Water Lily : l'éclosion.

By RosalineOscar

1.4M 128K 34.2K

Qui suis-je ? Depuis bien longtemps cette question me tourmentait. La réponse qui me venait le plus souvent é... More

Le pouvoir de la Lune.
Libérée, délivrée. Non, je ne suis pas la reine des neiges.
Tout le monde va bien. Enfin. Presque.
Trahison. Disgrâce. Les musiques Disney me poursuivraient-elles ?
Une solution ? Mortelle, mais oui, une solution.
Invitation. Pitié. Pas de talons.
Je lui pardonnerai. Quand je serai de bonne humeur. J'y réfléchirai, quoi.
Un tout petit dérapage. Minuscule. Rien de rien.
De catastrophe en catastrophe.
La mort ou la vie. Un jeu dangereux.
Dompter un lion ? Trop facile. Voler un loup-garou ? Beaucoup plus drôle.
Séance de torture. Les talons sont obligatoires ? Pitié ?
Rentre dans ma danse.
On arrête de danser ? Oui, s'entre-tuer c'est plus sympa, voyons.
Solitude.
Une famille compliquée ? Hérésie. Un vrai bordel, oui.
Un puzzle ? 500 pièce c'était bien, mais 1000 c'est vachement mieux.
Plus qu'un pot de fleur, je suis un simple vase.
Ne m'abandonne pas.
Minuscule, petit problème : je vole.
Je te donne tout.
Un monde. Leur monde. Mon monde ?
Pas à pas je découvrirai qui vous êtes.
Tuatha de Dannan. Je te frôle du bout des doigts.
De vase, je deviens nénuphar. Avec un ph. Pas un f.
Futur déesse ou futur catastrophe. Au choix.
Finalement, être un vase c'est sympa.
Je reviendrai. Attendez moi.
Épilogue. Andrew.
Épilogue. Tamara.
Épilogue. Cyriel.
Épilogue Kenan.
Épilogue. Andréa.
Épilogue. Keylinda.
Épilogue. Geoffrey.
Tome 3

Présent. Passé. Futur.

70K 4.1K 532
By RosalineOscar




Toujours assise sur la rive du lac, j'écoutai, distraitement, les paroles de Dan. Il parlait calmement, clairement, lentement. Je tâchai de me concentrer sur sa voix mais j'étais distraite par les mouvements de l'eau. La lune s'était dégagée des nuages qui l'empêchaient de venir déposer ses rayons sur nous. Son aura se répandait petit à petit, comme si elle tentait de me signifier que, bientôt, tout allait s'arranger. Bientôt, il n'y aurait plus aucun nuage.

Mais je n'y croyais encore que peu.

- C'est tout ? Finis-je par lâcher alors que Dan semblait avoir terminé son long monologue.

- Oui, approuva-t-il, ses longs cheveux blonds voletant autour de son visage pâle.

- Tu ne peux pas me fournir plus de détail, de conseil ? Tout ceci ressemble encore bien trop à un « débrouille-toi ».

- Et, malheureusement, je ne peux pas te dire grand-chose plus, approuva-t-il, son visage se tordant une moue gênée. Je ne connais que peu le lieu où tu te trouves, je n'en connais que le principe.

Merveilleux. Je battis encore des pieds, continuant de provoquer l'agitation légère de l'eau. Bien. Résumons. J'avais une solution. Partielle. Infime. Quasiment dérisoire tant elle était improbable et me semblait irréaliste. Et Dan semblait attendre que je sois plus que joyeuse de l'avoir obtenue, persuadé qu'elle allait résoudre tous mes problèmes. Mais ce n'était pas le cas. Elle n'en résolvait qu'une petite moitié. Non. Même pas. Un quart à tout casser.

- Considérons que je parvienne à récupérer mes dons, soufflai-je. Comment sortir de ce bâtiment ? Je ne doute pas, un seul instant, qu'il grouille de créature, de bestiole et de marqué, tous prêts à m'arracher la tête à la première occasion.

