Nantis

By FlorieC

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La jeunesse dorée, tel est le surnom qu'on leur donne. Il existe une rumeur qui sous-entend qu'on ne naît pas... More

[SAGA 1] L'arrogance des gens meilleurs
Chapitre 1 : If it makes you happy
Présentation : Noah Khan
Chapitre 2 : Take me as I am
Présentation : Ellie Lefevre
Chapitre 3 : Don't stop the party
Chapitre 4 : Too late
Chapitre 5 : Losing your memory
Présentation : Ethan Franck
Chapitre 6 : She drives me crazy
Chapitre 7 : Secrets
Chapitre 8 : Highway to hell
Chapitre 9 : How I needed you
Chapitre 10 : Miss misery
Chapitre 11 : Me and the devil
Présentation : Anna Joly
Chapitre 12 : Know your enemy
Chapitre 13 : Little talks
Chapitre 14 : You're not alone
Chapitre 15 : Love the way you lie
Chapitre 16 : Bad romance
Chapitre 17 : Teenage dream
Chapitre 18 : Don't wake me up
Chapitre 20 : Shut up and let me go
Chapitre 21 : Wicked Game
Présentation : Gabrielle Gallien
Chapitre 22 : Last Christmas
Chapitre 23 : Winter
Chapitre 24 : Let it be
Chapitre 25 : Happy New Year
[SAGA 2] L'éternité à tes pieds
Chapitre 1 : Bad day
Présentation : Jared Greggs
Chapitre 2 : The last to know
Chapitre 3 : When she believes
Chapitre 4 : Losing my religion
Présentation : Lucas Gallien
Chapitre 5 : Take control
Chapitre 6 : If you leave me know
Chapitre 7 : Stay
Chapitre 8 : Only if you run
Chapitre 9 : Just tonight
Chapitre 10 : Never let me go
Chapitre 11 : Fix you
Chapitre 12 : Damn you
Chapitre 13 : This is war
Présentation : Ruben Greggs
Chapitre 14 : Apologize
Chapitre 15 : Gives you hell
Chapitre 16 : Never say never
Chapitre 17 : Skinny love
Chapitre 18 : Alone
Présentation : Christelle Wertheimer
Chapitre 19 : Don't be a stranger
Chapitre 20 : We are young
Chapitre 21 : One Day
Chapitre 22 : Dark on fire
Présentation : Borja Escobar
Chapitre 23 : Like a virgin
Chapitre 24 : Better Together
Chapitre 25 : Happy Birthday
[SAGA 3] Dans la cour des grands
Chapitre 1 : The funeral
Chapitre 2 : Pursuit of Happiness
Chapitre 3 : Dark Paradise
Chapitre 4 : I want to break free
Chapitre 5 : A drop in the ocean
Chapitre 6 : Enjoy the silence
Chapitre 7 : Help
Chapitre 8 : I don't want to be
Chapitre 9 : Eye of the tiger
Chapitre 10 : Come back home
Chapitre 11 : Mirror
Chapitre 12 : Heartless
Chapitre 13 : Someone like you
Chapitre 14 : If I needed you
Chapitre 15 : You're not sorry
Chapitre 16 : Burn it down
Chapitre 17 : How you remind me
Chapitre 18 : Wrecking ball
Chapitre 19 : Just give me a reason
Chapitre 20 : Can you feel the love tonight
Présentation : Gautier Lantez
Chapitre 21 : People help the people
Présentation : Yanis Perrin
Chapitre 22 : Yesterday
Chapitre 23 : Hot and cold
Chapitre 24 : Kiss me
Chapitre 25 : Only wanna be with you
[SAGA 4] La réponse des faibles
Chapitre 1 : Collide
Chapitre 2 : The lonely
Chapitre 3 : Another love
Chapitre 4 : Protect me from what I want
Présentation : Ophélie Joly
Chapitre 5 : Big big world
Chapitre 6 : Don't lie
Chapitre 7 : Undisclosed desires
Chapitre 8 : You and I
Chapitre 9 : Another day in paradise
Chapitre 10 : Just can't get enough
Chapitre 11 : Sirens call
Chapitre 12 : Too close
Chapitre 13 : Love me again
Chapitre 14 : Demons
Chapitre 15 : You are the one that I want
Chapitre 16 : Sober
Chapitre 17 : What doesn't kill you
Chapitre 18 : Too many friends
Chapitre 19 : Monster
Chapitre 20 : Broken crown
Chapitre 21 : He is my son
Chapitre 22 : Talk to me
NANTIS EN LIVRES PAPIER !
Chapitre 23 : Try
Chapitre 24 : Everybody's Got To Learn Sometime
Chapitre 25 : Wonderful life
NANTIS en livres ♥

Chapitre 19 : My medicine

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By FlorieC



— Où est-ce que tu vas ?

