Les Héros de Rien (en cours)

By LeodeGalGal

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Souverain promis à la légende, Arthur veille sur le royaume de Bretagne en l'absence de ses chevaliers, parti... More

Préambule
Prologue
1. Un combat contre les ténèbres
2. Une rencontre en sous-sol
3. Un roi qui obéit à plus sage que lui
4. Une nuit riche en mystères
Première partie : Tu n'es plus une légende
5. Escapade
6. Séquestration
7. Sursaut
8. Relâchement
9. Stupeur
10. Ravitaillement
11. Esquives
12. Contact
13. Retraite
14. Confidences
15. Palabres
16. Préparatifs
17. Opportunité
18. Communion
19. Confusion
20. Perte
Deuxième partie : Être ou le néant
21. Secouru
22. Guidé
23. Déçu
24. Errant
25. Encerclé
26. Captif
27. Replié
28. Stoïque
29. Réconforté
30. Indécis
31. Ambivalent
32. Déterminé
33. Soutenu
34. Entraîné
35. Averti
36. Prêt
Troisième partie : Le Bref Retour du Roi
37. Nina
38. Nina
39. Nina
40. Nina
41. Alex
Quatrième partie : Dix petits héros (et quelques déesses)
42. Sleeping Beauty
43. Kiss of the Spider Woman
44. True Lies
45. Sense and Sensibility
46. Short Cuts
47. Gladiator
48. Face/Off
49. Interview with the Vampire
51. A simple plan
52. The Help
53. Into the wild
54. About a boy
55. Basic Instinct
56. Behind Enemy Lines
57. Labyrinth
58. O Brother, where are thou ?
59. Mission Impossible : Ghost Protocol
60. There will be blood
61. Live and let die
62. Fast and Furious

50. Close Encounters of the Third Kind

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By LeodeGalGal

Hector caressa un chat, mangea des spaghettis, aida une femme qui avait fait tomber tous ses dossiers par terre à les ramasser, un homme qui avait trébuché à se relever, marcha dans l'herbe sous un crachin glacial, courut sur un tapis roulant, conversa avec des inconnus affables, fut ausculté par Alex, parcourut un livre illustré supposément comique et dansa avec une jeune femme intimidée, le tout sous le regard d'un groupe de plus en plus nombreux de curieux, agglutinés derrière une machine complexe qu'ils appelaient caméra. Jeroen, Max et Anna, la réalisatrice, tentaient régulièrement de disperser cette petite foule, mais dès qu'ils écartaient trois spectateurs, cinq autres surgissaient d'un couloir pour assister au spectacle.

Le Troyen se sentit d'abord mal à l'aise, puis gagna en assurance à mesure que se passaient les heures. Après tout, il avait l'habitude d'être la cible des regards de ses soldats. S'il n'y réfléchissait pas trop.

Entre deux séquences, à la faveur de courtes pauses, Hector regagnait ses appartements pour explorer les méandres virtuels de l'écran qui surplombait le canapé. D'une simple pression du pouce, il parvenait à invoquer des univers et des récits stupéfiants, dont il peinait à déterminer la véracité. Le choix était immense et le temps compté, aussi usa-t-il avec largesse de la touche qui permettait d'accélérer les images. Son esprit affamé semblait assimiler le contenu proposé avec facilité, même dans ces conditions.

La phase finale de Légendes débutait le lendemain soir. Un gala était organisé dans leurs locaux pour la révélation officielle du tableau des duels, un petit événement avec musique, nourriture et un premier combat dont l'affiche demeurait confidentielle. Hector prit le temps de se familiariser avec les huit guerriers en sursis. Achille et son double, l'Hector sans scrupules, Thésée, un héros mythique antérieur à Troie, Perceval et Lancelot, issus du monde d'Arthur, Siegfried, un preux d'une tradition voisine, Guillaume et Rodrigue, qui semblaient avoir réellement existé. Tous jouissaient de la réputation d'être invincibles, ou presque, mais dans les faits, les parieurs avaient déjà fait leur choix. Selon eux, la victoire se jouerait entre Achille et Guillaume, Thésée faisait figure d'outsider. Les experts s'accordaient sur l'idée que les chevaliers « courtois » étaient désavantagés par leur code d'honneur, malgré des qualités martiales parfois supérieures à leurs adversaires. Hector n'était pas certain de savoir ce que cela voulait dire mais cela n'avait guère d'importance.

Il avait déniché sans mal des images des galas précédents, et il s'y pressait une masse disparate de célébrités, d'hommes politiques, de mécènes et de journalistes, ainsi que les gagnants d'un concours dont les modalités passaient en boucle sur l'écran, avant chacun des extraits qu'il avait consultés. Un service de sécurité veillait sûrement à ce qu'aucun intrus ne profite de l'occasion pour se glisser dans les studios, mais la quantité de personnes impliquées rendait cette tâche hasardeuse.