- Quelqu'un viendra te secourir, répondit-il, ses yeux se mettant à fixer un point invisible devant lui. Mais ce sera à toi de trouver comment vous sortir de là.

- Comment ? Répétai-je, mordant ma lèvre, furieusement.

- Tu dois avoir confiance en toi.

J'avais déjà eu cette folie. J'avais cru en moi sur le champ de bataille. J'avais réellement pensé que je parviendrais à les protéger, que je réussirais à ce qu'aucun de mes amis ne soient blessés. Mais j'avais échoué. Lamentablement. Le souvenir remonta, ou peut-être n'avait-il jamais disparut de mon esprit. Pas une seule seconde. Je revis le corps de Maël tombé en arrière. Le sang sur ses ailes. Ma gorge se noua. Cette image ne me quitterait jamais, elle était comme une marque laissée par un fer brûlant. Et Dan me demandait, malgré tout, d'avoir confiance en moi à nouveau ? Pour que cela se finisse de la même manière ? Hors de question.

Dan soupira et je ne lui adressai pas le moindre regard. Il savait que je manquais cruellement de conviction, que l'espoir avait quitté mon esprit depuis bien longtemps. Après quelques minutes de silence, je me décidai à me tourner vers lui, croisant aussitôt ses grands iris bleutés. Je me mordis la lèvre. Les mêmes yeux que ceux de Maël. Je me détournai précipitamment. C'était insupportable. A chaque instant j'avais l'impression qu'il était là. Qu'il était à mes côtés. Qu'il n'était pas mort. Mais ce n'était pas le cas. Il n'était pas là. Il ne serait plus jamais là.

Je ravalai les larmes qui me montaient aux yeux alors que la sensation humide m'était devenue étrangère depuis quelques temps. Je n'avais plus pleurée depuis bien longtemps, mon corps en semblait presque incapable. Je battis plus rapidement des jambes, me focalisant sur le mouvement de l'eau autour de celles-ci. Un mouvement devenu canalisateur d'un tourment trop profond pour qu'il ne reste totalement enfoui.

- Si tu n'y crois pas, ceux qui te viendront en aide, mourrons.

Mes ongles s'enfoncèrent durement dans la terre molle. Non. Pas encore. Tout sauf ça. Je ne supporterais pas de me retrouver, une seconde fois, face à une telle scène. Je hochai donc la tête, sans doute un peu trop vite. J'allais le faire. J'allais faire tout mon possible. Pas pour moi. Pas parce que j'y croyais. Mais pour celui qui viendrait.

Cependant, je ne pus m'empêcher de laisser une pensée envahir un coin de mon esprit. Un souhait. Un souhait lugubre. Un souhait destructeur. Une part de moi désirait que personne ne vienne.

- Tu ne devrais pas penser une telle chose, me souligna Dan dans un léger soupire.

Je me contentai de hausser les épaules. Il ne pouvait pas me raisonner. Ma pensée était trop profondément ancrée. Après tout, n'était-elle pas en partie logique ? Dans un premier temps, comme il l'avait souligné lui-même, si j'échouai, cette personne allait mourir. Par ma faute. Alors, je préférai qu'elle ne vienne pas, qu'elle ne risque pas sa vie alors que je n'avais aucune garantie de parvenir à quoi que ce soit. Et, il y'avait une seconde raison. Sortir d'ici signifiait retrouver la réalité. Devoir l'affronter. Devoir découvrir ceux qui n'en faisaient plus partis. Et je n'étais pas certaine de pouvoir le supporter.

- Keylinda, je crois qu'il est temps que tu comprennes un peu mieux qui tu es et ce que tu représentes pour nous tous.

Avant que je n'eus le temps d'ouvrir la bouche pour l'interroger, Dan posa sa paume contre mon front. Le contact était léger. Froid. Me faisant frissonner faiblement sans que je ne comprenne pourquoi. Et, sans me laisser l'occasion de réfléchir, le décor bascula.

- Merde, Dan, jurai-je vivement alors que je venais d'atterrir, brutalement, sur un sol bien plus dur et froid. A quoi tu joues ?