Noah Khan s'arrêta au milieu de son salon, reconnaissant la voix autoritaire de son paternel. Il laissa tomber son sac sur le sol tout en se retournant vers lui :

— Qu'est-ce que ça peut te faire ?

— Où est-ce que tu vas ? Répéta Paul en se relevant de son canapé pour faire face à son fils, On est mardi soir, tu as des cours demain matin.

— Il est dix neuf heures, pas minuit, rétorqua Noah, blasé, Et je vais juste au rugby.

— Tes entrainements sont le jeudi après midi.

— Sauf que l'entraineur a eu un empêchement ces dernières semaines et il a décalé le cours au mardi soir, le temps que son créneau soit de nouveau disponible.

Son père reporta son regard vers le sac de sport de son fils d'un air sceptique et le garçon ajouta :

— Bien sûr, tu serais déjà au courant si tu étais plus souvent à la maison.

— Arrête, le coupa froidement son père, N'essaie pas de me faire culpabiliser. Depuis que tu es petit, j'ai tout fait pour assister à tous tes matchs, cette année était différente... Et tu sais très bien pourquoi, alors n'invente pas n'importe quoi.

— Peu importe, souffla Noah indifférent en attrapant son sac pour continuer son chemin.

— Attends.

Encore une fois, il se retourna exaspéré vers son père. Déjà que son entraineur venait tout juste d'accepter de le reprendre dans l'équipe, s'il commençait à être en retard dès le premier entrainement, il allait finir sur la touche pendant tout le prochain match.

— Quoi encore ?

— J'ai appelé ton lycée aujourd'hui.

— Et ? L'interrogea Noah, dubitatif.

— Ils m'ont dit que tu séchais moins les cours... C'est déjà ça.

— Qu'est-ce que ça signifie ?

— Ça signifie que tes notes sont catastrophiques Noah ! S'exclama son père, Mais enfin, à quoi tu penses ? Tu crois que je paye ce lycée pour que tu arrives les mains dans les poches à chaque devoir ? Tes profs pensent que tu as des capacités, pourquoi tu ne les utilises pas ?

Noah ne répondit pas, détournant le regard de celui de son père.

— Tes profs m'ont dit que tu pensais travailler à Goldman Sachs plus tard, reprit-il, Mais sois un peu réaliste. Tu en as l'arrogance, mais pas le talent.

Noah ne s'était encore jamais pris une remarque aussi cruelle et, pourtant, qui sait combien son père avait raison. D'ailleurs, il enchaina furieux, incapable de s'arrêter :

— Mais Noah tu n'en as pas marre de tout faire reposer sur les autres ? Bats-toi, fais quelque chose par toi-même, soit fier de ce que tu fais et de ce que tu deviens ! Tu penses que je suis arrivé au sommet sans rien faire ? Que j'ai brassé des millions d'euros en sortant tous les soirs ? Je suis parti de rien et je me suis battu pour arriver là où je suis. Et toi, je t'offre la chance de partir sur de bonnes bases. Tu es dans une bonne école, ta réputation n'est pas à faire, tu as un carnet d'adresse énorme et tu es en train de tout gâcher.

— Ah oui, ironisa Noah après un instant, J'avais oublié que tu étais un expert sur ma vie, sur comment je dois la vivre et tout ça, je t'en prie, continue, je vais prendre des notes.

Paul Khan s'arrêta, laissant sa colère retomber peu à peu. Il ne comprenait pas l'indifférence de son fils, pourquoi n'arrivait-il pas à lui faire reprendre raison ? Depuis quand le lien qui les unissait s'était-il brisé ? Ou d'une manière plus cruelle encore, ce lien avait-il réellement existé entre eux deux ?

— J'essaie juste de t'aider, souffla Paul abattu, sans d'autres réponses face au regard assassin de son fils.

