Je m'apprête à sortir de ma tente, quand je bute à son entrée contre Larsen.
— Toujours dans mes pattes, à ce que je vois, je déclare alors.
— T'as quelques minutes ? me demande-t-il, en regardant avec vigilance furtivement à droite et à gauche.
— Quelques-unes, oui.
Larsen désigne alors ma tente de son menton.
— Je peux entrer ?
Je hausse alors les épaules, et lui fraie un passage.
— Après toi.
Larsen jette un bref coup d'œil à la tente, qui est, bien heureusement plutôt rangée, avant de poser sa sacoche sur mon bureau. Il l'ouvre et en sort diverses bouquins, tous vieux et poussiéreux.
— Chose demandée, chose due.
Je hausse un sourcil, surprise de la rapidité avec laquelle il a accompli la requête qu'il m'a proposé, et contemple la quantité de livres qu'il m'a apportés.
— Eh bien, tu ne fais pas les choses à moitié, je finis par déclarer.
— Il y a de tout dedans. Certains parlent des premiers sors des Fées, des techniques à apprendre, d'autres traitent des visions. Je te conseille de ne pas les laisser en évidence. Te voir avec ces bouquins à la main serait compromettant.
Je hoche la tête, et les range dans mes affaires pour mieux les dissimuler.
— Merci. Je ferai attention.
Larsen pose ses yeux sur mon sac et mon blouson posé à côté de l'entrée de la tente.
— Oh, je vois que tu prévois d'aller quelque part, devine-t-il.
Il attend visiblement à ce que je lui en dise plus. Je ramasse mes affaires et enfile mon manteau, prête à m'en aller.
— Larsen, ce n'est pas parce que tu m'as apporté quelques livres, que je te fais pour autant confiance.
Le jeune homme hausse un sourcil et me dévisage, un petit sourire en coin.
— Mmmh...Fugace et têtue. J'aime ça.
Je lève les yeux au ciel et dégage un passage vers la sortie, fixant à mon tour l'intendant.
— Je pense qu'il est l'heure de quitter ma tente.
Larsen ne se fait pas prier. Il récupère son sac et le cale sur son épaule.
— A ta guise petite Fée. Mais, où que tu ailles, sois prudente. On est plus facilement vulnérable quand on est seul.
— Merci de ton conseil. À plus tard, je réplique pour écourter la conversation, lui désignant le chemin de la sortie.
Larsen s'apprête à s'en aller, quand je vois que son regard se dirige vers un de mes sacs, duquel sort légèrement l'affiche de recherche du Sorcier M.K, que j'avais arraché sur un mur de la gare d'Akasas.
Il se dirige alors vers ce dernier et récupère l'affiche pour y porter son attention. Il pâlit soudainement, puis dirige son regard vers moi, livide.
Lui qui semble si confiant à l'aise, paraît tout à coup décontenancé.
— Est-ce que tu sais qui c'est ? articule-t-il, presque froidement.
J'ai l'impression de lire comme une inquiétude dans ses yeux, qui ne m'intrigue pas plus que ça à ce moment-là.
Je hausse les épaules, d'un air détaché.
— Oui, je le sais.
— Donc tu prévois de le contacter pour qu'il t'aide dans tes recherches, c'est ça ?
Son ton est un peu sec, et sonne presque comme un reproche.
Je fronce les sourcils, ne comprenant pas pourquoi il sous-entend ça.
— Pourquoi je le contacterais pour qu'il m'aide dans mes recherches ?
La réponse est dans la question, en réalité. Et je ne m'en rends pas tout de suite compte. Il me faut quelques secondes pour réaliser.
Larsen secoue alors la tête, continuant de me dévisager pour analyser mes réactions.
— Tu ne sais pas qui c'est, en fait, non ?
Je m'avance alors vers Larsen, sentant comme un enthousiasme prendre part de mon corps.
— Tu viens de me dire qu'il pourrait m'aider ?
Larsen déchire brusquement l'affiche et la jette dans la corbeille sous mon bureau pliable.
— Oublie ce que je viens de dire, rétorque-t-il.