J'étais en colère. A croire que c'était le seul sentiment que je parvenais encore à exprimer correctement. Et même à éprouver. Lâchant un faible soupire, je me redressai tant bien que mal alors que j'étais, à première vue, dans une maison. Le sol sur lequel je venais d'atterrir était, en réalité, un carrelage de mauvais goût, blanc à imprimé fleurie jaunâtre. Sans doute une vieille bâtisse au vu du papier peint, décrépit, qui m'entourait. Je fronçai quelque peu les sourcils, ne comprenant que mal ce que je faisais là. Et d'ailleurs, où me trouvais-je ? Plus encore. En quelle année ? Dan avait très bien pu m'envoyer six ans en arrière et à l'opposé de là où je me trouvai actuellement. Cela ne faisait aucun doute pour moi. Et il était navrant de constater que je m'habituais à l'extraordinaire.

Je posai mes doigts sur le papier peint qui s'émietta au contact, en me faisant grimacer. Géniale. Une maison abandonnée. Ou pas. Des voix parvinrent, soudainement, à mes tympans. Et cela me rappela une autre scène. C'était dans une situation similaire que j'avais fini par faire la rencontre de Bianca. Mon cœur accéléra dans ma poitrine. Et si je pouvais voir Maël et Kenan ? Je pourrais peut-être les avertir ? Leur dire qu'ils devaient, à tout prix, m'éviter ? Est-ce que cela fonctionnerait ? Quelque chose en moi m'affirmait que non. Que c'était vain.

Lentement, je me décidai à me diriger vers les voix. Il y'en avait plusieurs. Au moins deux. Une voix de femme et une voix d'homme. Elles résonnaient dans un murmure presque à peine audible. Mais ni l'une, ni l'autre, ne m'étaient familières. Je finis par arriver devant une porte entrouverte, laissant juste passer un petit filament de lumière. J'allais m'engouffrer dans la pièce, réalisant que je devais me trouver dans un couloir, mais une main vint soudainement saisir mon poignet.

Je sursautai mais ne criai pas, ayant bien compris que cela ne servait que rarement à quelque chose. Dan posa un doigt devant ses lèvres, m'intimant le silence. Je le fusillai du regard. A quoi jouait-il ? A quoi tout ceci rimait ? Il disparaissait et réapparaissait dans ce lieu inconnu ? Voulait-il me faire mourir d'une crise cardiaque ?

Sans répondre à mon regard meurtrier, sa main délaissa mon poignet pour se caler sur mon épaule, me poussant en avant. Veillant à ne pas faire le moindre bruit, il m'entraîna enfin dans la pièce éclairée. Aussitôt, ils entrèrent dans mon champ de vision. Comme je l'avais estimée, une femme et un homme étaient assis sur un petit canapé en velours rouge. Mais je ne restai que peu focalisée sur eux. Mon regard s'arrêtant sur une femme âgée, assise en face d'eux sur un fauteuil si large qu'elle semblait minuscule. Mais ce n'était ni sa taille, ni les nombreuses rides qui couvraient son visage qui me firent plaquer une main devant ma bouche pour retenir un hoquet de surprise. Non. C'était ses yeux. Ses yeux verts. Verts émeraude.

- Ne bouge pas, murmura Dan alors que j'hésitai à me ruer vers la vieille femme. Elle ne peut pas nous voir, elle n'est qu'une image du passée...

Pourtant, j'étais certaine que ses yeux me fixaient, comme si elle avait conscience de ma présence. Mais j'obéis, restant immobile. Combien de fois avais-je priée pour simplement pouvoir recroiser ses yeux immenses et toujours si emplis de douceur et d'amour à mon égard ? Combien de fois avais-je voulu simplement pouvoir lui parler, me tenir à côté d'elle ? Les larmes me montèrent aux yeux.

Mais, confirmant l'affirmation de Dan, elle ne s'intéressa pas le moins du monde à ma présence. Doucement, elle vint poser sa main sur la cuisse de la jeune femme, cessant de me fixer pour la contempler elle. Et je fus déstabilisée lorsque je lus dans ses iris les mêmes émotions qu'elle m'adressait habituellement.

