La malédiction des chats noirs

By Steredenn-dared

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Bizarre. Misanthrope. Asociale. Introvertie. Et toujours accompagnée d'un chat noir qui semble se volatiliser... More

Avant-première
PARTIE 1
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
PARTIE 2
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
PARTIE 3
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Chapitre 49
Chapitre 50
Chapitre 52
PARTIE 4
Chapitre 53
Chapitre 54
Chapitre 55
Chapitre 56
Chapitre 57
Chapitre 58
Chapitre 59

Chapitre 51

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By Steredenn-dared

Les fêtes de fin d'année approchaient. Il y avait un sapin, dans le hall d'entrée du manoir, qu'Elwina n'avait remarqué que le lendemain matin, alors qu'elle se rendait en cours. Haut en couleurs et en décorations, il avait probablement été élaboré par les enfants du quartier.

C'est seulement lorsqu'elle était arrivée devant l'arrêt de bus que l'étudiante avait reçu une notification de sa faculté, informant que de récentes manifestations avaient bloqué l'université : les cours de la journée étaient annulés. La brunette avait lâché un soupir de frustration, tout en fourrant son téléphone de sa poche. Elle n'avait aucune idée de quoi faire : les cousins de Fleuri étaient encore dans la maison, et elle n'avait pour autant aucune envie de retourner dans l'appartement d'Ascelin.

Il faisait beau. Du moins, beau pour la saison. Et elle était assez couverte pour supporter le froid hivernal.

Et cela faisait plusieurs jours qu'elle en mourrait d'envie.

C'est naturellement qu'elle avait pris son sac et fait demi-tour. Elwina avait traversé Kerdoueziou, ignorant royalement tous ceux qu'elle avait croisés sur son chemin. Au bord ouest du village, la jeune femme avait longé les sentiers creusés dans les falaises, qui lui étaient à présent familiers. Elle se souvenait très exactement où se trouvait le nid des dragons. Et elle s'y était arrêtée, regardant d'un air décidé les vagues se briser sur la roche, quelques mètres plus bas. Il y avait bien une cavité, là, immense. Assez pour faire rentrer le géant.

Enfin, la géante, plutôt. Elwina avait lu qu'il s'agissait d'une femelle, née dans les années mille-six-cent. Les deux autres, eux, étaient des mâles. Le blanc était le plus âgé de tous, et le rose pâle le plus jeune —une cinquantaine d'années. Il s'appelait Askre, c'était Roméo qui l'avait nommé ainsi. Ce qui expliquait pourquoi il restait toujours fourré contre son aînée.

Comme la dernière fois, c'était le dragon immaculé qui était arrivé le premier. L'animal avait furtivement tourné autour d'elle, tout en l'observant attentivement de ses yeux jaunes. Elwina n'avait rien dit. Elle s'était contentée de rester au bord du précipice, si près que le bout de ses pieds pendait dans le vide. Il faisait beau, mais il y avait du vent. L'écume des vagues brisées volait dans l'air, et remontait jusqu'à elle. Quelques particules d'eau venaient humidifier son visage, ses cheveux, ses vêtements.

La jeune femme baissa le regard. Là, sous elle, de la grotte taillée dans la falaise, jaillis une gigantesque patte griffue. Suivie d'une autre. Elles griffaient la pierre, y laissant d'énièmes entailles.

La géante sortait de son antre, et son effroyable tête apparut bientôt, encadrée d'ailes qui se déployèrent soudainement, aidant le gigantesque corps à se déplacer. Contrairement à ses petits congénères, qui avaient deux pattes arrière et une paire d'ailes serties de doigts crochus, la race de ce dragon-là avait également deux pattes avant.

Ses serres vinrent se planter en haut de la falaise, de part et d'autre de la jeune femme. L'immensité de ses ailes était déployée, laissant à découvert sa peau noire, recouverte d'un fin duvet.

Elwina tourna la tête sur le côté. Le dragon blanc la frôlait, ses ailes sagement repliées contre son dos. Les deux créatures s'examinèrent quelques secondes. La bête avait la bouche entrouverte, laissant entrevoir ses dents jaunies, aiguisées, et inévitablement mortelles. Le son qui sortait de sa bouche était un gargouillement aigu, et il avait approché sa tête, pour toucher délicatement la joue féminine du bout de son museau. Si la brunette avait légèrement froid jusqu'ici, le souffle du dragon sur sa peau eut don de revigorer tout son corps. Le contact n'avait duré qu'une demie seconde. Voilà que le long cou de l'animal était revenu en arrière, que son aile droite s'était déployée pour glisser dans le dos féminin, et que son corps rebondissait d'excitation sur ses pattes. Il roucoulait. La métamorphe ne comprenait pas ce qu'il disait, mais ses yeux intelligents étaient un langage suffisant. Poussée par ses bras, elle s'était rapprochée des serres du géant. L'aile était stable. Elwina marchait dessus sans aucun déséquilibre. L'ossature du dragon ressemblait aux fondations d'une statue de marbre, et avant même qu'elle ne réalise ce qui se passait, voilà qu'elle se trouvait dans la grotte.