Sauf que je ne suis pas prête de le faire.
— Est-ce que tu connais ce type ?
— Pas personnellement, mais assez par tout ce que j'entends sur lui. Il n'est jamais bon de se mêler à ce genre de gars, Katherina, tu peux me croire. Il est dangereux. Il ne t'apportera que des ennuis, c'est une certitude.
Je fronce les sourcils, bien plus intriguée qu'inquiète par les mises en garde de Larsen.
— A ce point-là ?
Le jeune homme se rigidifie, faisant disparaître la peur que je pouvais lire jusque-là sur son visage.
— De toute façon, je croyais que tu voulais t'en sortir seule. Ce n'est plus d'actualité ?
Je lève les yeux au ciel.
— Si, si. Bien sûr.
— Tant mieux. Parce qu'il y a des gens qu'il ne vaut mieux pas fréquenter.
Je ne réponds pas. Larsen disparaît ensuite, j'oublie notre conversation et je prends la route jusqu'à la gare du Camp d'Otrance.
*
Direction Onéon, pour rencontrer Samael Hul, l'ancien camarde de Nikolaï, qui s'est fait virer pour des raisons mystérieuses de la Formation de la Deuxième Congrégation. Sacha Andreev a refusé de me parler. Peut-être que lui le fera ?
Selon les rumeurs, Samael aurait caché aux Formateur qu'il aurait collaboré avant la Formation avec des Sorciers rebelles d'Onéon, et se serait fait exclure pour espionnage. C'est l'information qui circule. Je ne sais pas si elle est vraie, mais de toute évidence, Samael est un personnage autant intéressant pour moi que dangereux. Mais, le rencontrer me permettra sans doutes d'avoir plus d'informations sur les mystères de la Deuxième Congrégation. Samael a dû voir des choses qu'il n'aurait pas dû. Et comme il n'a plus aucun lien avec les Formateurs ou Dimitris Silva, s'étant retiré à Onéon, il se livrera sans doute plus facilement que Sacha Andreev.
Qu'est-ce que je sais de Samael Hul après mes recherches ? Que c'est un Chevalier pugnace de l'âge de mon frère, tourmenté, issu d'un passé en lien avec de l'illégalité. Aujourd'hui, il coule des jours de débauche à Onéon, s'étant reconverti dans les tournois de combat si réputés de la ville. Il est même selon les rumeurs copropriétaires d'un des bar dans lequel se déroulent ces combats, et qu'il se serait offert après avoir fait fortune dans ce domaine. Samael est connu apparemment dans ce milieu. A moi d'en découvrir plus sur lui.
Enfin arrivée à Onéon, j'achète une carte de la ville à la gare et me dirige vers le fameux établissement. La nuit est déjà tombée sur la ville, mais le climat aride et désertique maintient une chaleur étouffante dans les rues, malgré l'absence du soleil.
C'est un vieux bâtiment tout en bois, éclairé à la lueur des lampes à huile. De la musique forte en émane. Je rentre à l'intérieur. Un ring est placé au centre de l'établissement, sur lequel deux hommes sont en train de se battre violemment, à main nues. Un comptoir propose des boissons alcoolisés sur le côté, alors que les spectateurs, ivres, acclament de manière déchaînée les deux combattants.
Je récupère la photo de Samael Hul dans ma poche et alterne mon regard entre l'un des deux hommes et cette dernière. C'est bien lui.
Samael Hul est plutôt mignon, si on lui enlève son côté de grosse brute. Il est châtain foncé, le teint hâlé et un anneau argenté à l'oreille gauche, avec des épaules larges comme trois réfrigérateurs. Je me fraie un passage entre les gens qui regardent le combat, la plupart des hommes. Je manque de me prendre des coups incontrôlés de leur part, eux qui semblent plongés dans une immense frénésie. Je veux observer le combat de plus près.