— Arrête par pitié, cracha-t-il de dégout, Tu te fiches complètement de moi, si bien que quand tu m'appelles tu écorches mon prénom tant il sonne comme une insulte entre tes lèvres.

— Noah, arrête.

— Oui voilà, exactement comme ça, l'interrompit-il froidement avec un sourire froid et dédaigneux.

Le garçon se baissa sur le sol pour attraper son sac et le porta sur son épaule tandis que son père resta stoïque à le regarder partir, incapable de le retenir ou même de le contredire.

— Tu veux être un père pour moi ? Enchaina Noah en se retournant vers lui, Sois réaliste, papa, tu en as l'obligation, mais pas l'envie.

Sur ce, il quitta l'appartement et Paul Khan sentit sa mâchoire se crisper de douleur. A chaque fois qu'il essayait de se rapprocher de son fils, il envenimait la situation, probablement parce que Noah n'avait aucune envie qu'elle s'améliore. Depuis toujours, son fils aimait régner seul sur son monde. Un monde, d'ailleurs, qu'il ne maitrisait pas tout à fait, tant il avait déjà dû mal à se maitriser lui-même.

***

Le garçon allongea son bras pour atteindre son paquet de cigarette et le tira vers lui avant d'en attraper une. Il la porta à ses lèvres, l'alluma avec son briquet, et souffla la fumée dans les airs, sentant déjà l'effet de la nicotine le détendre.

— Je savais que tu serais ici.

Il se retourna vers Ellie Lefevre et la toisa de bas en haut. Comme d'habitude, elle avait ce petit côté dépravé qui lui allait bien. La jeune fille portrait un épais pull gris qui lui servait de robe puisqu'elle avait en dessous de simple collant. Ceux-ci étaient déchirés au niveau du genou et laissaient apparaître sa peau blanche. Dans ses pieds trônaient des Doc Martens noires, dont les lacets n'étaient pas attachés. Ses longs cheveux bruns qu'elle avait lissés pendaient de chaque coté de son visage angélique et un épais bonnet en laine recouvrait le haut de sa chevelure. Autour de son cou trônait une grosse écharpe assortie à son bonnet et, heureusement pour elle, puisque la température extérieure devait bien atteindre zéro degré.

— Tu te tentes à un nouveau look ? L'interrogea le garçon moqueur, La « pouffiasse salope » ne te suffisait plus ?

— Je préfère la « rebelle salope » désormais, rétorqua Ellie, nullement vexée par sa remarque.

— Tu me diras, tu gardes toujours ton côté « salope », ça, tu ne le changeras pas.

— Je n'en ai peut-être pas envie.

— Arrête, souffla le jeune homme en se rapprochant d'elle, Tu en crèves d'envie.

Jared Greggs tira à nouveau sur sa cigarette et l'observa un instant.

— Qu'est-ce que tu viens faire là El' ? L'interrogea-t-il face au regard mystérieux de la jeune fille.

— Je suis venue te mettre en garde.

— Contre quoi ?

— Je sais ce que tu es capable de faire à mes copains.

— Tes copains ? Répéta-t-il ahuri, Alors, c'est comme ça que tu le considères maintenant ? Lucas ?

Jared avait craché son prénom avec dégout, comme si cette simple évocation venait de lui retourner le cœur. Du moins, si on pouvait considérer qu'il en avait un.

— Je t'interdis de lui faire du mal, renchérit Ellie, catégorique.

— Je te le laisse, tu sauras tout aussi bien le faire à ma place.

— Je ne le blesserai pas.

— Permets-moi d'en douter sérieusement.

Ellie se tut, mal à l'aise, puis releva son visage vers lui. Au contact de ses yeux bleus plongés dans les siens, Jared sentit son cœur se crisper tandis que les mots de la jeune fille venaient renforcer la douleur qu'il ressentait dans la poitrine :

— C'est fini entre nous, alors je te demande juste de me laisser tranquille.

— Pourquoi lui, putain ? Pourquoi tu fais ça ?

— Ne cherche pas à me comprendre.

— Avec toi ? L'interrogea le garçon, Jamais. Ça fait longtemps que j'ai laissé tomber.

Il plaisantait, bien sûr. Ellie, justement, elle était bien la seule personne qu'il n'avait jamais laissé tomber.

— Je pourrais vivre sans toi Jared, enchaina la jeune fille après un instant, Mais seulement si tu me laisses vivre.