La caverne était immense. Assez pour abriter les trois dragons, dont l'un avait la taille d'un immeuble. Elwina s'était avancée. Sa vision nocturne lui permettait de voir assez clairement. Là, tout au fond, il y avait des ossements. La jeune femme avait détourné le regard, ayant l'impression de violer un secret. Attentif, ses hôtes inspectaient le moindre de ses mouvements.

« Ils savent très exactement qui tu es. »

Les épaules d'Elwina s'affaissèrent. Là, en ces lieux, elle n'avait rien à cacher. Alors, calmement, elle avait laissé son aura apparaître à ses côtés. Aucun des dragons ne bougea. L'aura grandissait. Elwina s'assit, et posa à ses côtés son sac à dos, pour y sortir quelques crayons et une pochette de papier canson.

Elle était restée des heures, en compagnie de ces animaux fantastiques. Askre, l'enfant timide et chétif. Taerder, celui couleur neige, qui n'avait peur de rien. Diwaller, dont le souffle était tempête, les battements d'ailes destructeurs, le corps un temple.

Tout était naturel, avec eux. Comme s'ils se connaissaient depuis toujours. La jeune femme avait fini par remonter à la surface en début d'après-midi, alors que la faim commençait à être insoutenable. Etant donné qu'elle aurait dû manger au restaurant universitaire, la brunette s'était dirigée vers la boulangerie, prête à acheter le sandwich le moins cher du rayon. Elle se serait bien installée sur la plage, elle aurait mangé tranquillement, puis elle se serait rendue à la bibliothèque. C'est ce qui aurait dû se passer, dans cet ordre exact. C'est ce qui se serait passé si elle n'avait pas croisé Poséidon en chemin. A peine l'eut-il remarqué que le dieu grec avait changé de trottoir, pour la saluer.

— Elwina, l'odeur qui émane de toi est passionnante, aujourd'hui.

La jeune femme n'avait pas répondu à cette remarque, qui s'attardait davantage sur la critique qu'autre chose. Voyant la réaction de son interlocutrice, le brun avait continué :

— Tu empestes le dragon. Étrange, pour une humaine, tu ne trouves pas ?

Elwina avait cillé, légèrement, avant d'adopter ce masque impénétrable qui lui était tant familier.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— Oh, eh bien, pour commencer, si l'on déjeunait ensemble ? Il sortit de son sac deux sandwichs, dont le pain était encore chaud. C'était à croire qui avait prévu à l'avance ce qui allait arriver.

—  Quelque chose me dit que manger en ma présence, sur la plage, au milieu des odeurs de sel et de goémon, estompera cette fameuse odeur.

— Une douche suffira. Avait-elle grommelé, tout en essayant de le contourner.

— Quelque chose, encore une fois, me dit que d'insupportables louveteaux squattent ta maison.

La brunette avait lancé un regard noir au triton. Evidemment, il avait raison. Alors, d'un geste sec, elle s'était emparée d'un des deux sandwichs, qu'il tenait en main, avant de faire demi-tour. Qu'il la suive, si ça l'amusait tant. Elle, elle allait manger.

Sans grand étonnement, le garçon avait marché à sa suite, et ils étaient arrivés à la plage en quelques minutes. Elwina s'était assise dans le sable, croquant à pleines dents dans la baguette remplie de rosette et de salade. Poséidon s'était laissé choir à ses côtés. Visiblement, il n'avait pas faim, et était présent uniquement pour parler.

— Je suis le seul à savoir ?

Ne sachant pas où il voulait en venir, la brunette avait calmement déglutit, avant de reprendre une bouchée de son repas. A ses côtés, son interlocuteur continuait :

— Non, évidemment, Roméo aussi le sait. C'est lui qui te les a présentés. L'invincible ange de la mort choie trop ces bêtes pour t'en garder le secret.

— Arrête de tourner autour du pot. Avait-elle fini par le couper, sèchement. Son interlocuteur avait souri en coin.

— Roméo n'est visiblement plus le seul trésor.

Elwina avait immédiatement compris ce à quoi il faisait allusion, et ses lèvres s'étaient pincées.

— C'est une information qui vaut de l'or, ça.

C'est une information que tu vas garder pour toi. Avait-elle eu envie de répondre, sur un ton cinglant.

Poséidon avait ris. D'un rire faux, d'un rire surfait, de ce rire que les personnages arrogants ont dans les livres quand la situation tourne à leur avantage.

La jeune femme s'était contentée de passer un regard vide sur le brun, faisant jaillir de ses iris tout le dédain dont elle était capable.

— Arrête de jouer avec les gens.