- Pourquoi m'avoir fait venir ici Nora ? Que ce passe-t-il ?

- Maman... Tu sais que je suis différente, n'est-ce pas ?

- Comment ne pas le savoir, sourit la vieille femme, pleine de douceur en caressant la main pâle et lisse de la prénommée Nora. Et tu n'as pas à être aussi inquiète, ma chérie. Je suis fière d'être la mère d'une femme aussi incroyable.

Nora sembla s'apaiser et sa main se referma sur celle qui venait de se poser sur elle. Je la détaillai un instant, incertaine. Elle avait des cheveux bruns qui tombaient en cascade autour de son visage. Un teint ni pâle, ni mâte. Des lèvres naturellement rosées. Des pommettes saillantes. Elle était superbe. Mais d'une beauté d'un autre temps. Idée renforcée par la longue robe qu'elle portait. Une robe médiévale dont la forme était typique d'un siècle que je n'avais pas connu. Et qu'elle n'aurait pas dû connaître elle non plus. Mon cœur s'emportait dans des battements fous. Je ne comprenais plus rien.

- Tu vieillis quand moi je n'ai jamais pris une seule ride, souffla Nora, ses mains se resserrant sur celles de sa mère dans une douleur réelle et profonde.

- J'en suis heureuse, assura le visage ridé dans un sourire sincère et profond. Et tu ne devrais pas en être triste, il est naturel de mourir à mon âge.

- Pas pour nous, rétorqua l'homme, plus ou moins caché dans la pénombre de la pièce. Mourir n'a rien de naturel pour des êtres comme nous.

- Ce qu'il veut dire, intervint Nora en fusillant l'homme du regard. C'est que... j'aimerais que tu restes encore un peu à mes côtés, maman. Je... ne veux pas te perdre. Je ne supporterai pas de te perdre.

La vieille femme se crispa, son dos se raidissant et ses yeux se plissant dans une intense réflexion. Je connaissais bien tous ces signes annonciateurs de son mécontentement et de son trouble. Je savais que, bientôt, elle allait porter ses doigts à ses cheveux, tirant sur une mèche grisonnante vagabonde pour la faire rouler entre ses doigts. Je connaissais ses mimiques. Ses expressions. Plus que quiconque. C'était Nana. Ma Nana.

- Tu le sais déjà sûrement au vue de ta mine déconfite, mais, Nora, je suis prête à partir pour l'autre monde.

- Mais moi je ne le suis pas, rétorqua la jeune femme. Je te demande juste un peu de temps. Juste quelques mois... je t'en prie...

- Même si je te disais que j'étais d'accord, on ne peut pas retarder la mort, rétorqua la vieille femme, plissant un peu plus les rides sur son front, un peu plus agacée encore par la tournure que prenait la conversation.

- Tu te trompes ! Fanfaronna Nora en relevant un visage illuminé par l'espoir. Je peux te rendre ta jeunesse. Je peux te redonner une vie.

- Impossible, assura, calmement, Nana, butée.

- Je t'assure que si, rétorqua Nora, tâchant de canaliser sa joie. Bien sûr, ce n'est pas... un pouvoir illimité. Cependant, tant que tu la conserveras avec toi, je pense que tu pourras rester jeune durant les cinq cent prochaines années ! Et, surtout, tu pourras ainsi rester avec moi, ajouta-t-elle, pressant ses doigts sur ceux de sa mère, suppliante.

- Nora, soupira-t-elle, s'avachissant à cause de la fatigue des années qu'elle avait déjà trop porté.

- Vous devriez l'écouter, coupa l'homme qui restait dans son coin. Elle s'est donné beaucoup de mal pour trouver cette solution.

