Lundi est rapidement arrivé. Le premier jour officiel de la Formation de la Troisième Congrégation.
Le lundi, la journée est banalisée le matin pour nos cours magistraux qui s'organisent sous forme de conférence. Aujourd'hui, c'est le formateur des Chevaliers qui l'initie. Il s'appelle Adriel Blanc, est âgé d'une petite soixantaine d'année, pas très grand, grisonnant mais particulièrement bien bâti. C'est à la taille des muscles qu'on reconnaît les Chevaliers, visiblement. Il est déjà installée dans l'amphithéâtre, commençant à organiser ses affaires sur le bureau central. Sinan est plus rapide que moi, et parvient à se faufiler dans la foule. Il se dirige vers le premier rang, pour nous prendre deux places, mais au moment où il s'apprête à poser ses affaires, Taniel et ses nouveau potes Chevaliers qui font deux têtes de plus que lui et qui sont bâtis comme des armoires balancent leur sac sur les places qu'il convoitait, commençant déjà à s'installer là où on aurait dû le faire.
— Qu'est-ce t'as, morveux ? Tu vas rester planter là longtemps ? l'interpelle Taniel, en lui adressant un regard intimidant.
Sinan, seul contre une armée de Chevaliers arrogants qui ne lâcheront visiblement pas, et déterminés à lui faire payer son insolence à la soirée de samedi, lève les yeux au ciel, en grommelant.
On n'a pas le temps de réfléchir que les meilleures places sont prises d'assaut par tout le groupe de Taniel, entouré par des groupies de Fées, y compris Delilah qui s'assoit fièrement à côté de lui.
— Ça, c'est classe, j'interpelle alors le Chevalier sur son comportement.
Taniel m'accorde un regard de dédain.
— Qu'est-ce que t'as, blondasse, à faire des petits commentaires ? Ces places sont réservées pour nous.
Son petit air suffisant et son visage d'ange parfait me sont jute insupportables. Je lui adresse un sourire volontairement ironique et exagéré pour le provoquer du regard.
— Oh, vraiment ?
— C'est comme ça, et va falloir t'habituer.
Je comprends rapidement qu'il ne plaisante pas. Sous les ricanements de ses collègues, je décide de tourner les talons et d'aller m'asseoir plus haut. En temps normal je l'aurais défié davantage, mais je ne peux pas me permettre de me faire remarquer de cette manière.
Même dans l'amphithéâtre, tout semble codifier. Chaque Ordre occupe un espace qui lui est particulièrement attribué. Les Chevaliers et les Fées devant, aux meilleures places, les Sorciers davantage derrière, et enfin les Archers, là où il reste de la place. Et, on sait très bien que les étudiants ne changent pas de place au cours de l'année dans les amphithéâtres. Ils occupent tous la même, faisant comprendre à ceux qui la convoitent, que leur désir ne sera pas réalité. C'est comme ça. Alors que je sors mes affaires, j'entends siffler derrière moi comme si on venait de m'interpeller. Je me retourne.
C'est Vrenn, accompagné de Sierra et de Max, qu'on avait rencontrés à la soirée « d'intégration », qui n'était définivement qu'une soirée d'exclusion pour les Archers.
Je leur fait un signe de la main mais n'engage pas la conversation. La bande à l'air assez rebelle de ce que j'ai pu observer. Au vu de leurs idées, je leur laisse un mois maximum avant de se faire virer. Même s'ils ont raison sur beaucoup de points, il ne faut pas que les formateurs m'assimilent à eux. Ici, toute relation entreprise avec quelqu'un est à contrôler. Je dois faire très attention à l'image que je peux renvoyer. Et, il ne faut absolument que je sois catégorisée comme appartenant au groupe des rebelles. Sinon, ma couverture est fichue.
Le cours d'Adriel Blanc porte sur l'histoire des Congrégations. Je remarque déjà qu'il oriente son discours en faveur des Chevaliers. Et ce n'est pas si étonnant. D'autant plus que je semble m'apercevoir qu'il donne la parole davantage aux novices de son Ordre, n'interrogeant à aucun moment les Archers qui lèvent à la main. Il ne m'est pas plus sympathique que ça, autant que son cours est intéressant. Je reste là à prendre machinalement des notes, tout en essayant de me rappeler ce que j'ai lu sur lui à travers les lettres de Nikolaï et les articles de la presse. Ils ne disent pas grand chose de lui, à part que c'est un bon entraîneur, pertinent mais stricte. Nikolaï ne semble pas avoir entretenu de rapport particulier, d'après ses lettres, même si je garde en tête qu'il se pourrait qu'il ne m'ait pas tout raconté dedans.
