La nuit est glaciale. Nous avons installé le matelas le moins abîmé par le temps, que nous avons trouvé, dans le salon. Éros a créé un feu qui crépite dans la cheminée, mais le froid s'insinue quand même par la fenêtre que nous avons essayé de barricader. Mes pieds sont douloureux après avoir subi des talons toute la journée. Éros m'a surpris en train de contempler les ampoules qui ont fleuri sur mes talons. Il n'a fait aucun commentaire, mais il est revenu quelques minutes plus tard avec des vêtements poussiéreux et une paire de bottes à ma taille. Malgré l'état des habits, ils ont le mérite de ne pas être recouverts de sang.
En ce moment, j'essaie vainement de dormir sur le petit matelas que nous partageons. Il a attaché sa main à la mienne pour éviter que je ne fuie durant la nuit. Il est trop proche, je peux sentir sa chaleur au travers de la couverture. Il est à quelques centimètres de moi et je suis bien incapable de dormir dans ces conditions.
Sa respiration est lourde. Je le maudis de réussir à dormir dans cette situation. Il émet un léger grognement et son bras m'attrape au niveau de la taille, mon poignet attaché à lui ne peut que suivre le mouvement. Je suis surprise et n'ose pas bouger. D'un mouvement fluide il me rapproche de lui et mon dos se retrouve complètement collé à son torse. J'expulse l'air qui se trouve coincé dans mes poumons. Son visage vient se blottir dans le creux de mon cou. Je sais qu'il dort et que c'est totalement inconscient de sa part. Cette pensée me fait fermer les yeux et alors que j'essaie de profiter de ce bref moment, un sanglot m'échappe. Ce son aussi discret soit-il, réveille le prince. Je le sens émerger dans mon dos et d'un coup mon poignet est emporté à sa suite, parce qu'il se lève avec précipitation.
Il est debout et je suis assise, le bras tendu entre nous. Il me dévisage avec incompréhension.
— Pourquoi tu me collais à ce point ?
— Moi ? C'est toi qui m'as agrippé les hanches et attiré à toi.
— Arrête de me mentir.
Sa colère fait passer mon vague moment de nostalgie. Je me lève pour me retrouver à sa hauteur. Je reste sur le matelas pour gagner quelques centimètres et me mets en plus de ça sur la pointe des pieds pour le regarder dans les yeux.
— Tu crois que je cherche à me coller à toi comme une pauvre fille en manque d'affection ?
— Oui, c'est ce que je crois.
— Je ne suis pas désespérée à ce point.
— Ah oui ?
— Je peux sortir avec qui je veux.
— Ah, j'ai bien remarqué, ne t'inquiète pas, mais tu n'en feras rien parce que tu es trop obsédée par moi.
— Tu n'as rien remarqué.
— Si, j'ai vu le regard qu'Ayden porte sur toi.
— Cette conversation n'a aucun sens.
Il ouvre la bouche pour répondre quelque chose, mais il est interrompu par un bruit à l'étage. Nous levons tous les deux la tête au même moment. J'observe les lattes du plancher en fronçant les sourcils.
— C'était quoi ça ? Tu n'as pas fait le tour de la maison ?
— Bien sûr que je l'ai fait. Et elle était vide. Ça doit être un animal.
Je hoche la tête sans grande conviction. Un deuxième bruit se fait entendre et je sursaute. Il coupe la corde qui nous lie d'un coup sec de lame.
— Reste-là, j'arrive dans deux minutes.
Je hoche la tête et attends patiemment en regardant avec insistance l'obscurité du couloir par lequel il vient de disparaître. Je tends l'oreille en me demandant si un combat va éclater. Un bruit dans mon dos me force à me retourner. Une femme longiligne et évanescente me regarde de ses yeux délavés avec un air détaché. Comment est-elle arrivée ici ?
— Éros ?!
Je l'entends jurer à l'étage. Je ne détourne aucunement les yeux de la femme aux traits pâles. Un pressentiment m'indique que je ne dois surtout pas lui tourner le dos.
— Attends, j'arrive dans deux minutes.
Sous mes yeux, la femme se transforme et mon père se tient alors devant moi. J'ai un hoquet de surprise et mon cœur se serre.
— Papa ?