— Et si je n'en suis pas capable ? Ça va peut-être te paraître insensé, mais je t'aime trop pour te regarder foutre ta vie en l'air.

— Manifestement, tu ne m'aimais pas assez pour m'empêcher de le faire quand on était ensemble.

Jared Greggs s'arrêta face à elle, incapable de rétorquer quoi que ce soit. Le garçon sentait sa vision se brouiller à cause de ses larmes et son cœur se pincer douloureusement dans sa poitrine. Il avala sa salive avec difficulté tandis que la jeune fille tourna des talons sans rien ajouter de plus. Jared l'observa s'éloigner bien que son corps mourrait d'envie de lui courir après pour l'arrêter. Son sang battait dans sa poitrine, passant dans chaque fibre de son corps comme des secousses électriques, jusqu'à ses tempes dont les veines se dessinaient plus distinctement sur son visage à cause du sentiment de colère qui commençait lentement à l'envahir. Ellie était la femme de sa vie, tout comme elle était son exact contraire, sa raison de vivre et sa faucheuse personnelle, le faisant sombrer chaque fois un peu plus bas depuis leur rupture.

Désormais, il la détestait avec la même force qu'il l'avait fait aimer, quelques années auparavant, c'est à dire, sans limite.

***

Daniel Joly posa ses deux valises à ses pieds et observa ses filles en se retenant de ne pas exploser en sanglots. Bien sûr, il se sentait coupable de partir aussi loin, juste avant les fêtes de Noël, mais la vie qu'il vivait ne lui suffisait plus. Cette vie bien parfaite de professeur en université qui rejoint tous les soirs son foyer où sa femme sans travail se contente de passer ses journées à dépenser le fric qu'il gagnait à la sueur de son front. Il s'arrêta à cette pensée. C'était totalement faux, ne serait ce parce qu'il passait ses journée assis dans un gros fauteuil en cuir lorsqu'il n'était pas devant un amphithéâtre. Sa situation était loin d'être à plaindre et, en plus, il faisait ce qu'il aimait, c'est à dire, enseigner la littérature. D'ailleurs, c'était probablement la raison qui l'empêchait de comprendre son geste. Pourquoi avoir tout abandonné ? Son métier ? Sa famille ? Sa maison ? Daniel était incapable d'expliquer ce qu'il s'était passé dans sa tête, peut-être la crise de la quarantaine qui s'était manifestée un peu tard. Pour l'instant, une seule chose était claire pour lui : il devait partir. Il en ressentait un besoin de plus en plus criant. Un besoin profondément égoïste ; certes, mais un besoin dont il sentait la nécessité d'y répondre.

— Mes chéries, bégaya-t-il entre ses lèvres tremblantes.

— Par pitié, murmura Ophélie, Ne fais pas celui qui est triste... C'est de ta faute si tu t'en vas.

Anna se retourna vers sa jeune sœur. Ophélie essayait de retenir ses larmes, elle le savait car elle usait de la même technique, c'est à dire, se mordiller la lèvre inférieure en serrant des points. Ophélie n'avait pas accepté le divorce de leur parent et rejetait toute sa haine sur son père. Anna, quant à elle, faisait la même chose avec sa mère. Finalement, elles arrivaient bien à se compléter toutes les deux et elles étaient assez lucides pour comprendre que ce n'était pas de leur faute à elles, mais bien celle de leurs parents. Daniel et Cécile étaient de parfaits opposés, comme le jour et la nuit, et ça faisait bien des lustres que plus rien n'allait dans leur couple. En réalité, ils n'avaient rien en commun, hormis leurs deux filles, ce qui, au lieu de les rapprocher, n'avait fait que les éloigner au fil du temps. C'était bien ça le plus tragique.

— Je suis profondément attristé, rétorqua Daniel après un instant, Ne pense pas que je pars le cœur léger.

— Le cœur léger ou non, tu pars papa, répondit Ophélie, Et c'est entièrement de ta faute.

— Ce n'est la faute de personne chérie, intervint sa mère en attrapant la main de sa fille, Ton père va revenir.

— J'aimerais mieux que non.

Anna incendia sa petite sœur du regard. Elle aussi était en colère contre son père, mais ça ne servait à rien d'amplifier sa culpabilité, c'était déjà probablement assez difficile pour lui.

— Il reviendra quand il aura fini son livre, murmura Anna en esquissant un sourire pour son paternel.