Ces quelques mots, placés sèchement, avaient semblé fouetter l'air. Face à elle, d'un seul coup, Poséidon s'était figé. Un léger voile avait assombri ses yeux bleus, et sa mâchoire carrée s'était crispée. Comprenant qu'elle avait touché un point sensible, Elwina n'avait fait aucun autre commentaire. C'est le dieu grec lui-même, qui avait repris la conversation :

— Cela fait longtemps que j'ai arrêté de jouer avec les gens.

S'il considérait être sans reproches sur le sujet, Ewina louait le ciel de ne pas avoir connu le triton au zénith de sa manipulation.

— Et pourquoi donc ? N'avait-elle pu s'empêcher de répliquer, sur un ton ironique que Poséidon ne releva pas. Sa réponse se fit d'ailleurs attendre. Il avait levé les yeux vers le ciel, pour l'observer quelques instants, comme s'il y cherchait quelque chose.

— Une femme.

Deux mots. Qui n'étaient pas une réponse en soi, mais qui restaient amplement suffisants. La brunette ne savait pas que le dieu grec était en couple. Du moins, s'il l'était réellement.

— Tu as une copine ?

Si c'était le cas, leur relation changerait du tout au tout. La méfiance qu'elle avait toujours ressentie à l'égard du triton pourrait enfin s'évanouir.

— Oui. Relation à distance.

Voilà que c'était lui, qui commençait à parler en monosyllabes. La situation s'inversait, tout doucement. Mutique, le garçon avait reposé son regard sur la mer, d'un air nostalgique. Elwina, elle, songeait à toutes les légendes qu'elle avait entendu sur le dieu antique... siégeant au côté d'Amphitrite, déesse des océans ; copulant avec des dizaines de nymphes, humaines, et autres déesses ; parfois même violeur. Tout était peut-être vrai. Tout était peut-être faux. Elle n'était capable de déceler aucune vérité. Et aucun mensonge.

— Elle est où ?

La mer était calme, tout à coup. Depuis le matin même, sa surface était violentée par les bourrasques de vent. Et voilà qu'elle était devenue aussi lisse qu'un lac. Les vaguelettes qui caressaient le sable semblaient hurler des murmures à leur dieu.

— Dans le futur.

La mer était revenue à son état normal.

L'esprit d'Elwina, quant à lui, s'était agité d'une violente tempête. L'aura de son interlocuteur s'était mise à filer dans le sable.

Elle la sentait. Sa douleur.

— Tu ne savais pas qu'il existait des voyageurs du temps ? Des créatures sublimes. Elle avait fait saut involontaire en Grèce antique, il y a plus de deux mille ans. Et, en réalité, au jour d'aujourd'hui, elle n'est peut-être pas encore née.

Pleure. Pleure. Rage.

Coeur brisé.

— Comment elle s'appelle ?

Il sourit.

Faux sourire. Pleure.

— Amphitrite.

La mythologie avait fait d'elle sa femme. Une reine.

— C'est ton âme-sœur ?

— Non. J'en ai croisé plusieurs, par le passé. Mais mon caractère n'est pas de ceux qui se satisfont d'une vie conjugale avec une âme-sœur.

Il était juste amoureux. D'un amour qui demeurait depuis l'aube des temps. Ce sentiment, chez Poséidon, se rapprochait d'une certaine folie. On pouvait le voir, dans l'étincelle qui brûlait ses yeux.

— J'ai entendu beaucoup de récits sur toi.

Le dieu grec avait tourné son visage vers son interlocutrice.

— Les humains ont commencé à me vouer un culte dans les années mille-quatre-cent avant Jésus Christ. A cette époque, et durant toute l'antiquité, ceux de l'Autre Monde apparaissaient régulièrement à la vue de tous, ce qui explique leur divinisation. C'est agréable, d'être un dieu. Mais lassant d'être immortel. Il m'était coutume d'embaucher des doublures.

Captivée, Elwina ne perdait pas une miette des dires du garçon.

— Des hommes, avec des pouvoirs, un physique, et un caractère, plus ou moins proches des miens. C'était amusant, de les voir déambuler comme des coqs en rut, et se succéder au fur et à mesure des décennies en se pliant en quatre pour être mon favori. C'était des jeux intéressants, et l'échiquier était gigantesque, mais les choses dérapaient parfois. C'est l'une de mes doublures qui à merdé avec Medusa, par exemple. Aujourd'hui, les textes me comptent près de vingt conjoints, en réalité très peu ont réellement été les miens. Si je n'arrivais pas à toujours avoir la main sur mes doublures, j'ai malgré tout gardé une parfaite maîtrise des légendes m'entourant, moi comme Amphitrite.

La brunette avait terminé son repas. Et le garçon, lui, avait l'appétit coupé.

— Petit conseil, ne tombe pas amoureuse d'un immortel. Avait-il conclu, un sourire triste gravé sur les lèvres. L'étudiante avait haussé les sourcils. Ça ne risquait pas d'arriver. Elle doutait, même, pouvoir un jour éprouver ce genre de sentiments. Elle n'avait pas compris, ce qui se cachait en réalité derrière les mots du dieu grec :

Ne tombe pas amoureuse de Roméo.

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