Le cours s'est terminé trois heures après, et je ne me suis pas plus attardée que ça. J'ai continué à éplucher méticuleusement les articles de presse concernant la Formation de la Deuxième Congrégation.
Sacha Andreev a été l'intendant de Nikolaï. Un intendant, même s'il n'est pas professeur, occupe une place fondamentale dans la vie d'un membre de la Formation. Mais, ça n'a pas semblé être le cas pour lui. Nikolaï déplore dans ses lettres la froideur et le caractère distant du vieil homme. Il semblait trouver davantage en Dimitris Silva une figure paternelle et d'attachement. Il y a-t-il quelque chose à aller chercher cette relation quasiment inexistante entre l'intendant et Nikolaï ? Même si je reste persuadée que Silva, en tant que directeur de la Formation et de principal confident de Nikolaï, est au courant de ce qui lui est véritablement arrivé, pour le moment, je ne peux pas lui poser des questions à ce propos. C'est bien trop tôt. Mais, peut-être que trouver où habite Sacha Andreev et le rencontrer me permettra de récolter davantage d'informations à propos de qui était véritablement Nikolaï. La description que les média font de lui semble si différente de ma réalité à moi.
J'ai ainsi passé le reste de la journée à Akasas, à essayer d'interpeler les passants dans l'espoir que l'un me dise où habite l'intendant à la retraite. L'un d'eux a pu enfin me révéler qu'il coulait des jours paisibles à Usuth, un village connu pour abriter des Chevaliers, exclusivement. Quand j'aurais du temps, je m'y rendrais.
Mais, avant cela, je devais affronter le lendemain mon premier entraînement, présidée par la tant redoutée Inna Klava.
***
L'entraînement débute dans le gymnase dédié aux Archers. Un gymnase vieux et délabré qui n'a pas été visiblement entretenu depuis des années. Quelque chose me dit que les bâtiments où s'entraînent les autres ne sont pas dans un état pareil. Mais, bon. Pour vous entraîner vous n'avez pas besoin de grand chose, n'est-ce pas ? Sont quand même mis en évidence sur l'un des murs d'immenses écrans, pour le moment éteints. Pour le moment, Inna Klava n'est pas encore arrivée. Les élèves semblent anxieux face à cette première séance, attendant nerveusement en faisant les cent pas leur entraîneur.
J'ai relu les lettres de Nikolaï et quelque chose m'étonne. Il ne parle jamais d'Inna, pas une seule fois, alors que je sais qu'elle était présente quand il était à la Formation, même si elle n'était pas sa formatrice, étant donné que Nikolaï était une fée. Mais, il mentionnait pourtant dans ses écrits chacun des autres formateurs. Alors pourquoi omettre de parler d'Inna ? C'est pour cette raison que cette fille m'intrigue.
J'ai fait quelques recherches sur elle. Elle a tout juste la trentaine, issue d'un quartier populaire, mais si elle a gravi les échelons à force d'un dur travail. C'est une Archère qui frise l'excellence, l'une des meilleures. C'est de cette manière que la presse la mentionne. Elle a été d'ailleurs l'un des bras droit les plus précieux de Dimitris Silva au sein de l'armée. C'est sûrement pour cela qu'elle a acquis une certaine renommée que d'autres n'ont pas. Elle a été l'une de ses élèves les plus aguerries. Inna Klava a commencé sa carrière extrêmement jeune, et elle l'est encore, mais visiblement, ça ne l'a pas empêché d'occuper des postes prestigieux. Cette fille semble être la définition de la réussite et de la méritocratie, en dépit de ses origines.
J'ai parlé un petit peu avec les autres novices archers. Il y a une fille, Sofia, celle avec de très longs cheveux châtains et ondulés, qui a l'air sympa. Elle traîne la plupart du temps avec un petit maigrichon blond, qui porte des lunettes rondes, souvent un livre à la main, qui a l'air aussi plutôt gentil. Je crois qu'il s'appelle Joé. Mais, la plupart des élèves semblent encore réservés. Ce que Sinan n'est visiblement pas.
Inna Klava fait son entrée.
Une entrée qui ne passe définitivement pas inaperçu.