Hector savait que Max visait cet événement car l'érudit tenait à ce que toutes les séquences soient terminées pour le moment où Légendes prendrait l'antenne. Le Troyen ignorait exactement comment il comptait agir, mais de ce qu'il avait compris, Max espérait parasiter la retransmission de Légendes avec son programme, en s'imposant sur les écrans, partout dans la cité, à sa place.

Le sujet provoquait beaucoup de tensions, beaucoup de palabres, dans lesquels Hector veillait à ne pas s'immiscer. Sa stratégie demeurait d'obéir sagement à leurs injonctions, aussi farfelues soient-elles, jusqu'à ce qu'ils s'endorment et le laissent déguerpir. Si le plan de Max se déroulait comme prévu, ce serait la diversion parfaite pour franchir les murs de Légendes, et s'il échouait, Hector ne doutait pas de trouver un autre moyen d'y parvenir. Il suffisait d'un déguisement, d'un prétexte, d'une voie de garage, d'une porte d'entrée.

Ce qui lui manquait, cependant, c'était une acolyte, et la personne rêvée semblait s'être volatilisée depuis son intrusion médicale. Il ne la repéra pas parmi les spectateurs, pas davantage dans l'équipe technique qui bourdonnait autour de lui, ni dans les couloirs, à la faveur d'une porte ouverte, pas plus que dans le laboratoire d'Athéna, où elle n'aurait pas dépareillé.

Il songea un moment à exiger de la voir, en refusant de participer à la saynète suivante tant qu'il ne serait pas exaucé, mais tout signe de défiance risquait de saper ce qu'il s'était efforcé de construire. Il tint sa langue et présenta son meilleur profil à la caméra.


Le soir, alors que Max, satisfait de leurs progrès, le raccompagnait vers ses appartements, Hector lui demanda s'il pouvait manger au réfectoire, avec les autres membres du groupement. On l'avait filmé plusieurs fois dans cette vaste salle aux nombreuses tables alignées, presque déserte, et il devinait qu'elle devait accueillir une foule nettement plus conséquente au moment des repas.

Comme l'érudit rechignait, le Troyen ajouta qu'il se sentait seul, enfermé dans sa chambrette, qu'il avait réalisé combien la présence d'autres êtres humains l'avait réchauffé et soutenu, pendant toute cette longue journée. Il poussa plus loin en arguant, timidement, que si Max croyait réellement ce qu'il professait dans ces enregistrements, le maintenir à l'écart n'avait pas de sens, et paraissait même cruel.

Max hésita.

— Ça ferait sûrement une bonne séquence, intervint Jeroen, qui les flanquait comme une ombre. De le voir au milieu de tant de gens, l'air de rien, tranquille et intégré.

— Ça veut dire l'exposer à des personnes qui ignorent que nous l'avons.

— Ils ne s'en rendront jamais compte, parce qu'ils ne s'attendent pas à le trouver-là, poursuivit le jeune homme. Et avec ce genre de vêtements... Franchement, Max, ça me semble une superbe opportunité. Tu garderas un profil bas, Hector, pas vrai ?

— Bien sûr, répondit le Troyen.

— Ça fait beaucoup de visages à flouter, murmura Max, pas encore convaincu.

— Un détail. Imagine. Hector parmi trois cent personnes, anonyme, un homme comme un autre.

L'érudit scruta le Troyen, puis son acolyte, croisa les bras.

— C'est risqué, répéta-t-il, mais son ton indiquait qu'il flanchait déjà.

— Je serai sage.

L'expression de Max se mua en grimace, reflet de son indécision. Jeroen arborait un grand sourire, enthousiaste. Hector leur offrit sa mine la plus innocente possible, qu'il avait perfectionnée toute la journée sous la houlette d'une réalisatrice sans pitié.

— Très bien, céda l'homme en blanc. Pourquoi pas.


C'était sûrement la première fois qu'Hector se retrouvait en pareille compagnie et, pourtant, sa mémoire factice le convainquit tout de suite qu'il en avait l'habitude. Festin dans le grand hall, réfectoire des soldats, le Troyen connaissait bien les attroupements, il pouvait aussi se lever, donner de la voix pour capter les regards, et haranguer la galerie.

Mais pas cette fois.

Malgré sa carrure respectable, il se glissa comme une souris jusqu'à la table que lui avait indiquée Max, un plateau entre les mains. Il s'assit à côté de Jeroen, qui l'y avait précédé. Deux femmes et quatre hommes l'accueillirent avec le sourire, tandis que son compagnon procédait aux présentations. Clark, nouveau venu, département des communications et cybersécurité, Jeroen lui servait de guide car ils s'étaient connus à l'université du District d'Anvers, des années plus tôt. On les interrogea alors sur leurs souvenirs de l'époque – ils n'avaient rien préparé – mais Jeroen para au plus dangereux, et la conversation s'orienta ensuite sur des matières scientifiques, car ils étaient tous membres du même laboratoire, qui cherchait un remède contre des maladies du cerveau.