— Oui, répondit Ophélie avec un sourire faussement exagéré, Et si tu l'écris sur ta famille ça pourra peut-être nous aider à comprendre pourquoi tu l'abandonnes.

— Je ne l'abandonne pas, rétorqua son père, catégorique.

Ophélie leva les yeux au ciel et lâcha la main de sa mère subitement.

— Bon sang, quand est-ce qu'on va enfin ouvrir les yeux dans cette famille ?! Explosa-t-elle en quittant la pièce pour monter dans sa chambre.

— Chérie...

— Laisse-la, l'interrompit Cécile, Laisse-lui du temps.

— Sauf que je n'en ai pas, répondit Daniel en plantant son regard dans celui de son ex femme, Mon avion va partir.

— Laisse-lui le temps, répéta Cécile sèchement, Tu lui parleras la prochaine fois.

Daniel approuva d'un mouvement de tête, même s'il était profondément blessé par le rejet de sa cadette. Il attrapa Anna dans ses bras et la serra contre lui de toutes ses forces.

— Je ne t'abandonne pas, ma chérie, murmura-t-il à son oreille, Je te le promets.

— Je te crois, répondit Anna en enfouissant son visage en larmes dans le cou de son père.

Il l'embrassa sur le sommet du crane, puis se détacha à contrecœur de la jeune fille. Il se dirigea vers Cécile, l'embrassa sur la joue poliment, repassa devant Anna pour poser ses lèvres sur son front, puis attrapa son sac en esquissant un sourire.

— Je t'aime, lui murmura-t-il avant de s'éclipser.

La porte se referma brutalement et Anna laissa librement couler les larmes sur ses joues, bien qu'elle ne s'était pas vraiment gênée pour le faire avant non plus.

— Ça va aller, ma chérie.

— Ne me touche pas ! S'écria Anna en se reculant brusquement de l'étreinte de sa mère, Je te déteste ! Enchaina-t-elle en montant quatre à quatre ses escaliers.

Arrivée devant sa porte, elle se retourna brusquement vers la chambre de sa sœur. Ophélie se tenait devant, les bras croisés sur sa poitrine :

— Tu me fais pitié, Anna, cracha-t-elle avec dédain.

— Comment tu peux lui en vouloir à lui ? Comment tu peux être du côté de maman ? Elle ne nous a jamais élevé.

— Non... Elle ne t'a jamais élevé, rectifia sa sœur en l'incendiant du regard, Et tu sais pourquoi ? Parce que tu n'en as pas eu besoin, tu avais déjà toute l'attention de papa... Si maman s'occupait exclusivement de moi, c'est parce que papa ne l'a jamais fait.

— Tu racontes n'importe quoi.

— Maintenant, c'est toi qui va ouvrir les yeux, enchaina Ophélie froidement, Parce que papa ne sera plus là pour te couvrir de louanges à chaque fois que tu sortiras un putain de mots de savant dont tout le monde se fout. Anna... Est-ce que tu vas réellement pouvoir vivre sans ça ?

Ophélie esquissa un sourire, un vrai sourire de garce, dont elle seule avait le secret.

— Je suppose que je pourrais me contenter de vos discussions à propos de torchons et de serviettes, rétorqua Anna, ironique.

— Tu sais bien que non, l'arrêta sa sœur, loin d'être impressionnée par son arrogance, Tu seras incapable de t'en contenter. Et, au fond, c'est ça qui va être le plus drôle.

Ophélie claqua la porte de sa chambre pour clore la discussion. Anna avala sa salive avec difficulté, son visage se décomposant au fur et à mesure. Bien sûr, sa petite sœur avait raison. Elle allait dépérir dans cette maison où son seul soutient venait de disparaître. Et, pour clore le tout, elle avait rompu avec Ethan et son meilleur ami trainait avec la pire pouffiasse de tout Paris. Anna poussa un long soupir, se maudissant d'avoir une vie aussi merdique, puis réalisa, qu'au fond, elle l'avait un peu cherché.

***

— Allez, c'est fini pour aujourd'hui ! S'écria de sa voix rauque l'entraineur de rugby.

Les garçons se laissèrent tomber un à un sur le terrain boueux en poussant un soupir de soulagement. Leur coach avait été exécrable, ce soir. Il ne les avait jamais fait autant courir et, pourtant, qui sait combien le froid de ce mois de décembre leur congelait les poumons.