La première chose qui me vient en tête c'est qu'elle est belle est charismatique. Ses cheveux auburns mis longs, lissés à la perfection sont laissés détachés, coiffés d'une raie sur le côté. Elle porte un uniforme qui la mets bien plus en valeur que le nôtre, composé d'un blousons noir très près du corps, ainsi qu'un pantalon assorti surmonté d'une ceinture à laquelle est accroché un certain nombre d'armes et d'outils. Elle marche d'un pas assuré vers le bureau surmonté d'un ordinateur, après avoir franchi la double porte d'entrée, portant à sa main un sac contenant tout une sorte d'appareillage qui ressemble légèrement à celui qu'on nous a prêté lors de l'épreuve finale. Elle pose son sac, sans un regard ou un mot pour nous, retire son blouson dévoilant un débardeur gris foncée, épousant à la perfection son corps svelte, et commence à pianoter à son ordinateur. J'imagine déjà les garçons de la promotion se rincer l'œil sur elle. Elle jette un regard à l'écran et s'affiche à ce moment là toute une liste de nom, de photos, et scores classés.
— Votre classement actuel, basé sur votre temps à l'épreuve finale, déclare-t-elle, fixant toujours l'écran, sans nous accorder pour le moment de regard.
Je guette mon prénom, que je ne prends pas de temps à trouver. Il est tout en haut de la liste, en première position, ce qui n'est pas étonnant comme Ota m'avait fourni en avance le plan et les étapes à suivre. Avec de la triche, même si on n'est pas Archer, cela suffit à nous placer sur la première marche du podium. Sinan est juste derrière moi, en deuxième position. Il se penche vers moi pour me chuchoter à l'oreille.
— Fais attention Dossard numéro 22, si prochain classement il y a, je serai cette fois-ci devant toi. Bien loin devant toi.
Je lui rends son regard de provocation, le défiant, tout en lui adressant un sourire volontairement ironique, mais ne réplique pas.
Les jeunes Archers fixent silencieusement leur classement. Selon notre temps, un score nous a été attribué.
Inna s'assoit sur le bureau, croise ses jambes et poursuit son discours, le visage marqué par une froideur déstabilisante.
— A la fin de chaque session d'entraînement, le classement sera réactualisé selon vos performances journalières. Vous serez notés sur votre vitesse, votre endurance, votre précision au tir, votre aptitude à l'escalade. Des questions ?
Voilà une présentation bien succincte et plutôt glaçante.
Sofia lève la main timidement.
— Vos attentes ?
Inna se lève pose sa main sur son bureau pour prendre appui et dévisage la jeune fille en haussant un sourcil, comme si sa question était stupide.
— Mes attentes ? Que vous exécutiez des performances bien meilleures que celles de votre admission.
Sa réponse sèche jette un froid dans la salle. Elle a une manière si désagréable de s'adresser à nous, et c'est très déstabilisant.
Je lève la main avec audace.
— Qu'est-ce que vous entendez par « bien meilleures que celle de notre admission » ?
— J'entends par là que le niveau est dramatiquement en baisse, concernant les Archers, si l'on compare vos résultats avec ceux des deux premières congrégations.
Une question me vient en tête que je ne prends pas la peine de poser. Pour quelles raisons ? Pour quelles raisons le niveau faiblit seulement pour les Archers ? J'émets l'hypothèse du manque de moyens. Tout le monde le sais, le Gouvernement mise tous ses investissements financiers pour les autres Ordres. Les Archers ont donc beaucoup moins accès à de bonnes infrastructures pour s'entraîner. Beaucoup moins d'argent est investi dans les clubs locaux pour financer les entraînements. Mais, ça, même si c'est évident qu'elle sait, ne semble pas être un argument suffisant, au vu de la manière dont elle nous regard.
— Je me présente pour ceux qui ne me connaissent pas : Inna Klava, je serai votre formatrice concernant la Troisième Congrégation. Je vous autorise à me tutoyer. Vous êtes élèves, c'est vrai, mais vous n'êtes plus à l'école. Vous êtes des adultes autant que vos formateurs et c'est pour cette raison que je vous demande de vous comporter en tant que tel. Je demande autonomie, maturité et discernement. Le niveau attendu est haut, par conséquent, soyez à la hauteur de mes attentes.