L'homme contre qui Samael combat semble de même carrure, mais plus en surpoids, ce qui lui fait perdre de la vitesse comparé à son adversaire. Samael porte un dernier coup décisif qui cloue ce dernier au sol, marquant par KO sa victoire. Acclamé par la foule, le Chevalier hurle de satisfaction, levant son point en l'air. Des filles, des serveuses je suppose, lui apportent des bouteilles d'alcool qu'il descend d'une vitesse fulgurante. L'ambiance est plus que festive, elle est frénétique. Je n'ai jamais vécu une ambiance aussi déchaînée.
Samael prend une pause et va s'assoir sur une chaise, continuant de savourer sa victoire. Entouré de son fan club, dans son propre établissement, il se gonfle d'orgueil et de prétention.
— Encore une victoire, comme c'est lassant. Il y a-t-il un autre combattant vaillant qui aurait le courage de me défier afin de changer la donne ? s'exclame-t-il à son public, avec arrogance.
— Moi.
Silence total.
La foule s'écarte alors pour me frayer un passage vers Samael et tous se tournent vers moi. Je vois sur leurs visages un étonnement certain. Je viens d'accepter le défi proposé par Samael.
Ce dernier fronce les sourcils, incrédule, se lève de sa chaise, et avance vers moi pour mieux me dévisager.
— Une femme ? Je ne combats par les femmes, de d'autant plus si elles sont jolies.
Il se met alors à ricaner, en même temps que l'entièreté de la foule.
Je retire mon blouson et m'attache les cheveux, ignorant sa remarque. Des hommes se mettent alors à me siffler.
Je me tourne de nouveau vers le Chevalier et plante un regard désinvolte dans ses yeux noisettes.
— Aurais-tu peur en réalité de te faire botter le cul par l'une d'entre elle ?
Des rires se font entendre de plus belle dans la foule, mais ce n'est pas le cas pour Samael, dont les traits du visage se durcissent.
Il s'avance davantage, se plaçant exactement juste devant moi, penchant légèrement sa tête sur le côté pour mieux me dévisager.
— Très bien. Je t'affronterai. Ça ne devrait pas prendre beaucoup de temps.
Je lui adresse alors un sourire désinvolte.
— Pimentons davantage ce moment. Celui qui gagne le duel s'octroie le droit de demander ce qu'il veut à l'autre.
Des murmures s'élève alors dans la foule. Samael semble autant surpris que les autres de ma proposition.
— Intéressant. Je n'avais encore jamais rencontré quelqu'un d'aussi masochiste, répond-il.
Je me dirige alors vers le ring, audacieusement, ignorant son regard condescendant.
— Ne perdons pas de temps. Mon programme est chargé.
Samael, avale une gorgée d'alcool avant de prendre place à son tour devant moi.
Tout est calculé. Il est déjà bien ivre, ce ne sera donc pas compliqué de le mettre à terre. D'autant plus qu'il n'a pas l'habitude de se battre contre une femme, et part avec une confiance exacerbée qui lui fera faire sans doute des erreurs de techniques. Il ne le sait pas encore, mais j'ai l'avantage que lui.
Le combat commence. Les coups s'échangent rapidement, mais les miens le sont plus que lui. L'alcool ralentit son temps de réaction et altère sa vigilance. Il a visiblement l'habitude de combattre ivre contre d'autres hommes ivres aussi. Il ne s'attendait pas à ce que je puisse avoir l'avantage.
J'ai appris à me battre auprès d'Ota. Ce fut un professeur immensément exigent, mais aussi incroyablement rigoureux et performant. Il m'a tout appris. Ses années à m'entraîner sans relâche vont enfin finir par payer.
Samael est un bon adversaire, mais il a le défaut d'être trop sûr de lui. Les coups continuent de s'échanger. Alors qu'il le retenait au début, ce n'est plus le cas depuis qu'il a compris que je pouvais mener le combat. La foule déchaînée nous acclame haut et fort, montrant sa satisfaction d'assister à un duel autant épique qu'inattendu. Je porte un coup décisif qui le fait chuter au sol. Ses épaules touches la surface du ring, ce qui signe la victoire, sous un tonnerre d'applaudissements enragés du public.