La créature sous les traits de mon père ouvre la bouche et du sang commence à s'écouler de ses lèvres et de ses yeux en recouvrant sa chemise. Je suis tétanisée par cette vision d'horreur. Il fait un pas vers moi, puis un autre avant que sa tête ne se décroche du reste de son corps. Les larmes montent alors que je cherche du regard la tête qui a disparu. Quand mon regard se porte à nouveau sur le corps, la femme est de retour. Ses lèvres s'étirent dans un sourire rempli de dents pourries. Dans un cri d'effroi, elle se jette sur moi. J'ai juste le temps de me baisser pour attraper mon couteau à cran et effectuer une roulade sur le côté. Je me relève avec agilité. Je frappe son avant-bras, mais elle n'a pas l'air de ressentir la moindre douleur. Je maudis les menottes qui m'empêchent d'utiliser mes aptitudes. Elle tend les bras vers moi et je me protège de mes avant-bras qui se retrouvent griffés par les serres du monstre. J'entends les marches être dévalées rapidement et la créature se stoppe dans son attaque pour observer Éros qui vient de débarquer. Son attention focalisée sur une nouvelle cible, elle se jette sur lui. Je ne réfléchis plus et plante mon couteau entre les deux omoplates de la créature. Elle rugit. Je retire mon arme. Elle me frappe avec son avant-bras et m'envoie valser à l'autre bout de la pièce. Je suis quelque peu sonnée et quand je relève les yeux, la femme se trouve face à moi. Je suis acculée dans un coin. Je me redresse et pare l'attaque qu'elle lance. J'esquive et je frappe sans arrêt. Elle arrive finalement à me surprendre en me désarmant et je me retrouve bientôt avec ses griffes autour de mon cou. Elle me sourit à nouveau et son haleine pestilentielle me fait reculer. Ma tête frappe le mur dans mon dos. Elle ouvre grand la bouche. Ses dents sont vraiment pointues et s'approchent dangereusement de ma gorge. J'attrape sa tête avec mes deux mains et j'essaie de l'éloigner du mieux que je peux. Elle a plus de force que moi et gratte des millimètres chaque seconde. Mes yeux rencontrent ceux d'Éros. Il est toujours bloqué dans l'encadrement de la porte et regarde la scène. Il compte me laisser mourir ? Je fronce les sourcils et je le vois encore hésiter. La trahison est encore plus douloureuse que je ne l'aurais cru. Une larme dévale mon visage avec rapidité. Ça aura été la régence la plus courte de l'histoire de cette terre. La reine trahie par son âme sœur... Une histoire sordide. Mon regard se perd dans le vague et j'accepte la mort qui est sur le point de m'emporter.
Le poids de la créature disparaît et je rouvre les yeux. Je les avais fermés sans m'en rendre compte. Éros vient de lui trancher la gorge. Le sang de la créature est d'un noir d'encre et macule bientôt son corps pâle. Elle s'effondre au sol en convulsant. Ma respiration chaotique se calme lentement alors que j'observe le corps de la créature. Je fronce le nez en relevant la tête et je dévisage ouvertement le prince. Il me sourit avec nonchalance.
— Ne me remercie pas.
— Tu as hésité ! Mon ton accusateur a le mérite de lui faire perdre son sourire.
— Je...
— Si ! Tu as hésité. Tu allais me laisser me faire arracher la gorge par ce monstre...
— Une banshee.
— JE M'EN FOUS COMPLÈTEMENT ! Tu étais statique. Tu as hésité ! J'aurais été prête à donner ma vie pour toi. Je n'ai pas hésité une seconde quand elle s'est jetée sur toi.
— Tu es en vie à ce que je constate, donc détends-toi.
— Que je me détende ?!
Je perds complètement pied, j'ai envie de le frapper. Il le mériterait tellement.
— En effet. Ça semble évident que j'hésite à sauver mon ennemie.
— Non, ce n'est pas le cas. Pas quand tu t'es jeté en travers du chemin d'une épée pour me sauver la vie il y a quelques mois.
— Heureusement pour nous, je n'en ai aucun souvenir.
La claque part avant que je ne prenne conscience de mon geste. Il se retrouve bloqué à regarder vers la droite. La gifle que je viens de lui asséner rougit déjà sa joue et elle m'a fait le plus grand bien. Je respire bruyamment et lui aussi. Je remarque ses mains trembler et il serre les poings. Ses yeux sont toujours écarquillés sous le choc et il passe sa langue sur ses dents. Après quelques minutes durant lesquelles je n'ose pas bouger et lui non plus, il se décide enfin à se retourner. Ses gestes sont saccadés et il sort de la pièce rapidement. J'entends la neige crisser et je passe la tête devant la fenêtre. Il se tient debout, les poings toujours serrés, devant la maison.
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Holàààà !
Bon... Est-ce que je reviens sur ce qui vient de se passer ? 😶
Si je devais décrire mes émotions durant l'écriture de ce chapitre : 😲😄😑😥😰😡😲
Il y a eu un bref moment, quand il l'a attrapé par la taille j'étais comme ça 🤭... mais je suis un peu sadique envers vous et moi 😭
Sinon petit aparté. Je voulais vous dire un grand MERCI !
Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais le premier tome du joyau de Nostraria arrive bientôt au 100k de vue et je trouve ça incroyable 🤗
Moi quand on va passer les 100k (peut-être avec une larme à l'œil 😅 je suis sensible, ok) :
En tout cas merci encore une fois à vous qui lisez mon histoire, à vous qui êtes présents dès la sortie de chaque chapitre et qui commentez à fond. Je vous vois et je suis très reconnaissante.
Au moment où j'écris ce petit texte, je suis à 99.8k et je pense que vous méritez bien un petit cadeau quand les 100k seront atteints, donc restait à l'affut, peut-être qu'un petit chapitre va pop en dehors des jours de publications habituelles (pour rappel ce sont les mardis et vendredis à 17h).
Voilà voilà,
Passez une bonne soirée. ❤️ sur vous.