Mia
Je reste immobile pendant que Thomas palpe mon ventre et mes côtes. Gabriel est assis à côté de moi et il a l'air inquiet.
- Bon, Gabriel, lance Thomas, tu as sauvé Mia au bon moment. Un jour de plus et tu pouvais dire adieu à votre enfant.
- Ça veut dire, commençais-je, que mon bébé...
- Il est sauvé Madame. Tout va bien.
Je soupire de soulagement en entendant le verdict de Thomas. Je m'étais imaginé le pire. Gabriel prend le médecin à part mais je n'y prête pas attention. Ce matin, Gabriel m'a annoncé que nous allions déménager. Bon, il ne me l'a pas dit comme ça mais c'était ce qu'il y avait à comprendre. Après ce qui s'est passé avec les narcotrafiquants, ça ne m'étonne pas du tout que Gabriel veuille quitter Paris. Je me lève et erre dans le manoir à la recherche d'Enzia. J'ai besoin d'elle pour faire mes cartons. Je la trouve dans la salle de pause en compagnie de son équipe. Seule Chloé manque à l'appel mais ce n'est pas pour me déplaire. Au final, toute l'équipe me rejoins pour faire les cartons du déménagement. Ça fait une chose de moins à gérer pour Gabriel.
Pendant un moment, je me suis demandée si je devais mener mon projet à bien. Mais, sous les encouragements d'Enzia, j'ai finalement envoyé un courrier à mes parents pour leur annoncer l'arrivée de mon bébé. Pour le mariage, je veux bien, mais j'ose espérer que la naissance de mon enfant ne les laissera pas de marbre. Enfin bref : la lettre est postée, ils la recevront dans deux jours et advienne que pourra.
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Trois jours plus tard, une femme qu'une cinquantaine d'années frappe à la porte du manoir. Un majordome la fait entrer et patienter dans l'antichambre préparé pour les visiteurs imprévus. Le majordome se rue dans ma chambre pour me raconter ce que je viens de vous dire et me voilà en route vers l'antichambre en question. Gabriel étant occupé, le majordome à eu la bonne idée de me prévenir, moi, plutôt que de le déranger. Quand j'entre dans la pièce, je reconnais immédiatement la femme de dos, timidement assise dans un des canapés de l'antichambre.
- Madame Guyon, annonce le majordome, Madame Malatesta est ici.
Le majordome quitte la pièce à pas feutrés tandis que ma mère se tourne vers moi. Je pense qu'elle a du mal à me reconnaître. Je ne peux pas lui en vouloir : ça fait un an qu'elle ne m'a pas vue et j'ai été enlevée entre temps. En plus, elle m'a toujours connue avec des vêtements simples. Sauf que maintenant, je porte du Channel et du Gucci. Je suis maquillée aussi. C'est léger mais associé aux coiffures sophistiquées que j'ai pris l'habitude de porter, je suis méconnaissable. Ma mère est un peu désorientée de me voir. Soit elle ne me reconnait pas, soit elle est émue. Ou choquée, c'est selon.
- Madame, commence-t-elle, je voudrais savoir s'il était possible de voir ma fille, Mia.
J'en étais sure : elle ne m'a pas reconnue. Bon je ne peux pas vraiment lui en vouloir étant donné que j'ai tout fait pour ne plus ressembler à une étudiante de la FAC. Je me racle la gorge :
- C'est moi maman.
Il y a un silence. L'instant d'après, ma mère me serre dans ses bras. Ça fait tellement longtemps que je rêvais de nos retrouvailles. Je n'arrive pas à empêcher mes larmes de couler. Ma mère non plus d'ailleurs.
- Ma petite Mia, tu m'as tellement manqué !
Il ne fallait pas me virer quand je vous ai annoncé que j'allais me marier.
- Vous aussi, vous m'avez beaucoup manqué. Dis-moi maman, pourquoi tu es venu me voir ?
- Il faut une invitation pour rendre visite à sa fille maintenant ?
- Maman ! Tu aurais pu venir bien avant.
Je marque une pause en me rappelant de la lettre que je leur ai envoyée.
- Ne me dis pas que tu es venue juste parce que je suis enceinte !
Elle se tords les doigts et baisse le regard. Il y a anguille sous roche, c'est clair !
- En fait, ton père ne sait pas que je suis là.
Paaardon ?
- Je lui ai caché ta lettre, reprend-elle, il est très en colère contre toi et ton mari. J'avais peur qu'il ne le soit encore plus en apprenant que tu attends un bébé.
- Oui ben il va être encore plus en colère quand même parce que Gabriel et moi, on va déménager.
- Mais pourquoi ?
Je sens ma bonne vielle rancune remonter à la surface. Et cette fois, pas question de la refouler.
- Parce que pendant que papa et toi ruminaient vos déceptions à mon sujet, moi, je me faisais attaquer, poursuivre et kidnapper. Maintenant que tout est rentré dans l'ordre, Gabriel a bien l'intention de me mettre en sécurité ce qui, visiblement, ne vous inquiète pas le moins du monde.