Samael se redresse, étourdi, et me fixe avec incrédulité. Puis, il se relève et, contre toute attente, attrape mon bras pour le lever, afin que les acclamations s'intensifient, reconnaissant ma victoire. Je pensais qu'il aurait montrer son insatisfaction face à cette dernière, mais au contraire, il semble vouloir partager aux autres le fait qu'il soit impressionné. Il accepte sa défaite, empreint étonnement d'un enthousiasme débordant.
— Dressez-nous une table ! Apportez lui une bouteille ! s'exclame-t-il alors.
Les serveuses exécutent son ordre et nous voilà assis l'un en face de l'autre un peu plus loin dans un cadre plus intimiste, alors que les autres fêtent cette soirée comme il se doit, de manière arrosée. Cela marque une pause dans les combats, pour le moment.
— Quel est ton nom ? finit-il par me demander, suspicieusement.
Je maintiens volontairement une aura de mystère autour de moi.
— Ça, tu l'aurais su si tu avais gagné, je lui souris alors.
Samael hausse un sourcil et plante ses yeux noisettes dans les miens.
— Tu as remporté la victoire. Alors qu'est-ce que tu attends de moi ?
J'avale alors une gorgée d'alcool avant de lui répondre.
— Que tu me parles de quelqu'un que tu as été amené à rencontrer dans le passé. Nikolaï Yakov.
Samael se plonge alors dans un silence, s'adosse davantage sur sa chaise et me dévisage avec étonnement.
— J'ai laissé derrière moi depuis bien longtemps la Deuxième Congrégation. Qu'est-ce qui peut amener une fille comme toi, ici, pour ça ?
— Le besoin de vérité.
— Toute vérité n'est pas bonne à dire, paraît-il.
Je me redresse alors et plonge mes yeux dans les siens, avec assurance et détermination.
— Je sais que tu as participé à la Formation de la Deuxième Congrégation. Tu as rencontré Nikolaï, tu as fréquenté tout un tas de gens, Dimitris Silva, les professeurs, les Formateurs... Tu as dû voir des choses, tu as dû en entendre d'autres.
— En effet, finit-il par reconnaître après un long silence.
— Les gens font tourner des rumeurs sur ton départ, comme ils en font tourner sur la mort de Nikolaï. Comment dénouer le vrai du faux ? Les Formateurs ont-ils dit la vérité ?
Samael joint ses mains, posant ses coudes sur la table pour avancer davantage son buste vers moi.
— Et quelles rumeurs dit-on sur moi, blondinette ?
— On t'accuse d'espionnage, de trahison.
Le Chevalier laisse échapper un petit soufflement, esquissant un sourire mystérieux presque amusé.
— Et, tu crois que si c'était le cas, je ne serai pas actuellement en prison ? Silva n'a jamais eu aucune preuve de ça.
Je ne sais pas s'il dit la vérité. Je décide de poursuivre.
— Ils disent que tu as fricoté contre le Gouvernement avec des Sorciers d'Onéon avant de participer à la formation.
Samael plonge avec plus d'intensité son regard perçant dans mes yeux.
— Et, tu veux savoir si c'est vrai, blondinette ?
Je laisse un petit silence avant de répondre.
— Je veux savoir ce sur quoi le gouvernement est prêt à mentir, et pourquoi.
Le Chevalier me dévisage longuement, comme s'il avait beaucoup de choses à dire mais qu'il était finalement habitué à se restreindre, avant de finalement répondre
— J'ai été en effet amené à fréquenter des Sorciers renégats il y a longtemps. J'avais besoin d'argent, j'ai fait des trucs pas très propres qu'ils m'avaient dit de faire. Mais, je me suis toujours foutu de la raison pour laquelle ils en voulaient au gouvernement. Ça ne me concernait pas. J'étais encore mineur à l'époque, un petit gars qui n'avait pas de cervelle. Puis, je me suis repenti. J'ai intégrer la Formation pour aider et servir mon pays, jamais pour lui porter atteinte. Mais, les novices de la Formation sont sans pitié. Ils cherchent sans cesse n'importe quel moyen de déligitimiser leurs adversaires. J'étais parmi les favoris des Chevaliers. Des opposants ont cherché quelque chose pour me porter atteinte, et ils ont trouvé. Silva n'a pas cherché à en savoir plus. Il n'a pas pris le risque de me garder et d'essuyer les scandales. J'ai été viré sans avoir pu m'expliquer. J'ai été accusé d'espionnage alors que mes intentions étaient tout sauf mauvaises. Ça faisait des années que je n'étais plus en contact avec les Sorciers d'Onéon.