Nana regarda, du coin de l'œil, cet homme dont je ne parvenais pas à distinguer les traits. Pas même la couleur des cheveux. Pourtant, la pièce était plutôt bien éclairée. Mais c'était comme si on cherchait à me cacher, délibérément, son visage. C'était un peu comme si le souvenir avait été en partie brûler, ne laissant qu'une tâche sombre là où se tenait l'homme. Rapidement, Nana se détourna, intriguée par le mouvement de Nora. Elle venait de s'agenouiller devant elle, la suppliant ainsi, d'un geste muet, de lui accorder ce qu'elle désirait.

Nana. Ce surnom résonnait dans mes pensées de plus en plus fortement. C'était un surnom que j'avais aussi employée afin d'éviter de prononcer son nom complet : Fernande. Elle ne l'aimait pas. Plus encore, elle le détestait. Pourtant, ce vieux nom français n'était pas le plus affreux que j'avais entendu. Après tout, une fille de mon lycée s'appelait bien Eglantine. Nom que je ne parvenais pas à dissocier de l'image d'une vache. Aller comprendre pourquoi.

Mais, aujourd'hui, ce nom me faisait surtout réaliser un détail particulier. Un vieux nom français. Pour une femme qui était bien plus âgée qu'elle ne le laissait penser. Pourtant, même si je l'avais connu à une toute autre époque, elle ne semblait pas avoir changé. Je parvins clairement à comprendre ce qu'elle était entrain de penser. Elle ne souhaitait pas voir sa vie se rallonger d'années supplémentaires. Elle pensait avoir déjà assez vécut. Assez apprit. Assez grandit. Elle n'était pas du genre à s'inquiéter de la mort, tout au contraire, elle l'attendait sereinement. Presque impatiemment.

Néanmoins, ses yeux émeraude semblaient plus indécis que je ne le pensais. Elle hésitait. Ses doigts devenaient plus fébriles, ne cessant leur caresse sur les paumes de Nora. Ses yeux se perdirent dans le vague alors que j'avais toujours trouvé que ses iris dégageaient quelque chose d'unique. Il était aisé de s'y perdre. Et tout aussi aisé d'avoir l'impression qu'il nous sondait. Je n'avais jamais réussi à lui mentir, trop persuadée que, de toute façon, elle parvenait à lire dans la moindre de mes pensées.

Doucement, la vieille femme lâcha, dans un profond soupir, son accord.

- Merci, maman ! Merci infiniment ! Brailla aussitôt la jeune femme en se redressant sur ses jambes dans un bond surhumain.

- A une condition, coupa Nana, l'interrompant dans son euphorie naissante. Peux-tu me garantir que je pourrais mourir quand je le souhaiterais ?

- Et bien... ma solution va te faire revenir à tes vingt ans environ, avoua Nora, passant d'un pied sur l'autre, mal à l'aise. Alors tu devras, obligatoirement, revivre cette vie.

- En d'autre terme, je devrais attendre de recouvrir mon âge actuel pour mourir, soupira Nana.

- C'est ça, concéda Nora, contrite. Mais n'es-tu pas celle qui répète sans cesse que les années passent plus vite qu'on ne l'imagine ?

Nana lança un petit regard en coin à Nora qui lui offrit un parfait sourire. La première soupira entre agacement et amusement avant de hocher la tête, acceptant, ainsi, l'idée de sa fille. L'approbation obtenue, Nora se mit à fouiller frénétiquement dans ses vêtements et, en quelque seconde, sortie, d'une poche dissimulée sous son jupon, une boîte en velours noir. Elle la déposa, précautionneusement, sur les genoux d'une Nana qui la fixa avec intérêt, sa curiosité piquée à vif.

- Dans cette boîte, tu vas trouver une pierre... quelque peu spéciale, sourit Nora, au comble du bonheur. Tant que tu la porteras, quand tu seras aux portes de la mort, tu redeviendras une jeune femme en pleine santé.

- Ne me dis...

- Si, coupa l'homme, toujours immobile dans son coin. C'est la pierre que, vous autres humains, nommer « pierre philosophale ».

