Quand elles atterrirent à l'Aéroport de New York, il faisait encore jour, mais plus pour longtemps. Une limousine les déposa chacune leur tour devant leur maison familiale.
C'est Estelle qui descendit la première. Alors qu'elle traversait la pelouse joliment coupée, une voix la fit sursauter. Elle se retourna vivement et fut aveuglée par un flash d'appareil photo.
- Hé ! Hurla-t-elle, surprise.
Quand la vue lui revint totalement, elle vit devant elle un jeune homme penaud et gêné.
- Ça va pas, non ? Continua-t-elle sur le même ton.
L'inconnu baissa son appareil photo et passa une main dans ses cheveux bruns et bouclés.
- Je suis désolé, dit-il d'une voix rauque. C'est mon boss qui m'a envoyé vous espionner, je...
Malgré la singulière beauté du garçon, Estelle ne se laissa pas faire.
- Vous avez intérêt à dégager d'ici vite fait sinon je vous jure que je fais appeler la sécurité, ce qui n'est pas mon habitude.
Il hocha la tête avec un air amusé et disparut dans la rue. Stella Messina entra enfin dans sa maison. Elle posa sa valise qu'elle avait porté avec beaucoup de peine.
- Bonjour Molly ! Pouvez-vous prévenir mes parents que je suis rentrée ? Demanda-t-elle à une employée de la maison.
Molly hocha la tête et disparut aussi vite qu'elle put. Estelle inspira profondément et fut heureuse de reconnaître l'odeur de cette baraque. Quelques minutes plus tard, on entendit Sylvie crier du premier étage :
- Jean-Marc, ta fille est arrivée ! Ma chérie ! S'écria-t-elle en apercevant son enfant dans le hall d'entrée.
Les deux femmes se serrèrent dans les bras chaleureusement, comme à chaque retrouvailles. Jean-Marc finit par arriver et embrassa tendrement son unique fille. Sylvie expliqua à l'étudiante qu'ils se retrouvaient ce soir en petit comité pour fêter l'anniversaire de Juliette, chez ses parents.
- Une robe est prête pour toi dans ta chambre ! La prévint Sylvie. Vas te préparer, nous partons dans une petite heure.
La jeune fille grimpa les escaliers recouverts d'une jolie moquette blanc-cassé et retrouva sa chambre avec plaisir. Elle se dépêcha de se doucher et ressortit dix minutes plus tard les cheveux mouillés, enveloppée dans une serviette blanche toute propre. La robe qu'elle devait porter reposait sur son lit. Elle était blanche. Simple et pourtant très élégante. Des chaussures blanches à talons compensés attendaient près de la porte. Estelle tressa ses cheveux en une natte en épis de blé. Elle savait que Romane et Juliette la féliciteraient de cette coiffure. Elle appliqua un peu de crayon sur ses yeux, du gloss sur ses jolies lèvres et un peu de blush. Elle regarda sur sa montre en or : 18:44. Elle sortit de sa chambre, un sourire aux lèvres. Elle était heureuse de revoir tout le monde.
Dans la voiture, ses parents la félicitèrent pour son deuxième trimestre très convainquant.
Lorsqu'ils arrivèrent, la belle maison des parents de Juliette était éclairée par le coucher du soleil. C'était très poétique. Les parents de Romane montaient le perron.
- Céline ! S'écria Sylvie de l'autre bout du jardin.
La petite famille fit volte-face. Ils se saluèrent et entrèrent ensemble dans la villa. Romane avait mis une jolie robe bleue et blanche qui lui allait à merveille. Elle avait laissé ses cheveux flotter sur ses épaules.
Juliette les accueillit avec enthousiasme. Elle fut heureuse de voir la famille de ses amies au complet. Elle portait une robe noire à bretelles. Ses cheveux étaient bouclés et ses paupières étaient poudrées de noir.
On s'installa à table dans l'immense salle à manger. Les grands-parents de Juliette, Simon et Jeanne étaient là eux aussi. Le repas se passa à merveille, sous les rires et politesses des uns et des autres. Juliette souffla ses dix-sept bougies sous l'œil attentif des convives. Elle ouvrit ensuite ses innombrables cadeaux et remercia chacune des personnes présentes. Quand les adultes daignèrent enfin discuter et détourner leur attention de la star de la journée, Romane et Estelle entraînèrent leur amie dans la cuisine.
- Romane a eu une brillante idée, expliqua Estelle devant le regard empli d'incompréhension de Juliette.
- Eh bien, je m'étais dit qu'on pourrait aller fêter ton anniversaire pour de vrai, en dehors de la maison si tu vois ce que je veux dire, précisa Romane.
- En gros, vous voulez aller vous bourrer la gueule en ville, fit une voix masculine dans leur dos.
Les trois amies sursautèrent.
- Adrien ! Tu nous a flanqué une de ces frousses ! soupira Romane.
- Comptez pas sur moi pour quoi que ce soit, prévint-il, sauf si c'est pour aller dans un Streap Club.
Son sourire moqueur désespéra les trois filles.
- Ne sois pas bête, on ne va pas t'inviter tu pourrais tout gâcher, le taquina Estelle.
- Tu meurs d'envie de venir avec nous, admets-le ! Ajouta Juliette.
Il lève les yeux au ciel et disparaît. Mission accomplie, se dirent les filles intérieurement.
- Mes parents ne voudront jamais, avec tous les paparazzis qui traînent, soupira Juliette.
- Oui, j'en ai trouvé un sur ma pelouse toute à l'heure, se rappela Estelle avec un léger sourire.