Les élèves restent stoïques, mal à l'aise face à la présence affirmée et glaciale de leur formatrice. Les garçons qui la regardaient avec désir au début, parce que oui, il faut le reconnaître, elle est jeune et c'est une très belle femme, paraissent tout de suite moins enjoués de l'avoir en formatrice. Il est évident qu'elle va adopter une posture castratrice. Je le pressens déjà, et je ne suis pas sûre de me tromper.
Sinan lève la main.
— Est-ce que ça marche en terme d'élimination ?
— Je préciserai ces modalités à la fin de l'entraînement, lui répond Inna.
Sinan exécute un petit mouvement de tête, en s'abstenant se lever les yeux au ciel, même si je sais qu'il en a très envie. Il n'apprécie particulièrement qu'on ne réponde pas à ses questions, et encore moins ce genre de personnalité autoritaire.
Inna poursuit.
— Bien. Le programme d'aujourd'hui est chargé. Ne perdons pas plus de temps que ça.
La jeune formatrice renverse sur le bureau à côté d'elle le contenu du sac qu'elle a emmené avec elle. Elle saisit un appareillage et nous montre comment l'installer sur nous.
— Inutile de vous rappeler ce que c'est. Il calcule vos données physiologiques. La séance d'aujourd'hui est davantage pour savoir où vous en êtes à ce jour dans vos capacités physiques. Nous allons nous focaliser sur la vitesse et le tir. Pour ce qui concerne l'escalade, nous nous retrouverons lors de la prochaine séance au Mont Sud de la Chaîne de Bronze
Cette annonce jette un nouveau froid parmis les trente Archers. Le Mont Sud n'est pas forcément loin du Camp d'Otrance, c'est même la montagne la plus près d'ici, mais on doit faire toute de même une heure trente de transport pour s'y rendre. On va perdre beaucoup de temps, et quelque chose me dit que ce ne sera pas le cas pour les autres Ordres. Mais, pour sa défense, il est vrai qu'organiser des séances d'escalade ici demande de véritables infrastructures qu'ils ne peuvent sans doute payer.
Inna fait alors l'appel, enregistrant dans sa mémoire méticuleusement chacun de nos visage, et nous distribue par la même occasion un appareillage. Elle nous montre une fois (et pas deux) comment l'installer. En fait, c'est assez simple : il suffit d'accrocher le boîtier à notre ceinture puis de coller des sortes d'électrodes au niveau du cœur qu'on relie avec des fils discrets. Le boîtier fonctionne à l'aide de la magie. Il transmet également toutes nos données à l'ordinateur d'Inna. On est dès à présent surveillés de très près.
Inna ne perd pas une seconde de plus et nous fait commencer par une séance de tir sur cible simple et sur cibles animées. On a le droit à tout type d'exercices, chronométrés et de toute évidence notés sur la précision. Nos cibles sont nominatives et reliées par connexion invisible à l'appareillage high-tech, partageant à l'ordinateur d'Inna nos données en temps réel.
Cette dernière nous observe méticuleusement et avec rigidité, sans dire un mot de la séance, les lèvres pincées et le regard sévère. Une fois nos épreuves de tir terminées, nous nous lançons dans les épreuves de vitesse : endurance et vitesse maximale. Et je dois avouer que c'est mon gros point faible. Je n'ai absolument pas la même condition physique des Archers, même si je me suis entraînée dure pendant quatre ans pour l'atteindre. Alors, pour le tir, cela ne se remarque pas trop, mais pour la course, à vue d'œil, je remarque que je suis dans les derniers.
Inna continue de nos observer, les bras strictement croisé sur sa poitrine, notant scrupuleusement des choses sur son calepin. La séance semble durer une éternité tellement il y a d'épreuve différentes à passer. Au bout d'un énième exercice, Inna met fin à l'entraînement noté ,et nous demande de prendre place devant l'écran. Et là, sous nos yeux de modifie le classement initial, en ajoutant à notre score du début nos nouveaux points. Et je dois dire que c'est absolument catastrophique pour moi. Je dégringole tout le classement, me retrouvant dans les cinq dernier. Je suis 26 sur 30. Nos notes bien qu'additionnées sont quand même détaillées en deux pour nous permettre de cerner nos difficultés entre les épreuves de tir et de vitesse. Eh bien, c'est comme je l'avais prédit. Mon score au tir bien que moyen reste acceptable, mais celui d'endurance est complètement déplorable. J'ai honte à ce moment là de voir afficher aux yeux de tous mon résultat final.
Sinan passe quant à lui premier.
Je remarque qu'une ligne rouge est mise en évidence, séparant les trois premiers scores du reste des élèves.