Hector écouta d'une oreille distraite tout en scrutant l'assemblée. Repérer des cheveux verts ne devait pas être si compliqué, parmi toutes ces têtes brunes, blondes, rousses et noires et, effectivement, il finit par la dénicher, à l'autre bout de la salle, dépassant tout juste entre des épaules qui devaient lui arriver au nez.

Demeurait le problème du contact. Même si Max ne frayait pas avec ses sujets, il se trouvait avec Anna, derrière l'objectif, à dévorer la scène de ses yeux avides.

— Où sont les latrines ? demanda Hector à son voisin.

— Quoi ? répondit Jeroen, décontenancé.

— L'endroit où on se soulage ?

Le jeune homme lui retourna un regard alarmé.

— Les latrines, hahaha, j'adore toujours les petites expressions locales qui ont survécu dans la langue commune ! s'exclama la dénommée Marthe, juste en face de lui. Elles sont juste là.

Elle lui désigna une direction diagonale, qui passait un peu trop à gauche de Leo. Jeroen paraissait terrorisé, Hector lui adressa un sourire tranquille.

— Merci.

Il posa sa large paume sur l'épaule du scientifique, puis se leva et suivit les indications de Marthe. Il zigzagua entre les tables tout en affinant sa stratégie pour attirer l'attention de sa cible. Bousculer quelqu'un par mégarde, retourner un plateau au passage, créerait une commotion, mais Max ferait une crise cardiaque et le consignerait dans sa chambre pour les six prochains mois. Il fallait être plus discret, plus subtil, et compter sur le fait que Leo se montrerait vigilante.

Il finit par renverser une chaise vide, du genou, menu vacarme dans cette pièce gigantesque où régnait un brouhaha terrible. Il se plia en s'excusant pour la ramasser, tandis que les convives les plus proches se tournaient vers lui. Lorsqu'il se redressa, il croisa, une seconde, le regard de la dryade, qui ouvrit une bouche ronde de surprise. Il hocha très légèrement la tête, espérant qu'elle comprendrait son message, puis rentra dans le couloir des latrines.

Là, plutôt que de rejoindre directement sa destination, il attendit en embuscade. Il doutait d'être encore filmé, mais il massa son genou comme s'il l'avait blessé, une grimace factice sur les traits. Lorsqu'il vit la dryade pénétrer à son tour dans le corridor, il gagna la porte des latrines et traversa la petite pièce à pas tranquilles, jusqu'à la cabine du fond. Une femme se lavait les mains devant une vasque, un homme sifflotait derrière sa porte, et de la musique s'échappait des murs, tentant de couvrir les échos du pire.

Mélanger les sexes en pareil endroit semblait vaguement scandaleux, mais autres temps, autres lieux, Hector ne se formalisa qu'une seconde. Il se glissa dans son étroite cabine, face à l'objet difforme dans lequel les gens de ce monde abandonnaient leurs fluides, puis attendit. Un coup frappé, une seconde plus tard, l'informa de l'arrivée de son rendez-vous improvisé.

Le cadre n'était pas des plus pratiques, l'insonorisation nulle, et Hector recula jusqu'au fond, en essayant de ne pas mettre le pied dans la cuvette. Leo lui jeta un regard sceptique.

— Drôle d'endroit pour une rencontre, souffla-t-elle.

— Pas le choix, rétorqua le Troyen.

— Tu vas aller les chercher ? demanda-t-elle à mi-voix.

— Oui. Avec ton aide.

Elle papillonna des paupières, un sourire interdit sur les lèvres.

— Je t'expliquerai, mais pas maintenant, poursuivit Hector. Retrouvons-nous ici à minuit.

— Dans les toilettes ?

— Tu as mieux ?

— Les douches sont plus grandes, et c'est la porte à côté.

— Va pour les douches.

Leo gloussa, puis tendit la main, lui frôla la cuisse et pressa le bouton qui déclenchait une cascade dans la cuvette, sans le quitter des yeux.

— Compte jusqu'à dix, suggéra-t-elle.

Elle sortit de la cabine. Hector relâcha sa respiration et faillit suivre son conseil. Il décida plutôt d'utiliser les lieux à bon escient, puisqu'il était venu jusque-là.

Ensuite, il regagna le réfectoire, où Jeroen accueillit son retour avec un soulagement non feint.

— Je ne me suis pas perdu, commenta Hector, sans retenir un sourire.

Jeroen le gratifia d'une grimace, goûtant manifestement peu au trait d'humour. La compagnie l'empêcha cependant de révéler l'ampleur de son mécontentement, et la conversation se poursuivit. Hector mima un intérêt qu'il ne ressentait guère, éluda les questions sur son prétendu domaine, dont il ne connaissait pas l'existence une heure plus tôt. Quand ils se levèrent pour ranger leurs plateaux, il lui sembla que son initiative avait porté ses fruits, tant en surface que dans les profondeurs de ses intentions secrètes.

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