- J'ai un plan les filles, murmura Romane avec malice.
Instinctivement, ses amies sourirent d'un air narquois.
Une heure plus tard, les filles dirent au revoir aux derniers invités en secouant la main d'un air las. Il est enfin temps de passer à l'action. Elles embrassèrent Véro et Laurent, les parents de Juliette, et montèrent dans la chambre de cette dernière.
- Zut, je n'ai pas pris ma brosse à dents, puisque nous n'avions pas prévu de dormir là ! Grogna Romane.
Juliette lui fit un clin d'œil et disparût dans son immense dressing. Elle revint deux minutes plus tard avec deux brosses à dents flambant neuves et en tendit une à chacune. Elles se lavèrent les dents en silence, excitées par la suite du plan. Elles retouchèrent ensuite leur maquillage et fourrèrent ce dont elles avaient besoin dans leur sac à main. Pour le moment, tout se passait bien. La suite du plan risquait d'être plus compliquée. Il fallait d'abord attendre que plus aucun bruit ne se fasse entendre dans la maison.
- Je crois que tout le monde est couché, murmura Juliette à ses compères, trois quarts d'heure plus tard.
Il était temps ! Elles prirent leurs chaussures à la main, éteignirent les lumières de la chambre et la fermèrent doucement. Des traversins et des perruques étaient méthodiquement installées dans le lit king size de Juliette, pour imiter les silhouettes des trois rebelles dormant paisiblement. Une idée d'Estelle.
Elles traversèrent ensuite le long couloir du deuxième étage sur la pointe des pieds. Elles descendirent les escaliers et arrivèrent au premier étage. Elles passèrent devant la chambre des parents de Juliette qui ronflaient tous les deux en rythme. Trognon. Juliette, qui était en tête, se tourna soudain vers les filles :
- Prêtes ? Souffla-t-elle à ses deux meilleures amies.
C'était le moment le plus compliqué de l'escapade. Les deux brunes hochèrent la tête et Juliette appuya sur la poignée de la chambre de la petite Jeanne. Elles se glissèrent à l'intérieur sans un mot. Elles découvrirent la petite sœur de Juliette endormie dans son lit, emmitouflée dans sa couverture rose. Juliette se dirigea vers la porte-fenêtre qui donnait sur le balcon. Elle actionna la poignée le plus lentement possible, de sorte à éviter de faire du bruit. Heureusement pour elles, Jeanne avait l'habitude de laisser ses volets ouverts la nuit, pour essayer de voir le marchand de sable se balader dans les cieux. Putain mais ce que c'est débile et crédule, un enfant !
- Estelle, à toi l'honneur, décida Juliette.
- Pourquoi moi ? Se lamenta l'interpelée.
- Parce que tu es la plus petite, en âge autant qu'en taille.
Romane pouffa, et Estelle lui tira la langue. Elle sortit sur le balcon et passa par-dessus la rambarde avec une agilité surprenante. Elle lâcha les mains et atterrit dans la pelouse rafraîchie par la nuit. Elle étouffa un petit cri de douleur et se releva et époussetant sa robe.
- Ben alors, qu'est-ce que vous attendez ? dit-elle avec un petit sourire en coin.
Ses amies déglutirent avec difficulté. Elles se regardèrent dans le blanc des yeux, essayant de voir qui craquerait la première. Romane croisa les bras sur sa généreuse poitrine.
- Honneur aux vieilles, sourit-elle d'un air mesquin.
- Je te signale que dans quelques jours tu auras toi aussi dix-sept ans, alors ne fais pas la maligne. Mais comme on dit, les femmes et les enfants d'abord... Allez gamine, lance-toi ! L'encouragea Juliette avec le même sourire.
Romane allait argumenter quand un grognement venant de la chambre de Jeanne les figea. Leurs regards paniqués se croisèrent.
- Qu'est-ce que vous foutez ? s'impatienta Estelle en bas.
- Juliette ? demanda une petite voix ensommeillée.
- Merde... Je vais la voir, prends mon sac et saute, je vous rejoins quand je peux, décida Juliette.
- ok, obtempéra Romane en prenant le sac à main de Juliette sur son épaule libre.
Elle disparut sur le balcon. Un bruit étouffé se fit entendre au moment de sa chute. Jeanne appela sa sœur une seconde fois. Juliette ferma les yeux et vint à son chevet. Après dix minutes, la petite dernière de la famille se rendormit aisément. Dingue comme les gamins peuvent sombrer (dans le sommeil hein !) en si peu de temps.
Romane et Estelle commencèrent à s'inquiéter. Un bruit de fenêtre qui se ferme les fit sursauter. Aussitôt, elles crurent que Juliette les avait enfermées dehors pour leur faire une farce. Elles entreprirent de l'appeler sur son portable mais se ravisèrent quand l'objet sonna dans le sac de Juliette posé à leur pied.
- On y va ou quoi ? fit une voix derrière elles.
- Putain, on a cru qu'on allait passer la nuit dehors ! lâcha Estelle. Ne refais jamais ça ou...
- Arrêtez vos sermons ! Je suis sortie par la cuisine, j'ai ouvert la baie vitrée et je ne l'ai pas refermée derrière moi, comme ça on pourra rentrer sans problème !
- La cuisine, bien sûr ! soupira Romane en plaquant sa main sur son front. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?
- C'est quand même risqué... Mes grand-parents dorment sur le canapé dans la pièce d'à côté... Il faudra faire très attention en rentrant ! rappela Juliette sérieusement.
Elle regarda ses amies tour à tour et murmura, les yeux brillants :
- Allons faire la fête, les filles !