Nous n'avons pas l'occasion de demander ce que signifie cette ligne du diable qu'Inna, qui est restée silencieuse tout le long de l'entretien tout en nous analysant de son regard sévère, la pointe du doigt.
— Voilà la ligne seuil. Le score minimal est calculé à partir des moyennes des résultats des congrégations précédentes, vous informant sur le niveau que vous devez atteindre. Si dans deux mois vous êtes encore en dessous, vous quitterez la formation.
Les élèves se figent alors, sentant leur sang se geler dans leur veine. Seuls trois Archers sont au-dessus, bien que situés très près de la limite. Pourraient-ils virer la promotion entière, si on ne parvient pas à dépasser cette ligne ? Pour ma part, l'espoir semble vain. Je suis bien trop loin du score attendu de vitesse. Mon score de tir est quant à lui perfectible, mais je vais devoir beaucoup travailler.
Sofia lève timidement la main, en quête de réponse à ses interrogations, que la plupart des élèves partagent en secret.
— Quels types d'entraînement durant ces cours prévois-tu pour nous améliorer ? ose-t-elle demander.
Inna croise les bras sur sa poitrine, lève un sourcil surprise, comme si la question de la jeune fille était idiote, la dévisageant d'un regard fortement condescendant.
Ça me fait un peu de peine pour Sofia, qui semble pourtant si gentille et mignonne.
— Des entraînements pendant ces cours ? Je crois que vous n'avez pas bien compris l'enjeu de ces deniers. Vos entraînement, vous les faites sur vos heures de libre. Elles sont dédiées pour ça. Ces cours ont uniquement pour rôle de vous tester.
Les élèves échangent alors des regards interloqués, et des murmures s'élèvent. Ils n'avaient pas prévu que cela fonctionnerait de cette manière.
Voyant que ses élèves commencent à s'éparpiller, Inna se met à siffler.
— Silence ! Ces cours sont une chance inouïe pour vous d'avoir en tête, chaque semaine, votre classement et vos scores par rapport aux attentes de la Formation. Nous recherchons de véritables Archers, pour cette Troisième Congrégation, pas des adolescents incapables. Alors, réveillez-vous, et fournissez moi du vrai travail. Parce que pour le moment, tout ce que je vois est bien en deçà de ce que j'attends.
Inna met fin au cours. Personne de toute façon n'ose remettre en question ses dires. On a compris que c'est elle qui avait notre sort entre ses mains. Si on veut réussir, il faut travailler. Mais à quel prix ?
Dimitris Silva est la cible principale de mes recherches, mais Inna en est aussi une autre. Je dois tenter d'établir un contact avec elle.
Alors qu'elle range ses affaires dans son sac à main et que les élèves sortent déjà du gymnase, je m'approche d'elle. Comme, elle ne me regarde pas, bien trop concentrée sur des affaires, je toussote pour lui signaler ma présence.
Elle lève alors les yeux vers moi, et hausse un sourcil.
— Que puis-je pour toi ? prononce-t-elle sur un air glacial.
J'essaie d'adopter la posture la plus agréable possible, lui accordant un sourire poli.
— Je voulais te demander si tu avais des conseils d'entraînement à me donner. Un rythme, planning, routine à suivre par exemple...?
— Tout cela, tu es censée déjà le savoir, à ce niveau. Je ne vais pas revenir sur des bases organisationnelles qui devraient être acquises depuis des années, tranche-t-elle sèchement.
Pas cool la nana.
Prise un peu au dépourvu par sa réponse qui n'en est définitivement pas une, j'essaie de lui montrer aucun signe de déstabilisation, préférant réagir délibérément avec naïveté.
— Je cherchais juste à confirmer si ma routine d'entraînement était la bonne.
Inna fait glisser la fermeture de son sac pour le fermer avant de le supporter à son épaule, s'apprêtant déjà à tourner les talons pour partir.
— Il y a des livres pour ça à la bibliothèque, me répond-elle sans une once d'émotion dans la voix.
Puis, après avoir prononcé le « bonne soirée » le plus froid de toute mon existence, elle disparaît, me laissant seule comme une imbécile, face à mes interrogations.
Quelle garce cette Inna Klava.
Ce sera de toute évidence bien plus compliquée de l'attendrir que Dimitris Silva.
Mais, il y'a sans doute quelque chose de dissimulé derrière sa froideur extrême.
A moi de le découvrir.