Je croise les bras, hoche la tête attentive à tout ce qu'il me dit.
— Pourtant, tu es ici aujourd'hui. Entouré d'une montagne de types qui côtoient nuit et jour l'illégalité et qui vendraient leur propre sœur pour de l'argent.
Samael laisse échapper un ricanement rauque, qui me fait frissonner. Il porte à sa bouche sa bouteille d'alcool et avale quelques gorgées avant de répondre.
— Tu crois que j'aurais eu ma place dans la société après ça, blondinette ? J'avais à peine vingt ans, et mon image médiatique était déjà détruite. La presse relayait tout ce qu'il se passait sur le Camp d'Otrance, que ce soit vrai ou faux. Personne ne m'aurait embauché avec cette étiquette de traître. Onéon a été la seule ville dans laquelle je pouvais espérer une vie à peu près descente.
— Donc, tu t'es retiré ici.
— Je me suis reconverti dans les combats, j'ai fait fortune, j'ai trouvé un toit, et maintenant tout cela est à moi. Ma revanche a été prise, même si je ne pardonnerai jamais Silva et les siens de la manière dont ils m'ont traité. Seule leur image leur importe à ces gens-là. Si tu menaces de l'entacher, ils t'ostracisent comme il se doit.
— Est-ce que tu sais qu'ils prévoient d'ouvrir une Troisième Congrégation ?
Samael exécute un bref mouvement vertical de tête.
— J'en ai entendu parler, mais n'y porte plus aucun intérêt. Les Congrégations ne sont mises en place que pour servir l'intérêt de Silva et du Gouvernement. Pas celui du peuple. Et ceux qui participent se font entuber par peur naïveté. C'est pathétique.
Je reste concentrée sur ce qu'il me dit, ne montrant aucune émotion.
— Nikolaï s'est fait entuber ?
Silence.
Samael laisse échapper un petit ricanement amer et ravale une gorgée.
— Qu'est-ce que tu en penses, toi ? finit-il par me demander, sans répondre à ma question.
— Je pense qu'il ne s'est pas suicidé. Il a été assassiné , et le Gouvernement ainsi que les Formateurs ont caché l'affaire pour ne pas créer de scandale.
— Peut-être. Peut-être pas.
Samael reste très mystérieux. Il ne laisse rien paraître sur son visage. Je ne baisse pas les bras.
— Qu'est-ce que tu sais sur lui ?
— Pas grand chose. Je n'étais pas ami avec lui. Il n'en avait pas beaucoup, d'ailleurs.
Je fronce les sourcils, étonnée.
— Il était isolé ?
Le regard de Samael semble se perdre devant lui. Il se plonge dans ses souvenirs.
— Au début par les autres, après par lui-même. C'était un type assez bizarre. Je pense qu'il était tout simplement perdu.
Nikolaï a toujours été un garçon sociable et gentil. La bonté incarnée Pourquoi ne se serait-il pas intégrer ? Cela ne colle pas avec l'image qu'il me reste de lui. Mais, ce ne serait définitivement pas la première fois. Nikolaï était-il vraiment différent de ce qu'il laissait paraître, ou a-t-on entaché volontairement son image pour lui porter préjudice ?
— Pourquoi était-il mis à l'écart ? je demande.
— Nikolaï a été élevé par les Archers, bien qu'il était une Fée. Il n'avait donc pas les codes pour s'intégrer parmi les gens de son Ordre. Il aurait pu se lier d'amitié avec les Archers, me dirais-tu, mais ces derniers restaient très fermés aux autres, me confie-t-il.