— Il m'a tué, souffla Yanis en se laissant tomber à côté de son meilleur ami.

Le jeune homme était déjà tellement plein de boue qu'il se fichait éperdument de s'étirer dedans de tout son long.

— Allez, lève-toi ! S'esclaffa Ethan en se relevant de sa position assise.

Il essuya ses mains pleines de boue sur son short et Yanis rétorqua, toujours allongé sur le sol :

— Non, laisse-moi là.

Ne se faisant pas prier – bien que c'était une blague – Ethan quitta le terrain avec le reste de l'équipe. Il se retourna cependant vers Yanis pour observer le garçon resté prostré de s'être fait abandonner aussi lâchement. Puis Ethan croisa le regard de Noah lorsqu'il tourna la tête pour continuer son chemin. Le garçon marqua une grimace d'énervement, pourtant, il savait qu'il devait aller lui parler, mais l'envie n'y était pas vraiment. Finalement, il se décida à le rejoindre, préférant se débarrasser de cette corvée.

— Noah, attends.

Surpris qu'Ethan ose encore lui adresser la parole, le garçon se retourna vers lui et attendit la suite, sceptique de ce qu'il allait bien pouvoir encore lui reprocher :

— Je sais que tu as été chercher Anna à la soirée de Jared.

— Et je suppose que tu aurais préféré que je la laisse là-bas ? L'interrogea Noah, blasé, En fait, ce n'est pas une question car je connaissais la réponse. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai été la chercher.

— Arrête, l'interrompit Ethan, Tu sais bien que je n'aurais pas voulu qu'il lui arrive quelque chose, donc ... Merci.

Pas certain d'avoir réellement compris, Noah bégaya, pris au dépourvu :

— Pardon ?!

— Je t'en prie, ne me le fais pas répéter.

Noah esquissa un sourire. Serait-il possible qu'Ethan laisse enfin tomber leur querelle ridicule ?

— Pourquoi tu es avec cette fille ? L'interrogea Noah.

— Je ne sais pas vraiment, répondit Ethan après un instant de réflexion, Elle est sympa et elle...

— ... Est le contraire de Gabrielle, termina-t-il à sa place, Franchement, ça crève les yeux que tu fais ça pour oublier Gabi.

— Le pire, c'est que ça ne marche pas, ajouta l'autre en se demandant pourquoi il lui avouait tout ça.

— Je sais.

— C'est dingue ça, Gabi m'a fait tellement souffrir... Enfin, vous m'avez fait tellement souffrir tous les deux, rectifia-t-il en en profitant pour lui lancer un regard noir, Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à oublier cette fille ?

— A ta place, je n'aurais aucun mal, ironisa Noah.

— Ta gueule ! Souffla Ethan en lui donnant un coup dans l'épaule, Tu détestes Gabrielle, tu n'es pas objectif !

— C'est vrai, lui accorda-t-il en esquissant un sourire.

Soudainement, ils s'arrêtèrent tous les deux, mal à l'aise de se rendre compte qu'ils étaient en train de s'entendre.

— En fait, enchaina Ethan pour changer de conversation, Qu'est-ce qui se passe avec Ellie ?

— Pourquoi cette question ?

— C'est la première fois que je ne vous vois pas vous adresser la parole en deux jours de lycée... C'est à peine si vous ne vous êtes pas lancés un regard aujourd'hui ! Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Elle a déconné.

— Non, ça c'est quotidien.

— Plus que d'habitude, bafouilla Noah qui n'avait visiblement pas envie d'entrer dans les détails.

Ils entrèrent tous les deux dans les vestiaires et Ethan ajouta :

— Que ce soit bien clair... Je ne cherche pas à me réconcilier avec toi, je te déteste toujours autant.

— Moi aussi. Enfin, non, te détester impliquerait un certain sentiment à ton égard, or ton amitié ou ta haine ne me fait ni chaud ni froid.

C'était totalement faux.

— C'est ta journée sale con aujourd'hui ? L'interrogea Ethan, blasé.

— Non, je fais ça à temps plein.

Il fallait reconnaître que Noah y parvenait avec brio.

