

— Je ne suis pas partie.

— Sans blague ? Ironisa-t-il en levant les yeux au ciel.

La jeune fille s'arrêta, réalisant que la provocation n'était pas réellement la meilleure façon d'agir avec Noah Khan, et elle reprit, plus calmement :

— Ce départ était une erreur.

Noah posa ses yeux sur elle, d'un air indifférent, et un frisson parcourut le corps de la jeune fille. Ce regard froid et distinct, il n'y avait rien de pire que ce regard sans vie qu'il lui adressait.

— Pas tant que ça, lâcha-t-il.

Ellie déglutit péniblement, sentant ses jambes trembler sous ce regard de glace. Bien sûr, à l'instant, elle se souvint pourquoi elle avait eu aussi peur d'aller le voir. La colère dans ses yeux quand elle lui avait annoncé son départ n'était rien, rien comparé à la froideur qu'il y avait désormais. Au fond, cela n'avait pas été si difficile de le quitter, puisque la haine que cela avait provoquée en lui était palpable, donc réelle, en quelque sorte. Maintenant, il n'y avait plus rien et c'était de sa faute. Elle aurait dû s'en douter. On ne récupère pas Noah Khan après l'avoir jeté. L'indifférence était sa pire arme, celle qu'il savait la mieux manier.

— Je suis désolée, souffla-t-elle.

— Qu'est-ce que ça peut me faire ?

— J'avais juste besoin de savoir que j'étais capable de partir, se justifia-t-elle devant son regard accusateur, Juste savoir que j'en avais le courage.

— Et tu ne l'as pas.

Elle resta silencieuse, ignorant ce qu'elle pouvait répondre, et Noah enchaina, toujours avec cette même désapprobation dans le regard :

— Tu te souviens cette nuit où tout est parti en couilles avec Jared ? Tu te souviens de ce que tu as ressenti à ce moment-là ?

— Oui.

— Et bien, multiplie ce sentiment par dix milles, fait le durer à tout jamais, et tu auras une vague idée de ce que j'ai ressenti lorsque tu m'as annoncé que tu partais.

— Je suis désolée, Noah.

Il lui fit un signe négatif de la tête avec dégout, avant de répliquer sèchement, comme si les mots lui écorchaient les lèvres :

— Je me contre fiche de tes excuses, Ellie. Tu peux crever.

— Comment tu peux me dire ça ?

Jamais il n'avait eu des mots aussi durs envers elle et, même si elle les avait mérités, cela avait du mal à passer.

— Noah, reprit-elle, la voix tremblante, Je sais que je t'ai fait du mal, mais notre amitié, elle peut tout surmonter.

— Notre amitié ? Je croyais qu'elle n'était qu'un simple calcul.

— Tu sais bien que je ne le pensais pas ! S'exclama la jeune fille.

Il esquissa un sourire.

— Tu sais El'...J'ai repensé à ce que tu m'as dit.

— A quoi ?

— On perd toujours ce qu'on ne mérite pas, murmura-t-il en reprenant ces mots, Et bien, tu m'as perdu, Ellie. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même.

Sur ce, il la laissa en plan et rejoignit son hôtel particulier, sans même se retourner vers elle. Ellie se mordilla la lèvre inférieure, tentant de retenir ses larmes qu'elle sentait monter en elle à mesure qu'elle réalisait la cruauté de ses propos.

En partant, Ellie avait fait en sorte qu'ils soient loin l'un de l'autre. En revenant, elle avait fait qu'ils ne soient plus rien l'un pour l'autre.

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