— Il a donc été mis à distance autant par les gens de son Ordre de naissance que celui d'adoption, je murmure, pensive.
— Il a fait quelques efforts au début c'est vrai, mais voyant qu'ils ne menaient à rien, il est devenu méchant avec les autres. Il a entretenu son exclusion. Mais Nikolaï était la meilleure des Fées, doté de pouvoir absolument stupéfiants. Il maîtrisait l'élément du feu comme personne avant lui.
Je fronce de nouveau les sourcils. Les questions fusent dans mon esprit.
— Tu penses que c'est par jalousie qu'il a été potentiellement tué ?
Samael esquisse un petit sourire en coin, avant de répondre.
— Je n'ai pas dit qu'on l'avait tué.
Il souhaite décidément jouer avec le mystère. C'est marrant parce qu'il ressemble à Larsen, sur certains bords.
— Allons ! Ne me dis pas qu'il s'est suicidé comme ils le prétendent tous. C'est toi qui serait naïf, alors, je m'exclame.
Le Chevalier avale le fond d'alcool de sa bouteille, avant de me livrer son avis.
— Je pense que si on l'a tué, c'est parce qu'il faisait de l'ombre à certains. Il était extrêmement doué, et en plus de ça très proche de Dimitris Silva. Or, c'est à lui que revient le rôle de nommer les élus. Silva l'aurait de toute évidence choisi pour représenter les Fées.
Une interrogation subsiste. On n'a pas encore évoqué tous les sujets.
— Pourquoi son lien avec Silva était-il si fort ?
Samael hausse les épaules.
— Je ne sais pas. Il a sans doute été touché par son histoire. Il n'a pas eu une vie facile, tu sais : orphelin, une enfance et une adolescence passées en foyer, auprès d'un Ordre qui n'était pas le sien.
Un pincement au cœur me fait frémir. Mais, je reste stoïque, ne laissant se manifester aucune émotion.
— Certains disant qu'il était fou. Est ce que c'est vrai ?
— C'est ce qu'a relaté la presse, en effet.
— Mais, toi, est-ce que tu as observé ça ?
— Je suis parti assez rapidement après le début de la Formation. Je n'ai pas pu observer comment il a évolué ensuite. La seule chose que je pourrais te dire, c'est qu'il avait pas mal de secrets, et qu'il avait des relations un peu trop proches avec certains formateurs.
Je fronce les sourcils, surprise. Je me redresse, pleinement attentive à ce qu'il vient de sous-entendre.
— Certains formateurs ? Silva, tu veux dire ?
— Pas que.
Un air mystérieux habillé alors son visage. J'ai l'impression de déceler comme un minuscule sourire au coin de ses lèvres.
— De qui tu parles ?
— La p'tite Inna Klava. Tu veux plus d'informations sur Nikolaï Yakov ? Fouille auprès d'elle. T'auras plein de détails croustillants à découvrir, réplique-t-il en laissant échapper un ricanement qui me fait frissonner.
— Très bien. Je pense que tu m'en as déjà bien dit.
Je me lève alors et enfile mon blouson, m'apprêtant à partir.
Samael attrape alors mon bras pour m'attirer vers lui.
— Tu t'en vas déjà blondinette ? Je ne connais même pas ton petit nom.
Je secoue mon bras fermement pour le repousser.
— Si tu ne veux pas encore que je te botte le cul, ne refait pas ça.
Samael met ses mains en évidence pour me rassurer.
— Tranquille. Je ne vais pas t'agresser. Tu ne devrais pas repartir comme ça dans la nuit. Tu n'as pas l'air d'ici et les gens à Onéon ne sont pas tendre avec les filles esseulées.
— Je vais faire attention. Merci du conseil.
— Si tu repasses par ici et que tu as envie qu'on remette ce combat, passe me dire bonjour.
Je hoche la tête, le remercie et décide de mettre fin à la discussion. Il n'a donne beaucoup de piste de recherche.
Reste à savoir quelles rumeurs sont vraies et lesquelles sont fausses.