Nana ne réagit pas au ton hautain de l'homme alors que sa façon de dire « vous autres humains » suintait de mépris. Elle était bien trop fascinée par l'objet qui se tenait sur ses genoux pour cela. Et je l'étais moi aussi. Inconsciemment, je bougeai dans l'espoir d'apercevoir la dite pierre alors que Nana ouvrait la boîte, dans une lenteur exagérée. J'avais beaucoup entendu parler de la pierre philosophale, mais jamais, au grand jamais, je n'avais envisagé l'idée qu'elle puisse réellement exister. Mais, après tout, je n'avais jamais imaginée que les vampires étaient autres choses qu'un produit de l'imaginaire d'adolescentes pleines de phéromones ou de personnes ayant l'esprits un peu dérangés.

Dan ne chercha pas à me tenir et je pus me déplacer sur le parquet brun qui avait remplacé l'affreux carrelage. Je m'avançai jusqu'à ce que la pierre entre dans mon champ de vision. Et je fus quelque peu déçue. De taille moyenne, assez informe. Cependant, elle avait une jolie couleur. Verte. Pas rouge comme je l'avais imaginé. Puis je tiquai brusquement. Verte. Elle était verte. D'un vert émeraude. Comme mes yeux. Comme ceux de Nana. Comme mon pendentif.

Brusquement, je portai mes doigts à mon médaillon et blêmis en constatant qu'il ne se trouvait pas autour de mon cou. Je voulus me tourner vers Dan dans l'espoir qu'il sache où il se trouvait ou d'obtenir une explication quelconque, mais lorsque je me tournai, je ne pus que voir le décor s'effriter. Et, avant que je ne puisse réagir, je fus à nouveau entraîner vers un endroit inconnu.

Je jurai lourdement lorsque je me retrouvai, à nouveau, sur l'herbe humide entourant le lac. Je fusillai Dan du regard qui se tenait à côté de moi, bien debout sur ses deux jambes. Moi, je n'avais pas cette chance. Je m'étais écrasée, peu gracieusement, sur le derrière – pour ne pas user d'un langage plus vulgaire qui avait pourtant effleuré mes pensées -. Mais je me fichai de la douleur qu'éprouvait mon coccyx, je n'avais qu'une unique préoccupation : mon médaillon.

Mes doigts montèrent sur ma nuque, presque tremblant dans l'appréhension de ce que j'allais y trouver ou non. Et mon cœur s'alourdi un peu plus encore qu'il ne l'était déjà. Je n'y trouvai pas le bijou offert par ma grand-mère. Il n'était plus autour de mon cou. Pire encore, je n'avais aucune idée d'où il pouvait bien se trouver.

- Ne t'en fais, tu le retrouveras, m'assura Dan.

- Je n'avais même pas réalisée l'avoir perdu, murmurai-je, une nouvelle vague de larme voulant saisir mes yeux. C'est sûrement lorsque ce type m'a emmené avec lui...

- Tu le récupéreras, répéta-t-il, venant poser une main compatissante sur mon épaule.

- Je ne comprends pas, enchaînai-je, sans le regarder. Pourquoi m'avoir montré cela ? Qui était ces gens avec Nana ?

- Je ne peux te le dire, soupira Dana dans une faible grimace, navré. Pour dire vrai, je n'aurais même pas du te montrer tout ceci, je risque de me faire taper sur les doigts.

- Quel intérêt de me montrer sans me fournir la moindre explication ? Me crispai-je. C'est stupide. Et frustrant.

- J'ai déjà fait plus que je ne le devais, Keyli, soupira-t-il une seconde fois. Ne m'en demande pas d'en faire plus. Cependant, je peux peut-être répondre aux questions que tu dois te poser sur Nana.

- Qu'elle âge avait-elle ? Fis-je, après une brève seconde de réflexion, décidant que je ne pouvais me permettre de protester alors qu'il me proposait de répondre, au moins, à certaine de mes interrogations.

