78 jours
La semaine est passée très vite, car on est déjà samedi. Je me lève assez tôt et coche une nouvelle case sur mon calendrier comme j'ai l'habitude de le faire.
Une fois prêt à partir, je sors et attend de voir Cory arriver : nous allons passer la journée ensemble.
- Salut Matt, alors ? Hâte d'être ce soir ?
Il semble tout excité. Je me met à rire et lui répond que oui, puis il se met en route. Nous partons à la fête foraine du village.
Quand nous arrivons, un groupe est en train de jouer sur l'immense scène qui se trouve au centre de la place. Tout autour, des dizaines d'attractions sont en marche et laissent entendre les cris des forains. Nous écoutons le groupe jouer, puis nous applaudissons une fois la chanson terminée.
Alors, nous nous dirigeons vers un snack, où nous commandons des hot-dogs : il est déjà midi.
Nous nous asseyons à une table et Cory me regarde d'un air songeur.
- Tu vas te mettre avec elle ? demande-t-il.
Oh.
- Je n'en sais rien...
Et c'est la vérité, je n'en ai aucune idée. Je pense que d'un certain côté, j'en ai envie. Mais est-ce que ça en vaut la peine ? Est-ce que c'est intelligent de faire ça ?
- Tu devrais.
Je relève la tête vers Cory qui avale une frite.
- Tu crois ? je demande.
Il met ses mains sur la table comme pour exposer une situation très importante.
- Écoute, je te l'ai déjà dis, je veux que tu profites de ce qu'il te reste, ton frère aussi veut ça et ta mère... et bien... elle n'est pas obligée de tout décider pour toi. Je suis presque sûr qu'Allison en a envie.
Peut-être qu'elle en a envie c'est vrai, elle ne m'a jamais repoussé pour l'instant. Je me met alors à sourire bêtement en pensant à elle. Quelle histoire.
Nous finissons de manger puis nous nous dirigeons vers la première attraction qui nous est venue à l'esprit : la maison hantée. Je rentre suivi de Cory, qui a peur même si il m'assure le contraire et nous démarrons notre aventure.
L'après-midi s'est déroulée très rapidement. Malgré le fait que nous ayons eu le temps de faire plus de la
moitié des attractions, il est déjà dix-neuf heures.
Cory me ramène chez moi pour que je me prépare. Il est alors dix-neuf heures trente. Trente minutes pour me changer et faire ma toilette. Aucun problème. Apres m'être douché et coiffé, je passe près d'un quart d'heure à choisir une tenue. On dirait une fille.
Finalement, je me decide a porter un sweat noir et un jean. Je descend enfiler mon manteau et saisis les clés de la maison.
- Où vas-tu Matty ?
Ma mère est dans l'encadrement de la porte qui mène au salon, les bras croisés.
- Je sors au restaurant avec Cory.
Pas top ce mensonge.
- Au restaurant ? demande-t-elle.
- Oui, il m'a invité au restaurant pour profiter de mes derniers jours maman.
Je sais que ce genre de phrase la touche et qu'elle ne dira pas non.
Elle soupire et se détend.
- Ne rentre pas trop tard, dit-elle.
- Oui maman.
Puis je pars. J'ai dix minutes pour aller chez Allison. J'essaye de marcher assez rapidement et j'arrive finalement devant chez elle.
Je m'avance vers la porte pour sonner, quand elle s'ouvre soudainement.
Allison est là, devant moi. Les cheveux détachés, elle porte une tenue entièrement noire, comme moi; mais elle est très jolie.
- Coucou toi, fait-elle.
Elle me serre dans ses bras.
- Tu es prête ? je demande.
- Plus que prête, répond-elle, tu vas voir à quel point je suis douée.
Nous explosons de rire et nous dirigeons vers sa voiture. Elle se tourne vers moi.
- Merci de m'emmener ce soir Matt.
- Pas de quoi Ally, ça me fait vraiment plaisir.
Elle sort un trousseau de clés de sa poche et le brandit devant mes yeux.
- Tu veux conduire ? demande-t-elle.
- Avec plaisir.
Quelques minutes après, nous arrivons à la patinoire. Nous sortons de la voiture et entrons pour payer notre entrée.
Après avoir enfilé nos patins, nous débutons notre soirée sur la glace. Allison est très douée, je dois l'avouer; mais je ne me débrouille pas mal non plus.
Elle s'avance seule sur la piste et commence à tourner, à zigzaguer entre les gens. Elle à l'air très à l'aise. Moi, j'avance normalement, je ne saute pas, je ne tourne pas. Je la suis juste. Je manque d'ailleurs de tomber car un homme me rentre dedans, mais je vais bien.
Allison ralentit pour m'attendre et prend ma main pour que nous patinions au même rythme. Ensemble.
Elle va assez vite. Je manque de tomber encore une fois. Elle se met à rire, et moi aussi.
Nous passons la soirée à patiner. Je suis tombé deux fois.
Après deux heures sur la piste, nous décidons de rentrer.
Nous payons puis nous nous rendons à sa voiture où je me met au volant.
Je m'apprête à mettre le contact lorsqu'elle pose sa main sur mon bras pour m'en empêcher.
Je me tourne vers Elle pour voir son joli visage sourire.
- Merci énormément pour ce soir, me dit-elle.
- C'était pas grand chose, je répond.
Elle rit.
- Si c'était quelque chose pour moi. Je n'avais pas passé de soirée comme ça depuis des lustres.
Je ne sais pas quoi répondre à part la phrase inutile qui me vient à l'esprit.
- Alors y'a pas de quoi.
Je sais qu'elle sourit.
- Matty tu es vraiment quelqu'un de spécial. Je ne pensais pas vraiment rencontrer beaucoup de personnes en arrivant ici, je ne pensais même pas qu'on serait amis tous les deux. Pourtant ça fait quelques jours que j'y pense maintenant et... je ne regrette pas de t'avoir emmené sur le toit de cet immeuble.
Tiens donc.
- Pourquoi-ça ? je demande.
- Et bien j'aurais pu te laisser tranquille, arrêter de te parler, comme tu le voulais. Sauf que moi je n'avais pas envie.
Elle se rapproche légèrement de moi et je me surprend à faire la même chose.
Elle me chuchote :
- Je savais que tu étais spécial Matty Bonfire.
Je prend alors son visage dans mes mains et colle mon nez au sien. Doucement, nos lèvres se rapprochent et nous nous embrassons. Au départ j'hésite. Je sais que j'en ai envie, mais je réfléchis déjà à toutes les conséquences. Ensuite, la boule que j'avais ressenti dans mon ventre, lorsqu'elle m'avait embrassé sur la joue l'autre soir, ressurgit. Je comprend alors ce que c'est. Ces fameux papillons dont toutes les filles parlent. Les garçons aussi peuvent le ressentir. L'amour.
Nous continuons à nous embrasser. J'entends la respiration saccadée d'Allison comme si elle oubliait de respirer par moments. Moi je crois que je ne respire plus. C'est la première fois que j'embrasse une fille. Je crois que je ne me débrouille pas mal, d'ailleurs.
Elle se défait de mes mains et se mord la lèvre. Puis nous nous mettons à rire.
- Il faut rentrer avant que ma mère ne s'inquiète, dit-elle.
- Oui, la mienne aussi va s'inquiéter.
Nous rions encore. Et à cet instant précis, c'est fou de le dire, car ça ne m'est jamais vraiment arrivé; mais je suis heureux. Heureux grâce à elle.