Elle se tait. J'ai raison et j'ai gagné. Peu importe ce qui va suivre, ce sera en ma faveur.
- Et... vous allez vivre où ?
- A Naples. En Italie.
- Mais tu ne parles pas la langue !
- Non sono stupido mamma.
Pour les incultes, ça veut dire : « Je ne suis pas stupide maman ».
- Tu penses bien que j'ai appris la langue. C'est vrai quoi : j'en avais marre de ne rien comprendre quand Angelo et Gabriel discutaient entre eux.
Ma mère me sourit. Elle n'a évidemment pas compris ma phrase en italien mais elle a compris le principe, je pense.
- Alors fais attention à toi mon chaton.
- Promis maman.
Elle se lève, attrape son sac à main et se dirrige vers la sortie.
- Maman !
Ma mère se retourne, je la prends dans mes bras.
- Tu sais que tu fais partie de la famille maintenant. Tu le sais ça ?
La « famille » désigne les mafieux les plus proches du parrain. Actuellement, elle est composée de Gabriel, sa famille proche (dont je fais partie), de son bras droit (Angelo) et de quelques hommes de main compétents qui composent notre garde rapprochée. Mes parents sont automatiquement entrés dans la famille le jour de mon mariage. C'est comme ça que ça fonctionne. Si Angelo se marie, son épouse et ses parents entreront eux aussi dans la famille.
- Je sais Mia.
Ma mère connait ce principe. « Faire partie de la famille » signifie qu'on appartient à la mafia que ça nous plaise ou non. Du coup, mes parents sont tenus de ne rien révéler sur moi que ce soit à mes oncles et tantes, ou à qui que ce soit d'autre et aux flics encore moins. L'omerta, la loi du silence, me protégera et les protégera eux aussi.
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- Allez, courage ! On a presque fini.
Depuis une heure, Enzia, Max, X-Ray et moi nous débattons avec les cartons et le scotch pour préparer le déménagement. Il y a tellement de cartons que certaines pièces du manoir sont impossibles à traverser. Non, en vrai Gabriel et moi emportons tellement peu de choses que la seule pièce envahie par les cartons c'est notre chambre. A part les vêtements, les ordinateurs et les objets inclassables du carton « objets divers », il n'y a vraiment pas grand-chose.
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Le camion du déménagement est très petit, normal : nous n'emportons presque rien ! Angelo a insisté pour venir avec nous et les déménageurs sont en train de charger ses affaires. Gabriel et moi avons décidé de faire le voyage en train. Ce sera plus long mais je pourrais profiter du paysage. Angelo conduit la voiture qui nous mène à la gare. Dans le coffre, il y a trois valises qui devraient nous permettre de passer cinq jours sans les affaires dans le camion. Même si ce dernier est censé nous restituer nos affaires le lendemain de notre arrivée, on n'est jamais trop prudent. Mon père n'a effectivement pas bien pris la nouvelle et a envoyé un courrier salé à Gabriel qui n'y a pas répondu. Quant à ma mère, elle m'a envoyé un SMS en me rappelant d'être prudente. En ce qui concerne mes parents, je me suis souvent demandé comment ils avaient réussi à vivre ensemble aussi longtemps en n'étant jamais (ou presque) d'accord. « L'amour supporte tout » à ce qu'on dit...
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Le train démarre doucement. Angelo s'est déjà endormi. J'ai peur qu'il se mette à ronfler alors je lui donne un petit coup de pied pour qu'il se réveille. Au final, il se retrouve le nez dans un livre tellement passionnant qu'il se rendort une heure plus tard. En même temps, avec dix-sept heures de trajet, on aura que ça à faire : dormir. Le camion devrait mettre moins de temps en théorie mais comme le conducteur va devoir s'arrêter pour la nuit, il mettra plus de temps que nous, en train, pour arriver à la villa. Quand Gabriel m'a dit où nous allions vivre, je n'ai pas arrêté de lui poser des questions sur la villa. Il a fini par me sortir les plans complets de notre nouvelle maison en riant. Maintenant, je sais qu'il y a deux étages plus un toit-terrasse, une piscine, un jardin immense, deux terrasses, une tonne de couloirs et des salons de réception aussi grand que mon appartement minable du onzième arrondissement. Je devrais sans doute me balader avec les plans sous le bras pour ne pas me perdre !
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Angelo dort très mal. Je le savais déjà mais là, je le constate ! Non seulement il a le sommeil léger mais en plus il fait des cauchemars. Le pauvre.
- Gabriel, murmurais-je, promet moi de lui prévoir des séances de psy. Je déteste le voir comme ça.
- Faudra lui trouver un psy mafieux alors. Parce que les autres on va devoir, soit les kidnapper soit les réduire au silence. Je sais de quoi il rêve et je t'assure que ce n'est pas beau à voir.
- C'est une information compromettante ?
- Ouaip.
Je m'endors à mon tour en souriant. Pour la première fois de ma vie, j'imagine l'avenir. Un avenir coloré et magique. Une vie auprès des personnes auxquelles je tiens. Parfait.