- Je n'en sais rien, admit-il. Néanmoins, je sais qu'elle a vécu de très nombreuses années. C'était une femme curieuse et qui a finalement trouvé plaisant de pouvoir recouvrir sa jeunesse et voir le monde changé. Elle a pu voyager, rencontrer une multitude de gens qui sont tous tombés sous son charme. Et, elle a aussi été très heureuse de pouvoir faire ta rencontre.

Ma gorge se noua bien trop. Je parvins à peine à avaler ma salive. Nana. Elle me manquait. Elle me manquait tant. Et j'avais tellement de question à lui poser.

- Cette pierre... a vraiment le pouvoir de faire rajeunir les gens ? Questionnai-je, plus mollement mais trop consciente que je ne pouvais me permettre de rester trop longtemps silencieuse.

- Elle ne fonctionne que sur les humains, m'expliqua-t-il. Enfin, pour être très exact, je devrais dire qu'elle ne fonctionnait que sur les humains. L'unique morceau restant de cette pierre est dans ton médaillon, comme tu as du le deviner.

- Où est passé le reste de la pierre ?

- Nana l'a détruit il y'a une quarantaine d'année. Elle n'en avait gardé que ce minuscule bout pour son propre usage afin de ralentir encore un peu sa vieillesse. Elle ne savait que trop que cette pierre ne susciterait que trop de conflit autrement.

- Mon médaillon peut donc rajeunir les humains ?

- La pierre entière, seule, le pouvait, répondit-il en secouant la tête négativement. Mais ce petit morceau ne peut pas accomplir de telles prouesses. Cependant, elle ralentit les ravages du temps sur eux... mais ce n'est pas tout.

- Ce n'est pas tout ? Répétai-je, intriguée.

- Elle ne peut rajeunir les marqués, néanmoins ses pouvoirs sont grands et encore méconnus. Certains disent qu'elle peut repousser la mort, d'autre qu'elle ne peut que guérir de petite blessure... Elle te surprendra dans le futur et je ne peux que te conseiller de veiller à les garder avec toi. Elle te sera plus utile que tu ne l'imagines.

J'hochai la tête, sans conviction. Nana. Pourquoi ne m'avait-elle rien dit ? Pourquoi m'avait-elle donnée ce médaillon ? Elle savait, n'est-ce pas ? Elle avait devinée ce qui m'attendait. Ce que j'étais. Ce que j'allais devenir. Et qui était Nora ? Maman connaissait-elle la vérité ? Savait-elle qui était réellement sa mère ? Tant de question se bousculaient que j'en perdis la tête. Je voulais parler à ma grand-mère, lui poser directement toutes ces interrogations dont elle seule devait avoir les réponses. Elle m'avait toujours aidé, soutenue, choyé. Alors je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas pourquoi elle m'avait laissé dans cette obscurité angoissante. Si elle m'avait parlé, si elle m'avait avoué tout cela, ma vie aurait été différente. Radicalement différente.

Je passai ma main dans ma nuque, machinalement. L'avoir revu ravivait son absence. Et, une part de moi ne put s'empêcher de se demander si Nana était réellement celle que j'avais connue. Etait-elle ma grand-mère ? Ou bien un ancêtre plus lointain encore ? J'étais troublée. Gênée. Et fatiguée.

- Ton rêve se termine là, souffla Dan, sans parvenir à captiver mon attention. Il te faudra encore du courage, Keylinda. Mais tu peux y arriver. Si tu ne veux plus croire en moi ou en Dana, crois en toi et en tes proches. Cela sera suffisant.

Et il ne me laissa pas le temps de répondre. Le blanc, à peine naissant à l'horizon, remonta brusquement sur nous. Et je revins à la réalité.

- Elle se réveille !

Je relevai la tête en clignant des yeux sans que le problème de la lumière ne s'impose. Il n'y en avait pas dans la pièce. Aucune. Sinistrement aucune. Je plissai les yeux pour parvenir à distinguer, dans la torpeur, le visage de Ciron. Il devait faire nuit et la pièce, habituellement déjà sombre, l'était bien plus encore. Le centaure me fixa un instant, son inquiétude me touchant plus que je ne le désirai. J'avais du dormir longtemps mais je n'en étais pas certaine, je perdais toute notion de temps lorsque Dan m'entraînait dans mes rêves.