***

Ellie Lefevre croisa les jambes puis les décroisa. Elle ne savait pas comment se tenir et commençait à se lasser des regards réprobateurs des autres femmes dans la salle d'attente. Elle plongea son regard vers ses Doc Martens et se demanda pourquoi elle les avait achetés. Que cherchait-elle à prouver avec ce changement de look ? Et surtout à qui ? La réponse était on ne peut plus clair : Lucas. Elle ne comprenait pas pourquoi cela l'énervait qu'il la considère comme une fille totalement superficielle, bien que, au fond, cette image l'énervait simplement parce qu'elle était la sienne.

La porte s'ouvrit soudainement et le psychologue Jean Kerman s'écria surpris en apercevant la jeune fille :

— Ellie Lefevre ? Je ne vous ai jamais vu autant en avance. Qu'est-ce qui vous arrive ?

— Je me le demande justement...

Ellie s'engouffra dans le bureau, au grand damne du psychologue qui se serait bien pris une pause café. A contrecœur, il rebroussa chemin et pénétra dans son bureau. Il ferma la porte, laissant le temps à la jeune fille de s'installer, puis se dirigea vers son fauteuil.

— Notre rendez-vous ne commence que dans dix minutes, prit-il tout de même le temps de lui faire signaler.

Mais la jeune fille passa outre cette information et enchaina précipitamment :

— J'ai une question à vous poser.

— Ce n'est pas moi qui devrait poser des questions plutôt ? Plaisanta le docteur Kerman, amusé par le ton autoritaire de sa patiente.

Mais on ne voyait guère où était l'amusement dans le fait qu'elle le prenait pour une merde.

— Quel est le nom de cette maladie où l'on aime son agresseur ? Le questionna Ellie sans même relever sa remarque.

Le docteur s'arrêta un instant puis répondit, étonné par sa question :

— Le syndrome de Stockholm.

— Ah oui voilà, c'est ça ! Se remémora la jeune fille.

— Ellie, murmura le psychologue, sceptique, Est-ce que je dois m'inquiéter pour vous ?

— Vous seriez bien la première personne à le faire ! Plaisanta-t-elle, même si, au fond, elle avait raison.

Il esquissa un sourire et murmura :

— Vous êtes une jeune fille étrange, Ellie.

— Vous croyez me l'apprendre ?

Sans répondre à sa question, le psychologue continua :

— Vous êtes implicitement en train de m'avouer que vous êtes tombée amoureuse de quelqu'un, mais, au lieu de vous réjouir qu'il vous arrive pour la première fois de votre vie un sentiment qui arrive à toutes les adolescentes du monde, vous avez besoin de l'assimiler à une maladie psychologique.

La jeune fille le fixa de ses grands yeux bleus tandis qu'il enchaina, amusé :

— Vous êtes simplement amoureuse... Pourquoi vous cherchez tant à ce qu'il y ait un problème chez vous ?

— Je ne sais pas, lui avoua-t-elle, Je trouvais que ça m'allait bien.

— Comment ça ?

— Et bien...Ce syndrome là, est-ce que ce n'est pas ce genre de truc où l'on aime la personne même si ça nous fait du mal ?

— Aimer quelqu'un ne peut pas vous faire de mal.

— Je vous assure que si.

— Pourquoi ça vous ferait du mal ?

— Parce que... Je n'ai pas envie de répondre, le rembarra la jeune fille.

Le psychologue ferma les yeux et poussa un soupir.

— Quoi ? S'exclama sa patiente avec dédain.

— Inlassablement, on retombe autour de ce même sujet : Qu'est-ce qui s'est passé avec ce Jared dont vous ne voulez pas me parler ? Qu'a-t-il bien pu vous faire pour que vous rejetiez autant le fait d'être amoureuse ?

— Ça n'a aucun rapport ! S'exclama la jeune fille en se relevant d'un seul coup de son siège.

— Manifestement si ! Rétorqua le docteur Kerman en se relevant à son tour pour lui faire face, Puisqu'à chaque fois que vous refusez de répondre à une question c'est lorsqu'elle est liée à ce foutu secret qui vous détruit complètement ! Mais qu'est-ce qui vous fait si peur à la fin ? Qu'est-ce qui vous fait si mal ? Et pourquoi vous ne voulez pas répondre à ces questions ? Est ce-que vous protégez quelqu'un ?

— OUI !

— Mais qui ? Enchaina-t-il sur le même ton.

Ellie s'arrêta soudainement, laissant la tension retomber, puis murmura du bout des lèvres :

— Moi.


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