Avec le temps, mes yeux s'étaient de plus en plus habitués à la noirceur et je parvenais chaque jour un peu plus à distinguer les formes dans cette obscurité oppressante. Du bout des doigts, je jouai sur les lanières en tissues qui serraient toujours mes poignets. Je serrai les dents et fermai les yeux dans une longue expiration. Brûle. Allez. Mes doigts s'engourdirent, me picotant légèrement. Brûle. Je me pinçai les lèvres de frustration. Brûle. Le lien céda soudainement quand je tirai faiblement dessus et je m'empressai de venir piétiner le bout de tissu enflammé.

J'avais réussi. Je soupirai doucement en massant mon poignet droit, le plus abîmé des deux. Deux traces violacées et ensanglantées couvraient ma peau pâle, recouvrant la marque que Maël et Kenan avaient apposée sur moi. Je traçai les courbes noires, mes yeux se vidant un instant de toute émotion.

- Tu vas bien ? Me questionna Ciron.

- Oui.

J'étais brève, presque cassante. Mais je n'avais pas envie de parler. Trop de chose se bousculait en moi. Doucement, je me levai et mes jambes vacillèrent dangereusement. Je me rattrapai de justesse à un pan de mur en grimaçant. Mes jambes ne m'avaient pas portés depuis plusieurs jours et j'étais bien trop faible. Plus faible que jamais. Pourtant, je ne me laissai pas abattre, ni ne m'effondrai contre le mur. J'appuyai la pointe de mon pied sur le sol et avançai.

Chaque pas fut douloureux. Mais j'avançai. Lourdement, je finis par parvenir jusqu'à une petite planche qui, soit disant, devait me servir de lit. Je m'y laissai tomber, des sueurs froides coulant le long de mes tempes. Je tirai mes cheveux en arrière dans un geste que je n'avais plus eu depuis des jours. Je dégageai mon visage et me mis à tâter le mur autour de mon lit de fortune. Je cherchai une faille. Juste une minuscule faille. Dan m'avait garanti qu'elle se trouverait quelque part dans cette zone. Et j'avais, finalement, décidée de lui faire confiance. Une dernière fois.

Puis, au bout d'une longue minute, je finis par la sentir. Légère. Presque imperceptible. Un minuscule trou qui laissait glisser un fin rayon de lumière d'argent. La lumière ne perçait pas suffisamment pour entrer dans la pièce et l'éclairer, mais elle était suffisante pour être visible.

Cachée derrière la planche de bois, on ne pouvait pas la voir tant que nous n'étions pas assis. Ce qui expliquait pourquoi je ne l'avais jamais remarquée tant j'avais peu eu l'occasion de m'installer sur ce lit miséreux. Je passai mes doigts contre la fissure et fermai les yeux. En quelques secondes, les traces violacées sur mes poignets se résorbèrent. En quelques secondes supplémentaires, mes jambes cessèrent de trembler, recouvrant toute leur énergie. Et les dernières secondes parvinrent à effacer toute douleur.

Je retirai mes doigts de ce qui allait devenir ma chance. Ou la cause de ma mort

Continue Reading

You'll Also Like

363K 29.8K 47
Nous sommes tous génétiquement modifiés dès notre naissance pour nous implanter un don. Mais la greffe ne fonctionne que sur 10% de la population et...
1.1M 13.5K 12
Mia, 18 ans, a quitté Paris pour vivre son rêve : étudier la médecine à New York. Dès son arrivée, elle sympathise avec Amber, sa colocataire sur le...
2M 146K 91
«-Je ne suis pas venu ici uniquement dans le but de m'excuser, avoue-t-il d'une voix profondément grave. Je te veux, Évalina. J'en ai plus qu'assez d...
2.4M 170K 75
Synopsis : Muzelina MacGregor, une jeune fille de dix-sept ans, meurt dans un accident de voiture provoqué par son frère. Mais un jour, « Muz » se r...